Heure de réveil : 2h40

Je ne sais plus faire d’intro, il est trop tôt et je suis « gnnn ».

Ce matin, on va parler méchanceté. Pourquoi est-il aussi méchant ? « Parce que » n’est qu’une réponse marketing des vieilles pubs Orangina rouge et moi, ça ne me suffit pas.

 

Comme je ne suis pas réveillée, j’ai été me renseigner sur un site appelé « Le journal des enfants » parce que la réponse de la dame est certes incomplète mais suffisamment intelligible pour moi, là, tout de suite.

Définitions
– Méchant ou méchante (vilain ou vilaine) : personne qui cherche et prend plaisir à faire du mal. Personne qui est en attente de quelque chose qu’elle ne reçoit pas. C’est une fragilité.
– Il ne faut pas confondre méchant et pervers. Un pervers aime faire souffrir et prendre le pouvoir dans son propre intérêt. C’est une pathologie [une maladie].

Tu vois, iels expliquent les mots et tout, c’est parfait pour moi.

En temps normal, tout nous pousse à avoir des relations calmes avec les autres. « Si on est méchant, ça veut dire que l’on est toujours sur le qui-vive [en alerte], explique Nicole Catheline. On pense que l’autre nous veut du mal, donc il faut se défendre. »

On connaît tous la règle : il vaut mieux attaquer que d’être attaqué. « La méchanceté est un présupposé [quelque chose que l’on pense] que le monde est difficile. Il faut prendre les devants plutôt que se faire avoir. On peut dire que là, c’est une faiblesse. »

Le fait de dire que c’est une faiblesse est intéressant. C’est vrai que de devoir faire lae méchant-e tout le temps demande une survigilance de chaque instant et une posture de défense qui utilise la violence pour faire genre nan chuis pas jaloux-se, triste, je ne trouve pas le monde injuste, je suis juste méchant-e. On peut dire que ça camoufle le reste.

La plupart des personnes se disant « méchantes » dès le premier abord le font donc pour signaler « Attention, tu vas te faire mordre ». J’ai eu une phase hippie durant laquelle je pensais que tout le monde valait la peine, et puis j’ai rencontré des personnes vraiment méchantes, qui le revendiquaient haut et fort. Je n’ai pas peur de ces personnes, si on se sent obligé-e de dire qu’on est méchant-e en technique de l’ours (« Je suis grand sur mes deux pattes, agrougrou ») c’est qu’on est fondamentalement insecure. Penser autrui comme un ennemi de base, c’est assez triste (côté hippie) mais barre-toi de là tu n’es pas obligée de réparer tout le monde (côté pas hippie).

Dire sa méchanceté c’est limiter sa gamme de rapports avec les autres par uniquement des rapports de force. Et pour pouvoir montrer sa force, il faut dominer l’autre ou l’écraser.

Encore que les ours restent des animaux sympathiques qui ne tuent pas à tout va juste par plaisir.

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On peut donc décider d’humilier l’autre, de pointer ses défauts, de préférence devant public. On peut aussi se montrer méprisant-e, blasé-e, ne pas avoir de mode de communication paisible, tout pour affirmer sa supériorité supposée. C’est une manière très hiérarchisée de voir le monde : les forts, les faibles, moi, les autres.

Être méchant, ça peut faire du bien ?
Le sociologue Wolfgang Sofsky a écrit un livre sur la violence. Il y explique que le moment où l’on commet un acte violent est le seul moment où l’on se sent en accord avec soi et son geste. Cela donne un sentiment de puissance exceptionnel.

« Au moment de l’acte, ça fait du bien. Mais après, il y a la culpabilité [quand on s’en veut d’avoir fait quelque chose]. On peut donner une gifle à quelqu’un parce que, quelque part, on est en accord avec ce qu’on dit, ce qu’on pense, ce qu’on fait, ce qu’on ressent à ce moment-là. Heureusement, cela nous arrive rarement. Et ensuite il y a des conséquences morales [on réfléchit à ce qu’on a fait de mal] », commente Nicole Catheline.

Bon, on est dans du média pour enfants, mais faut leur dire aussi que certain-es méchant-es ne se remettent strictement JAMAIS en question car l’acte « libérateur » est trop enivrant. Il faut conserver cet état d’esprit de puissance, se gargariser de son exploit pour se dire encore un peu plus méchant-e.

