Heures de réveil, : 3h32, 4h45, 5h05 (ankylose)
CW : mention de serpents

J’ai un peu picolé et j’ai plus l’habitude. En tout cas, mon cher et tendre est un allié de type Paladin Vindicte et j’ai accompli mon rôle de support et buff en répondant un peu et surtout en imprimant (recto-verso, trombonés car je n’ai plus d’agrafe et dans une belle pochette à fleurs) deux PDF sur le racisme provenant de sources plutôt fiables genre rapport CNCDH et Parlement Européen pour parler racisme systémique au lieu de s’arrêter à un exemple genre “Mais Pelé il était noir et il a réussi” ou “Mais moi je ne vois pas les couleurs”.

A L’ANNÉE PROCHAINE !!!

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Bon, voilà, ça c’est fait, il me reste un an pour le Nobel de Littérature et je vais commencer par parler serpents. Je n’illustrerai PAS avec des serpents, mais l’histoire est vraiment WTF.

Le 15 août 1953, à Springfield, Missouri, un résident appelle le 911 car il a trouvé (et tué)  un serpent dans son jardin. Alors c’est pas sympa, je le concède, mais l’animal n’était pas les petites vipères locales, non. Cet homme sans cœur avait tué un cobra. Je suis bien contente de ne pas avoir de jardin, pour le coup, j’aurais sans doute laissé filer le monstre.

Les représentants de l’Autorité savent où aller identifier l’animal : le magasin d’animaux exotiques situé à un jet de pierre de la maison. Le propriétaire du magasin, Reo Mowrer, du haut de sa connaissance reptilienne, annonce que noooon ce n’est pas du tout un cobra, mais un serpent un peu défectueux, en se défendant de tout lien avec l’animal.

Juste…le lendemain, un article paraît dans la presse : un homme surnommé “Rattlesnake James” aurait tué plusieurs de ses épouses en tentant d’utiliser des serpents à sonnette. L’affaire a été pliée en 1936, l’auteur pendu en 1942 mais les true crimes faisaient déjà partie des secteurs bien bien rentables de la presse, alors…coïncidence.

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Coïncidence, ok, mais début de grattage de tête : on trouve un serpent dans la ville, on lit qu’un type s’est servi de serpents pour tenter de tuer des personnes, peu importe si ça date des années 30 et que le coupable ait été pendu depuis, on ouvre le biais qui fait qu’on voit des coïncidences et des reptiles partout.

D’autant plus que, la semaine suivante, un deuxième serpent bizarre est tué non loin de là. Ce coup-ci, la police fait son travail et fait expertiser l’animal : c’est bien un cobra, mais dont on a enlevé les crocs pour le domestiquer. Reo Mower, le Tiger King des Cobras, avoue qu’il en a, mais qu’aucun ne s’est échappé, on les a bien comptés et tout, nan nan, tout va bien, c’est pas moi.

Oui, mais au même moment, on accueille un nouveau “city manager”, peu importe ce que ça veut dire, le principal est qu’il a été élu et qu’il fait comme tous les autres avant lui : il promet des trucs. Cette ville ne sera pas celle des serpents, oh que non ! Une nouvelle vibe flotte sur la ville et il n’y aura pas de serpent. Les grands moyens sont déployés et on réclame la fermeture de la maléfique boutique d’animaux non conventionnels qui avait déjà laissé échapper deux singes et un iguane dans les rues. Le tout est alimenté par la presse qui le cite nommément comme très probable coupable de ce lâcher d’animaux sauvages.

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Alors moi, j’ai une question.

Un cobra, si ça se vend, c’est que ça vaut de l’argent. Si la boutique fonctionne depuis des années, c’est qu’elle est rentable, alors pourquoi relâcher volontairement des cobras dans la nature ?

🤔 Ok, c’est sûr que c’est lui qui les a laissés s’échapper, c’est le seul à pouvoir récupérer ce genre de bestiau, le premier serpent a été trouvé près du magasin…mais dans tous les cas, on s’en cogne, vu qu’il est obligé de déplacer son stock de serpent “le plus loin possible”. La formulation vague lui permet de les déplacer pas si loin mais techniquement loin, sauf que la nouvelle localisation des serpents fuite via la presse, et les gens re-gueulent. Toujours est-il que l’opération est tout sauf rentable, pour lui. Quel intérêt ?

Les gens ont pas fini de gueuler : un troisième cobra est tué (…), un autre fait l’objet d’un appel à la police mais réussit à s’échapper, un autre est encore tué (oui je suis du côté des serpents), la psychose s’installe et tout le monde voit des cobras partout. Une corde à sauter abandonnée dans un jardin ? Un tuyau d’arrosage ? Une branche ? Le sifflement du vent ? Des cobras. Des cobras PARTOUT on a dit.

Lors de son investiture, le nouveau maire/city manager parle évidemment serpents et jure solennellement des trucs et des machins.

Mais deux jours plus tard, un autre cobra est repéré, juste derrière la boutique, par une fillette de 6 ans, malgré la toute puissance du maire Machin, on est pas sorti-es des ronces. Vraiment pas de bol, si y’a un truc qui trigger tout le monde, c’est bien les gosses et leur sécurité (à l’extérieur de la maison et de l’autorité parentale, j’entends, sinon tu fais ce que tu veux, tu peux être la pire des ordures tant qu’aucun serpent n’est impliqué).

