À chaque fois que je parle de ça à qui que ce soit, on me regarde d’un air curieux. Le sujet me fascine depuis des années, depuis que j’ai vu « l’aura » d’une plante prise en photo dans un bouquin au sujet des auras (pure pseudo-science, absolument, j’avais 15 ans, on ne me juge pas).
Je me suis toujours posé des questions sur la sentience (la capacité à éprouver des chose subjectivement) des végétaux. On ne dirait pas, comme ça, mais les arbres peuvent faire des trucs assez incroyables. Si tu veux en savoir plus sur ce sujet :
- [Reporterre] Les arbres ont une conscience de soi
- [AirZen] Entraide végétale : les arbres ont-ils une conscience de groupe ?
- [Espèces menacées] La floraison synchrone du bambou, un mystère inexpliqué
- [Géo] L’arbre le plus grand du monde serait aussi l’un des plus vieux organismes vivants sur Terre
Mais maintenant, on va parler champignons.
Table des matières
Le champignon qui chantait
Je pense que c’est en regardant un Feldup que j’ai été attirée vers une chaîne relative à la lecture des impulsions électriques des champignons.
Dire que je suis tombée dedans est un euphémisme. Existentiellement, ça a été bouleversant. Alors que, concrètement, on ne parle que d’électrodes branchées sur des végétaux et qui produisent des sons random. Rien de plus.
C’est peut-être très humain que de s’attacher à quiconque a une identité, mais ça m’arrive à chaque fois. Je suis très humaine. Alors, j’imagine ce qu’il pourrait se passer dans ce champignon, dans ce réseau mystérieux qui l’occupe entièrement et le fait réagir.
Voici la chaîne de MycoLoco, qui réalise du son avec des champignons :
L’effet est très curieux. Très prenant. Troublant.
Il y a des réactions à l’environnement, au toucher, l’entité est indéniablement vivante.
Et nous la mangeons parfois. Ah. Ah merde.
Comment ça marche ?
Comme toute matière vivante, les champignons émettent des signaux électriques qui peuvent être captés et interprétés par des électrodes. Ces électrodes sont reliés à, par exemple, un synthétiseur, qui jouera les sons. J’y pane absolument que dalle dans ce domaine, tu excuseras j’espère mon manque de précision. Merci.
Un article ici sur l’électricité et les plantes :
- [Guichet du savoir] Que sait-on des signaux électriques dans les plantes ?
- [Huff Post] Ces champignons dialoguent entre eux par signaux électriques
Les plantes communiquent via ces signaux, mais aussi par les racines et parfois du pollen ou des substances libérées par les feuilles. Par exemple, les feuilles d’acacia peuvent émettre une substance qui avertit les autres qu’ils vont se faire manger.
C’est l’histoire d’une agression d’acacias par des petites antilopes en Afrique du Sud. Face à cette attaque, les acacias restent plantés là, bien sûr, mais pas sans réagir. Quelles réactions physiologiques ont ces arbres lorsque leur feuillage est attaqué ?
MARC-ANDRE SELOSSE : « L’acacia ne peut pas partir en courant. Les arbustes se mettent à accumuler des tanins, des molécules toxiques et indigestes. Dans les années 1980, on a vu mourir dans des parcs des hordes d’antilopes parce que tous les acacias étaient devenus toxiques. C’était assez paradoxal parce que cela se déroulait dans des espaces où elles étaient protégées.
Et on s’est aperçu que les acacias émettaient des molécules qui prévenaient les plantes voisines de la présence d’antilopes. Ces plantes se mettaient à leur tour à accumuler des toxiques, alors même qu’elles n’avaient pas été attaquées.
Autrement dit, les acacias agressaient, réagissaient, mais en plus, prévenaient les voisins qui, eux, n’avaient pas encore subi les attaques d’antilopes.
N’est-ce pas un tout petit peu vertigineux ?
Et toi, tu peux les « écouter » en branchant ces électrodes à un machin qui va retransmettre et traduire le signal. Dis comme ça, je pense que tu te rends compte qu’on est plus sur un fait biologique que d’une épiphanie transcendantale qui remettra en cause les fondements mêmes de nos existences. Mais quand même.
On peut aussi prendre ça comme de la communication. Et pourquoi pas ? On s’en fout, ça peut être une activité intéressante.
De la musique et des plantes
C’est une idée qui existe depuis longtemps : élever des plantes sous l’influence de la musique et voir ce que ça donne. Ce qui me chiffonne c’est que la « mauvaise » musique est souvent du metal, parce que le metal, c’est brutal, donc méchant. CQFD. Je ne sais pas, hein, mais moi, quand j’écoute du metal ça me donne envie de faire des feuilles et des racines alors tut tut.
France 3 nous propose un article extrêmement étayé (non) sur le sujet :
- [FR3 régions] INSOLITE. La musique, une solution pour aider les plantes à se développer : « on a des légumes très sains sans mettre aucun produit »
- [Pour la Science] Ce que le son fait aux plantes
On appelle ça de la génodique et je dois bien avouer mon immense scepticisme quand à cette discipline. Son inventeur s’appelle Joël Sternheimer (un français chanteur et mathématicien) mais, le hic, c’est qu’on ne parvient pas à reproduire un modèle stable à partir de ses observations.
- [France info] La musique contre les virus ? Jusqu’à preuve du contraire, c’est du pipeau !
En gros, rien n’est vraiment publié, le champ est vaste et l’anthropomorphisme crève le plafond. Bah oui. Les plantes réagissent au son, d’accord. Mais elles ne communiquent vraiment pas comme des êtres humains, il est impossible de leur prêter des émotions humaines comme la peur ou la haine de la musique metal. Il y a aussi tout l’effet placebo : offrir des soins à une plante, si jamais elle ressentait quoi que ce soit, biaise automatiquement ton expérience. Si tu as l’impression d’offrir tout le confort possible à tes plantes, tu auras tendance à penser que chacune de tes actions contribue à son bien-être.
