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Bon. Je devais écrire ça plus tard mais on m’a signalé une vidéo qui parlait d’un des callout dont je voulais parler donc je me précipite, évidemment.

On va parler callout.

Je ne cite ni mentionne personne, tu reliera les points si tu le sens, ou tu me demandes gentiment et j’aviserai. Mais en fait, on va plutôt parler d’un truc qui me frappe pleine poire : le schéma, le pattern est strictement le même, suit les mêmes règles, le même chemin, et au final personne n’y gagne, exceptés les personnes qui aiment voir les autres se faire harceler. Les victimes n’obtiennent en tout cas pas justice.

On va être très claires dès le début : je me suis déjà callout sur cette page, j’ai pas envie de le refaire. Mais j’ai eu des comportements de merde, j’ai dit de la merde, j’ai fait de la merde, je suis tout sauf exemplaire. Si tu veux faire de moi une abominable personne, il y a largement de quoi, avec une simple recherche.

Je ne SAIS PAS si les accusations sur les personnes que je vais mentionner sont avérées, car ce n’est pas de ça dont je parle ici. Je crois les victimes, une agression reste une agression et rien ne peut dédouaner ça, j’ai pas de tour de passe-passe joker ou de don extralucide qui me permettrait de juger les cas dont je vais parler. Mon principe est : si tu fais de la merde, tu assumes, tu répares.

On va donc parler des callout façon « spray the word » des réseaux sociaux.

« Unetelle est problématique » je l’ai beaucoup entendu et je vais te raconter une histoire triste pour commencer.

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J’ai récemment relancé mes recherches pour terminer le tatouage sur mon bras gauche. Des années que je cherchais, le truc était compliqué car il fallait continuer un travail laissé à l’abandon. J’ai galéré, vraiment, pour avoir le coup de cœur sur un style qui me plaisait et qui irait super bien. Spoiler : le tatouage est terminé ou presque, il est superbe, c’est du très bon travail.

Le truc, c’est qu’on m’a conseillé une artiste, et que j’ai reçu un message m’alertant sur le problématisme de la personne en question. La démarche était sincère et honnête, je sais que la personne qui m’a écrit me lira et jamais je ne critiquerai le message, tu as prévenu de quelque chose de potentiellement dangereux et je t’en remercie, ça a eu des effets positifs.

👉 J’avais le choix : trouver une excuse bidon pour annuler le rdv que j’avais pour le lendemain, ou essayer d’expliquer la situation inconfortable.

J’ai choisi d’aller voir cette personne et de lui en parler. Les faits étaient anciens (4/5 ans) et elle n’était pas la personne incriminée. On avait échangé en message privé peu avant, elle était surprise et savait que je venais en parler, j’étais pas super à l’aise mais je me suis dit un truc.

« Si personne ne lui dit, qui lui dira ? »

Tu me connais, un agent du chaos beaucoup trop curieux sommeille en moi. Alors, j’y ai été. Puis on en a parlé. Longtemps. J’ai décidé de ne pas la punir pour les actes d’une autre personne, qu’elle l’ait protégée consciemment ou non de faits réels ou non. Par ailleurs, j’étais inquiète. J’avais peur qu’elle-même soit sous emprise ou en danger. Mon côté agent du chaos est biclassé social justice bard, si tu me taunt avec une présomption de violences, j’y vais. J’ai pas le choix. Je ne peux pas laisser une personne comme ça, peu importe qui, il fallait que je creuse. Chuis irrécupérable.

L’échange a été assez émouvant, en tout cas pour moi. Cela faisait en gros 4 ans que son activité baissait sans qu’elle comprenne pourquoi. Le fait qu’on vienne me prévenir moins d’1h après mon post m’a fait comprendre que mon ami (que j’aime et que je remercie pour ce message) n’était pas le seul à répondre de cette manière à son évocation. Je me suis demandé combien de personnes avaient annulé des projets à cause de ces rumeurs et ça m’a surtout semblé assez grave qu’on laisse ce genre de choses en suspens.

On a donc échangé, j’ai décidé de lui faire confiance, tout s’est bien passé. Et quand tu te fais tatouer, forcément, tu causes pour oublier qu’on te fait mal et que tu es suffisamment stupide pour te laisser faire. Ici, on était que toutes les deux, alors on a échangé sur une vingtaine d’heures.

