Heure de réveil : 4h13 – 5h00 (chats)
Ouin ouin chats fatigue mal au dos.
Aujourd’hui on va parler d’effets de groupe et d’exclusion. J’ai fait un appel à témoignage, j’en ai reçus plusieurs et le scénario est strictement toujours le même que ça en est flippant. Je n’ai pas eu l’exhaustivité des témoignages mais en fait, la dynamique est la même.
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J’ai percuté en regardant hier « L’un des nôtres » sur Netflix.
C’est l’histoire de trois juif-ves hassidiques qui partent de leur communauté ultra-orthodoxe de Brooklyn. Trois parcours à chialer qu’on suit sur le long cours. Trois personnes qui perdent absolument tout en partant.
L’un d’entre eux, le plus jeune, part après avoir subi de graves violences sexuelles de la part d’un rabbin, une femme part après des années de violences conjugales, obligée de laisser ses 7 enfants dans la communauté. Quand on a 12 avocats en face de soi au Tribunal, on perd. Le troisième est parti depuis longtemps, a reconstruit une vie, sans sa famille ni ses enfants.
A un moment (1h13), Ari, le plus jeune, parle à son Rabbin de ce qu’il a vécu. Loin de se laisser démonter par le récit, le vieil homme lui répond :
« Mais comment faire pour rester unis après l’Holocauste ? Ils nous ont tués en nous divisant. »
Le « Status Quo » est une règle de vie extrêmement importante, dans la communauté, car « comment faire » ? Les Juif-ves ont tellement été persécuté-es puis massacré-es que cet esprit de communauté est la règle n°1. On ne brise pas le Status Quo. On reste uni-es. J’utilise l’inclusif volontairement car les femmes sont totalement invisibilisées et réduites à leur rôle procréatif et éducatif, mais elles existent et perpétuent elles aussi ces règles.
A un récit personnel parfaitement atroce, lorsqu’on oppose l’Holocauste, que dire ?
Rien. On ne dit rien. On tait les sévices et on suit le Status Quo. L’opposition du Grand Malheur et du petit malheur m’a pétrifiée. Rien n’est important sauf la communauté et sa stabilité. Chaque personne sortant du rang met en danger ce Status Quo. L’unité est plus importante que l’individu.
Surtout lorsque l’individu raconte l’indicible.
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Ça serait malvenu de ma part de juger, même si je juge. Quand on met les femmes sous cloche et qu’on nie les violences, je juge, j’y peux rien.
Cela m’a pétrifiée car on est dans la même dynamique que lorsqu’on se fait exclure d’un groupe pour avoir trop parlé.
La personne qui parle est en général celle qui part.
Elle perd tout.
Elle se retrouve seule.
Les autres lui sont hostiles.
On lui reproche d’avoir brisé le Status Quo.
Lorsque j’ai demandé des témoignages, j’ai été plus que récompensée. Je ne suis pas née il y a 12 minutes, j’ai aussi été exclue de groupes pour avoir parlé.
Ces expériences racontent la même histoire : un incident, déclencheur, une ouverture de la parole (« Il s’est passé ça et ça ne va pas ») et une exclusion, la perte, le deuil.
👉 L’agression peut prendre différentes formes, elle n’est pas obligatoirement sexuelle ou genrée. Les violences psychologiques et l’emprise existent. S’approprier totalement une personne en orientant son jugement par la manipulation est une violence. Une agression peut comporter tout un panel de saloperies. Ça peut être la présidente d’une association qui exploite violemment ses bénévoles en ne leur montrant aucun respect et en s’appropriant leur travail. Ça peut être lae pote qui a abusé de ta crédulité en profitant de toi pour se mettre en valeur. Cellui qui règle ses litiges par procuration en envoyant ses sbires te harceler. Cellui qui est jalouse de la place que tu occupes et qui s’arrange pour que tu passes à la trappe en disséminant de fausses infos sur toi.
