Partie 2 sur 6 dans la série Elle doit être folle - Jennifer L. Reimer


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Heure de réveil : 6h30 (chats)

Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais je dors bien. Je suis reposée et tout. Wow. NEUF (9) HEURES DE SOMMEIL 😱

Cette grippe a reset un certain nombre de choses, je crois. Je me sens différente, mais c’est qu’une grippe, mais elle a été extrêmement violente et les suites aussi. Je ne sais pas, c’est chelou. Et comme JE suis chelou, bah je sais pas. Bref. Parlons des folles comme moi 😅

Hier on a vu que la folie, finalement, c’est l’affaire de gens qui vont dire que ton comportement est déviant, et qu’on cherche à contrôler la déviance en la médicalisant. Je ne sais pas encore ce qu’aujourd’hui nous réserve, mais, hey, go with the flow, meuf !

Clique pour lire tout ça, les citations avec 🐦 proviennent du texte

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L’autrice fait un petit détour par le néolibéralisme et l’individualisme, on a déjà abordé ces notions de rendement et de travail forcé du cerveau pour être encore plus productif-ve mais si t’étais pas là, en gros, on fait peser sur l’individu la responsabilité totale de son échec ou de sa réussite (méritocratie). Rien à voir avec les inégalités sociales, on naît toustes avec les mêmes cartes en main, c’est bien connu (…) et si d’autres ont réussi, bah tu prends sur toi et tu produis, feignasse !

Se trouver une maladie mentale donne une carte pour justifier ce manque de productivité lorsqu’on est acculée et sans réponse face à la violence capitalisme. Ça permet d’envisager de guérir enfin pour retourner taffer. A aucun moment on se dit que c’est ce système de merde, là, qui nous pourrit tout. Non. Le système s’auto-régule. Nan, c’est vrai, il s’auto-régule. Il s’auto-régule comme un connard et si t’es pas dedans tu crèves, mais c’est une forme d’auto-régulation, non ? Pis au pire t’as la main invisible du marché de Noël qui agit pour faire le Bien. Ces mecs nous disent qu’on est taré-es pour croire en autre chose, mais mate la gueule de leur Père Noël Magique, sans déconner.

Va bien te faire foutre, Adam Smith.

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🐦 »Trull et Widiger, simplifiant la conceptualisation verbeuse du DSM, définissent les troubles de la personnalité comme des «manifestations pathologiques de traits de personnalité normaux» (Trull et Widiger 2003:149). C’est le privilège de l’institution psy que de déterminer lorsqu’un «trait de personnalité normal» a en quelque sorte franchi une ligne et est entré dans le domaine de la «pathologie». Le DSM utilise le descriptif vague et hautement interprétatif de «inapproprié et intense» pour les critères des trois troubles de la personnalité connus pour être «féminins» (AAP 1980, 1994). »

On est trop intenses.

Et je pense à cette scène déjà évoquée avec les flics qui souhaitent bonne chance au mec qui m’a déboîté la face parce que je ne faisais pas sérieuse, vu que je hurlais et tout ça.

Hystérie. Bonne chance, monsieur.

En l’état, je me serais présentée aux urgences psychiatriques, on m’aurait gardée alors que mon comportement était une réaction à une agression très grave. Mon ex, par contre, avait le droit d’être jaloux à en crever et violent. En tant qu’agresseur, il n’avait pas de difficulté à reprendre visage humain pour justifier ses actes. Mais sincèrement, je ne sais toujours pas lequel était le plus fou de nous deux.

« Mais les troubles doivent durer avec le temps, tu ne parles que d’un événement ponctuel, là ». C’est exact. Est-ce que tu crois vraiment que les victimes de violences conjugales ne le sont que le mardi entre 14 et 16h ? Voilà.

Une femme peut être rendue dépendante par son partenaire et montrer exactement tous les signes d’un trouble de la personnalité dépendante (TPD). Si on ne connaît pas le tableau dans son ensemble, elle sera diagnostiquée, ma fille. Alors que le seul remède est de lourder ce connard, on va la médiquer, lui filer des sédatifs pour la calmer. Et comme le partenaire, lui, est en position de force jubilatoire, il semblera absolument normal à un psy alors que c’est un enfoiré manipulateur.