J’ai été son dernier gros projet. Elle a fermé boutique juste après.

Elle a fermé, mais elle sait pourquoi. Je suis, en gros, la seule à être venue en parler de vive voix. En 4 ans. On a détricoté ensemble, on a parlé de nos expériences car on a plus ou moins le même âge et des vécus parfois très similaires.

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Ces échanges, avec elle, avec d’autres, m’ont permis de dégager un pattern et des problématiques qu’il devient très urgent d’adresser. Pitié. Adressons-le au lieu de nous réfugier dans le confort de nos blocages mutuels, please.

Le sujet des agressions sexuelles et du panel des violences commises par femmes et hommes sur leurs partenaires, on va dire que je connais un peu. J’ai très récemment adapté la première partie du livre « Why does he do that » de Lundy Bancroft, c’est une lecture difficile mais un bon outil pour les victimes et aidant-es. Puis j’ai été concernée. Je commence à avoir une petite expertise informelle en termes d’emprise, de violences et de coercition.

Le problème majeur, c’est de prouver les faits. Je dis ça en ayant déjà porté plainte et subi tout le parcours judiciaire qui s’en est suivi. C’était abominable et ça m’a dissuadée de porter plainte à nouveau. Mon agresseur, pédocriminel ayant autorité sur une mineure (moi) a été relaxé en première instance car je ne pleurais pas suffisamment face caméra. Ce n’est qu’en appel qu’il a été jugé à la peine extraordinaire de 18 mois de prison avec sursis et un dédommagement financier qui m’a permis d’acheter ma première machine à laver. Il n’a pas perdu son travail, il continue ses activités et est probablement toujours en contact avec son cœur de cible : les jeunes filles pré-menstruées. Moi, ça a juste défoncé ma vie, mais admettons, allez, j’ai eu 5000 balles, on oublie tout ça, non ? (Non)

Je sais pour l’avoir vécu, pour avoir été tenter de porter plainte au commissariat des années après, gueule en sang, hématomes, médecin légiste et tout le merdier, que même si tu es manifestement sérieusement blessée, TU L’AS DANS L’OS. En gros, on m’a fait comprendre que je l’avais un peu cherché, moi, aussi, en picolant pour oublier qu’il me mettait sur la gueule.

Cette indifférence, au mieux, des forces sensées nous protéger ou mettre à l’abri les plus fragiles, m’a fait réaliser qu’il n’y avait pas vraiment d’espoir en ce monde. Derrière chaque cas de féminicide au sein d’un couple se cachent des flics infoutus de faire correctement leur travail et une Justice dépassée et à la traîne.

J’aurais aimé dire que j’ai eu « justice » en 2001 et que les choses ont évolué.

J’aurais vraiment aimé pouvoir dire qu’en 2023, ça se passe super bien.

En vrai, ça a fait « meh » et les discours de victimes face à la police et à la justice ont un sérieux goût de déjà vu. Il y a eu des rapports, des commissions, des trucs et des machins, mais quand tu ne t’attaques pas à la racine du problème, tu as beau agiter les bras et faire de beaux PDF made in Ministère du Secrétariat du sous-bureau des Femmes, on va dire, en étant généreuxses, que « mouais ». Effets de manche.

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Le cœur du problème, c’est cette difficulté à prouver les faits. En tant que victime, ne pas être entendu est insoutenable. Peu de mes proches savent l’étendue réelle de ce qui m’a été infligé dans ma vie. Parce que je ferme ma gueule. J’ai été terrassée par un procès, j’ai porté plainte à 17 ans, ça m’a brisée.

Alors, je crois les victimes, fondamentalement.

Je lis souvent le « elle avait qu’à aller porter plainte » ou même « elle y a pensé, aux victimes d’après ? » en culpabilisant la victime de ne pas avoir envie de se faire broyer par la machine judiciaire. Ici, on commence déjà à poser un problème : la victime a non seulement été victime, mais a en plus du mal à se faire écouter, car les faits sont anciens, c’est « parole contre parole » et 99,99% des cas, c’est au détriment de la victime. La présomption d’innocence, cette arme à double tranchant. Tu perds toujours, de toutes façons, parce que tu as le trauma qui reste.

