Ne pas prendre parti, c’est prendre le parti de l’oppression. Le privé est politique. Applique ce que tu prêches. Au final, les plus gênées s’en vont. Pierre qui roule dans le puits a bien l’air con qu’elle se casse au fond du trou. Ou un truc du genre.

Je pensais que ça allait de soi, mais pas forcément. Plus ça va, moins j’aime la tiédeur confortable de mon cerveau apaisé par les antidépresseurs et les anxiolytiques.

Je vaux mieux que ça. Mieux que de me laisser détruire.

Ignorer ou jouer sur les faiblesses psychiques des autres, c’est dégueulasse. J’espère que tu es fière de toi : encore une tarée qui pète son câble et toi tu t’en sors avec les honneurs tandis que je rampe sur le sol comme une vieille loque. Je pensais qu’on protégeait les personnes les plus fragiles, même si elles font bien semblant pour être acceptée au club. Je pensais, bêtement, que ce que je faisais pour les autres, les autres le feraient pour moi. Idiote.

Idiote. Je sais bien que ça ne se passe pas comme ça dans la vraie vie des vrais gens bien arrimés au sol.

Dans ma vraie vie à moi, il y a les journées fantomatiques, à me demander si je devais disparaître tout de suite ou attendre que mon fils soit assez grand pour encaisser le coup. Mes crises ne sont pas des passages à vide. Ma mollesse et mon absence pourraient le faire croire mais mes crises sont pyrotechniques à la Michael Bay. Tu penses savoir ce que je traverse parce que tu fais des crises d’angoisse. Tu n’as jamais eu à te sur-médiquer en urgence parce que tu vois ton cerveau exploser dans le miroir de la salle de bains.

Alors, il faut rationaliser. Ok, elle est folle, mais elle a tel ou tel défaut de caractère sur lequel on va faire dériver le problème, à savoir son esprit malade que personne ne sait approcher. Elle s’exclut d’elle-même, c’est pas ta faute, même si pour exclure il faut être au moins deux.
Trop sensible. Trop explosive. Nitrogylcérine sur trois pattes. On rationalise comme on peut. On attribue des qualités et des défauts à la personne pour pouvoir se rassurer et se dire que finalement, on a fait tout bien correctement. Tout bien correctement c’est surtout éviter les pots cassés et les œufs dans le même panier. Retirer les débris et nettoyer pour qu’il ne reste plus une trace de cette gerbe cosmique qui fait moche sur le papier peint du salon.

Déplacer le problème en ayant deux standards. En demandant à la personne diminuée cognitivement et psychologiquement de faire l’effort de bien vouloir se taire et de laisser de la place. Et ça fonctionne. Invariablement, le parasite s’en va vers d’autres à qui siphonner l’énergie vitale parce que c’est comme ça que ça marche. Parasites.

Et on a pas envie de se laisser vampiriser. C’est le souci avec les cinglé-es. Ça envahit. Ça reste pas tranquille. Ça a toujours un moment où ça ne va plus et ça fait chier, à la longue. Ça demande de l’entretien et de la lecture entre les lignes. Puis faut gérer trop de triggers insensés.

On the flipside.

Les personnes valides sont difficiles à gérer. Face à la maladie, elles se raccrochent à ce qu’elles connaissent : l’angoisse du dimanche soir, la fin des vacances, une rupture douloureuse. Elles sont difficiles à entretenir car il faut masquer en permanence. Faire semblant et se retirer élégamment en cas de turbulences. Se mettre à l’écart le temps que ça passe. Pour ne pas leur faire peur.

Et lorsque, inévitablement, le visage macabre ressort, gérer les dégâts. Sur les autres. Les personnes « stables » qui vont un peu moins bien avec nos conneries.
Réparer, s’excuser, s’oublier et faire semblant de ne rien vivre en dedans. Surtout, ne pas les contrarier, parce qu’on a peur de dire les choses. Peur du rejet qui arrivera un jour ou l’autre.
Les personnes non-folles sont difficiles d’entretien. Il faut comprendre leurs sous-entendus, savoir instinctivement quand se faire taire. Couper la douleur pour qu’elle ne déborde pas trop, ça fait des traces et puis c’est ma merde, c’est à moi de nettoyer. C’est normal. Je dois aussi gérer les conséquences et les traces qu’on laisse sur moi. C’est normal. Je dois changer pour m’adapter, travestir ma réalité pour ne pas trop déranger. C’est normal. C’est moi qui suis en tort de ne plus accepter certains comportements et d’exprimer mes limites. C’est moi qui pars car les plus gênées s’en vont. C’est normal.

