Nan, j’avais pas fini, sur le pink bashing.

Il y a un autre problème de taille avec cette stigmatisation des trucs « de filles ». Cet autre problème est contenu dans le titre de l’article : les TERF.

Pour les personnes qui ne suivent pas, dans le fond, TERF c’est Trans Exclusionary Radical Feminist, c’est à dire des féministes se disant radicales mais qui sont transphobes. Abolir le genre passe, selon elles, par refuser les transitions qui renforceraient les stéréotypes de genre et que ça les emmerde grave de voir des personnes « devenir » femmes car ça perturbe leur dissonance. Elles, elles veulent défendre les «  » »vraies » » » femmes, mais les femmes assignées femmes, pas ce qu’elles appellent, et je m’en excuse mais c’est nécessaire à la compréhension, je ne soutiens évidemment pas ce propos, « des hommes déguisés en femmes ». Urk. Selon elles, ces usurpatrices sont des loups dans la bergerie, se grimant pour mieux dominer les femmes.

Je vais me laver les mains après avoir écrit ça, je me sens sale.

Je pense que tu captes où on va en venir.

Les TERF, souvent, disent que les femmes trans « surjouent » la féminité de manière outrancière, et ça les fait chier. J’imagine que ça touche aussi les Drag Queens (qui ne sont pas obligatoirement trans, et on demande pas aux gens ce qu’iels ont dans le slip, par pitié), et en ça, elles rejoignent les intégristes religieux qui ont peur pour leurs enfants car les personnes trans sont évidemment toutes des groomers, c’est à dire des gens qui éduquent les enfants à se faire « abuser » en les exposant petit à petit à des comportements hypersexualisés.

Or, les abus sur mineur-es sont à mon avis un tout petit peu plus élevés chez les intégristes religieux que dans les foyers où la transidentité existe. Enfin, merde, les prêtres et les enfants, on a été jusqu’à en faire de super vannes trop trop drôles (non) tellement c’est connu. Au passage, si on pouvait se dispenser de ces blagues, ce serait adorable, car ça trigger un tout petit peu les nombreuses victimes, merci.

Bref, on est dans une énième panique morale à la con parce qu’il se passe des trucs qu’on ne comprend pas et qu’on ne veut pas comprendre. Alors on trouve des prétextes à la con pour soutenir notre panique à la con.

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ENTERS pink bashing. Bien ouej, on revient au sujet de l’article, rien dans les mains, rien dans les manches. Magnifique.

Selon les TERF, donc, les femmes trans « surjouent » la féminité et c’est super nul.

Pourquoi penser ça ?

  • Parce que les codes associés à la féminité cay rien qu’à nous 😡
  • Et ces codes, on en veut pas car ils sont stéréotypiques

Bon. Déjà, si tu rejettes ces codes, ça ne devrait pas t’embêter que d’autres les récupèrent, étant donné qu’on fait bien ce qu’on veut de nos vies. Moi, j’aime pas les carottes, ça m’arrange plutôt pas mal que le reste de la famille adore ça puisque je leur refile en douce. Je ne vais pas empêcher tout le monde de manger des carottes car je n’aime pas ça. Je peux vanner en disant que ça rend aimable et que j’en veux pas, mais je vais pas faire chier le monde pour des légumes.

Le gatekeeping de la carotte, meuf, tes exemples sont ultimes, continue comme ça, tu vas y arriver.

Le féminisme radical est la pensée sous-jacente à la pensée TERF. Les radfem ne sont pas obligatoirement TERF, mais les TERF se sont accrochées aux radfem pour le « rad » du concept. Radical, dans ce sens, signifie « à la racine » : couper le mal à la racine, empêcher le sexisme de se réaliser en détruisant ses fondations, dont les rôles genrés font partie.

On est ici sur l’abolition du genre : abolition des rôles genrés, de la distinction femme/homme, car le genre, en tant que construction sociale et fait biologique, nous asservit. Je ne vais pas pousser plus loin l’analyse car on a juste besoin de ce bout-là pour commencer.

Abolir le genre = neutraliser. Et des personnes qui « surjouent » la féminité, ça va pas dans leur sens. Surtout si, à leurs yeux, ce sont des hommes (je suis désolée, ça me dégoûte d’écrire ça), donc des dominants, donc des oppresseurs, donc des agresseurs, donc des fourbes qui vont quand même vachement, vachement loin dans la souffrance, pour nous piéger.

Nous piéger pour quoi ? Pour s’incruster dans les espaces non-mixtes et dicter leur loi. Pour coucher avec nous. Pour nous agresser. Entres autres.

Et ben c’est un piège de méchant-es super élaboré, quand même, non ? Transitionner juste pour mieux agresser ? Sans rire ? Alors que ce sont les hommes CIS qui représentent la plus grande des menaces ? Et puis le parcours de transition, bon sang, c’est pas rien, c’est des années de mal-être et de souffrance, une ostracisation et une stigmatisation systémique et systématique, juste pour agresser des meufs ? Sans déconner, c’est aller un peu loin quand même, repensez vos plans de méchants, on est pas dans James Bond, par pitié.

