Heure de réveil : 4h41

J’ai rdv chez mon médecin aux petites heures de l’aube donc on va pas faire d’intro, voilà, on va dire que ça c’était l’intro et c’est cool. Je ne suis pas malade, enfin si, mais rien de particulier, aucun stress, juste rdv à 8h (Quand je dis à la secrétaire que je suis matinale je ne suis pas sûre pas qu’elle prenne bien conscience de la gravité de mon cas).

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Par le plus grand des hasards ça va pas être très long. Parfait.

Aujourd’hui on va dire du mal des personnes optimistes. Je suis une personne très optimiste, aussi bizarre que ça puisse paraître. J’ai beau savoir que c’est de la merde, le coup du monde juste me fait de l’œil et « tout finira par s’arranger ». Je suis fondamentalement convaincue que tout va s’arranger, que le monde progresse, qu’on trouvera des solutions, allez, fais pas cette tête ça va le faire.

Alors oui, tous les problèmes finissent par changer de stade pour devenir plus ou moins merdiques mais rien ne s’arrange, excepté par la mort, le chaos et la destruction. (Auto-uppercut, tavu ?)
(Avez-vous déjà vu des escargots qui envahissent la Terre ?)

Le souci quand on est moi c’est qu’on a cet optimisme, cet espoir en la vie chevillé au corps, et un pur nihilisme brutal en tâche de fond. On va toutes crever MAIS ce sera fun et on y croira jusqu’au bout. Enfin moi. J’attendrai le plot twist jusqu’à mon dernier souffle même si après 70 saisons ça sera sans doute redondant au niveau scénaristique, tu sens la réutilisation des vieux tropes (clichés), faut pas faire la saison de trop, c’est toujours délicat. J’espère ne pas faire ma saison de trop.


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Être optimiste, c’est chouette. Être tout le temps optimiste, c’est plus embêtant. L’optimisme béat façon Hakuna Matata et happy end Disney, ça peut aider à traverser des situations difficiles. Je pense que je dois ma survie à mon optimisme, pour tout te dire. Mais je la dois aussi à pas mal d’autres choses, je suis pas restée là le cul posé le bec ouvert en attendant ma chance. L’optimisme c’est la surcouche Chief Happiness Officer en moi qui fait que je souris beaucoup trop en entretien d’embauche. Le pessimisme, c’est la rationalisation qui me dit que cette boîte sera tout aussi flex que les autres.

ET ELLE LE SERA

Je peux me permettre d’être optimiste, aussi. Je vis dans un pays pas encore totalement contrôlé par les faf, j’ai un bon niveau de vie, j’aime presque tous les membres de ma famille, j’ai des amies fabuleuses, j’ai surtout eu de GROS coups de chance dans la vie, en fait. Sérieusement. Genre trouver un boulot à 500m de chez toi quand tu arrives en fin de droits au chômage, ce genre de trucs.

Je peux me le permettre parce que ma vie est relativement stable. Je n’ai pas de préoccupation majeure liée à ma survie, je ne vis pas dans un pays en guerre, je suis blanche et hétéro et je ne suis pas précaire.

J’ai le PRIVILEGE de pouvoir être optimiste, tu vois. J’ai un ou plusieurs filets de sécurité. C’est facile pour moi de penser que tout va s’arranger, car je vis pas une vie faite de bombes et de mort.

L’optimisme est autant lié à la situation socio-économique de la personne qu’à sa disposition naturelle à vouloir courir nue dans les champs en chantant la vie. Pas tout le monde sera optimiste de la même manière ou sur les mêmes points.

De mon côté, je suis persuadée que les personnes qui, en situation de guerre par exemple, s’organisent pour venir en aide à leurs voisins et amis, sont des personnes fondamentalement optimistes. Ayé je repense aux casques blancs… 😭

Si un immeuble s’effondre, des gens vont passer des jours à aller chercher de potentielles personnes rescapées. Même lorsqu’il y a très peu d’espoir, on continue. On ne sait jamais. Faut une bonne dose d’optimisme pour faire de genre de choses.

Avez-vous déjà vu…une caserne de pompiers nihilistes ?