Ce sont des formes d’agression, et des non négligeables. On sous-estime énormément les dégâts provoqués par ce type de gestes.
Avant cette histoire de Status Quo et de témoignages documentarisés, il me manquait des éléments. Je ne comprenais pas quel était l’intérêt de choisir l’immobilisme au lieu de la discussion et de la réparation. Je sais que mon histoire personnelle est pleine d’isolation et de solitude, c’est devenu une sorte de normalité que d’être la plus auto-suffisante possible.
Dans le cas d’un incident de ce type, un groupe peut sortir grandi d’expériences pareilles. Et, à mes yeux, le groupe a cette fonction-là de soutien.
Sauf que le soutien, il ne va pas forcément vers la victime. Le soutien va dans l’effort collectif de maintien de la cohésion du groupe. Cette cohésion peut supporter un ou deux départs, le groupe survivra et c’est ce qui semble être essentiel. L’individu n’est rien sans le groupe.
Alors, on garde les agresseur-ses dans nos rangs.
Les bandes de potes sont souvent des endroits très particuliers. J’ai souvent été la pièce rapportée, déménageant beaucoup et n’ayant pas de difficultés à me barrer d’un cercle d’ami-es de moi-même si je n’y trouve pas ou plus mon compte.
J’ai subi ce type d’exclusion en refusant de participer à des événements qui allaient contre mon éthique personnelle (genre quand tes « potes » musiciens, tous largement majeurs, invitent des meufs de 14 ans à leurs soirées coke dans le but de s’en faire un maximum possible avant de les jeter, moi j’y vais pas et je dis pourquoi).
Systématiquement, c’est moi qui me suis retrouvée exclue. C’est dans mon schéma cognitif d’exclusion (schémathérapie, bon outil) : je pars avant qu’on me lourde, même si personne ne veut me lourder. Ça pue, je me détache et je le fais facilement cf. plus haut. Cela ne me coûte pas énormément.
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Je peux le faire car j’ai assez peu d’investissement affectif envers les personnes qui m’ont fait du mal ou que j’ai vu faire du mal. Certaines actions coupent tout affect. Lorsque je pars, c’est en général sans regret. Lorsque j’ai quitté mon bureau en me disant que c’était peut-être la dernière fois, j’ai été triste pour 5 collègues. Juste triste. Je n’avais pas forcément envie de les voir hors du boulot, donc tant pis.
Mais ça tient aussi à mon passé, à mes traumas et à ma peur de l’engagement. Je suis extrêmement solitaire et méfiante, on m’a trop souvent trahie. J’ai appris à rester sur la réserve et à ne jamais dire mes secrets à quiconque car on s’était trop servi de ça contre moi. Cela fait de moi une personne solitaire intérieurement, mais tant pis.
Qu’y a-t-il de pire que de perdre tous les potes qu’on s’est fait depuis le lycée ?
Ok, beaucoup de choses sont pire, je reformule.
Dans le cadre de cette réflexion à propos des groupes et de l’exclusion, qu’y a-t-il de pire que de se retrouver totalement seul-e après avoir dénoncé des abus ?
Tu es victime de ces abus, et en plus on te punit pour l’avoir dit. Ton agresseur-se reste là, dans le groupe, et toi, tu dégages. Injustice totale, cohérence zéro.
Cohérence zéro mais que pour toi. Le groupe, lui, ça va. L’éthique et la morale sont en PLS mais osef.
🤔 Quel est le fuck, du coup ?
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Le fuck, c’est qu’une victime fait chier. Voilà. Une victime, ça fait chier.
T’es là, tranquille à chiller en fumant de l’origan, et là une meuf arrive et dit « machin m’a agressée faut en parler ». Tu fais quoi ? T’as envie de continuer à chiller, cette personne interrompt ton bon moment en te mettant face à une situation où tu dois choisir. On peut pas ne pas choisir. Choisir de ne rien faire signifie que tu te positionnes de fait contre la victime.
