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Heure de réveil : je ne sais pas trop, je fais le brouillon pour demain. Je triche, oui, si tu veux.

Bon, demain matin on va se coacher pour survivre au capitalisme, dak ? J’ai trouvé une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=MlP0nvJSshU) dont je vais m’inspirer en ajoutant mes propres conseils et en adaptant à la France (si t’es Belge ou Suisse ou Québecois-e ça marche aussi je pense).

Avant propos : je parle ici plutôt de travail de bureau (mais pas que), il peut aussi arriver que tout se passe bien et que tu sois heureux-se et épanoui-e au boulot. Et tant mieux ! Ce guide s’adresse surtout aux personnes à la frontière du bullshit job qui en ont plein le cul.

⭐⭐⭐ SURVIVRE AU TRAVAIL ⭐⭐⭐

Oui, parce que faut bien bosser. Des fois. Au lieu de profiter des allocs comme une petite teigne que je suis.

⭐ Être promu-e

Il y a un truc à bien comprendre, dans le monde de l’entreprise : tu ne seras JAMAIS payé-e à ta juste valeur, car ton employeur doit faire du profit. Si on te payait exactement en fonction de tes performances, personne ne se ferait des salaires à 6 chiffres sur ton dos. Et ton boss à 6 chiffres n’est pas forcément non plus rémunéré à sa juste valeur (mais dans le sens inverse pour beaucoup…). C’est un fait et c’est comme ça que le capitalisme génère du fric : sur ton dos.

Partant de là, il n’y a pas vraiment de problème éthique à feinter au travail. Ta feinte ne vaudra jamais autant que le non-salaire qu’on te verse.

Pire, ton boss va récupérer le mérite de ton travail (qui est en CODIR ? Pas toi) et continuer à profiter. Si tu travailles plus que ce qu’on te demande, tu ne seras pas augmenté-e pour autant. Après tout, tu fournis du travail gratuit volontairement, pourquoi te donner une promotion ?

J’ai subi ce cas précédemment. Mon responsable étant tombé dans le piège de « je prends des responsabilités mais un jour je serai mieux payé parce qu’on me l’a dit », j’ai été obligée de tomber dans la même logique. Il était absent, j’étais une des plus anciennes et j’avais rédigé pas mal de documentation, c’est donc tout naturellement que j’ai repris son poste. Cela a duré 6 mois. Au bout de 6 mois, mon N+2 (le responsable de mon responsable) a voulu me confier gratuitement d’autres trucs à faire, et j’ai dit non. J’ai été convoquée en réunion, où il m’a demandé le plus textuellement et le plus sérieusement du monde si je « boudais ». J’ai dit non, je suis ma fiche de poste maintenant. Prouve-moi que je dois faire ce que tu me demandes. Situe-moi cette prérogative dans mon contrat de travail et je m’exécuterai. Mais faire du boulot de cadre en étant payée 1200 boules par mois, non, merci.
J’ai démissionné (pour plus cher), le Président de l’entreprise himself est venu chouiner qu’il perdait un bon élément, pouvais-je reconsidérer la question ? Dans 6 mois tu passes cadre, promis. J’ai refusé. Dès mon départ, la personne (un mec cis évidemment) que j’avais formé a été nommé et a été augmenté de 10k€/an. La thune, ils l’avaient. Mais ils avaient aussi une imbécile qui faisait le job au SMIC, alors pourquoi se priver ?

Anticiper les demandes et bosser plus ne te fera pas forcément gagner une promotion, parce que le jeu ne se situe pas au niveau de la performance professionnelle, en tout cas pas entièrement. Seront promu-es les lèche-bottes et autres parasites de bureau, les personnes qui récupèrent TON travail et le présentent comme le leur. Bosser comme une mule en croisant les doigts ne fonctionne pas : il faut entrer dans le jeu du copinage et de la politique interne. Je reconnais ici que moi en responsable c’est le chaos et l’anarchie dans le bureau. Un chaos et une anarchie productifs (comme à chaque fois que j’ai « dirigé » des gens), un chaos et une anarchie où chaque personne a autant de valeur que les autres, mérite tout autant de s’exprimer que les autres, où la personne responsable ne représente pas une autorité effrayante mais une personne-ressource aidante. Tu as un comportement de merde ? Je te le dis. Je ne vais pas aller faire un signalement à la RH, non, je poucave rien, je te le dis à toi, directement, et je te propose de chercher une solution ensemble. Et ça fait manifestement de moi une responsable exécrable.