« Ah on a un appel pour un feu.
– Ah. C’est loin ?
– Nan ça va.
– C’est cramé comment ?
– Genre cramé cramé.
– Oh bah on attend que ça s’éteigne, de toutes façons les gens sont sans doute déjà morts.
– Ok on fait comme ça. La vie n’a de toutes façons aucun sens, tu le sais.
– Oui, je le sais.
– Voilà.
– Voilà. »

J’ai vu une vidéo de « Ask a Mortician » sur les plongées dans des grottes sous-marines, aka le loisir le plus dangereux du monde (vraiment). Dans cette vidéo, elle parle d’un plongeur qui n’est jamais remonté, comme d’autres avant lui. Les autres plongeurs tentent de remonter les corps lorsqu’ils le peuvent mais ce n’est pas toujours possible. Et parfois, ils meurent eux-mêmes durant ces expéditions de sauvetage. Donc là, le type, moniteur de plongée et tout, a retrouvé le corps de son ami MAIS s’est totalement empêtré dedans et a fini par se noyer lui aussi en pratiquant l’activité sportive la plus dangereuse du monde dans l’endroit le plus dangereux et profond de ce réseau de grottes sous-marines.

Le type sait que, manifestement, son pote est mort (ça fait deux ans qu’il survit en mangeant des algues dans une des salles, quoi), que c’est HYPER dangereux de vouloir aller le chercher parce qu’il est hyper loin, mais il y va. Sa première motivation est sans doute de permettre à la famille de récupérer le corps pour le funérailliser comme il se doit, il y a le code des bro de la plongée aussi, mais également un optimisme forcené.

Dans ce cas-là, son optimisme lui a fait oublier le danger et son sens du devoir l’a poussé à faire ce qui était en son pouvoir. Je pense qu’il mesurait tout de même le danger, mais quelque chose l’a poussé à essayer quand même.

Parce que « tout va bien se passer » c’est notre chasse monstres à nous.


☀☀☀

L’optimisme béat est vraiment pas toujours une bonne chose, nan. « Penser positif » ça va pas t’aider à faire ta HOLY SHIT LES IMPOTS (Pfffiout…heureusement que je suis là). Je disais que des fois c’est une attitude qui peut nuire, car elle mène à un relatif aveuglement par rapport à une situation foireuse. Couplé avec de la pensée magique ça peut donner des trucs genre : « Mais si, regarde, si je ne touche pas à cette chaussette de toute la journée mes impôts se déclareront tout seuls »

Se dire en boucle « Ça va s’arranger » sans rien faire pour, c’est pas très efficace. Des fois on peut vraiment rien faire face à la situation, on est prise dedans, on veut en sortir mais on ne peut pas. Le « stay positive » peut aider à tenir, mais ça ne règlera pas tes soucis.

J’ai été cette personne qui te dit « Tout va s’arranger » en croisant (sincèrement) les doigts très fort. Je le suis encore mais…moins…parce que je sais que ça marche pas, le coup des doigts. La pensée positive ne soigne pas les maladies graves, pas plus que les « thoughts and prayers » (pensées positives et prières) ne résolvent quoi que ce soit. C’est au mieux un (utile, cependant) petit effet placebo.

On se fout un peu des zétazuniens avec le « thoughts and prayers » mais on fait pas mieux en réalité. On est juste un pays sensé être laïc (et pas islamophobe aussi mais ça a été oublié à un moment donné) donc on croise les doigts et on envoie des cœurs.

Alors je suis injuste parce que ça sert à marquer son impuissance (à ce stade, seule la prière, la méditation ou le feu peuvent changer les choses). Quand on te donne à voir une situation insoutenable, tu fais quoi ? Tu peux faire quoi ? Pas grand chose. Alors tu fais comme tu peux pour exprimer ton soutien. C’est PAS perdu pour la personne en détresse mais ça ne règlera jamais son problème.

Note que j’écris ça et que j’ai souvent ce comportement d’impuissance. Je n’ai rien contre, en réalité, je trouve ça chouette de montrer son soutien. Lorsqu’on ne peut vraiment rien faire, qu’on aimerait beaucoup, on envoie un sticker avec un chat bleu à défaut de vraies solutions.