C’est ma première réaction à chaque callout : « Oh merde, ça va partir en vrille, encore… » Fatigue que ça se reproduise tout le temps, déjà. Aucun groupe n’est exempt de connards, ils sont même souvent bien flaggés. En terme de composants du groupe, tu as le connard arrogant chef de meute qui édicte les règles en manipulant à tour de bras, le mec moins bien ranké mais que tout le monde trouve adorable-jamais-il-ferait-ça, le Pote Problématique pour qui c’est juste une habitude, ça vaaaaaaa, le Pote Discret et Gentil que tout le monde aime, and so on.
😠 Et toi, t’arrives, tu balances ton porc et tout le monde fait la gueule parce que tu rompt l’équilibre du groupe.
On entre en dissonance cognitive totale. On ne peut pas imaginer son pote en agresseur. Pourquoi ? Parce que l’agresseur, c’est l’inconnu, le monstre qui agresse dans les parking ou dans les allées sombres, c’est pas ton pote.
Viols : plus de neuf victimes sur dix connaissaient leur agresseur
Dans un rapport rendu le 22 février par Marie-Pierre Rixain (la présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale) et la députée Sophie Auconie, la cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, Hélène Furnon-Petrescu, rappelait que, parmi les 108 000 victimes de viol ou de tentative de viol déclarées en 2017 (dont 93 000 femmes et 15 000 hommes), 91 % connaissaient l’agresseur et 45 % des agresseurs étaient le conjoint ou ex-conjoint.
(Le Monde)
Donc, techniquement, c’est très très très probable que dans les bandes de potes ou les communautés, il y ait des agressions perpétrées par des personnes connues de la victime.
Et ça, ça nous fait gravement chier, on a pas envie de le voir.
Tout comme la vie sexuelle de tes parents, tu n’as pas envie du tout d’envisager ça. Après, si tu t’intéresses à la vie sexuelle de tes parents, ça te regarde, hein 😬, mais en général c’est ultra-cringe 👀
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Comme je suis comme je suis (pas une poucave en gros), j’ai souvent recueilli les confidences. La règle que je donne à tout le monde c’est : j’écoute tout, je dis rien, je suis un curé funky si tu veux, en revanche si tu es en grand danger type TS, j’appelle les pompiers.
C’est comme ça qu’une de mes amies les plus proches m’a confié que la personne que je prenais pour mon meilleur pote était un menteur et un violeur.
Le mec m’a fait croire, pendant des années, qu’en réalité il était « amoureux » de cette personne. Il en parlait souvent, j’étais même un peu triste pour lui. Et il s’est arrangé pour avoir l’appart seuls tous les deux pour pouvoir agresser cette personne qui m’a raconté tout ça des années plus tard.
Il s’est passé pas mal de choses dans ma tête, mais la première était la fureur. Ce type m’a travaillée pendant longtemps en me faisant croire à un amour inexistant, pour préparer le terrain post-agression : « Je suis amoureux ouin ouin je savais pas je pensais que je croyais que ouin ouin ».
C’est désormais une personne qu’il ne faut plus jamais que je croise, car je vais dégoupiller à coup sûr. J’étais déjà féministe à l’époque, j’avais un début de culture politique, j’ai immédiatement pris le parti de mon amie et je lui ai proposé d’aller péter des g….heu aller lui parler pour lui en foutr…heu…le confronter. Voilà. Le confronter. Pour moi, survivante, la prise de position a été immédiate et sans appel. Va chier 🖕
👻 Mais j’ai une autre anecdote, beaucoup moins valorisante, cette fois.
J’ai connu C. il y a une dizaine d’années, nous étions « amis » Facebook, on s’est rencontrés, on s’est trouvé-es cools et on a continué notre amitié. Tout se passait bien, de mon point de vue, et puis il y a eu callout. Merde. Il est venu m’en parler avant que ça sorte, et m’a raconté ce qu’il s’était passé. Je l’ai cru, comme une imbécile. C. était typiquement le Pote Inoffensif, et puis il s’est excusé et a commencé un travail de réparation pour ensuite chercher comment faire mieux. Ça m’a été. Le Status Quo était préservé, je n’avais pas eu à prendre parti, j’estimais qu’il avait réparé, j’ai poursuivi notre amitié.