Mais la parole DOIT sortir. On a besoin, viscéralement, d’exploser, de dire, de hurler les choses. Le secret ne bénéficie qu’aux agresseurs.

On se retrouve donc dans une double posture de merde : on doit parler, mais aussi prouver et « faire quelque chose ».

Et quand la Justice n’est pas en mesure de répondre, on fait autrement. On fait sur les réseaux sociaux.

Que les choses soient claires : si la parole doit être portée, il est légitime de passer par les canaux de communication disponibles en cet âge d’or de la digitalisation du flex. Parfois, on a besoin de dire sans forcément passer à la suite du process que tout le monde nous exhorte à suivre. On peut parler, dire, trouver du soutien et c’est absolument ok de faire ça via les réseaux sociaux.

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Le problème intervient lorsque cette parole se voit utilisée, souvent par les proches de la victime elle-même, comme une arme.

« Message à retweeter » et l’accusation en 144 ou 280 caractères devient virale. C’est là que je commence à décrocher.

❤️ Les campagnes de RT (retweet) sont utiles, notamment avec le travail énorme des communautés comme les Sleeping Giants (cf ma saga en 5 actes sur les Corsaires de France) qui vont utiliser cette viralité pour demander des comptes aux annonceurs publicitaires qui donnent de la thune à des médias fascisants. On relaye le message, le média en prend connaissance, et, parfois, retire les annonces ou rompt le partenariat publicitaire. Taper au portefeuille, c’est un bon outil. Utiliser les réseaux sociaux de cette manière a un petit goût de rébellion avec les propres outils du Capital et ça me plaît.

Il faut admettre que la viralité est devenue une arme.

Il y a quelques années, j’ai été confrontée à l’extrême de la situation : l’agresseur callouté s’est donné la mort. J’ai assisté, malheureusement, à la préparation du callout et de la campagne de harcèlement qui a fini par ce résultat. J’avoue que, même si le type était coupable (et il l’était), c’était aller un peu loin. Dans ma tête, la peine de mort a été abolie juste avant ma naissance, pousser une personne (dont on sait qu’elle présente un tableau clinique psy complexe) au suicide, désolée, mais c’est un des moves les plus crades que j’aie jamais vu. J’ai assisté aux réjouissances avant de lâcher le groupe à l’origine de la merde, dégoûtée par ce que je lisais et par mon impuissance totale face au drame qui s’est déroulé en plusieurs étapes cauchemardesques.

J’ai aussi subi la rumeur, notamment autour de ma période « Écho des Sorcières » et ça a été d’une très grande violence de subir ça en dépression post-partum. J’étais moins disponible et absolument en détresse, j’ai reçu de plus en plus de messages (de ma propre « équipe ») destinés à me faire abandonner, et j’ai abandonné. Je sais avoir pas mal de défauts, mais je pense, encore aujourd’hui, que c’était dégueulasse de me faire subir ça. J’étais en situation d’extrême vulnérabilité, je venais de passer une grossesse très difficile et j’avais un nourrisson à la maison. Je me suis coupée de tout assez rapidement car j’avais déjà des idéations suicidaires et la partie de moi qui veut vivre, cette saloperie, m’a dit « meuf, mets toi au crochet, lis pas ça ». J’ai ensuite été très isolée car je me suis auto-exclue, et oui, c’est aussi un pattern chez moi, merci Marie-Mouise de pointer du doigt l’évidence.

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Je pense qu’on ne se rend pas compte de la violence que peuvent porter des accusations (dans mon cas ce n’était pas lié à une agression, j’ai eu chaud) et, surtout, la viralité de ces accusations.

Non. On va juste appuyer sur le bouton « retweet » et faire passer le message sans connaître ni la victime, ni l’agresseur-se, juste par principe, en un clic tu peux toi aussi participer au mouvement, c’est facile, rapide, efficace et je pense qu’on doit ressentir une forme de joie ou de satisfaction en se disant qu’on a fait le bien en diffusant la nouvelle.

Parfois, sans que la victime soit consultée, on sort un dossier et on expose. Je te laisse imaginer une situation où tu es victime et où on expose ton cas sans ton consentement aux yeux de toustes.

Et là, merde. Non. On déconne.

