Heure de réveil : 4h50 (chats)
CW : idéation suicidaire, auto-mutilation

Je fais pas d’intro, ce matin, visiblement.

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Ayé, Britney voit le bout du tunnel ! #freebritney

Non pas que je sois une fan de la première heure, loin de là, mais son histoire est quand même terrible. L’enfant star surexploitée jusqu’à l’implosion est devenue une adulte infantilisée et utilisée jusqu’à la moelle. Le fait d’avoir un de ses parents comme tuteur doit être extrêmement difficile à vivre, surtout lorsqu’on a été vendue à la télé par ce même parent.
Avec une pression pareille, comment tu veux être stable ? On s’est foutues d’elle quand elle s’est rasé le crâne mais je pense que c’était la dernière chose qui lui restait, le dernier contrôle qu’elle avait sur son corps.

Je me sens proche d’elle là dessus parce que moi aussi je me suis coupé les cheveux, enfant (vers mes 10/11 ans, je crois ?), un jour d’implosion. J’avais les cheveux très longs, j’ai fini presque rasée. C’était tout ce qui me restait pour exister, le geste a été fort et m’a aidée à me dire que j’étais en contrôle au moins un petit peu. J’avais des cheveux longs et blonds, la seule fierté qu’il me restait avec mon corps « trop gros ». Et j’ai coupé, de rage, d’injustice, un jour où la pression était trop forte. Je me suis enfermée dans un placard, j’ai fait tomber de longues mèches tout en pleurant.
J’ai gardé une coupe courte quelque temps, forcément. Depuis, je garde les cheveux longs et j’en prends soin. Ce sont MES cheveux. C’est MON corps. Il est à MOI et JE décide quoi faire de mes cheveux (aubergine en ce moment).


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Pour ça, je me sens proche moralement des personnes qui s’auto-mutilent. Je n’ai jamais trop eu le courage, j’ai tenté mais j’ai très peur du sang donc ça allait pas coller (me suis fait tatouer à la place). En revanche je peux comprendre le sentiment de détruire ce qu’il te reste. Si je détruis ce qu’il me reste, je suis en contrôle, c’est moi qui ai le pouvoir, le dernier mot sur mon intégrité physique. Et si ça se traduit par de la destruction, tant pis, c’est moi qui ai décidé et personne d’autre.

Je pense que c’est un truc important à comprendre, en tant que victime ou aidante. Les personnes qui se scarifient ou qui tentent de mettre fin à leurs jours ne le font pas « pour réclamer de l’attention », iels le font car c’est la dernière extrémité, le dernier choix la dernière liberté. J’ai souvent eu ce sentiment qu’il ne me restait plus que ça. Sans forcément passer à l’acte. Mais l’idée d’avoir cette ultime possibilité a quelque chose d’apaisant.

Je pense que le suicide a autant à voir avec le contrôle qu’avec le désespoir. Les gens qui se tuent ne sont pas forcément « tristes » ou déprimé-es, à mon avis. Iels n’ont plus le choix. La tristesse et la mélancolie sont une chose, l’impuissance en est une autre.

On s’émeut toujours, et à juste titre, des suicides d’enfants. Souvent c’est l’incompréhension : comment une personne aussi jeune peut-elle penser à ça, à un âge où tout le monde est sensé être innocent ?
Pour moi, ça a commencé jeune, avec l’arrivée de mon agresseur à la maison. Le jour où on a tous posé nos valises dans la nouvelle-maison-tous-ensemble j’avais la peur vrillée au bide. On était loin de tout, dans notre pavillon en crépi, personne ne m’entendrait crier si jamais. J’ai senti le piège se refermer tout en feintant la bonne humeur. Je ne sais pas si j’ai réussi à faire semblant de sourire, ce jour-là. J’étais juste complètement terrorisée.

Les choses se sont mal passées, l’angoisse a monté et encore monté. Personne pour m’entendre et surtout personne pour m’écouter et me croire. Que se passait-il le soir et la nuit ? Aucune idée, j’en savais rien, je comprenais rien à ce qui se passait, je savais que ça n’allait pas, mais je n’avais pas de guide de référence sur les enfances normales planqué sous le lit.


