Heure de réveil : 4h18
Sache qu’il y a des gentes en rave party en Bretagne qui sont là depuis 2 jours et qu’on a pas encore réussi à déloger 😁
Façon fin du monde, cernés par les flics, à résister jusqu’au bout pendant que Mattéo comate, béat, tout contre le son. Y’en a toujours au moins un qui s’écroule quelque part, de manière aussi aléatoire que brutale.
C’est complètement idiot, oui, de se réunir à 2500 dans un hangar en temps de covid.
Mais merde, le move est magnifique.
🙆♀️ Don’t stop the party !
« Les gendarmes ont bien tenté, dès jeudi soir, de s’opposer à l’installation de cette rave-party. Mais « ils ont fait face à une violente hostilité de nombreux teufeurs », a expliqué la préfecture. Au cours des heurts, « un véhicule de la gendarmerie a été incendié, trois autres dégradés et les militaires ont essuyé des jets de bouteilles et de pierres, occasionnant des blessures légères ». «
Franchement ?
Se réunir à 2500 est la pire idée du monde (remarque les cathos ont fait pareil dans une patinoire et personne n’est venu les emmerder), cependant, ça donne un petit air festif insurrectionnel au début de cette année de toutes les surprises (oui, hier je demandais de la neige, j’ai ouvert les rideaux, y’avait de la neige, j’te jure, juste chez moi, de la neige, j’ai sautillé et tout) qui me met du baume au cœur, et j’en ai bien besoin.).
« Très peu respectent les gestes barrière »
🤣
Les mecs, ils ont pas compris.
C’est la fin du monde, tout part en vrille, comment imaginer un seul instant que toute une jeunesse privée de loisirs depuis des mois, sans promesse de lendemain qui chante, reste assise bien sagement à table avec Mamie à regarder Stéphane Bern à la télé pour le réveillon ?
Alors oui, c’est con. Oui. Mais je ne peux pas m’empêcher d’être fière, un peu, de voir qu’on a pas tout à fait laissé tomber ✊
🧟♀️🧟♀️🧟♀️
Non, je rigole pas, moi, bien planquée derrière mon clavier !
Enfin si.
Mais tu vois l’idée. Imagine-moi les sourcils froncés en train de tenter de faire une tête méchante sans y parvenir ? Voilà. C’était ridicule. Crois-moi sur parole.
Transgresser pour faire la teuf, oui, bon.
…nan en fait, c’est sans doute moche mais je les comprends.
En 1994 j’ai découvert Kurt Cobain. Oui, parce qu’il s’était suicidé. C’étaient mes débuts en matière de choix musicaux et Nirvana, c’est bateau, mais ça m’a fait tout un truc.
🎉 Ce type n’en avait rien à foutre et j’ai eu ma Révélation : moi non plus !!! 🎉
En 1994 j’avais 12 ans, le monstre qui habitait mes nuits partirait quelques mois plus tard mais j’avais déjà gagné ma liberté. Les femmes le dégoûtaient, je crois, et je devenais trop vieille pour lui.
C’est atroce mais quand j’ai eu mes règles pour la première fois, je savais à son regard atterré que j’étais libre.
Du sang et du grunge.
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J’ai vécu sous contrainte de longues années. Il savait tout ce que je faisais, tout le temps. Quand j’ai commencé à vouloir manger en permanence, il le savait, il contrôlait les placards et se fichait de moi à base de comparaisons animalières douteuses.
Alors je piquais de la monnaie, où je pouvais, pour m’acheter à manger et le cacher sous mon lit. Je gardais mon dessert de la cantine, je chipais le pain qui restait sur les plateaux et le fourrais dans mes poches.
J’ai gardé cette habitude, et, des années plus tard, j’aurais bien du mal à expliquer à mes collègues pourquoi je piquais leur pain alors que heu…je pouvais me payer des baguettes quand je voulais.
Mais c’est resté et plusieurs de mes manteaux ont de la farine au fond des poches.
Dans un précédent billet je parlais d’interstices de liberté. C’est l’idée. Je crois que l’esprit humain n’est pas fait pour la captivité, il va forcément chercher à s’évader par tous les moyens. C’est sain.
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La période est compliquée pour moi.
Parce que ça me reloute de vivre avec toutes ces contraintes, honnêtement, et je mets au défi quiconque de me dire « ouais nan ça va c’est cool je le vis bien ».
Pis d’un autre côté je comprends complètement la plupart des mesures sanitaires.
Le couvre-feu, non. La fermeture des lieux culture non plus. Enfin, merde, j’ai été à Auchan cette semaine, t’avais plus de monde qu’au Cabaret et on m’a poussée parce que je respectais la distance de sécurité à la caisse…même Ikea peut recevoir plus de monde que le café du coin, merde. 2400 places. Le Zénith de Paris a une capacité d’accueil de 6804 personnes (je pense que les 4 en rab c’est quand iels ont réalisé qu’il fallait mettre des places pour les personnes en situation de handicap), je pense qu’il est possible d’organiser un truc safe.