Je pense que tu as compris, vu le pavé plus haut, que je suis concernée, victime, mais que ça ne me fait pas valider ce genre de campagne qui pourrait s’apparenter à de la diffamation (j’ai dit « pourrait »). Si je suis totalement ok avec les callout dans des cas d’asymétrie de pouvoir (les callout de personnalités médiatisées, par exemple), je suis inquiète de voir qu’on peut, comme ça, faire tourner un message dont la véracité ne sera jamais, jamais vérifiée par les personnes qui relayent. Ton retweet n’est pas « juste » un retweet. Pour toi, il s’agit d’un seul post, mais pour la personne qui fait l’objet des accusations, les messages s’accumulent par centaines.

Est-ce que tu peux imaginer ce que ça fait que de te réveiller, un matin, en voyant une litanie de personnes que tu ne connais pas parler de toi comme d’un monstre ? Je suis parfaitement d’accord avec l’idée d’une punition et je sais que, souvent, on n’obtient pas réparation. Mais là, je suis inquiète de ce que je vois se produire de plus en plus souvent au sein de la communauté militante.

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Le problème n’est pas vraiment au niveau de la véracité, encore une fois. Oui, je préfère le répéter. Je vous crois totalement. Le problème, ici, vient de la viralité, du partage passif et massif qui t’apporte un peu de dopamine gratos et te fait te sentir important-e car tu participes à quelque chose de plus grand que toi. En plus, tu dénonces une personne problématique, tu le fais sans aucune culpabilité, tu te dis que tu fais le bien. Si, dans le cas d’un Weinstein, je suis totalement opé pour hurler, je suis moins enthousiasmée par les callout intra-militants qui cachent très souvent des situations de conflits peu ou pas gérés.

J’ai pris connaissance de trop de cas de ce type. J’ai aussi protégé un violeur, je me suis fait avoir, donc t’en fais pas que je suis devenue très méfiante avec les années, je suis faillible, je le sais, alors je remets en question à peu près tout ce que je fais. J’écris ça depuis ma posture excessivement inconfortable et je fais pas la fière en publiant ça, car j’ai peur du retour de bâton. J’ai peur de m’adresser à ma propre communauté pour évoquer des problématiques complexes et casse-gueule. Je sais qu’on va me prêter des intentions. Est-ce si important ? Non. Je ne suis pas en danger et je suis au clair avec moi-même, merci.

Il y a cette personne dont les relations polyamoureuses ne se sont pas bien passées, où il y a eu de la jalousie, des alliances, pour finir par une accusation d’agression pour clôturer le truc. L’agression a peut-être eu lieu, oui. Mais l’histoire parlait de dynamique de groupe toxique, à la base. Ici, la personne subissant le callout a été tricarde alors que l’affaire aurait pu être résolue d’une manière plus efficace. Mais personne ne lui en a parlé, il a découvert le truc un matin sur Facebook. Ce qui était du relationnel poly problématique était devenue une accusation de viol en bonne et due forme.

Ce qui s’est passé, ce qui se passe toujours, c’est que la personne calloutée s’efface. J’ai envie de faire une vanne sur la cancel culture mais je ne trouve pas, je te laisse donc cet espace pour y réfléchir : [🐱🐱🐱🐱🐱🐱🐱🐱🐱🐱🐱🐱🐱].
Sauf que…et bien le groupe à l’origine de l’accusation, lui, s’est totalement dédouané de toute toxicité et exempté de toute réflexion sur ces dynamiques de groupe pétées.

L’absolution s’est faite PAR le callout.

Lui est coupable, l’autre est victime. Facile. Mais que font tous ces gens, autour, du coup ? Iels comptent les points en relayant ce qui est devenu une rumeur.

Ici, le callout a été instrumentalisé pour nuire à une personne et l’exclure définitivement des cercles sociaux correspondants. L’efficacité a été certaine : il fait pu chier, il est en PLS dans son coin. Pire, les accusations ont été plus ou moins rétractées avec le temps, les gens ont parfois compris que c’était un peu gros, mais le mal était fait. Pour qui s’arrêtait à l’accusation, cette personne méritait d’être punie. Peu importe si l’affaire ne tient pas debout. Les gentils ont gagné, le monde est sauvé.