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Chaque matin, l’agonie au creux du bide, j’allais à l’école, et je savais qu’il se passait quelque chose de moche, mais j’avais pas les mots. Peut-être que ça se passait comme ça parce que c’était normal, finalement ? Et moi, je faisais ma chieuse parce que c’était pas mon père, forcément. Les enfants n’aiment pas leurs beaux-parents, c’est bien connu. On accepte mal un intrus dans nos vies, c’est de notre faute d’enfant, bien sûr (sarcasme). La jalousie, c’est ça. La jalousie. Alors que voir son parent 2 remplacé en CDI ça a de quoi filer les jetons. Le parent 2 il est « nul » mais au moins tu le connais bien.

« Tu pourrais faire des efforts, quand même, tu es odieuse avec lui »
Alors j’ai fait ce que j’ai pu, tu penses bien. J’ai enfoui tout ça dans l’anormalité légitime, je sais pas. J’étais la gosse caractérielle et odieuse, odieuse était un des qualificatifs qui m’a le plus marquée. Odieuse. Je suis odieuse, encore aujourd’hui, il semblerait.

💀 odieux, odieuse
adjectif (latin odiosus, de odium, haine)

1. Qui excite la haine, l’indignation : Un être odieux. Un meurtre odieux.
Synonymes :
abject – abominable – atroce – diabolique – ignoble – immonde – infâme – monstrueux – révoltant

2. Qui est méchant, infâme : Ce gamin est odieux.
Synonymes :
antipathique – impossible (familier) – infernal (familier) – insupportable – invivable – terrible (familier)

3. Qui déplaît, désagréable : Nous avons passé une soirée odieuse.
Synonymes :
détestable – exécrable – haïssable – minable

💀 Pas mal comme qualificatif, hein ? Le genre de trucs avec lesquels tu te sens bien et que tu trimballes en porte clé toute ta vie. Moi, c’est comme ça qu’on m’appelle encore aujourd’hui, ça va, ça change pas.

Donc essayer de résister, de rester saine d’esprit, c’était être odieuse, malpolie, tu-fais-pas-d’effort. Personne ne s’est trop demandé pourquoi ce changement de comportement. J’ai toujours été odieuse il semblerait, sinon on ne se serait pas attelé à me formater pour que je devienne gentille. Du coup j’ai une couche de culpabilité au dessus de la couche « mauvais caractère » et je suis devenue mi-tyran, mi-victime.

Je cachais ma peur derrière le seul vernis que j’avais à disposition : mon odieusité. Odieuserie. Je cachais ma peur et je m’interdisait toute saute d’humeur. Les engueulades n’étaient rien par rapport à ce que je me faisais subir une fois seule, à décortiquer toute ma journée pour prouver que j’avais été odieuse, comme prévu.

Quand on me dit, parfois, que je suis gentille, je ricane. Je ne suis pas gentille, je suis un monstre sous couverture, tout ça c’est du vent, c’est pour mieux manipuler mon entourage. Même si je suis vraiment (parfois) gentille, je me disqualifie dans la seconde : tu n’es pas gentille, tu es calculatrice, tu es un monstre.

Alors que très objectivement, je suis loin d’être le pire individu ici bas. Je pense que je suis gentille, pour de vrai, parfois. Je donne sans compter, j’essaie de prendre soin de mes proches même si je suis distante. Je sais que ce n’est pas de la manipulation : je n’y gagne pas grand chose en réalité. Mais toujours, toujours, je me traite d’hypocrite. Je ne sais plus quelle personne je suis.

Image de stockking sur Freepik

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Alors, je me suis coupé les cheveux.
J’en pouvais plus.
Il avait encore hurlé, il avait mis à terre toutes mes affaires parce que je vivais dans ce qu’il lui semblait être une porcherie. Ma chambre, mon royaume, une porcherie. Le message était clair : tu es sale, tu manges trop, tu es du bétail. D’un coup, tout a explosé derrière mes yeux. Je n’avais pas le droit d’exploser de rage, bien sûr. Alors j’ai explosé dedans et comme ce n’était pas suffisant, je me suis coupé les cheveux.

Puis, j’ai mené des doubles vies.
Une double vie d’hyperphagie avec la bouffe cachée sous mon lit.
Une double vie en fumant des cigarettes, puis des spliffs, puis…
Une double vie alcoolique précoce.
Une double vie magicienne.
Pas de double vie amoureuse, c’est trop chiant, j’ai tenté une fois c’était l’horreur.