Enjoliver son CV

Est-ce que ton employeur t’a prévenu des problèmes auxquels tu allais être confronté-e sur ton poste ? Est-ce qu’on t’a dit que tu allais récupérer de la merde et qu’on te demanderait d’en faire des fucking PowerPoint de ses morts ? Non ? Es-tu déjà arrivé-e en poste et, magie, tout était absolument conforme, y compris les missions qu’on te demandait de réaliser et qui figuraient noir sur blanc sur ta fiche de poste ?

Si oui, bravo, je te rappelle que je cherche un poste de Chief Happiness Officer of Fun, Games and Drugs, tu peux me contacter via la page ou le site.

Si non, et bien tu n’as désormais plus de scrupules à mentir. Pas des trucs genre j’étais astronaute en 1972 sur un voilier dans le Pacifique et on a déterré une statue de l’Ile de Paques. Mais tu peux parfaitement arranger les dates de tes emplois précédents pour combler les trous, te donner la fonction que tu exerçais véritablement (ex : si tu faisais le boulot de ton chef, techniquement, tu as gagné son intitulé de poste) en évitant les pièges comme dire qu’on sait programmer en C++ alors qu’on lit à peine le HTML. Mentir sur ses compétences est une sale idée, sauf si tu sais exactement que l’entretien d’embauche est pour un poste sans rapport (et encore, je trouve que c’est trop casse gueule, imagine on te demande de dégainer ton C++ en urgence vitale, ha, tu l’as dans l’os). Mais enjoliver ? Pourquoi se priver ? Tant que tu restes crédible et que tu réfléchis bien en amont, ça passera. Personne ne peut exiger que tu apportes chaque certificat de travail et, heureusement, on ne peut légalement pas appeler tes précédents employeurs sans te demander ton accord avant. Et si on les appelle, c’est qu’on est une entreprise de merde pas fiable qui n’a pas confiance en ses salarié-es : NEXT.

« Quand tu mens sur ton CV mais que tu as quand même eu le job d’électricien et qu’on te demande de couper le courant »

Opportunités et loyauté

Parfois, tu peux avoir l’impression que si tu quittes ton job, le monde va s’effondrer sans toi. Et bien non. Tu es déjà arrivé-e sur un poste abandonné depuis deux ans ? Moi, oui. Et la boîte ne s’était pas écroulée pour autant. Je sais que c’est rassurant de se penser indispensable, mais personne n’est indispensable. Manu M. casserait sa pipe, la France ne tomberait pas. Sauf si tu bosses seul-e ou en effectif très réduit, et encore, le monde ne va pas souffrir de ton absence car tu es une petite poussière d’étoile insignifiante au vu de l’immensité de la merde qui nous entoure.

Mais te faire CROIRE que tu es indispensable fait partie de la stratégie pour te garder en jouant sur la culpabilité. Le jour où une personne arrivera à compétences égales mais deux fois moins cher, je peux te garantir que tu seras poussé-e vers la sortie plus ou moins gentiment. Ton employeur n’est pas ton pote, malgré les afterworks arrosés. Si il peut te la faire à l’envers, il le fera, car c’est lui qui domine, dans le jeu.

« Ne regarde pas les autres lorsque tu vois une opportunité »

Devenir manager

Oui, des fois, ton absence de travail et le fait que tu le survendes en faisant jouer les échos de la machine à café te permettent d’être promu-e. Chaos et anarchie s’ensuivent et tant mieux ! cf. plus haut. Tu ne trahis pas tes collègues, tu leur évites un-e responsable potentiellement toxique.

Travailler ses compétences

Excepté si tu es chirurgien-ne, astronaute, pilote de ligne ou chef-fe ⭐ ⭐ ⭐ ⭐ ⭐ , considère que tout peut s’apprendre, et, pour ceci, n’hésite pas à utiliser les outils de l’entreprise pour le faire, même si ça ne touche pas ton domaine. Apprendre en continu est utile, d’abord pour te permettre de retomber sur tes pattes après ton burn-out, mais aussi pour faire valoir ces compétences à qui détient le chéquier. Tu peux te former durant tes heures de travail ? FAIS-LE ! Ne pas bosser en pouvant justifier ça par de la formation, c’est double bénéfice : tu bosses pas, tu te formes pour te vendre plus cher. Un jour, un ancien directeur vient à mon bureau, sourcil froncé. Je lis un livre (omaggad). Oui, mais un livre sur la méthode Agile (Scrum). Je n’ai pas dit que c’était en réalité pour démonter le langage plein de vent des chef-fes de projet et pour saboter leurs « ateliers », non, j’ai dit que c’était un domaine d’intérêt pour moi et j’ai pu continuer sous son regard bienveillant. Quand j’en avais plein le cul, je mettais le casque, une vidéo en plein écran d’un truc visiblement formatif, et tout le monde me foutait la paix pendant que je prenais des notes, l’air concentré.

