Non les extrêmes ne se rejoignent pas. Oui, je vais élaborer. Et, oui, je suis totalement biaisée en faveur du communisme. NB : je peux me tromper et je te serai infiniment reconnaissante de m’aider à corriger les erreurs de ce texte.
Je vois trop souvent mis en miroir le fascisme et le communisme dans les discours autours de l’autoritarisme. Les deux régimes, effectivement, peuvent causer énormément de mort et de souffrance. Personne ne peut nier les chiffres insoutenables des morts sous Staline et Mao. Personne ne peut nier que les fascistes ont eux aussi tué en masse. Cependant, en rester là, c’est rater la totalité du raisonnement (désolée).
Tiens, combien de morts ont causé les régimes coloniaux ? Après la révolte de Madagascar, c’est « entre 89 000 et 200 000 » victimes de l’armée française et des collaborationnistes Malgaches. L’esclavage étasunien a déporté 15 millions d’Africain-es avec un taux de mortalité d’environ 50% durant le transport. Et là on ne parle pas des décès au « travail » ou par les esclavagistes. La guerre d’Algérie a causé 250 000 morts (selon la France) ou 1,5 millions (selon l’Algérie). Haïti, c’est 200 000 victimes. Et là on effleure juuuuste un peu l’iceberg décolonial.
Ces morts, pourtant, n’ont pas été orchestrées par des régimes fascistes, mais bel et bien capitalistes. On ne parle pas ici de pauvreté liée à l’économie, ni de pollution, ni d’esclavage moderne, ni des morts causées par de grandes entreprises. Thomas Guénolé parle de 400 millions de morts entre 1992 et 2018 dans son Livre Noir de la Mondialisation.
On est déjà capable de s’entretuer tout à fait sérieusement juste pour le profit. Partant de là, que les chiffres des régimes totalitaires soient élevés n’est pas du tout étonnant.
NBis : l’URSS et la Chine ont plaqué le marxisme sur leurs politiques mais ne peuvent pas être pour autant considérés comme réellement communistes, notamment à cause de l’autoritarisme appliqué qui contredit les fondements même de la doctrine se voulant libératrice. Tu me pardonnera mes oublis de guillemets de temps à autre, j’ai confiance en toi pour faire la distinction.
Table des matières
Les chiffres
Sous Lénine, (1917-1924), on compte 5 à 6 millions de morts. Sous Staline (1924-1953) ce chiffre passe, entre les purges, l’Holodomor (famines en Ukraine) et les déportations au Goulag, à 20 millions de morts, soit 9 à 12% de la population du pays. Sous Mao, on est entre 40 et 80 millions de morts (5 à 10% de la population).
Les chiffres côté fascisme durant la Seconde Guerre Mondiale : holocauste, 6 million de personnes, majoritairement Juives exterminées; victimes civiles, 12 millions de morts. Les crimes commis sont de l’ordre du génocide délibéré, ce qui est assez différent de la mortalité soviétique (famines, par exemple).
Le Japon impérial a un total de morts estimé à 30 millions sur les populations essentiellement Chinoises. En gros, on est entre 50 et 60 millions de morts directement liées au fascisme.
Notons que les chiffres du « communisme » ont eu lieu de 1917 à 1953 (mort de Staline) ou jusqu’en 1976 (mort de Mao), soit 59 ans. La seconde guerre mondiale a eu lieu entre 1939 et 1945 : 6 ans. La temporalité est importante.
Notons aussi que l’Union Soviétique a combattu les forces nazies durant la Seconde Guerre Mondiale, ce qui a causé environ 20 à 26 millions de morts civiles et militaires. C’est le pays qui a perdu le plus de personnes dans ce conflit.
Il n’est en aucun cas question de relativiser. Juste mettre en perspective le cadre dans lequel on se place pour aborder la suite. D’emblée, il semble difficile de faire une comparaison à l’emporte-pièce uniquement sur les chiffres.
Violence et terrorisme
L’analyse du terrorisme des extrêmes nous donne des indices précieux sur la vocation de la violence dans la passation des idéaux autoritaires. Comment et pourquoi utiliser la violence ?