Le contexte. Le contexte c’est important mais on dirait que tout le monde s’en fout.

Image par Josh Clifford de Pixabay

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🐦 « Le trouble le plus couramment diagnostiqué, culturellement reconnu, et de plus en plus controversé, le TPB, a été développé à partir de concepts très différents de ceux qui le définissent aujourd’hui. Le terme «borderline» [en anglais « borderline » est synonyme de «frontière», et peut également se trouver traduit par «état limite» en français] a été employé pour la première fois par Adolf Stern en 1938 pour décrire des patient·es qui étaient plus malades que des «névrosé·es», mais pas aussi malades que des «psychotiques» (Shaw and Proctor 2005:486). La «limite» en question était celle entre l’agitation et la schizophrénie, et «borderline» devint effectivement un terme populaire pour faire référence à des patient·es qui semblaient présenter une forme plus «légère» de schizophrénie – le comportement genré n’étant pas significatif sous cet usage du terme «borderline». »

Et puis un mec a repris le concept en le genrant et en prenant un « maternage inadéquat » comme cause principale. T’es folle,  oui, mais parce que ta mère l’était aussi. On reste entre femmes, tu vois ?

🐦 « Une recherche récente sur le TPH, qui anticipait la sortie du DSM-IV en 2012, réalisée par les psychologues Baglov, Fowler, et Lilienfeld introduisait le trouble en offrant un stéréotype particulièrement éhonté pour conceptualiser la condition, demandant à ce que l’on «considère la nature de personnages superficiellement dramatiques, manipulateurices, et en demande d’attention constante tels que Blanche DuBois dans la pièce de Tennessee William «Un tramway nommé désir» » (Blagov et al. 2007:203). »

Si tu ne connais pas l’histoire de « Un tramway nommé désir », en gros, c’est une femme déchue, qui a perdu son statut, sa fortune, et qui échoue chez sa sœur dans un appartement microscopique. Elle joue encore le jeu de la femme fatale à qui tout réussit, au bluff, et qui s’effondre petit à petit, méthodiquement. Elle est somptueuse, elle est passionnée, elle est too much, elle doit être punie et elle le sera.

Et elle a donc inspiré des psychiatres pour le trouble de la personnalité histrionique. J’ai du mal à avoir une réponse à ça. Mais si Blanche a un TPH, quid du personnage de Stanley en ouvrier violent ? Nope, rien à voir, ici. On parle de meufs bizarres, pas d’hommes « malades ». Stanley va très bien et ne présente bien sûr aucun signe d’une quelconque pathologie mentale. C’est normal de cogner.

Avec le TPH, on est dans l’hystérie 2.0. Trop intense, et forcément, forcément sexuel. Désirs contrariés. Dramatique. Théâtral.

Drama queen ? Oh ouais, drama queen as fuck.

💐💐💐

La publication date un peu, alors on va repartir sur le DSM-V revu corrigé et mis à jour. On va regarder les traits qui sont des critères diagnostiques et faire les gros yeux. On y va ?

Trouble de la personnalité histrionique (faut en cocher 5) :

🌸 Elle [note le féminin] est mal à l’aise dans des situations où elle n’est pas le centre de l’attention.
🌸 L’interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction inadapté, ou d’attitude provocante.
🌸 Ses émotions changent rapidement, donnant une impression de superficialité.
🌸 Elle utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l’attention.
🌸 Sa manière de parler est extrêmement vague et manque de détails.
🌸 Elle exprime ses émotions de façon exagérée, théâtrale, et extravagante.
🌸 Elle est facilement influencée par les autres ou par les circonstances.
🌸 Elle considère que ses relations sont plus intimes qu’elles ne le sont vraiment.

🙄 Est-ce que je peux citer 5 personnes de mon entourage qui montrent certains de ces signes ? ABSOLUMENT. Et toi ?