Et encore une fois, j’ai totalement cette attitude, je ne juge personne.


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Les illustrations des dangers de l’optimisme les plus remarquables sont sans conteste les erreurs ingéniériales qui donnent des catastrophes effroyables.
Parce que « ça vaaaaaa ça paaaaaasse ».

Toujours chez Ask a mortician j’ai vu une vidéo super instructive sur le barrage de St. Francis vers Los Angeles. En gros on a dit à l’ingé « Le client a dit faut faire plus grand » et le type n’a pas adapté ses plans autrement qu’en ajoutant de la surface. Les bases du barrage…bof. Et le barrage a cédé en moins de 2 ans.

430 mort-e-s selon Wikipedia, mais le chiffre est sans doute sous-estimé car il y avait beaucoup de travailleurses pauvres sur le trajet de l’inondation, des personnes pas forcément en possession de papiers, tout ça. Et en 1928 je crois que les gens en avaient encore moins à carrer des travailleurses sans papiers qu’aujourd’hui.

En 1995, effondrement du grand magasin Sampoong à Séoul. L’immeuble avait été prévu pour héberger des bureaux mais a été transformé en centre commercial. Et on s’est dit TIENS on va mettre un cinquième étage. 502 victimes.

Wikipédia nous dit :
« Durant les travaux, le propriétaire de Sampoong, Lee Joon, propose l’ajout d’un cinquième étage, idée à laquelle s’oppose Woosung Construction, qui a déjà bâti les fondations et les niveaux en sous-sol. L’entreprise est alors remplacée par la branche construction de la société Sampoong. Le bâtiment, qui est constitué de deux ailes reliées par un atrium, voit sa destination modifiée. Son propriétaire décide de le transformer en grand magasin, dont le cinquième étage doit abriter huit restaurants
[…]
L’enquête démontrera le non-respect par les entreprises de construction des plans des architectes, notamment le diamètre des piliers de soutien ramené de 80 cm à 60 cm faisant chuter le nombre des barres d’acier internes de renfort de 16 à 8 diminuant ainsi de 50 % leur résistance mécanique. Le facteur déterminant serait le déplacement sur roulettes de plusieurs unités de climatisation de plusieurs tonnes chacune sur le toit du bâtiment fragilisant la structure de la dalle béton, le facteur déclenchant les fortes vibrations engendrées par leur fonctionnement le jour même de la catastrophe »

Tu vois, pour le coup, l’optimisme est une mauvaise chose. Surtout quand tu es ingénieurse et que tu conçois des bâtiments destinés à recevoir 40 000 personnes par jour. Y’a des trucs qu’il faut pas laisser à la chance, en somme.

Le magasin Sampoong. Après, évidemment.

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Parfois le « thoughts and prayers » fait même reculer les choses. La raison est écrite dans la formule : des prières, des pensées. On CROIT que ça va aller car superstition et religion vont souvent de pair. La pensée positive (« changez d’état d’esprit pour changer votre vie ! ») ça vend. C’est tellement séduisant, l’idée qu’un état d’esprit nous épargnera de certains problèmes comme la maladie.

Aparté : le coup des pensées négatives qui provoquent le cancer, je l’ai lu, on me l’a dit aussi, mais ça n’existe pas, d’accord ? Je peux choper une ou deux sources au besoin, mais c’est vraiment vraiment faux.

Si j’ai rien contre les keur keur bisou, je trouve ce glissement vers une injonction au bonheur et à la pensée positive beaucoup plus dangereux. Je suis d’accord pour dire que si tu abordes la vie avec le sourire il peut éventuellement t’arriver des trucs chouettes. Quand tu abordes une personne en souriant, y compris au téléphone, les personnes réagissent différemment. J’ai pu en fait l’expérience en service client. Mes jours de râle, tout le monde me parle mal, mes jours d’euphorie, tout le monde me sourit. Tiens, j’ai fait des rimes involontaires, pardon.