Comprenons donc un truc : le callout peut et EST parfois instrumentalisé de cette manière. Pour gérer du conflit intracommunautaire ou interpersonnel, dire « cette personne est problématique » résout les choses très rapidement. On devient pestiféré-e, on s’isole et même si les accusations sont levées, c’est foutu, on garde cette marque-là pour toute la vie.

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C’est de ça, qu’il faut absolument parler. On parle d’esprit critique, mais on n’en fait pas toujours preuve lorsqu’on est face à une accusation. L’émotionnel prend le relais (Ce qui est tout à fait compréhensible et valide) et on part en guerre par principe. Parce que, et on a raison de le faire, on croit la victime.

Non seulement ça fait des dégâts si les accusations sont fausses, mais ça génère aussi un effet « Pierre et le Loup » incroyable. A force, on ne sait plus. Notre bonne conscience féministe nous enjoint à participer à la libération de la parole des victimes, ce qui est cool et dangereux. Cool parce que #metoo est un outil puissant. Dangereux parce que #metoo est un outil puissant.

Le pire, c’est que non seulement ça fout le doute sur toute accusation, mais ça fait grave le jeu des droitards qui nous narguent, nous et notre pureté militante qui nous fait nous battre en interne au lieu de tout cramer. Cela dit, je pense que les droitards se foutent déjà de nous sur la couleur de nos cheveux et qu’il leur faut vraiment pas grand chose pour s’offusquer. On dessert pas tant la Cause que ça, au final, ces gens sont foutus.

Les fausses accusations concerneraient entre 1 et 8% (grand grand max) des cas. C’est peu. Mais à qui profite le doute ? Pas à la victime. Jamais à la victime, qui reste victime ensuite. Et, même si le cas est avéré, fondé, est-ce que quelqu’un a demandé à la personne intéressée, la victime, donc, si elle était ok pour que ses accusations, souvent portée par des proches, fassent le tour du web francophone ? Ça semble grotesque mais j’ai déjà assisté à de la pure instrumentalisation de l’agression au détriment de l’auteur ET de la victime qui n’avait pas forcément envie d’être outée, là, maintenant. Là, c’est vraiment problématique, on parle de confisquer la parole d’une victime dans le but de nuire.

Parce que tous les callouts ne sont pas faits pour l’amour de l’Art. Non. Les fausses accusations et la diffamation existent dans nos milieux. J’en suis la première désolée.

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Je n’ai PAS de réponse. Genre vraiment pas. Je suis toujours très partagée sur le sujet, j’ai vu trop de ces affaires emporter tout sur leur passage, engloutir la personne accusée, qui, parfois, n’est même pas au courant des accusations.

Mais j’ai subi le silence, aussi. Parler de mon expérience m’a aidée à surmonter mes traumatismes et j’aurais aimé, j’aimerais, que mon agresseur soit identifié comme tel, pour protéger les autres cibles. Il était déjà en situation de récidive et a sans doute récidivé après l’affaire. Le savoir est une torture. J’aimerais que le monde sache que ce type est un prédateur, sauf que le monde en a rien à battre. Il n’a même pas perdu son boulot. Moi, j’ai subi des années et des années de gouffre existentiel et toute une partie de moi est complètement morte, définitivement.

La gestion des cas d’agressions, de viols, par la Justice, est insuffisante (et je reste polie). Je pense qu’une grande partie du problème vient que nous n’avons plus que les réseaux sociaux pour dire les choses. Personne ne nous croit. Pire, on fait chier avec nos dramas. Le délai de prescription est passé, aussi, pas de bol. Alors on hurle les choses comme on le peut, on trouve une audience, du soutien, et ça c’est BIEN. Les réseaux sociaux sont un formidable outil d’entraide et de soutien, j’ai vu des actes d’amour et de solidarité virtuels hallucinants qui me foutent des frissons à cet instant même. Des cagnottes, des groupes de parole entre personnes concernées, du relais, de l’aide, quoi.

Ça m’attriste que ces outils soient utilisés dans le but de nuire, parfois, parce qu’on a pas envie de réfléchir des dynamiques de groupe pétées et qu’une accusation permet de mettre un terme à la dispute. Je suis écœurée de me lire, oui. Moi, parler de fausses accusations ? De quel droit ? Je suis féministe, je crois les victimes, alors de quel droit je me permets d’alerter sur 1% des cas ? Je fais le jeu du patriarcat, merde !