Plein de doubles vies, des choses dont je n’ai parfois jamais parlé. Pas parce que c’était grave, juste pour le garder à moi. Mon secret.
J’ai gardé cette culture du secret, il y a des choses dont je sais que je ne parlerai jamais jamais jamais. Par principe.

Du coup je suis assez peu questionnante ou intrusive. T’as le droit d’avoir des secrets, des choses que tu es lae seule à savoir. Mon mari pourrait, lui, avoir une double vie sans que je ne l’interroge. Il sort, il sort. Il fait ce qu’il veut avec son éthique, en fait. C’est lui qui juge ce qu’il est nécessaire de dire ou pas, je ne vais pas lui soutirer des informations. Il est libre, il est adulte et j’ai confiance en lui.

Je pars du principe que PERSONNE n’est telle que je lae voit. Et bizarrement, ça m’a énormément fait bosser la tolérance. Je ne sais pas quels sont tes combats, quels sont des peines, quelle est ton humeur. Tu te caches dans doute autant que je me cache, c’est le jeu de la confiance. Je fais confiance par défaut, donc tu peux me mentir. En revanche si je sais que tu m’as menti, je te le dis et je te dis ce que ça a provoqué chez moi de le découvrir. Après, à toi de gérer ta culpabilité, j’ai déjà ma peine à calmer.

Mais, aussi…je ne sais pas quels sont tes combats et des problèmes. A moi de me montrer aussi délicate que possible, dans le doute. On ne sait jamais. Dans tous les cas, une chose est sûre, c’est que chaque personne a son trou noir dedans elle.


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Tout ça a sans doute un nom en psycho/philo/étiquo/truc, mais j’en sais rien.
Ce que je sais, c’est ce que je vis et ce que je ressens, la manière dont mes propres mensonges ont pu m’aider ou me nuire.

Oui, évidemment que j’ai déjà menti, tu rigoles ? Je suis sûre que toi aussi tu mens. C’est pas bien mais des fois on a pas le choix. J’ai menti à mon fils en disant que son grand-père, le papa de maman, n’était « pas très gentil » et habitait loin.

Je mens tous les jours quand on me demande si ça va. Oui, ça va. Je ne vais pas dire chaque matin « Nope ! Toujours malade haha ! ». J’ai tenté un jour de raconter ce qui se passait en moi durant une de mes crises. Je me suis relue ensuite, je me suis fait peur et j’ai compris la peur chez les personnes qui ont reçu le message. Alors j’ai décidé de ne plus partager ça. Officiellement, tout va bien. Mes monstres sont trop gros pour le monde extérieur, alors ils restent dans mon trou noir à moi.

J’ai surtout menti par omission, je n’ai pas dit plein de choses, dont des choses que j’aurais pu dire mais qui m’auraient beaucoup coûté. Je suis non seulement odieuse mais aussi une lâche, tavu ? Rien à sauver 😈

Ça a quelque chose d’effroyablement meta que de se rendre compte qu’on ne voit qu’une toute petite partie de nos proches. On voit la partie émergée de l’iceberg, et encore. Là dessous se planquent tous les mécanismes de pensée, les schémas toxiques, les habitudes, les traumas, les souvenirs coupables…chez des personnes en qui on a confiance, avec lesquelles on partage nos vies chaque jour.

Alors toi tu fais avec l’ignorance, tu acceptes que l’autre reste autre.
Ou tu as envie de savoir. Ce qui est compréhensible mais rapidement intrusif. Si iel ne veut pas te parler, iel en a le droit.

Du coup, éviter de juger devient important. On ne sait pas ce qui pousse les gens à agir de manière parfois antisociale et pas très cool. Ce n’est pas une plaidoirie pour l’innocence ou quoi, plein de gens traumatisés ne deviennent pas dangereux et j’ai pas envie de justifier des criminels. Parce qu’on a un filtre, quand même, normalement, qui nous empêche de passer à l’acte. Autant je suis (faussement haha) gentille avec beaucoup de monde, autant les mecs qui justifient leurs passages à l’acte par une enfance difficile j’ai envie de les défoncer à l’aide de cette affreuse statuette bleue de chien moche qui orne mon étagère.