Sauf que…lors de circonstances assez rocambolesques, j’ai vu l’évidence : il m’avait menti. De A à Z.
J’ai décompensé sévère…je l’ai exclu de ma vie, évidemment, je me suis excusée à qui de droit et je me suis promis que plus jamais je ne croirais un mec cis sur ce type de sujet.
Pour l’histoire en entier, c’est ici : https://monologuesdumatin.fr/11-fev-2021/
PLUS JAMAIS.
(Jusqu’à la prochaine fois, je me connais, je suis un peu con.)
🦝🦝🦝
Le processus a été celui-ci :
On me donne une information qui vient contredire l’image que j’ai d’un pote.
- Je soupire parce que ça va être trash
- J’en veux à la victime de briser ma relation avec l’agresseur
J’ai été victime, j’ai subi la deuxième phrase également mais je ne peux pas empêcher cette pensée fugace de me traverser. Je pense que c’est le cas de tout le monde, qu’on se l’avoue ou pas. L’agression casse quelque chose dans la dynamique de groupe. Elle coupe un lien et donne un nouvel éclairage sur la personne qui agresse. Quelque chose de trop moche qu’on a aucune envie de voir.
Je ne regrette absolument pas d’avoir ainsi rompu avec plusieurs personnes. Parfois, ça m’a coûté affectivement car on est dans la rupture. Même amicale, une rupture reste une rupture. Et là, je me retrouve à larguer un mec que j’aime beaucoup et qui ne m’a pas agressée, pour une autre personne que je ne connais même pas forcément. Il y a une injustice quelque part, mais pas là où tu crois.
L’injustice, la vraie, c’est l’agression. C’est ça, la pièce centrale.
La rupture amicale est vachement moins grave qu’un viol, en tout cas, à mes yeux. J’ai d’un côté une perte amicale, mais une perte justifiée par un comportement inadmissible. De l’autre, une victime.
Que vaut une amitié face à une agression ? Le plus grave, ce sont les actes commis, pas la perte des soirées entre potes.
A mon avantage, l’idée d’avoir un agresseur près de moi me dégoûte. Les potes qui ont été callout me dégoûtent. Je ne veux pas rester en leur compagnie, je ne veux pas les inviter dîner à la maison. Si je sais qu’une agression a été commise, ça switche de l’amitié à la colère.
Lorsque que j’ai porté plainte contre le trou du cul de vers des sables qui a ruiné mon enfance, j’ai eu des réactions plutôt violentes, de tous les côtés. Je ne m’y attendais pas du tout. Ma mère a perdu des amies dans le sang, qui lui disaient qu’elle m’instrumentalisait pour se venger, que je mentais, que ce n’était pas possible qu’un mec aussi gentil blablabla. Des potes ont juste totalement cessé de me parler et j’ai réalisé que l’histoire avait fait le tour du monde.
Mais ça a été très difficile au niveau familial également, parce que j’ai pété un truc. Le Bien Commun dépassait ma petite personne.
Je n’ai pas été au procès car je me suis auto-exclue (et que mon témoignage avait été filmé par les condés) du cercle familial à 18 ans et 2 jours. Me suis barrée, loin, à 11h d’avion.
🐟🐟🐟
On blâme la victime pour la rupture de l’harmonie et du Status Quo. Tout allait très bien, et puis on introduit une perturbation, et puis ça fait chier.
Et on va donc punir la victime en l’excluant, même si on la croit. ELLE pose problème car elle parle. IL pose problème mais « c’est dans le privé on peut pas juger on était pas là et puis il est si gentil ». Techniquement, pourtant, c’est la personne qui agresse qui brise l’unité en transgressant la loi. Mais c’est la victime qu’on accable, car elle vient perturber tout ça.