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Tu la vois, l’embrouille ?

C’est plus confortable de retweeter sans réfléchir plutôt que de réellement s’interroger sur l’utilisation de nos outils militants (callout, mais aussi accusations de *phobie ou de toxicité). J’ai vu la notion de « triggering » utilisée parfois de manière ubuesque. Le trigger, c’est pas un jouet. Dire « je suis trigger » pour clore une discussion peut être justifié, mais sert malheureusement bien souvent à couper court plus qu’autre chose.

On a des outils formidables et ça me fend le cœur de voir que des personnes se servent de ces outils pour nuire. C’est sale et improductif. Sale car en accusant un-e militant-e, on pourrit irrémédiablement sa street cred tout en étant sûr-es que la personne va s’exclure d’elle-même. C’est même plus facile de faire taire un-e militant-e que quiconque, car, de fait, on est opés sur les oppressions et donc pris-es dans un complexe entre « Tu dessert la Cause » et « Je dois me défendre quand même ».

Sur des personnes fragilisées, l’effet est dévastateur.

Une chose est sûre, pour moi : une personne qui agresse doit répondre de ses actes.

Clairement.

Systématiquement.

Mais on doit aussi la laisser réparer. Laisser une occasion à la personne de parler, même si elle a agressé. Ici, on coupe court à toute tentative d’échange.

Ce n’est pas toujours le cas, surtout lorsque l’auteur-ice est une « célébrité » (coucou, tous les groupes de Metal bien dans la merde ces dernières années, ça va, la vente de disque et les festivals, pas trop dur ? Non ? Bon bah tout va bien alors, le milieu du Metal peut être déclaré safe, youpi). Ici, le callout est utilisé pour en quelque sorte rééquilibrer le pouvoir.

Une personne a un « poids » social : iel présente le JT, fait des films, a de la thune, mais aussi un nombre de followers sur les différentes plateforme de drain cérébral. Quand tu portes un message et que tu as, comme moi, 2,5 follow sur Twitter, personne ne t’entend. Mais quand, exemple tout à fait au hasard, un zététicien lance une campagne de harcèlement suite à des accusations, la visibilité est d’une très grande importance. Quand tu as 40 000 personnes qui te lisent, que ta cible a 250 potes, il faut penser à cette dynamique si particulière. Les jeux de pouvoirs sont exacerbés par les réseaux sociaux.

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En gros, faut vraiment qu’on pense à se responsabiliser un petit peu. Penser aux conséquences, sans pour autant défendre ou nier les agressions. Je suis sûre que c’est possible de faire les choses de manière moins malsaine. La viralité est une arme à la portée de toustes, alors matons nous les yeux dans les yeux avant de RT un post accusateur.

S’il te plaît.

J’ai plus envie d’assister à des suicides par proxy, j’en peux plus de voir des personnes tomber alors qu’il y a tant d’agresseurs-es avéré-es toujours en activité, y compris dans nos rangs. Des personnes toxiques et féministes ayant pignon sur rue, j’en connais (et je suis moi-même toxique sous certains aspects). On protège des personnes malveillantes et connues comme telles (« Mais cette personne est si utile, fait un si bon travail ! ») tout en s’assurant que la petite main, la péonne, la meuf qui a rien ferme bien sa gueule. Parce qu’on est féministe et « célèbre », on a les mêmes passe-droit que des agresseurs lambda. On protège ces personnes et on s’acharne sur celles qui sont les plus fragiles. Ça se passe ici, maintenant, mais tout le monde ferme les yeux.

Je ne dis pas que toi, tu le fais. Je dis qu’il faudrait balayer devant notre porte avant toute chose et réfléchir, pour de vrai, à ce qu’on fait de nos outils. S’interroger sur nos motivations, sur ce qui nous rend si susceptibles de relayer des accusations en 1 clic sans songer aux conséquences.

Ce billet est beaucoup trop long, il y aura peut-être une suite, en fonction des échanges qui découleront de ce texte bien casse-gueule qui va sans doute me valoir moults migraines et regrets. Mais tant pis.

Parce que…« Si personne ne lui dit, qui lui dira ? »