Tous les moteurs de recherches et IA m’ont indiqué que la violence d’extrême gauche était marginale comparée à la violence d’extrême-droite.
En 2021, il y a eu 19 arrestations liées au terrorisme d’extrême gauche en Europe et 64 arrestations d’extrême droite. J’ai ici une page qui détaille tout ça de manière vraiment claire.
Selon Europol (ce rapport est très intéressant, je t’invite à le parcourir, c’est assez court):
« Dans le contexte dynamique du terrorisme d’extrême droite, ce sont les loups solitaires ou les petits groupes, souvent motivés par des idées accélérationnistes, qui représentent la menace la plus critique. Les jeunes terroristes d’extrême droite et les extrémistes violents jouent un rôle plus actif en tant que créateurs de propagande, incitateurs actifs, et recruteurs et organisateurs d’attentats. De nouveaux groupes d’extrême droite violents émergent en ligne et cherchent à agir concrètement. »
« Les groupes terroristes violents anarchistes et d’extrême gauche ont continué de se coaliser autour d’idées antiétatiques, anticapitalistes, antifascistes, antiracistes, antimilitaristes, ainsi qu’autour d’idées en lien avec le climat. La solidarité avec les anarchistes emprisonnés est restée un puissant catalyseur pour des actes violents dans plusieurs pays. »
On voit bien que les motivations sont loin d’être équivalentes.
J’ai fait le tour, rapidement, des attentats et organismes terroristes sur le sol Français (Les Brigades Rouges, Action directe). Un rapport complet et détaillé avec encore plus de chiffres va être pénible, donc tu vas aller sur la page Wikipédia qui va bien si tu veux plein de précisions. En gros, si les actions terroristes de gauche existent, elles ne sont pas forcément communistes. En revanche, toutes les actions de groupe d’extrême-droite peuvent être rattachées aux mouvements fascisants. Parce que oui, les anarchistes ne sont pas des communistes, mais les fascistes sont des fascistes. Par ailleurs, les attentats de l’extrême-gauche relèvent plutôt du sabotage des infrastructures ou de l’assassinat de PDG que d’une volonté de faire le plus de victimes possibles.
Et, oui, le terrorisme islamiste représente la majorité des attentats et des morts à l’heure actuelle, mais on s’éloigne du sujet.
La violence est une fin en soi pour le fascisme. L’ennemi, on l’a préalablement désigné et on le tue, c’est le but du jeu. On ne cherche à reconditionner personne, on ne veut pas convaincre, seulement éliminer.
Expansionnisme
Ici, les régimes autoritaires « communistes » sont en supériorité numérique incontestable. Mais il y avait des empereurs et des Tsars, avant les communistes. La Sibérie et l’Ukraine ont été été conquises au XVIIème siècle si je me souviens bien. La Russie était déjà une grande puissance impérialiste avant l’URSS.
La forme expansionniste communiste devrait passer par l’Internationale Communiste. Des pays alliés qui gardent leur souveraineté.
Idéalement. Sur papier. Dans les faits, entre 1917 et 1991, l’URSS a bel et bien colonisé une partie des Pays Baltes, de la Pologne, de l’Asie Centrale, du Caucase, sans oublier la Biélorussie et l’Ukraine. Beaucoup de pays resteront affiliés après la guerre.
Une domination culturelle et idéologique soviétique a aussi été exercée sur les pays du bloc de l’est jusqu’à son effondrement en 1991. Aujourd’hui, la Russie conserve une influence certaine sur ces pays.
La Chine a quand à elle exercé une domination sur le royaume Ouïgour, le Tibet, la Mongolie intérieure et Taïwan.

Caricature sur les dangers de l’expansionnisme soviétique en Europe (10 octobre 1947)
« Elle tisse des nouveaux fils au-dessus de l’Europe ». Le 10 octobre 1947, le quotidien Hannover Presse illustre la difficile position de l’Europe occidentale face à la menace d’expansion idéologique communiste.