Pure dissonance cognitive, oui. En excluant celle qui parle, l’agresseur redevient normal et la victime ne pose plus problème car elle n’est plus là. Retour au Status Quo, ni vu ni connu j’t’embrouille.
Quel serait le coût d’exclure l’agresseur-se ?
Si c’est le pote discret, c’est pas un coût extravagant, mais s’il s’agit d’un des leaders du groupe, ça chie dans la colle. Le rapport temps/emmerdement est clairement en faveur du maintien de la cohésion potesque au détriment de la victime.
C’est beaucoup plus rentable (cognitivement) de cette manière.
Premier avantage : Il est plus simple d’exclure un élément problématique jugé comme « faible » (victime, femme, personne fragilisée) ou, pire « pièce rapportée » (la fameuse « ex de machin qui était folle » et que tu rencontres 10 ans plus tard avec grand plaisir et qui n’est absolument pas folle selon mes standards) que de se défaire d’un membre historique du groupe.
Deuxième avantage : on peut s’en laver les mains, « cela ne me regarde pas » et compagnie, tout en ayant l’illusion de rester droit dans ses bottes. Ne pas prendre position, c’est prendre position pour l’agresseur. C’est manifestement en cours d’acquisition comme disent les instits pour « il est à la ramasse le pauvre ».
Troisième avantage : c’est lae plus gêné-e qui part, hein ? Qui est fragilisé après avoir non seulement subi une ou plusieurs agressions puis l’incrédulité des potes ? Où est la douleur, la souffrance ? Pas du côté de John Bob en tout cas. Lui, il va bien. Il tient des propos cohérents, lui. Car il n’a pas été traumatisé. Je veux dire, moi, sans trauma, j’aurais été quoi ? Où ? Certainement pas ici et maintenant. Les victimes sont souvent traumatisées et il est difficile d’expliquer les choses sans se laisser envahir par l’émotion. Pas de bol, si tu pleures, tu exagères, tu dramatises tout. Si tu ne pleures pas, tu mens car tu ne montres pas d’affect. Tu perds ou tu perds, on est dans la culture du viol de toutes façons : tu perds. Et à force, dégoûté-e, tu jettes l’éponge et tu t’en vas.
🦆🦆🦆
Je parle ici surtout au masculin car, jusqu’à ce que j’arrête d’être une Pick Me Girl (ascendant Rémora), je n’ai traîné qu’avec des bandes de mecs où les nanas étaient les « copines de ». Moi aussi, je suis « copine de » mais j’ai toujours eu des relations longues et j’ai deux trois qualités en soirée qui font que je suis souvent devenue une « Bro honoraire ». Un de mes ex a d’ailleurs très très mal vécu que ses potes veuillent m’inviter ou venir me voir sans lui 😅
Je les ai vu fonctionner. Différentes bandes, même concept, mêmes rôles (Celui qui s’écroule après avoir bu 2 bières, celui qui fait les meilleures vannes, celui qui propose les idées foireuses mais amusantes, celui qui ramène la picole, celui qui a une voiture, celui qui a un grand appart, etc.), les « copine de » ne sont là qu’à titre décoratif. Pour avoir évidemment recueilli les confidences, la « copine de » était toujours trop jalouse, ne s’intégrait pas bien, était une fille, trop superficielle, avec des « intérêts de fille ». Leur pote passait moins de temps avec eux, et ça les faisait chier. Chaque move de connard du mec était perçu positivement par ses potes. Fallait une meuf, mais pas elle. Alors quand elle vient raconter une agression, elle se fait dégager. Le conditionnement a été préalablement fait par l’agresseur : elle fabule, elle dramatise tout, elle est dans l’émotion, je suis votre pote depuis 10 ans, moi, et vous m’aimez.
Les femmes en général sont des drama-queens, c’est bien connu (non).