On passe de la psychose à l’hystérie collective comme si on était dans un mauvais soap opera psychiatrique.

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Lors du serpent suivant, Reo Mowrer tente de dissimuler les preuves en chopant le bestiau et en disant que non non, c’est pas lui, adressez-vous à mon avocat. Le lendemain, on incrémente le comptage lors de la découverte d’un autre reptile démoniaque. C’en est assez, le maire ordonne l’inspection de l’animalerie (il était temps), tandis que Reo Mowrer tente de vendre des serpents dans une ville voisine, profitant du passage d’un cirque. Genre aucun scrupule et la “bonne foi” chevillée au corps, le mec.

Ouais, sauf que l’inspection de sa boutique a révélé des conditions de détention monstrueuses ET l’ancienne possession de 12 cobras. Qui se seraient enfuis car la boîte est vide. Ça laisse encore un nombre de serpents beaucoup trop élevé dans la ville. On en a exterminé plus ou moins la moitié.

Alors, la situation part TOTALEMENT en vrille. On brûle les herbes hautes, on fait des raids afin de tuer chaque reptile présent dans la ville et alentours, la police est submergée d’appels, l’histoire est connue hors de la ville, la presse s’emballe et Reo Mowrer fait de la provoc en disant qu’il s’occuperait lui-même des serpents restants, juré, promis, chuis sympa même si je gardais mes animaux dans un endroit insalubre. Ouais chuis toujours du côté des serpents.

Lors d’une tentative de capture, un serpent s’enfuit sous une maison, la police sort les gaz et les armes à feu, la pauvre bête se prendra 6 balles dans le buffet. Le calme, la rationalité, le sens de la mesure, tout ceci est mort comme le cobra.

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Les gens, à force de foutre le feu partout, foutent le feu partout, et de la panique s’ajoute à la panique. Des marchands de serpents s’indignent et parlent de leur propre respectabilité qui s’en va en fumée elle aussi, le maire en a raz le cul alors qu’il est là depuis 3 semaines, en plus ces sales jeunes se moquent et commettent des graffiti de serpents partout.

Rien ne se passe pendant un moment, jusqu’à ce qu’un énième cobra soit tué par des chiens. C’est bel et bien un cobra du type de ceux qu’on recherche, le vent qui s’était calmé souffle de plus belle. Un camion muni de haut-parleurs diffusant de la “musique indienne de charmeur de serpent” se balade en ville, espérant refaire le coup du joueur de flûte de Hamelin, sauf qu’on ne mange pas les enfants à la fin. Je crois. Evidemment, ça ne fonctionne pas car les cobras n’aiment pas la musique (ou alors c’est parce qu’ils fonctionnent avec les vibrations et entendent super mal les ondes sonores).

…et un autre cobra est trouvé.

A peu près dans le même temps, un chauffard est arrêté pour avoir trop picolé. Il avoue qu’il est revendeur de serpents et rendait une visite amicale à Reo Mowrer qui, surprise, a fait passer le mot d’une grosse grosse promo sur les serpents. Le mec voudrait avoir l’air louche qu’il s’y prendrait pas mieux.

Le lendemain, un autre cobra est capturé vivant. Et le compte est bon, on a bien les 12 serpents. Ce serait plié si on n’avait pas retrouvé un boa constrictor peu de temps après. Là, Reo Mowrer décide de vraiment se barrer de la ville, raz-la-casquette, c’est bon, ça va encore retomber sur moi, j’me casse.

Personne n’a trouvé de preuve formelle qu’il avait libéré les serpents, il ne sera pas inquiété plus que ça. En tout cas, son business a coulé et j’ai aucune idée de ce qu’il est devenu, sauf qu’il doit être mort, maintenant.

Fin après cette page de publicité.

🦝🦝🦝

Oui mais non. Pas fin. La fin c’est après le paragraphe suivant.

En 1988, un homme admet que c’était lui qui, adolescent, travaillant pour Mowrer, avait ouvert la boîte à serpents pour se venger d’avoir reçu un poisson mort en échange d’un serpent. Décédé depuis un moment, Reo Mowrer ne verra jamais la vérité rétablie et c’est une punition assez juste car il s’est un peu comporté en connard durant toute l’affaire. Il aurait avoué dès le début avoir perdu ses 12 serpents, je pense que ça ne se serait pas passé de la même manière. Là il a dissimulé jusqu’au bout et il s’est pris un vieux retour de bâton. Alors oui, son business en a souffert, mais je rappelle qu’il détenait ses animaux dans des conditions épouvantables que j’ai eu le bon goût de ne pas décrire car j’ai été moi-même assez choquée.

Et ma suspicion d’un manque d’intérêt financier et d’une absence d’un autre motif était la bonne, si seulement je savais mettre à profit tout ce scepticisme pour autre chose, hein ?

En tout cas, là, c’est la fin.

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Ce que je me demande, c’est si cette histoire située à Springfield, Missouri, n’aurait pas inspiré une œuvre de fiction située dans un autre Springfield, celui des Simpsons intitulé “Le Jour de la raclée” (Whacking Day en VO) et qui montre l’ensemble de la population chasser les serpents dans une allégresse perceptible tandis que Lisa Simpson s’érige en défenderesse des droits des animaux.

Je vais vérifier…et non, ce n’est pas mentionné. Mais je refuse de le croire, voilà, je fais mon Reo Mowrer jusqu’au bout !