Et entre deux.

Les pierres du gué. Celles qui savent au fond d’elles-mêmes ce que ça fait que de sombrer pour de vrai. Les cassées de la vie, celles qu’on n’écoute que d’une oreilles ou qu’on encourage au silence. Celles qu’on applaudit quand elles produisent et qu’on ignore lorsqu’il n’y a pas assez de plus-value à leurs élucubrations.

Celles qui savent que tout n’est pas si simple. Celles qui refusent de se complaire dans le feutré de l’intimité paisible. Un chien aboie. Elles n’abattent pas le chien qui les emmerde à 3h du mat. Elles vont lui filer à bouffer et essayent de comprendre pourquoi soudainement tous ces aboiements si tôt le matin, merde, y’en a qui dorment.

On accepte de faire des compromis, tant que le handicap n’est pas trop lourd. Si on est dans la neuroatypie, déjà, c’est un peu chiant. Si on est dans la pure folie, c’est vraiment beaucoup trop chiant. Il n’y a pas de bon conseil de vie face à la pure folie. À part de bien s’hydrater et d’aller faire un tour dehors. Je connais le yoga et je maîtrise bien le Shavasana. Tout va bien se passer.

Ce qui n’est pas encore compris, c’est la dangerosité présumée des un-es et des autres.
C’est simple : tu me dis « va te suicider », j’envisage sérieusement la question. Facile, sans effort. Si tu me rejette, je me remets en question. Toi, non. Toi, tu es du bon côté du manche alors je crois que tu as raison. Que je dois travailler sur moi pour devenir une meilleure personne. Que je suis dysfonctionnelle et inepte. L’avantage, c’est que ça me fait progresser intérieurement. Je pète tout en dedans et je refais la déco. C’est bruyant, faudrait que je me reconstruise plus loin, mais je ne peux pas. Hier, tu perçais bien un trou dans un mur porteur à 21h, je t’ai entendue et j’ai rien dit. Pourquoi on ne me laisse pas le droit d’accrocher des tableaux entre 9h et 17h en semaine ?

Tu ne comprends pas qu’un silence ou une réponse agacée 🙄 puisse provoquer une réelle détresse bien tangible. L’habitude du rejet fait envisager immédiatement le pire. Ça y est. C’est le moment de prendre le train vers nowhere. J’ai pas commencé ce petit jeu hier matin, tu sais ? Pourtant, je continue d’y croire. Imbécile que je suis. Tu fais partie d’une très longue lignée de personnes dont la normalité a presque fini par me dévorer. Sauf que je perçois les schémas et que je les analyse pour mieux les contrer. Au moins, je connais l’étendue de mon implication et je sais m’en sortir. Je deviens de plus en plus forte à ce jeu-là, malgré l’agonie de la séparation. J’avance petit à petit et je garde précieusement ce que je trouve en chemin, car je sais que tout est toujours en suspens, chez moi. Ce petit galet que j’ai ramassé sur le bord de la mer en 2018 finira par accompagner une de mes plantes pour en préserver l’humidité.

Tu ne sais plus si ça blesse ou pas, mais si ça ne te blesse pas, alors…ta solidité est le mètre étalon de l’acceptable. Si tu supportes, les autres aussi. L’individualisme du truc t’échappe absolument. L’aspect systémique et politique aussi, tandis que tu claques le beignet de la tarée en la renvoyant au coin, tu ne te demandes pas si tu reproduis la violence que la société lui inflige, tu veux juste être tranquille, sans « drama », tu n’as pas demandé à avoir cette responsabilité en t’engageant dans la relation. Il faut qu’une des deux lâche et ce sera moi. C’est plus simple comme ça, j’ai l’habitude, tu sais, t’en fais pas. Je me victimise, on va dire ça. Allez, je sais bien que c’est le mot que tu as sur le bout de la langue.

