Heure de réveil : 3h11 (enfant, ankylose, chats, dans cet ordre)

Hier, mon amie D. m’a fait livrer des fleurs et quand j’ai lu le petit mot qui allait avec, j’ai compris le regard embué du livreur ♥ Je n’ai pas du tout pleuré, tu penses bien. J’étais au mieux, allez, à 8/5 dans l’émotion mais ça a été, tranquille 😬 Merci ♥ ♥ ♥ (Si j’avais eu du liner et qu’il avait coulé après que je n’aie pas pleuré tu m’aurais entendue, oui !)

Je ne me suis pas souvent fait livrer des fleurs mais ça a toujours été par des amiEs. Alors, devant le regard un peu perplexe de mon époux :
«Vous ne vous envoyez pas de fleurs, entre mecs, hein ?
– Heu…
– C’est tellement nul, vous devriez, franchement, ça fait trop du bien.»

Je pense que si le monde était dirigé par des femmes heu ça serait la même merde, hein, concrètement, oui, Margaret Tatcher, je sais que tu m’écoutes depuis les enfers, mais on s’étriperait avec un peu plus de douceur et de fleurs. Ou pas, parce que Erzsebeth Bathory c’était pas pas un modèle de subtilité niveau massacre. Je ne sais pas si je vais oser le billet que je rumine depuis longtemps, poster un truc sur les femmes qui tuent juste après des articles totalement misandres, ou pas. Seigneur Zucc le Tout Puissant le prendrait mal 🤔

Allez, on dit qu’on s’en fout, la vie est courte, je t’aimais bien.

 

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On en a déjà parlé, je suis la proie des émissions fait-diversières. Sans honte. Avec un peu honte mais beaucoup de bonnes raisons de continuer à le faire. Je suis consommatrice de ce type de contenu depuis une vingtaine d’années et lectrice avide de polars mais aussi d’essais sur la criminologie. En 20 ans ma vision du fait divers a totalement été bouleversée par le féminisme.
En m’intéressant à la pédocriminalité (parce que ça me parlait pas mal 🙈) et à la santé mentale (ça aussi, ça me parlait bien) j’ai appris énormément sur la violence systémique envers les femmes, de quelle manière elle est traitée sur le terrain, comment les journalistes en parlent et comment les émissions de True Crime nous la régurgitent.

Les émissions de ce type sont elles aussi un moyen de coercition envers les femmes, leur principal public. Elle présentent surtout des féminicides mais le taux de représentation de femmes tueuses est très élevé par rapport à la réalité des chiffres. Cela n’en reste pas moins une sorte d’apprentissage par l’exemple qu’y faut pas moufter, sinon ton mec peut te tuer (et dire ensuite que c’était un coup de folie, cet argument est tellement foireux mais je vais pas t’en parler maintenant, j’essaye d’écourter un peu mes billets.)
La fâme a deux images : la victime ou la putain.
En réalité c’est «la Madone et la Putain» mais là, pour le coup, les madones, elles madonnent plus, grand chose. Même dans le crime on est binaires et réifiées, oui.
Alors, en tordant bien les faits, on se retrouve à traiter de monstre une meuf victime d’un conjoint violent ou abusif. Parce que ELLE, elle peut PAS «juste péter un câble». On a pas ce joker, nous.
Et même durant le procès, les gens ne croiront jamais totalement qu’elle était aussi victime. On peut pas connaître les deux états en même temps, chut la blague quantique.

A toutes fins utiles, les statistiques 2019 sur la délinquance et la criminalité sont ici1
Autre lecture, en PDF attention2 (On y «apprend» notamment que seules 10% des victimes de violences conjugales portent plainte).
J’ai retrouvé zéro stats sur les crimes transphobes ou homophobes commis par des femmes. Si tu as, je prends, parce que je suis totalement dans le néant, là. Je crois qu’on est quand même d’accord sur le fait qu’on se fait bien enfler, dans absolument tous les sens du terme.

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Puis de toutes façons si tu nies le caractère systémique de l’extermination des femmes et personnes ne répondant pas à tes précieux stéréotypes de genre tu n’as rien, mais alors, rien à faire sur cette page, je ne sais même pas pourquoi tu as poursuivi ta lecture jusqu’ici, après, c’est ton choix mais reste loin de moi stp. Et là, normalement, depuis quelques lignes, j’entends le doux murmure des «Mais les femmes aussiiiiiiiiiiiiiii !!!». On y arrive, on y arrive, espèce de vampire ! 🙄

Le fait d’être un-e criminel-le ne dépend pas forcément du genre.. La manière de tuer, elle, sera significativement différente.