Le pire c’est que j’ai appris énormément de choses, comme ça, et même souvent voire systématiquement liées à mon job.

Tout le monde fait semblant

C’est après très peu de temps sur mon dernier poste que j’ai compris qu’on devait être 5/15 à connaître nos métiers. J’ai réalisé que le directeur susmentionné ne panait RIEN à RIEN. Plus les intitulés de poste sonnent bullshit job, plus on fait semblant. Tmtc que tu as des collègues qui font semblant de bosser depuis des années tout en organisant des rave party au moindre succès. Et ce sont CES personnes qui sont promues, en plus.

Alors, joue le jeu. Fais semblant d’assurer grave, de maîtriser ton sujet sur le bout des doigts au point de ne plus répondre aux questions de noob.

You’re not alone

Tout le monde est aliéné-e par le travail, et tout le monde veut se casser de là le plus vite possible. Comme toi. L’empathie commence ici. Ton collègue idiot et insupportable souffre également de son incompétence. On l’a posé là, il tient bon on sait pas comment, et le matin il ne doit pas être super joyeux de retourner taffer.

En fin de compte, mis à part les gens parvenus à un level directorial surpayé, personne n’a vraiment envie de disrupter le marché durable de la salade iceberg en sachet afin d’offrir au client une meilleure perception produit dans un contexte d’opportunités stratégiques de mutualisation flexible des sols meubles en milieu rural.
Personne.

Et sois pas une poucave, aussi, c’est important. Si il y a une chose qui rend une ambiance de bureau délétère, c’est bien les « one to one » où la taupe (présumée) va balancer tout le service. Personnellement, je considère que tout le monde est une balance et je ne dis que ce qui serait audible par mon boss, du coup je fais confiance à tout le monde. Je ne dis pas de mal d’autres personnes, je ne dis pas de mal des clients, excepté lorsqu’on m’accule, bourrée en fin de soirée. Et ça, c’est lâche. Méfie-toi des afterwork.

Syndicalisme

Rejoindre un syndicat présente pas mal d’avantages. On pense souvent, à tort, que ça dessert ta cause car ton chef n’aime pas les syndicats. Vu le nombre de très hauts gradés syndiqués que j’ai pu voir durant ma vie, franchement, non. Au contraire : via le réseau syndical, tu peux avoir pas mal d’infos croustillantes et différents leviers d’action, tout en te faisant un peu moins emmerder. L’idée du ou de la syndicaliste CGT flemmasse et grillé-e à vie dans sa boîte est un épouvantail qu’on est bien content de t’agiter sous le nez. Les avantages sont vraiment plus conséquents que les inconvénients.

OSEF

Tu as lancé une alerte en 2017 concernant Flash qui ne serait bientôt plus supporté par les navigateurs ? Tu as montré du doigt une faille de la taille de mon épuisement au niveau sécurité des données ou sécurité tout court ? Personne ne t’a écouté-e ?

Tant pis pour euxlles. Franchement. Tu as fait ton job (couvre-toi en rapportant tes alertes par écrit, garde les échanges mails), c’est pas toi qui décide, sinon ce serait corrigé. Donc tu t’en fous. C’est plus ton problème. Tu vas en chier quand la deadline va arriver dans la panique, oui, mais tu auras prévenu et…j’avoue que c’est assez satisfaisant de dire « Je l’avais signalé en 2017 ».

Tes patrons font n’importe quoi, souvent. Iels prennent des décisions impactantes hors sol sur un coup de dé ou sur les conseils de leur N-1. C’est LEUR problème, pas le tien. Et si la boîte coule, c’est pas toi qui perd un salaire conséquent en fait. Couler au SMIC, c’est pas hyper gravissime. Perdre 6 chiffres de salaire les met bien plus dans la merde que toi.

Reste qui tu es

Ton identité t’es propre, elle n’est pas corporate. Ce qui se passe au boulot se passe au boulot, et le soir tu peux retourner à ta vie de débauche marxiste après avoir fait semblant toute la journée. Les tactiques de « team building » ou les tentatives de se montrer familier avec toi ne sont que manipulation pour te faire adhérer aux valeurs de la boîte et les incorporer en dedans toi. Tout ce qu’on veut, c’est que tu bosses plus avec moins. Tu peux sentir une appartenance, pourquoi pas, mais le boulot reste au boulot. Et si ta boîte a mauvaise image ? Faut bien manger.

Et par pitié, arrête d’essayer de te faire croire que tu veux les « noyauter de l’intérieur ». On sait que ça ne marche pas et les lanceurs-ses d’alerte ne sont pas toujours porté-es aux nues…donc cesse de te justifier comme ça, s’il te plaît. On sait toustes les deux qu’en vrai, tu fais de ton mieux de la manière la plus sincère possible, et c’est ok. Parce qu’il faut bien manger.