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Être méchant-e fait sans doute du bien. J’ai aussi eu des saillies (verbales) franchement méchantes face à des individus franchement méchants et ouais, ça m’a fait du bien. Dire « ta gueule » à un inconnu lambda random droitard des internettes, parfois, ça peut faire du bien. Surtout sur Twitter. J’ai posté ma réponse condescendante et moqueuse, je ne sais pas comment cela sera reçu mais je ressens une sorte de soulagement : ce qui devait être dit est dit.

En revanche, si je n’utilise que très très peu Twitter, c’est que le format ne m’incite pas à expliciter mon désaccord et que le concentré de ma pensée reviendrait à dire « ta gueule » à chaque tweet. Twitter me rend méchante car il y est très simple de dézinguer des gens avec des réponses courtes et percutantes. Comme je suis bien douée à ce jeu malsain, j’évite, car je ne connais pas réellement la personne en face, que les mots peuvent faire très mal et que la sensation d’avoir cloué le bec à quelqu’un me rend puissante sur l’instant. Ah, quel bon mot ! Je suis si fière d’avoir humilié une personne dont je ne sais rien !

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Parfois, souvent, les personnes se revendiquant méchantes sont fragiles et utilisent la méchanceté comme armure. « M’approche pas » ou « La discussion est close par KO ». Lorsqu’on va au fond des choses, on se rend compte de cette fragilité intrinsèque, des failles narcissiques ou du manque d’affection qui animent la personne méchante.

La méchanceté masculine a ce petit twist : conserver une domination car on a été dressé comme ça. Être méchant permet de garder ses distances avec les autres en se réconfortant sur notre propre force infinie rien qu’à nous même que les autres c’est que des sales cons.

« L’homme est un loup pour l’homme » en est l’illustration parfaite. On part du présupposé que la nature humaine est méchante, sinon elle n’aurait pas perduré tout ce temps. Les gentil-les se font rétamer, c’est « la nature ». Il doit y avoir des rapports de domination, c’est la vie. Alors que pas vraiment, si on se penche sur les raisons qui ont fait que les humain-es ont survécu jusque 2023 on se rend vite compte que pour palier à la faiblesse physique, on a décidé de vivre en communauté. On aurait pas tenu 2 mn avec la méchanceté comme seul objectif. Le tigre à dents de sabre il en a rien à branler que tu sois sympa ou pas : il te bouffe et il est plus fort que toi alors « ta gueule ».

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C’est ici que je me souviens que je dois finir ce cours sur la méchanceté d’un mec nommé Thierry Patrice et qui exerce à l’Université de Nantes. On passe du média pour enfants à des gens qui disent des trucs compliqués. Je reviens.

C’est ici : https://mediaserver.univ-nantes.fr/videos/thierry-patrice-la-mechancete-est-elle-le-propre-de-lhomme/
« Thierry Patrice est professeur à l’Université de Nantes et cancérologue. Ses thèmes de recherche concernent la Lumière et les tissus vivants. Auteur de nombreuses publications, brevets, dont la mise au point d’un test mesurant la résistance à l’oxydation dans un tissus inhomogène, il a notamment publié Chercheurs, Ethiques et Sociétés (L’Harmattan 2012). »

Thierry Patrice (dont ce n’est pas vraiment le métier que de déterminer ce genre de truc)pense que la méchanceté est intrinsèque à l’humain-e et prend racine dans la faiblesse physique (face à un tigre à dents de sabre, par exemple). Nous naîtrions fondamentalement méchant-es, contrairement aux animaux. Les animaux sont des animaux, il est rare d’assister à des scène de cruauté pure de la part d’animaux. Donc la méchanceté est le propre des humain-es, le reste est causé par l’utilisation qu’on fait de cet outil à notre disposition.

Bon.

Je cherche d’autres ressources sur YouTube avant de repartir dans des lieux plus propices, mais une chose m’interpelle. Il existe pléthore de vidéos sur le thème de « Comment réagir à la méchanceté » ou « Comment ne pas être touché-e par la méchanceté ». Chez YouTube, il n’y a que des gentilles personnes qui ne sont donc pas méchantes. Les 2/3 des contenus proposés sont en lien avec la religion (je n’ai pas regardé chaque vidéo, je me base sur le titre, donc il doit y en avoir plus que ça). J’ai Raphaël Enthoven aussi, mais ça va, je fais semblant de n’avoir rien vu.