L’Italie, l’Allemagne et leurs alliés ont, eux, effectués des invasions et annexions militaires et pas forcément dans un esprit purement colonisateur. La France occupée est restée la France, par exemple. L’objectif était plus une soumission idéologique et une épuration ethnique qu’un réel désir expansionniste. La gauche veut le peuple, la droite les élites.
La propagande
La propagande communiste était diffusée à l’école, pour tous et toutes. Le but est d’évangéliser le plus possible le plus tôt possible pour construire un monde égalitaire sans classe où les moyens de production sont collectivisés. Il n’y a pas vraiment d’ennemi type : l’ennemi est celui qui ne joue pas le jeu, peu importe d’où il vient. On y défend donc une utopie socialiste.
La propagande fasciste, elle, ne s’adresse qu’aux personnes « souhaitables ». On galvanise les masses, mais pas LA masse. Le clivage est nécessaire à la domination. On ne cherche à évangéliser que les élites et personnes semblant utiles au régime. On y défend une utopie eugéniste et raciste.
Et c’est un tout petit peu différent, sur le fond. Un peu. Vaguement.
L’idée d’ennemi de l’intérieur est quelque chose d’extrêmement signifiant dans les violences et exactions commises par les deux camps. Il est nécessaire d’avoir un ennemi d’état : cela permet à la fois de cliver la population et de la souder dans la chasse aux sorcières. Les bons voisins sont ceux qui dénoncent les ennemis du peuple. Dans les deux cas, toute une culture de la délation a été mise en place dans le but de purger les mauvais éléments.
L’ennemi est très différent entre fascisme et communisme, cela dit.
Les pays « communistes » se méfient de leur propre population qui ne ferait pas suffisamment d’efforts révolutionnaires. La bourgeoisie est spécialement visée, ainsi que les professions intellectuelles. Les paysan-es sont des victimes de la collectivisation (famines) et on voit des traîtres partout.
Chez les fascistes, on tape sur les minorités dans son propre pays, et on tue sans distinction lorsqu’on envahit. L’ennemi est essentiellement la figure Juive, mais pas que. Les premiers tests de meurtres de masse ont eu lieu sur des personnes en situation de handicap. Populations Rrom, homosexuelles, « déviantes » politiquement ont été victimes de ces purges. Au contraire, la bourgeoisie et le capitalisme sont préservés.
En résumé, l’ennemi est diamétralement à l’opposée mais les populations les plus vulnérables font toujours les frais des politiques appliquées.
La politique
Le communisme, c’est le collectif. C’est faire partie d’un peuple qui œuvre en commun pour un idéal. Femmes, hommes, ouvrier-es, paysan-nes, bureaucrates, tout le monde, sans distinction, doit participer à l’effort pour tendre vers un monde meilleur. L’idéal doit libérer, et pour cela, tout le monde doit jouer le jeu. Sinon, et bien, tu crèves, voilà. En gros, l’utopie est intéressante mais avec des tyrans comme Staline et Mao, on n’allait certainement pas y arriver.
Le fascisme, c’est l’individu porté aux nues. Les fascistes sont des « surhommes » et on n’accepte de toutes façons que les personnes qui peuvent se conformer à l’idéal fasciste. On garde ceuxlles qui peuvent servir (les femmes font des bébés, on ne garde que les allemandes qui présentent bien) et on se débarrasse des autres. Le but est de se reproduire, d’éliminer les indésirables et de conduire la « race » jusqu’à la suprématie sur le monde.
Il est donc normal, partant de ces divergences profondes, de ne pas pouvoir mettre ces deux politiques en parallèle.
La question Juive
C’est un peu hors sujet sans l’être. Dans un monde où l’antisémitisme est utilisé à toutes les sauces, c’est important de l’aborder donc on va l’aborder.
Les Juif-ves ont été, comme souvent dans l’histoire, les premières victimes de la politique nazie. Les Juif-ves sont victimes de ce type d’agression et de victimisation depuis que le Christianisme a commencé à monter en puissance. Au Moyen-Âge, il n’était pas rare qu’une colère diffuse s’abatte sur un bouc émissaire, de préférence Juif. Les diverses idées reçues et la persécution remontent à des siècles et des siècles. La démonologie classique est même tirée (par les catholiques) d’un ésotérisme Juif récupéré et revisité.