Les prisons comptent plus ou moins 4% de femmes.
Oui, c’est peu mais logique, on éduque les femmes dans l’impuissance et la soumission. Le poids moral et religieux s’applique sur nos gueules avec ses rangers en ciment et on tue moins.
Et pour être tout à fait honnête : il existe UN privilège de femme cis blanche : on ne les suspecte pas, ou moins. Je pense que beaucoup de femmes s’en sortent grâce à ce biais. Dans tous les cas, quelque soit sa couleur de peau, une femme sera moins contrôlée qu’un homme.
Mais on tolère beaucoup plus de la part d’un homme, qui peut piétiner ce qu’il veut avec ses grolles toutes crades, là, sans risquer non plus trop de représailles. Je te rappelle que 10% des violences sexuelles seulement sont rapportées. RAPPORTÉES. 2% des auteurs de ces 10% sont condamnés. On appelle ça la culture du viol, merci d’être venues à mon TED Talk.

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Les principales victimes des femmes se situent dans leur proximité immédiate : les membres de leur famille ou les amies proches. Je me demande à quel point le type de victime est lié à l’émancipation féminine. Si on augmente le cercle d’action, augmente-t-on le cercle de victimes potentielles ? Je me demande si dans 20 ans la criminalité féminine aura augmenté ou pas tant que ça.

Oui parce que, parlons pratico-pratique dans le cadre de crimes sériels. Tu tues quelqu’un «façon Gary Ridgeway» (Le Tueur de la Green River, 48+ victimes)

💀 Tes cibles : les travailleuses du sexe (victimes n°1 des serial killers). Comme tu es une femme hétéro dans notre exemple, tu dois trouver tes victimes (hommes) quelque part. Premier obstacle.
Admettons, tu vas dans un bar, tu dragues ta victime, vous rentrez chez toi. Déjà, il est possible que tu te fasses agresser directement donc il te faut un moyen de neutraliser ta cible. Parce que je sais pas pour toi mais moi, un homme de mon poids me met à terre en 0,0004 secondes. Les probabilités que tu sois victime toi-même sont importantes.

💀 Ton Mode Opératoire : peu importe, mais je sais que tu nettoieras bien la scène de crime à la javel, espèce de bonne f…criminelle ! Évidemment, tu les attires avec du sexe et c’est après que tu sors le pic à glace. Ou pas ? Du poison. Mais oui. Du GHB.

💀 Et ensuite ? Déplacer le corps d’une victime, c’est pas évident. Enfin j’en sais rien hein, mais y paraît que. Du coup certaines femmes tueuses ont tendance à démembrer leur victime. Moins lourd. Moins lourd mais très physique, tout de même3

💀 Je sais que je pars sur un postulat possiblement foireux : d’une manière générale, à poids égal, un mec va être plus létal et surtout plus dans la maîtrise qu’une meuf. Je pense que même un mec de 50kg me plie en deux avant de me récupérer sous le bras façon baguette saucisson. Y’a des exceptions. Y’a Serena Williams, elle, elle te le plie façon mille feuilles sous le bras. Mais je suis pas Serena Williams.

💀 Bon, alors c’est très bien, sauf qu’une femme seule dehors, ça se repère. Surtout en pleine nuit. Déjà, elle se fera obligatoirement harceler, ensuite on la remarquera plus facilement si elle semble extérieure au monde de la nuit. Une Karen au Garry’s Bar dans je ne sais quel bled du Wisconsin ? Vraiment ? Si elle s’habille en conséquence, elle sera encore plus harcelée.

💀 Admettons que tu le pécho sur Tinder façon 2.0. Il te reste un problème de taille…

💀 Garry Ridgeway était marié, donc toi aussi. Pas de bol, je sais, mais c’est pas moi qui fais les règles.
Où vas-tu tuer ? Le «chez toi» de tout à l’heure était fictif, en vrai tu as des enfants qui se réveillent au moindre frôlement de machine-à-café-broyeuse-à-gravier (je ne dis pas ça du tout parce que l’Enfant s’est réveillé en même temps que moi). D’ailleurs, qui garde les enfants ? Que dis-tu à ton mari quand il te demande pourquoi tu sors toute la nuit et pourquoi ce sang sur tes godasses, hein, Karen ? Je savais bien que tu en voyais un autre !!! Et puis t’as pas de man’s cave : t’as même pas de bureau !

Puis compte pas sur lui pour ton alibi, s’il peut te balancer, il le fera et s’il t’aide il oubliera instantanément tout ce que tu lui dis.