Trouble de la personnalité limite (borderline) (pick 5) :

🌼 Des efforts désespérés pour éviter l’abandon (réel ou imaginaire)
🌼 Des relations intenses instables qui alternent entre idéalisation et dévalorisation de l’autre
🌼 Une image et un sens de soi instables
🌼 Une impulsivité dans ≥ 2 domaines qui pourraient être autolésionnels (p. ex., rapports sexuels non protégés, frénésie alimentaire, conduite imprudente)
🌼 Un comportement, des gestes et/ou des menaces suicidaires ou d’ auto-mutilation répétés
🌼 Des sautes rapides d’humeur, qui durent généralement quelques heures et rarement plus de quelques jours
🌼 Sentiments persistants de vide
🌼 Une colère intense inappropriée ou des difficultés à contrôler la colère
🌼 Des pensées paranoïdes temporaires ou des symptômes dissociatifs graves déclenchés par le stress

😱 Je veux pas m’inquiéter mais je suis folle. Ah oui. Merde. Non, attends, c’est pas « borderline » c’est « bipolaire », on a eu chaud les enfants !

Trouble de la personnalité dépendante (toujours 5) :

🌺 Une difficulté à prendre des décisions quotidiennes sans une quantité inusitée de conseils et de réassurance de la part d’autres personnes
🌺 Un besoin de laisser les autres être responsables des aspects les plus importants de leur vie
🌺 Une difficulté à exprimer un désaccord avec les autres par crainte de perdre leur soutien ou leur approbation
🌺 Une difficulté à commencer des projets de leur propre initiative parce qu’ils ne sont pas confiants dans leur jugement et/ou aptitudes (non parce qu’ils manquent de motivation ou d’énergie)
🌺 Une volonté d’aller très loin (p. ex., faire des tâches désagréables) pour obtenir le soutien des autres
🌺 Un sentiment de malaise ou d’impuissance quand ils sont seuls car ils craignent de ne pas être en mesure de s’occuper d’eux-mêmes
🌺 Un besoin urgent d’établir une nouvelle relation avec une personne qui fournira des soins et un soutien lorsqu’une relation prendra fin
🌺 Une préoccupation irréaliste et la crainte d’être livrés à eux-mêmes pour s’occuper d’eux

😕 Celui-là me brise le cœur. Combien de femmes sont rendues dépendantes par une insécurité affective provoquée par lae partenaire ? La dépendance des femmes est SOUHAITABLE par le système, donc on a un créneau de 18 mm environ pour s’exprimer.

🦖🦖🦖

Je viens de passer 2mn les yeux dans le vague à penser à tout ça, mais je suis folle, aussi.

En relisant, relisant, je me rends compte que plusieurs femmes de mon entourage cochent pas mal de cases sans être pathologisées pour autant. Est-ce que toutes les « drama queens » sont en réalité atteintes de trouble de la personnalité histrionique ? Est-ce que quand je vais chercher mon fils avec mon make-up rose vif je rentre dans la catégorie ? Est-ce que ma passion pour le tatouage est problématique ? Ou alors est-ce que je vie ma vie comme je l’entends ? C’est facile de me trouver 5 points sur le TPB et le TPH, en fait. Alors que je suis atteinte de troubles bipolaires et que j’ai une personnalité. On fait comment ?

Par ailleurs, on voit nettement l’aspect genré des points susmentionnés. Je ne dis pas que 100% des diags concernent des femmes, non, je connais aussi des hommes qui passeraient pour des histrioniques, des dépendants, des borderline. Mais pour moi, c’est assez nettement déséquilibré.

On a aussi les fameux « appels à l’aide suicidaires » où on prend un tube de Lexo et on appelle ses potes. Une amorce de suicide c’est JAMAIS anodin, même si la personne a « tendance à… », le terme d’appel à l’aide tue des gens, en fait. Oui, même si elle a pris toute la boîte d’Exomuc et de Doliprane (il faut 8 à 10g de Doliprane pour bien s’endommager). Et dans tous les cas, si on en vient à penser à se tuer, c’est dangereux, il ne faut jamais sous-estimer ces intentions et tentatives.

Mais là on est dans le drama queenisme hein ? Hein ?

Et puis l’hyper-sexualité, alors ? Merde, trop de potes dans le scope, j’appelle les urgences ? Meuf, si t’aimes ça, c’est bien, c’est voulu, mais si t’aimes TROP ça, t’es cinglée. Les hommes, eux, peuvent avoir un « appétit insatiable », c’est absolument normal. Ils sont peut-être dépendants sexuels mais c’est pas vraiment une pathologie, hein ? (oui tout ça = sarcasme)

Beaucoup de ces troubles se recoupent, notamment le TPB et la bipolarité. Toute la déviance du monde est histrionique : tu parles trop fort, tu en fais trop, trop de flamboyance, trop de liberté, trop de déviance, faut vous calmer ma petite dame !