Ne te perds pas de vue, surtout. Est-ce que ça vaut vraiment le coup ?

Préserve ta santé

Est-ce que tu as déjà été au bureau avec la grippe ? Si oui, tu as sans doute contaminé des collègues et tu t’es fait du mal pour rien. J’ai souvent forcé physiquement pour me retrouver encore plus mal qu’avant. Là où 2 jours d’arrêt m’auraient permis de me reposer, je fais maintenant face à 2 semaines d’arrêt et un genou qui a doublé de volume. Pour quoi ? Pour qui ?

La santé mentale compte tout autant. Est-ce que tu vas rester sur un poste où tu te fais harceler ? Jusque quand ? Jusqu’au craquage et à la crise ?

Je sais que c’est facile à dire et je n’ai jamais appliqué ces conseils, mais essaye d’être moins stupide que moi s’il te plaît. Je sais aussi que beaucoup de boulots cassent les corps prématurément et que si tu bosses en EHPAD, les vieux vont pas se retourner tous seuls pour faire leur lit. Sinon ils seraient pas en EHPAD. Je connais la mortalité dans le BTP, d’autant plus avec les patrons qui lésinent sur la sécurité.

Chaque année, c’est plus ou moins 200 décès dans le secteur du BTP, et pas loin de 5000 accidents de travail avec séquelles, sur ce qui est rapporté (c’est à dire : pas les travailleurs non déclarés).

🐦 « En 2019, sur le champ des salariés affiliés au régime général ou à la mutualité sociale agricole, ainsi que des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière, 783 600 accidents du travail avec au moins un jour d’arrêt sont comptabilisés en France.
Cela représente 20,4 accidents par million d’heures rémunérées. 39 650 accidents du travail donnent lieu à la reconnaissance d’une incapacité permanente et 790 sont mortels.

Le risque d’accident du travail grave est plus élevé dans la construction, l’agriculture, les industries extractives, le travail du bois, le transport et l’entreposage. La fréquence et la gravité des accidents du travail sont particulièrement importantes dans les activités de gros œuvre, de couverture et de charpente, ainsi que dans la manutention de marchandises ou de bagages. »
(Ministère du Travail)

Et là dessus, les syndicats peuvent être aidants. Parfois.

Partage des infos sur ta paye et tes avantages

Je sais que dans certains contrats ou règlements intérieurs on est pas sensé-es le faire. Mais c’est assez utile pour revendiquer, non ? Ok, c’est dans le devoir de réserve, mais…si tu te rends compte d’une immense disparité, ça peut créer des trucs intéressants. Et honnêtement, je ne comprends pas pourquoi les salaires des dirigeants ne sont pas divulgués par devoir de transparence. Enfin, si, je sais pourquoi, bien sûr. Faire du salaire un sujet tabou garantit un assujettissement maximal.

Glande le plus possible

Plus tu bosses vite, plus on te demandera de bosser vite. Il n’y a jamais de plafond d’objectifs, alors rester sur sa ligne de flottaison est intéressant. Tu ne seras pas payé-e plus dans tous les cas, et tu ne seras pas moins rémunéré-e non plus. On a vu plus haut que de toutes façons tu es une personne dangereusement trop de gauche pour l’entreprise et qu’il y a peu de chances que tu sois promu-e.

Je ne te livrerai pas ici mes techniques de glande, y’a des manuels pour ça 😅

Mais si tu sais gérer, et si tu en as la possibilité, le télétravail est un très très bon plan. C’est en laissant YouTube en roue libre (pour pas que le PC se mette en veille) que j’ai découvert cette activité passionnante qu’était le déterrage de tanks Russes. J’ai aussi découvert comment faire des tables moches en résine époxy et comment me couper les cheveux seule. Oui, bien sûr que ça compte en « temps de formation » !!!

Un de mes ex-responsables (qui me manque, parfois), avait une double technique : toujours « hors ligne » ou « absent » en messagerie instantanée, et répondant toujours « peut-être » aux réunions puis attendre de voir si quelqu’un-e venait le chercher. Vu le relou qu’il faisait en réunion, il a gratté beaucoup de temps, comme ça !

Edit : un gentil utilisateur m’a refilé un truc pour pouvoir aller mater Reddit en scred et c’est vraiment, vraiment bien fait.

https://pcottle.github.io/MSOutlookit/

« Mon agrafeuse a disparu !!! »

Oh ben mince alors, je me demande bien qui peut faire disparaître ainsi tout ce matériel de bureau *wink wink*

 

Bonus de fin :