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La logistique est jamais la même quand t’es une meuf, sauf si tu t’appelles Aileen Wuornos, auquel cas t’en a rien à branler, tu prends tout le monde à contre-pied en assassinant «comme un homme», à la dure, au flingue, et tu laisses tout crade en partant.
Niveau lieu de vie et de mort : un homme célibataire endurci vivant seul sera moins choquant et plus acceptable qu’une «vieille fille», chats ou pas. On peut accepter d’un homme qu’il ait des horaires variables ou une hygiène douteuse, cela fait partie du désagréable mais pas du choquant.

Si tu t’appelles Dorothea Puente tu pourras en revanche loger, recruter et faire creuser leur propre tombe aux SDF que tu recueilles après leur avoir fait souscrire la classique assurance-vie et payer un loyer.
Je ne sais pas si tout cela participe au fait qu’il existe peu de femmes serial killer ou tueuses en général. Je pense que oui. On est beaucoup moins libres de nos faits et gestes que les mecs, dans l’ensemble, beaucoup plus «contenues» dans nos émotions (et si on a des antécédents psy, on est contenues chimiquement en prime). Je pense qu’on a tendance à avoir recours à l’auto-agressivité en cas de crise (auto-mutilation, mais aussi tout ce qu’on peut faire subir pour nuire à notre corps, comme manger 1kg de chamallows)(Bah on fait avec ce qu’on a, hein).

Les motifs sont radicalement différents. Les crimes sexuels envers des adultes commis par des femmes ne sont pas légion. Je dis ça car c’est un des indicateurs concernant les tueurs en série : la motivation est souvent de l’ordre du contrôle, de la domination et du sexe4.
Ensuite, les femmes sont les premières responsables des infanticides. Je reste persuadée qu’avec une vraie politique de contrôle des naissance on en serait pas là, mébon.

On a la veuve noire, qui tue ses époux pour le fric. L’infirmière de la mort qui délivre ses patient-e-s du mal en les euthanasiant. On a les Muchaüsen par procuration et les infanticides en général. Celles qui commanditent le meurtre de leur mari ou qui avanceront un motif «passionnel». Pis les empoisonneuses !

«Les agresseurs (sic…) féminins sont motivés, dans l’ordre, par l’argent, le plaisir, le refus de la maternité, la vengeance et autres (drogue, sexualité). Surtout, un tiers des femmes étudiées combinent divers motifs (Manners, 1997)» (Source : PDF plus haut, page 6)
Les motifs peuvent être les mêmes, bien sûr, le crime est aussi une construction sociale et toutes les meufs sont pas des mamies à tablier et tartes aux pommes qui embauchent bizarrement beaucoup de jardiniers différents ces dernières années. ⛏
(Je ne retrouve pas l’emoji pelle, c’est nul)

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Le genre étant un spectre et non un damier, tout ça est bien sûr à nuancer. Aileen Wuornos possédait beaucoup des caractéristiques des tueurs en série hommes. Elle était lesbienne, côté «butch» de la force et a eu une enfance traumatique atroce. Ses crimes ont été commis sur ses clients, elle était travailleuse du sexe, par arme à feu, dans une voiture arrêtée au bord de la route. Aileen était une tueuse désorganisée, elle laissait tout en plan. En beaucoup de points, elle apparaît comme une «anomalie» alors qu’en fait elle performe son genre différemment. (Très différemment, d’accord).

De même qu’il existe des infirmiers de la mort, des conjoints empoisonneurs en série, des tueurs par profit, des garagistes honnêtes, etc. Il n’en reste pas moins intéressant de regarder un peu ce qui provoque ces différences à la fois dans le taux de commission des actes (la disproportion est juste hallucinante, même en admettant qu’on arrête que 50% des criminelles on est à 1000 bornes de la parité), dans les motivations et le mode opératoire. Perso, ça me passionne, on peut en parler des jours s’il le faut. L’approche féministe en crimino c’est juste incroyable. J’ai des hobby particuliers, oui.

Je te laisse réfléchir avec le titre qui a décroché haut la main mon prix de la chanson la plus WTF 2020 :
https://bit.ly/WTFIJustListened

  1. https://bit.ly/stats-insee-2019 [↩]
  2. https://bit.ly/interieurgouv-2019 [↩]
  3. Natsuo Kirino détaille bien les problématiques dans “Out” mais la trad est effroyable, je ne peux pas te le conseiller. Aussi parce que c’est triggering as fuck, évidemment. [↩]
  4. http://www.psyetdroit.eu/wp-content/uploads/2017/02/ED-Analyses-psychocriminologiques.pdf [↩]