En quand bien même.
Quelle est la justification du couvre-feu ?
Le virus ne se déplace que le soir ?
Ou alors c’est pour permettre et faciliter les contrôles abusifs en soirée ?
On laisse Ikea, Auchan, Carrefour et Amazon fonctionner normalement (la variable d’ajustement étant leurs employé-es), mais toi, à 18h01 STOP LE FUN IMMÉDIATEMENT !
En gros y’a que les flics qui ont le droit de s’amuser avec les restrictions de déplacement. Selon mes sources, les flics du 93 et de Paris sont particulièrement en joie en ce moment. La plupart des activités illicites commencent le soir. Une fois les rues vidées des honnêtes gens, c’est plus facile de voir le petit dealer dans son hall.
🦄🦄🦄
Oui, je défends les dealers. Je défends aussi les usagèr-es de substances (UDS) quelles qu’iels soient. On prend le problème à l’envers en France, depuis la French Connection je crois.
Regarde, si je te dis « salle de shoot ».
😳😬
Alors que ça permet aux usagèr-es de limiter les risques sanitaires liés à leur addiction. Refuser de voir que les gentes se droguent quoi qu’on fasse c’est faire partie du problème.
Parfois, les interstices de libertés, ils ne sont pas nombreux.
Parfois, ta seule liberté, c’est ça. C’est le dernier bout de territoire qui reste à toi : ton propre corps. Et tu le détruis si tu veux. C’est TON corps.
Quand t’as pas d’avenir, pas d’espoir, pas d’argent, t’injecter un produit de provenance inconnue avec tous les risques que ça entraîne peut-être ton seul et dernier moyen de continuer à vivre dans une illusion de liberté.
Je pense notamment à la jeunesse russe qui se shoote parfois au Krokodil (désomorphine) alors que le risque est juste inconsidéré et que tu finis par nécroser aux points d’injection (d’où le nom de « Crocodile » car ta peau devient cartonneuse puis heu…tu veux pas savoir).
Les UD Russes shooté-es à ça ont une espérance de vie d’environ 2 ans après la première prise.
Et IELS LE SAVENT.
🦂🦂🦂
Tu crois vraiment que les personnes qui utilisent des substances ne connaissent pas les risques ?
Tout comme les potes de Mattéo, écroulé contre un caisson de basses, connaissent et détectent les symptômes liés à l’usage de certains produits. Une personne va s’assurer qu’il est bien en PLS, une autre restera idéalement à côté de lui. Pas toujours, hélas, mais en terme de bad trip, je fais plus confiance à une personne usagère de drogues qu’à un médecin, aussi addictologue soit-il, surtout s’il n’a jamais goûté à ce qu’il soigne.
Y’a des histoires de mecs qui finissent touts seuls dans un coin, certainement. Sur la totalité des teufs organisées, ça fait pas bézef non plus. J’ai connu des gens morts de la teuf (Oui parce que faut pas se leurrer, c’est dangereux hein) mais jamais PENDANT la teuf1.
Essonne. Un homme de 26 ans meurt lors d’une rave party
…à cause d’une intoxication au monoxyde de carbone.
Mais oui, des fois les gens meurent, on va pas se mentir. La conso est une activité risquée. Le monoxyde de carbone aussi.
Ouais, on rigole, on rigole, mais j’ai un souvenir extrêmement vif de la gueule d’un pote après 15 ans de conso diverse et variée. Je lui aurais donné 55 ans, il en avait 35.
C’est comme quand tu vois le visage d’une personne alcoolique depuis trop longtemps. Ou quand tu lis « Moi, Christiane F. » ou « Flash : le grand voyage ». Après le moment sympa, le monde s’écroule sur ta gueule. Ce qui était transcendant devient la mort.
(👉 Je colle l’alcool et le tabac dans les drogues, perso. Je ne vois pas en quoi picoler 3 bouteilles de rouge par jour est moins dangereux que mon apéro odorifique.)
La fin de vie des personnes qui consomment de la drogue de manière soutenue et prolongée est ce qu’on pourrait qualifier d’affreuse. Ce sont souvent des personnes assez jeunes « qui avaient toute la vie devant euxlles » et puis non.
N’importe qui qui meurt avant ses 95 ans est parti trop jeune2.
🦘🦘🦘
Ok t’as toute la vie devant toi. Nice.
On fait quoi ?
On va à l’école, on va au collège, on va au lycée, on étudie, ou pas, on bosse, on se marie, on a un enfant, on achète une maison, on a un autre enfant, on adopte un chien, on croule sous les crédits mais vl’a la bonne vie !
Ou alors tu fais tout pareil sauf que tu ne trouves pas de boulot. Et quand tu en trouves un, tu ne trouves pas de logement. Et quand tu en trouves un, il est insalubre. Alors tu t’installes dans une vie qui n’est pas vraiment la tienne. Honnêtement, qui a envie de vivre comme ça, sous contrainte ?