Cela part d’un (res)sentiment religieux, mais cette répulsion a pu gagner toutes sortes de domaines, notamment culturels et professionnels, liés à la judaïté. On les a imaginé-es riches, complotant entre euxlles (car la religion n’est pas facile à intégrer pour les non-juif-ves et le prosélytisme non nécessaire) et imprégnant les médias pour gagner un prétendu pouvoir sournois sur le monde.
Médecine, métiers du barreau (avocats, notaires), commerce, banque, journalisme et professions intellectuelles étaient, et sont encore, souvent associés aux personnes juives. Sauf que ce sont des métiers, notamment en médecine, qui nécessitent de véritables compétences et qui ne peuvent être obtenus juste en présentant sa carte d’entrée à la synagogue.
Mais ça, les fascistes s’en foutent : les élites doivent être pures, de préférence adeptes de la « religion politique » et répondre au doigt et à l’œil. Il faut donc éliminer tout le monde et surtout les Juif-ves. Les communistes, eux, préfèrent s’attacher à la notion de bourgeoisie pour leurs plans d’élimination : ce qui concerne donc aussi les personnes Juives. En résumé : les fascistes tuent les Juif-ves car iels sont Juif-ves, les « communistes » tuent les Juif-ves s’iels appartiennent à la bourgeoisie.
En effet, malgré des positions officielles contre l’antisémitisme, les communistes ont également persécuté les Juif-ves, vu-es comme « élites bourgeoises ». La persécution n’avait cependant pas forcément de lien avec la religion pratiquée.
Aujourd’hui encore, le complotisme fascisant ADORE parler des Juif-ves et du protocole des sages de Sion. Parce que les idées nauséabondes ont la vie longue.
Pour finir
Comme je le disais plus haut, je suis biaisée. L’utopie communisme me semble plus souhaitable qu’un régime fasciste. Cependant, force est de constater que le communisme n’a pas eu beaucoup l’occasion de s’exprimer pleinement, contrairement au fascisme. Dans tous les cas, je suis plutôt du côté de ceuxlles qui défendent les minorités et personnes vulnérables que de ceuxlles qui veulent les tuer.
N’oublions pas non plus que le fascisme est l’arme du capitalisme. La politique fasciste est tout à fait compatible avec le capitalisme qui valorise les personnes représentant les « élites » et favorise les plus riches au détriment des autres. Ne nous y trompons pas non plus : le capitalisme est autant un outil du fascisme que le fascisme est un outil du capitalisme.
Il m’est très, très difficile de ne pas faire le parallèle avec ce qui se passe en ce moment aux US. On voit bien que Donald Trump et à la fois sur une voie autocratique et fasciste, mais qu’il préserve les intérêts économiques nationaux, tout en essayant de pulvériser l’économie de ses « alliés ».
Les comparaisons ne s’arrêtent évidemment pas là. Beaucoup parlent d’une histoire qui se répète. Je ne suis pas entièrement d’accord avec cela, nous ne sommes pas dans les années 30 et les outils à disposition des tyrans sont bien plus nombreux et dangereux.
Mais pour le moment, on va en rester là si tu veux bien.
Sources, pour aller plus loin
-
- [Slate] Entre 1492 et 1600, les colons européens ont causé la mort de 56 millions d’autochtones
- [Nations Unies] Traite des esclaves
- [Le Figaro] Les régimes communistes ont commis une politique d’extermination par la famine qui a tué plus d’hommes que les deux guerres mondiales réunies.
- [Wikipédia] Terrorisme en France
- [Wikipédia] Pertes humaines de l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale
- [AC de Reims] Les morts de la Seconde Guerre mondiale
- [Wikipédia] Crimes communistes
- [Conseil de l’Union Européenne] Terrorisme dans l’UE: faits et chiffres
- [Europol] (RAPPORT TE-SAT) Synthèse sur le terrorisme en Europe
- [L’Étudiant] 1945-1948 : l’expansion communiste en Europe
- [CVCE] L’expansionnisme soviétique
- [Cairn] Fascisme, religion politique et religion de la politique