La féminité est performative, et il n’y a pas de mauvaise manière d’être une femme. Les personnes s’identifiant comme femmes sont de vraies femmes et elles performent comme elles le souhaitent. Par ailleurs, toutes les femmes trans ne subissent pas de changement corporel, certaines ne prennent pas de traitement hormonal pour MILLE raisons, donc touche à ton cul. On peut performer comme on le souhaite, c’est normalement, une des bases du féminisme que de récupérer notre agentivité.

Certaines femmes trans sont stéréotypées ? Certaines femmes cis le sont également, et alors ? Pourquoi s’en prendre aux unes et pas aux autres ? Ah, attends, on me fait signe dans l’oreillettes que les femmes cis trop femmes sont aussi prises pour cible. Attaquer des femmes pour défendre les femmes, logique.

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Il y a quelques années, j’ai lu « porter une jupe est un privilège de femme cis » et j’ai terriblement réacté. Parce que, pour moi, porter une jupe est un facteur de risque en soi-même, et que je ne voyais pas en quoi c’était un privilège. Ensuite, j’ai réfléchi et j’ai eu honte, un peu.

Porter une jupe est un privilège de femme cis car le passing est en jeu. Le passing, c’est la manière de coller, ou pas, à ce qu’on attend d’une femme au premier coup d’œil. Si une femme a une barbe, on va se poser des questions sur son identité de genre, ce flou nous est manifestement insupportable et cause des dommages cérébraux irréversibles (🙄), ce n’est absolument pas une question de voyeurisme ou de curiosité malsaine, enfin, haha (si).

Une femme trans en jupe a des risques de se faire agresser en rue. Parce que la jupe, mais EN PLUS, parce que peut-être perçue comme trans. Les types d’agression ne sont pas les mêmes entre les motifs purement sexistes et les motifs transphobes. Une femme peut se faire tuer en raison de son genre, une femme trans aussi. Être une femme trans est un immense facteur de risques.

Donc porter une jupe peut être vu comme un privilège, en effet. Et ce, même si ça heurte mes sentiments de femme déjà agressée pour une jupe. Le type de violence est différent, y’en a pour tout le monde.

Ce réflexe réactionnaire, je l’ai eu, absolument. Je n’en suis pas fière, mais ça fait un bon exemple de la manière dont on peut mal réagir car on ne comprend pas les enjeux. Je pense que c’est ce qui se passe, en partie, chez les TERF.

On refuse l’idée de jupe, car, considérée comme « féminine », on l’interdit à tout le monde. Or, c’est le préconçu lié à la jupe qui fait du mal, pas l’objet en lui-même. Je perçois bien la logique, mais je ne vois vraiment pas où le fait de ne pas vouloir porter de jupes permettrait d’insulter des personnes qui ont envie d’en mettre. On lutte contre le jugement lié aux stéréotypes de genre. Pas contre des objets.

A mon sens, il est plus logique de PERMETTRE que d’INTERDIRE. Je tiens à ma liberté, tu vois ? C’est pour ça que je bosse. Pour qu’on se sente libre de faire ce qu’on veut, sans être jugé-es. Interdire, ça ne sert pas à grand chose. Regarde, par exemple, la violence est interdite. Est-ce que ça a permis l’élimination de la violence ? Pas du tout, car il manque tout un pan du problème : l’aspect systémique et culturel. On pourrait améliorer les statistiques criminelles en permettant un meilleur suivi, une meilleure cohésion sociale, un meilleur maillage associatif, une meilleure psychiatrie, un meilleur environnement et plus d’égalité. Ouvrir les droits plutôt que les fermer et les coller en taule.

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C’est la masculinité toxique, le plus grand ennemi. Directement liée au patriarcat et à son maintien, c’est bien cette masculinité toxique qui perpétue la violence en exigeant de nos hommes cisgenres qu’ils se comportent comme les derniers des connards pour ne pas être perçus comme efféminés.

Passer autant de temps à organiser le rejet et le harcèlement de femmes pour vaincre le patriarcat me semble totalement claqué au sol. Inefficace, dangereux, douloureux. En réalité, on n’est plus dans la lutte depuis longtemps, on est dans la réactance élaborée en système de pensée. Comme quand tu jettes un jouet et que tu refuses que quelqu’un d’autre l’utilise. Tu as jeté ce jouet, il ne t’appartient plus, fais pas chier.

Laissez les personnes de tous genres s’habiller comme iels veulent, c’est pas du maquillage et des talons qui vont faire tomber toutes les femmes en enfer. On est déjà en enfer, de toutes façons, qu’est-ce qu’on s’en branle ?