C’est simple, de manipuler une folle. Mon père a réussi à manipuler une de ses filles jusqu’à après sa mort. Il l’a fait décoller et partir si loin qu’elle est pour toujours inaccessible.
C’est simple de faire semblant de ne pas voir que l’autre est désespérée et fait la belle quand tu siffles pour recevoir, peut être, une friandise ou une caresse sur le nez. Et lorsqu’elle aboie trop fort, que le collier à électrochoc ne fonctionne plus, tu dis qu’elle a la peste pour pouvoir t’en débarrasser sans arrière-pensée.

Je ne suis pas un chien. Je vaux mieux que de claques sur le museau quand je suis trop agitée mais j’agiterai la queue quand tu m’attacheras à un arbre au départ de vacances. Tout le voyage, je me sentirai en confiance avec la personne qui prend soin de moi. Je regarderai la voiture s’éloigner en pensant qu’on va revenir me chercher. Mais personne ne revient jamais.

Mélodramatique ?

Ma vie est mélodramatique. Pleine d’histoires, d’anecdotes, d’aventures plus ou moins paisibles. Beaucoup de trahisons mais interdiction de se méfier à nouveau, car ça gêne les autres d’être en insécurité affective et de le montrer. Beaucoup de « crises » et de remises en question faites dans le silence ou presque. Chaque débordement est sanctionné, à un moment, je ne sais pas comment je m’y prend, mais je crame tous mes points parce que je ne m’arrête pas au STOP. Oui, j’ai un nombre de points, qui dépend de la valeur qu’on perçoit en moi, de ce que je peux apporter, modéré par mes défauts inacceptables. On secoue le tout, et on obtient le degré de tolérance à mes conneries. On se permet de faire ça pour ne pas « se faire bouffer ». Phagocytage ou contagion ? Aucune idée, mais il vaut mieux prendre ses précautions avec moi, sinon je t’engloutis dans mes délires.

Sans se demander un seul instant si, moi, je supporte les conneries des autres. Je suis sensée les accepter, vu mes propres défauts, non ? J’ai certainement rien à exiger de la part des personnes qui me font l’aumône. C’est déjà pas mal qu’on me tolère, non ?

Alors je supporte. Les dossiers et secrets sont bien gardés. Je supporte le manque d’empathie, l’exclusion de fait, les petites indécences du quotidien d’une personne valide qui s’accomplit. Moi, je ne m’accomplis pas, je ne m’accomplirai jamais et la souffrance continuera, avec ou sans toi. J’avais des projets, une carrière, un corps à peu près fonctionnel que je vois maintenant s’effriter sous mes mains. Ce n’est pas très amusant mais je dois rester positive, pour toi. Te soutenir comme je peux c’est à dire jamais assez, tout en ne demandant qu’une croquette de temps en temps. Tu as tout loisir de m’ignorer mais si je ne te réponds pas au doigt et à l’œil, j’ai la peste.

Je suis inspirante quand je m’en sors et désagréable lorsque je ne m’en sors pas. Je suis insupportable, et pourtant, pas si seule. Cela doit sans doute être des personnes avec le complexe de l’infirmière ou trop de pitié et d’hypocrisie pour me dire d’aller me faire foutre. Ou des personnes qui ont compris qu’elles ne me répareraient pas, même avec beaucoup d’amour. Je n’ai pas besoin d’être réparée, je sais que je ne guérirai pas et c’est pure perte de temps que de m’acharner à devenir normale. Je sais aussi que les autres n’ont pas besoin d’être réparées et je n’essaie pas de tout résoudre à grands coups de pieds au cul. L’un dans l’autre, ça fonctionne. Je ne suis pas seule. Je ne dépend pas de ta charité mal placée.

Je fais le choix pour toi, hey, souris, un peu ! Je me suis sortie dans la poubelle jaune, le ramassage est ce matin, je ne sais pas si je passe ou pas dans la catégorie des encombrants. Je te préviens, si je passe, je reviens pas demain. Allez, c’est juste une blague sur la mort, fais pas cette tête, c’est moi, la fragile, ici.