Juste…quand une personne te semble odieuse, elle est peut-être en plein marasme existentiel et a besoin d’une bouée de sauvetage au lieu d’un parpaing dans la gueule. Elle ne le mérite pas forcément, après c’est à toi de voir ce que tu en fais. Tout le monde ne mérite pas ta compassion, loin de là. Et si tu le sens pas, c’est que c’est probablement pas bon. Tu as le droit de suspendre ton jugement. Zéro injonction ici, trop de cas de figures.


🐶🐶🐶

Pour en revenir à nos enfants stars massacrées par le monde…

Je pense à l’épisode de South Park avec Britney Spears, « Le Nouveau Look de Britney » (S12 ep.12) que je ne te conseille pas forcément de regarder, parce qu’il est super gore et dérangeant. Je note juste qu’en 2008 l’exploitation de Britney était déjà pointée du doigt. Absolument strictement rien ne s’est passé depuis, mais ils ont dû ramasser l’oseille avec cet épisode qui pourtant dénonce l’exploitation d’une icône… 🙄

Chez Nickelodeon, on a embauché un prédateur de jeunes filles, Dan Schneider, qu’on a remercié avec de la thune lorsqu’on a été obligés de le licencier parce que les histoires avaient fuité.
Excellente vidéo en anglais sur le sujet :

John Kricfalusi, créateur de Ren & Stimpy a lui aussi eu son callout en règle.

Perso, depuis un moment, quand je vois des hommes adultes évoluer dans les productions pour enfants, j’ai le mot « violeur » qui clignote devant mes yeux. C’est idiot car ça perpétue l’idée des hommes qui travaillent avec des enfants comme des prédateurs potentiels, mais je ne sais pas fonctionner autrement. Il faut qu’ils me prouvent que je peux faire confiance.

Comme les coachs des gymnastes.
Autre scandale de l’exploitation du corps des enfants, ça, la gymnastique…

Il est donc normal (non) que le corps des jeunes filles soit hypersexualisé et exploité jusqu’à la mort. On a fait chanter à Britney des trucs tellement « sexy » alors qu’elle était à peine pubère… Puis ça ne nous a pas choquées, ou si peu. La fiche française de Dan Schneider sur Wikipedia ne fait même pas mention des allégations de viols, tu vois. C’est négligeable pour eux.

C’est normal, ça a toujours été comme ça, voyons. Par contre, que Britney se rase le crâne et elle est TOTALEMENT FOLLE. La meuf arrive à s’extraire de toute une vie de servitude pour juste repartir sous tutelle. Parce qu’une femme qui [insérer truc random ici] est FOLLE et il faut la protéger d’elle-même. Si elle était si équilibrée que ça, elle ne se comporterait pas de la sorte. Autant donner les rênes (c’est bien de ça dont il s’agit, d’une pouliche) à la personne qui l’a vendue. Au moins, on est sûres qu’il a la tête sur les épaules, vu qu’il a fait une si belle opération financière avec sa fille !

La même vieille histoire, racontée encore, encore et encore. Femmes sous tutelles sans voix ni loi.


🐹🐹🐹

Britney,
J’aime pas ta musique, même Toxic.
Je ne supporte que la reprise de Children of Bodom de « [Hit me] baby one more time » (« Bébé, frappe moi encore une fois », elle avait 16 ans quand elle a chanté ça).

Mais je ressens beaucoup de sympathie envers ta personne et pas juste pour cette histoire de cheveux.
J’espère que tu seras bientôt libre, et pour toujours. Que tu auras tes enfants, que tu vivras ta vie, que tu profiteras de ton argent, aussi.

Je ressens la défection du paternel (qui a renoncé à la tutelle donc) comme une belle victoire, et pas que pour toi. Tu as été une icône jeunesse qui avait pris un gros coup de WTF que je n’avais pas compris à l’époque. Tu es devenue une adulte que j’espère vraiment libre.

Bisou ♥


🦁🦁🦁

Aujourd’hui, je sais me couper les cheveux seule. De manière correcte, sans tout défoncer. Dans les années 90 on avait pas de tutos coiffure sur Youtube, si j’avais su, je me serais fait un carré plongeant à la Karen, ça aurait mieux repoussé.

J’espère juste ne jamais être mise sous tutelle.