(2 billets dispos sur le sujet des drama-queens : partie 1 – partie 2)
Et on se retrouve dans la défense du patriarcat le plus pur, à travers ce type de dynamique. Je sais que j’ai glissé depuis l’inclusif donc pour rappel : oui, ça arrive chez les meufs, oui, grave.
On préserve l’image de la personne qui a « commis un écart » tout en sanctionnant la victime. L’auteur-ice conserve sa position de privilège et le problème est résolu par la disparition subite de la victime.
Dans le meilleur des cas.
Oui parce que des fois, tu as le harcèlement de la victime derrière. Les rumeurs, les micro-agressions, le travail de sape auprès de ses connaissances, tout pour discréditer sa parole. Je ne vais pas être violente tout de suite, j’ai pas assez de temps, mais allez vous faire foutre, cordialement.
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En tant que victime, on fait chier. Et c’est valable pour tout, partout, tout le temps.
On ne sait pas gérer une personne qui avoue une agression ou des abus ou les deux. Comme c’est « contre nature » on préfère minimiser ou ignorer l’appel à l’aide. C’est logique que le premier mouvement soit protecteur : la vie doit continuer, comme avant, et on a une personne qui vient tout péter et ça fait chier.
C’est ce que j’ai fait, avant de me radicaliser politiquement. Pas lorsqu’une personne est venue me parler de l’agression, par contre. Non. J’ai été victime muette, je sais ce que ça fait que l’indifférence. Mais j’ai vu passer beaucoup de « copine de » et de dégueulasserie masculine. J’ai ri à leurs blagues, par pur conformisme de rémora. Je voulais rester dans le groupe, je ne voulais pas devenir une « ex-copine-de », tu vois ? Cette appartenance était trop importante dans ma vie.
J’ai réalisé très brutalement lors des soirées coke et gamines. J’ai aperçu des gestes, j’ai été vomir et j’ai attendu que le soleil se lève, hors de la maison, pour rentrer. Encore aujourd’hui, j’ai cette gerbe. C’est à partir de ce point charnière que j’ai décidé que j’étais mieux seule qu’accompagnée d’agresseurs en série. J’avais dans les 20 ans, je n’avais aucun engagement féministe, mais j’ai eu la gerbe et ça a été bien suffisant pour me dire « Non, je ne veux plus vivre ça ». Alors j’ai dit merde, et j’ai changé de potes.
Les deux fois où je me suis fait avoir, aucun événement n’avait annoncé ce qu’il se passerait. J’ai été prise au dépourvu. Et pour celui que j’ai soutenu, je me suis fait avoir parce que je suis idiote. Je n’ai aucune excuse.
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Maintenant, je vais te poser une question pas du tout orientée.
Tu fais quoi, toi ?
Tu fais quoi, si un-e pote vient te voir en te racontant une agression ?
Si tu prends parti, tu sais que tu dégages aussi. Le Groupe > toi.
Es-tu opé pour perdre toi aussi tes ami-es alors que, techniquement, tu n’as rien à voir là dedans ?
Es-tu opé pour valider une agression par ton silence ?
J’ai ma propre réponse 🔥 mais elle est assez coûteuse (en combustibles).
Mais je comprends fondamentalement que les personnes qui se sentent non concernées (après tout si le pote est un agresseur sexuel hétéro et que tu es un homme, tu ne risques rien, hein ?) n’aient pas envie de prendre position. Trop à perdre, rien à gagner à part ta bonne conscience. La personne qui agresse est souvent un membre important du groupe mais toi, t’es rien, t’es dispensable. Sans toi, tout va bien, il n’y a ni agression ni agresseur s’il n’y a pas de victime.
Il est plus rentable de silencier les victimes que de les écouter.
Ça tombe bien, cette silenciation est exactement faite pour ça. Pour te faire taire, pour te dissuader de parler, car tu connais les conséquences. Et tout roule dans le meilleur des mondes, une fois qu’on fait taire les victimes.
(et ça fait chier, oui)