Mais c’est dangereux de croire que tout n’est qu’histoire de pensée positive et d’optimisme. L’optimisme aide beaucoup, notamment au niveau de la santé. On a parlé somatisation plusieurs fois sur cette page. Mais l’optimisme ne te guérira pas. Il fera juste en sorte que tu acceptes avec moins de douleur morale ce qui t’arrive. Tant que l’acceptation ne se mue pas en croyance aveugle, j’ai rien contre. Quand je parle de croyance aveugle je parle de pseudo-médecine oui. Parce qu’il y a des livres écrits par des gens qui sont édités et qui disent que si tu souris, tu verras le monde ne va pas si mal que çaaaaa, siiiii tu souriiiiis…et que tu te soignes pas correctement, tu meurs, en vrai.

Et on est parfois à la limite, on est même toujours un peu à la limite. Optimisme béat ou Foi en la Destruction ? On est les deux. Les deux nous permettent de faire des choix. Et sur les choix délicats, se fier uniquement à l’un ou à l’autre est casse-gueule.

J’ai vécu un certain temps avec non pas un mais deux pessimistes à la maison. Le premier est celui que j’ai épousé, bon, lui il râle toujours. Mais avec notre amie, ça faisait une espèce de vortex de négativité entre les deux, c’était fascinant à observer.
Toi t’arrives telle une Labrador toute heureuse de faire sa sortie et t’as l’impression que quelqu’un est mort. Oups. Je retourne à la niche, faites pas gaffe.

Mais ouais, les pessimistes sont aussi ceuxlles qui me freinent et me disent « Mais tu as pensé à ça ? » et j’y avais pas toujours pensé. Ce sont euxlles qui mettent à l’épreuve mon côté extatique en posant les objections que je ne me pose pas, vu que « tout va bien se passer ». Ça m’a parfois bien bien sauvé la mise.

Parce que quand on est optimiste, évidemment que tout va bien se passer. On a du mal à casser notre good vibe en émettant des objections sauf que si on ne se pose pas certaines questions, on va dans le mur.

D’un autre côté, mon projet de château féministe misandre en Dordogne est un peu irréalisable, mais je m’en fous, j’y crois, je veux y croire, je sais que ça arrivera.


✨✨✨

Pourtant c’est dur de rester optimiste. Je considère mon optimisme comme une chance, une qualité, quelque chose qui m’aide à ne pas totalement abandonner tout espoir. Et chaque jour, le monde me dit « MAIS. TU. VAS. CESSER. D’Y. CROIRE. OUI. OU. MERDE ? »
Merde.

Chaque jour, invariablement, je lis des récits de personnes en situation d’oppression qui décrivent des situations juste atroces. Chaque jour, une membre du Feminist Parenting Club souffre parce que le Juge aux Affaires Familiales s’est laissé entourlouper par l’ex manipulateur. Au niveau des séparations avec enfants, les histoires sont écœurantes.

Quand je vois qu’une femme se fait tuer par son ex conjoint après avoir déposé 22 plaintes, mon optimisme en prend un sacré coup, aussi, faut dire ce qui est.

Et la chance que j’ai, c’est de me dire « Tout va s’arranger ». Parce qu’on est grave dans la merde mais que je continue d’y croire de toutes mes forces. Ça va s’arranger. Ça va le faire. On va y arriver. J’y crois. Pis j’y crois dur comme fer en plus. Forcément, les choses vont aller mieux ! Forcément !
Je sais que je vis dans le déni, je ne suis pas dans le déni par rapport au fait d’être dans le déni. J’utilise mon optimisme pour me booster, me permettre de continuer d’avancer. Parce que sans ça, je te le dis tout de suite, t’aurais jamais eu de billet du matin et je n’existerais juste plus. J’ai besoin d’y croire, ça me fait vivre, faut juste que je fasse attention à ne pas être trop optimiste sur certains sujets.

C’est foutu, en vrai, c’est pour ça que j’ai marié un râleur, parce que deux personnes comme moi dans un couple ça fait banqueroute en 2 jours.

PS : je n’ai pas le temps de bien relire ce billet, j’ai pu laisser passer plus de fautes que d’habitude, feel free to signaler moi erreurs, merci ♥
PS2 : je réécrirai sans doute ce billet dans une version ultérieure, le propos me semble intéressant mais j’ai écrit n’importe comment et là j’ai pu le temps. [Edit : j’ai pas envie, il est bien comme ça]