Merde, en fait je suis entourée de folles. Je sais pas comment je vais leur annoncer… 😬

« Meuf, en fait, t’es pas travailleuse du sexe, tu as une personnalité histrionique »

Je sais pas où on est, sur l’échelle de l’hypersexualisation, chuis paumée.

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La question que je me pose, là, c’est celle de l’indésirabilité de ces traits. Ok, le drama perpétuel, ça me fatigue, ça me pète les gonades, mais est-ce moi ou elle, le problème ? Après tout, j’adore être tranquille et seule, je peux ne pas parler pendant des jours, si ça se trouve j’ai un trouble de la personnalité évitante ? Elle ou moi ?

Si tu veux mon avis d’admin fonctionnelle biclassée gestionnaire administrative, tout ça est assez problématique.

Déjà, le genrage. On sait qu’on vit dans une sociétay, un système qui ENCOURAGE certains traits tout en les punissant : hyper-sexualité (sauf quand tu vends des yaourts avec des meufs à poil), recherche d’attention (quand tu es youtubeur, ça passe), dépendance à l’autre (on nous apprend à être en couple monogame exclusivement, sinon la mort), timidité, besoin d’être entourées…

Comment tu veux pas être barge avec ce type de double injonction ?

On organise d’un côté ce qu’on reproche de l’autre.

Non, c’est une vraie question, c’est pour une amie. Ou plusieurs 😅

De toutes façons, c’est aussi la faute à ta reum. Elle a été trop aimante, pas assez aimante, trop proche, trop lointaine, contrôlante, laxiste, t’es dans la liste. Si t’es daronne, t’as infligé des pathologies à tes gosses. Rien à voir avec le fait que les mères sont les principales figures d’attachement. Rien à voir avec les abandons paternels. Regarde, mon père nous a abandonnés, je vais parfaitement bien ! Et si j’ai été agressée enfant, ce n’est pas du tout parce que l’agresseur avait réussi à manipuler ma mère, non. C’est ELLE qui n’a pas su voir ce qui était habilement dissimulé. Ou comment dédouaner les agresseurs. T’avais qu’à pas laisser ta fille à disposition, marâtre !

Statue du cimetière de Staglieno à Gênes (Italie).

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🐦 « La comorbidité, la co-occurence statistiquement significative d’un trouble avec un autre est plus une règle qu’une exception dans le DSM, et à la suite de son argumentaire des critères de chaque troubles, on trouve une liste des autres troubles qui l’accompagnent fréquemment. Un certain nombre d’études conduites dans les années 1980 démontraient une comorbidité significative entre les trois troubles de la personnalité «féminins». »

Sans déconner ? Être une femme c’est être pathologisée de base, tu me diras. Tout pour préserver l’hégémonie masculine cis-blanche, jusqu’au fabuleux « Syndrome Méditerranéen » qui pénalise les femmes racisées qui ont mal, car « elles parlent plus fort, elles en font des caisses ».

Il est nécessaire pour le patriarcat de se doter d’outils qui permettront de perpétuer la domination. La psychiatrie en fait hélas partie, qu’elle le veuille ou non. Devant un tribunal, une femme trop maquillée qui témoigne d’un viol sera jugée négativement. Puis elle fabule peut-être, on sait jamais vraiment avec ces machins là. La parole est automatiquement remise en doute, car on connaît beauuuuuuuucoup trop d’affabulatrices. C’est clair que les conséquences d’une fausse dénonciation, ça vaut tellement le coup… On va pas refaire le match.

Image par Kleiton Santos de Pixabay

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On s’arrête ici pour le moment, parce qu’on attaque le « et les hommes ? » et que ça va nécessiter pas mal de mots. Mais sache que le trouble de la personnalité antisociale est essentiellement masculin, oui oui. Et faut pas que je reparte maintenant sur les edgelords et la glorification des actions anti-sociales (personnage du Joker) sinon je suis encore là dem…merde oui je serai là demain. Bon ben à demain ! 😄

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