Par ailleurs, sur les articles enthousiastes, je n’ai pas d’autre source que Joël Sternheimer, ce qui en fait une référence circulaire. Il a raison car il a raison car il a raison.
Alors, oui, la structure des plantes peut changer avec le bruit. Ce sont des ondes, des ondes sonores, la plante étant un organisme vivant, elle y réagit. Est-ce que ça te dispense de l’arroser régulièrement et d’en prendre soin ? Tu balances du Bach et son esprit se balade désormais dans ton salon avec un arrosoir fantôme ?
Écouter ses plantes : les options
Je te le dis tout de suite, c’est chaud. Les systèmes facile coûtent deux reins et demi, les systèmes artisanaux sont infiniment compliqués, si tu n’es pas déjà dans le domaine, tu vas galérer.
- Il y a par un système disponible pour chez soi si on veut écouter ses plantes :
- Plantchoir est moins cher, mais à 129€ tout de même. (Oui, c’est super cher pour un truc que tu vas utiliser deux fois à tout casser.)
- En fait maison, un Arduino te permettra de relier des trucs et des machins pour obtenir le même résultat :
- [Tutoriel #1 – EN] The Plants Music Sound responding to hand touches
- [Tutoriel #2-EN] How to make an Arduino Plant Audio Sampler Tutorial with Max. Can plants be an instrument?
- [Tutoriel #3-EN] Singing Plant. Make Your Plant Sing With Arduino, Touche and a Gameduino
- [Tutoriel #3-EN] Plant Communicator
Mais, si tu es comme moi, admirative mais clueless, la chaîne de Mycoloco fera le job.
On peut reparler du truc avec la sentience des végétaux ou pas ?
Finalement, si je m’écoutais, je ne mangerais que du sucre et des cailloux. Je continue à manger des champignons, mais j’y pense à chaque fois que j’en cuisine. Est-ce que mes champignons de Paris pleurent lorsque je les découpe ? Restent-t-ils en vie jusqu’à ce que la chaleur les tue ? Mangeons-nous des êtes vivants ? Oui. Mais vivants à quel point ?
Et le cri de la carotte ??!
D’accord, tout ceci va trop loin. Il faut que je me fasse une raison : ce ne sont pas des personnes, laisse ces plantes tranquilles. Les plantes domestiques, celles que tu essayes de faire survivre malgré tes pitoyables talents de jardinière, elles, elles comptent. Comme ton animal domestique compte plus à tes yeux que la vache que tu vas manger si tu es carnivore.
Donc, les plantes à manger, on dit qu’on est ok. Surtout pour les oignons qui ont des capacités de riposte plutôt efficaces. Je vais aussi essayer de dépersonnaliser les patates parce que leurs petits visages souriants me font de la peine.
La question, maintenant, c’est de savoir si les courgettes meurent lorsqu’on les récolte. Et là dessus, je te renvoie à cette discussion sur un forum nommé « Zeste de savoir ». En gros, les fruits et légumes, après récolte, continuent à avoir une activité cellulaire.
Le mot de la fin : anthropomorphisme
L’anthropomorphisme, c’est de plaquer nos comportements humains sur des entités non humaines. Un chien n’est pas particulièrement fidèle : il est attaché à la personne qui s’en occupe. Un chat n’a pas « mauvais caractère », c’est un chat et tous les chats sont relous. Un concombre de mer n’est ni heureux, ni malheureux : il s’occupe à faire le concombre de mer. Qu’il se fasse bouffer est logique.
Devant les reportages animaliers, on a toujours peur du moment durant lequel l’animal à qui on s’est attaché va se faire dévorer par un prédateur. Alors qu’on ne connaît pas cet animal. Que des milliers d’autres meurent ainsi. Que les images ont sans doute quelques années, et que dans tous les cas il serait mort. N’empêche, on s’est attaché. Et ça, c’est humain. Ce n’est pas une preuve que les animaux ont des comportements qu’on puisse relier à cette humanité.
Par exemple, les cimetières d’éléphants. Lorsque des éléphants passent à proximité d’ossements, ils les sentent et se les font passer. C’est plutôt pour identifier qui est mort que pour organiser une messe en l’honneur des défunts. On plaque une émotion très très forte sur ces moments, car cela nous renvoie à nos propres morts. C’est émouvant, triste, dur à regarder. Mais qui te dit que ces éléphants se sentent tristes ? Rien. Ils constatent la mort et en prennent acte.
Ce qu’on peut prendre comme une trace d’humanité, c’est en réalité nous qui l’interprétons. Les fourmis sont par exemple extrêmement organisées, cela n’en fait pas des êtres supranormaux. Leurs schémas sont biologiques, elles suivent les pistes des fourmis précédentes aveuglément. Tu connais le cercle de la mort chez les fourmis ? Ce sont des fourmis perdues, qui poursuivent leur chemin, en cercle, jusqu’à la mort. Aucune ne se dit « tiens, je suis une fourmi de cinéma, j’ai une volonté propre, je vais me barrer d’ici ». Non. Le commandement est la piste, elles suivent la piste, c’est tout.
Il est dangereux de prêter des intentions aux organismes vivants qui ne font que vivre leur vie de champignon. Le champignon ne pleure pas lorsqu’on le coupe, son corps réagit à l’agression via un processus biologique.
N’empêche. C’est vraiment un sujet de l’infini, ça, la sentience des légumes…