C’est pourtant ma vie, tu vois. Je suis mariée, j’ai un enfant, je croule sous un crédit immobilier qui parle de chiffres que je ne comprends même pas.
Alors je me suis conservé un espace de liberté comme j’ai pu. En écrivant, surtout, hein. Je vais pas faire importer de la drogue de Russie pour vérifier si ça nécrose bien, ça va.
Mais je comprends viscéralement le besoin.
🍞 Tout comme quand je volais des bouts de pain à la cantine.
Peu importe que la liberté que tu t’achètes te coûte la vie. Tu as été libre.
L’enfermement dans l’usage d’une substance est une privation de liberté au cube. Mais acheter de la liberté avec de la liberté ça reste quelque chose.
🧝🧝🧝
Chez moi, ce besoin de liberté fait appel à tout ce que j’ai d’animal. Seule la maternité m’a fait le même effet. Quand j’ai tenu mon fils dans mes bras pour la première fois, j’ai su que je tuerais sans hésiter pour le protéger.
Quand j’ai aperçu un coin d’espoir dans ma vie d’enfant, quand on m’a fait un peu confiance et laissée seule à la maison, j’ai commencé à siffler les bouteilles de whisky, de rhum, de pastis, avant d’aller à l’école ou en rentrant le soir. Je fumais des cigarettes et des joints au square en face de chez moi, avec « la bande ». Je transgressais tout ce que je pouvais, je m’étourdissais le plus possible avant de rentrer en « prison ».
Je pense que si je n’avais pas trouvé ces échappatoires, je ne serais pas là aujourd’hui. Tout ça m’a permis de traverser des moments de merde intégrale.
Ça me permettait de « tenir le coup », et cette phrase on la retrouve dans la bouche de la quasi-totalité des personnes usagères de substances.
Tenir le coup, juste réussir à passer d’un jour à l’autre. Quand t’as que dalle, c’est déjà ça. Tu t’en fous de ne pas être si libre que ça, finalement, quand tu as le confort d’un oubli ponctuel à portée de main.
J’aurais bien préféré être écoutée, accompagnée, tout ça, mais je ne l’ai pas été. J’ai fait avec ce que j’avais. J’ai testé plein de trucs aussi amusants que dangereux, c’était amusant, et dangereux.
🐲🐲🐲
Évidemment, que je ne fais pas l’apologie de la drogue. Comme je dis plus haut, j’ai perdu des potes avec cette saloperie, j’ai connu des gens si abîmés qu’ils en devenaient sans âge.
J’ai fait de belles rencontres, quand est venu le moment d’arrêter, ça s’est fait bien plus naturellement que lorsque j’ai arrêté de fumer. Ma vie s’était déséquilibrée autrement, petit à petit j’ai cessé d’y penser.
Un jour, t’as un peu moins besoin de te barrer dans ta tête et c’est ce que je souhaite à toustes, moi comprise ❤️
En attendant, j’aimerais bien qu’on cesse de nous considérer comme des cas sociaux, des anomalies, des déchets.
Déjà, on a accès à une réalité alternative, quelque part c’est une chance quand tu vois la réalité véritable. Ensuite, réfléchis à ta vie et au monde. Qu’espérer ?
Si les jeunes russes estiment que mourir dans 2 ans c’est convenable, c’est bien que rien ne leur est offert, dehors. T’imagines, être à ce niveau de « no future » ? C’est hyper grave, ça n’a rien d’amusant.
Et je comprends ce choix. Quitte à crever, autant t’éclater un peu avant.
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On en est là de l’apocalypse et si tu te gausses de ces sales drogué-es, c’est que t’as pas compris le monde ou que tu es déjà à l’abri du besoin pour 5 générations.
J’étais pas du tout partie sur ce texte au début, j’étais partie sur ces 2500 personnes qui bravent la loi pour se réunir. Mais quelque part, ça se rejoint.
Le désir de liberté, ce truc dans tes tripes, faut qu’il s’exprime. Ça prend un peu la forme que ça peut. Des gens ont des doubles vies, d’autres se droguent, picolent, matent du porno toute la journée, jouent à WoW, et c’est ok. Certains ce ces penchants sont plus toxiques que d’autres, mais c’est normal de chercher une échappatoire à tout prix.
On a besoin de ce bout de nous-mêmes qui reste à l’état sauvage, ce truc qu’on ne peut pas contrôler et qui, quelque part, nous guide tout au long de notre vie. Je pense que le jour où tu renonces à ça, tu renonces à tout. Et paradoxalement, bien sûr, la drogue te prive de cette liberté. C’est le piège.
Que ce soit par des substances douteuses ou le macramé, au fond on cherche juste à oublier deux minutes le monceau de merde qui nous attend si on ouvre la porte.