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C’est une vidéo d’Angelo Wallace (ma découverte de la semaine) sur Andrew Tate qui me fait avancer. (Ici : https://www.youtube.com/watch?v=rIHHv5eQmwE)

Andrew Tate est LA figure de la manosphère (les masculinistes) du moment. C’est le mec qui a été en taule en Hongrie et que Greta Thunberg a humilié publiquement dans un Tweet d’anthologie.

🐦 »En 2022, un tweet peut changer le cours des choses. L’ex-champion de kickboxing et masculiniste Andrew Tate, connu pour ses discours de haine et sa violence contre les femmes, a été arrêté en Roumanie le 28 décembre pour trafic d’êtres humains. Voilà qui concluait une séquence qui n’aura duré que 24 heures sur Twitter. Tout a commencé lorsqu’il a interpellé une énième fois la célèbre militante écologiste Greta Thunberg, le 27 décembre.

Dans ce tweet initial, il se vante d’avoir 33 voitures aux moteurs très polluants. Il affirme alors que « ce n’est que le début » et ajoute, s’adressant à Greta Thunberg : « Merci de me communiquer ton adresse mail pour que je puisse envoyer la liste complète de ma collection de voitures et les énormes émissions de chacune d’entre elles. »

La réponse de Greta Thunberg ne s’est pas faite attente et elle fut cinglante. « Yes, please do enlighten me. email me at smalldickenergy@getalife.com », écrit-elle dans son propre tweet. En français, cela donne quelque chose comme : « Oui, merci de m’éclairer. Envoyez-moi un mail à énergiedepetitpenis@trouvetoiunevie.com ». En bref : Greta Thunberg se moque ouvertement d’Andrew Tate et ses vaines obsessions. Son tweet a atteint très rapidement les 2 millions de « j’aime » — plus de 3 millions à ce jour –, surclassant sans conteste celui d’Andrew Tate. »
(Numerama)

CHEH !

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J’ai pas mal suivi l’actu de ce pauvre type, comme je suis l’actu de mes autres ennemi-es mortel-les (l’inclusif c’est pour Marguerite Stern) mais le docu cité plus haut m’a apporté un élément très intéressant qui, en plus, étaye ma thèse. Biaisons-nous donc joyeusement !

Andrew Tate est issu d’une famille à priori pas outrancièrement dysfonctionnelle, son père est champion d’échecs, lui trouvera sa voie dans le kick boxing. Je juge pas, je suis une quiche aux échecs. En tout cas, il dispose d’une confiance en lui à toute épreuve, à première vue. Technique de l’ours over 9000, jusqu’à ce que je le voie perdre ses moyens face à une femme en interview. Au lieu de répondre, il l’agresse verbalement et finit par dire « Nan mais de toutes façons c’était une expérience socio… » non, pardon, je confonds avec Astronogeek. Il a dit un truc du genre « Nan mais j’ai fait rien que de faire exprès de mal répondre pour te tester » aka la technique du gros loser de la drague agressive qu’on connaît bien.

Quand tu sais pas répondre, tu agresses puis tu la joues humour mastermind de tes deux. Oreilles. De tes deux oreilles, voilà.

Ce que j’ai perçu ici c’est ce que j’ai souvent perçu chez les gros relous de base qui se pensent plus futés que tout le monde : rien. Un vide abyssal tellement abyssal que si tu regardes l’abysse, tu perds des points de QI, de la santé mentale et de la mana.

Rien, y’a rien. Et le vide, ça fait peur. Et ils ont peur de leur propre vacuité, comblant les lacunes émotionnelles par une capacité à agacer n’importe quel moine de n’importe quelle religion pacifiste bourré à la bière après 3 Xanax. Se proclamer méchant, c’est éviter toutes les autres questions. Sabrer l’introspection, sabrer les rapports aux autres au profit d’une mégalomanie envahissante sensée répondre à tout.

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Fake it till you make it : fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives. Et Andrew Tate fake absolument toute sa vie. Ce serait fabuleux, scientifiquement parlant, si le bonhomme n’était pas doublé d’un agresseur que Gérald D. ne qualifierait certes pas d’ultraviolent (il est de droite)(évidemment) mais qui tient un très bon niveau de violence sur la durée. Sa vie doit être épuisante, malgré ses 33 voitures. Se la jouer maître manipulateur trop intelligent pour toi sert à masquer sa profonde insécurité face au monde et surtout face aux femmes.

C’est un point commun de ces mecs là : la peur viscérale des femmes, ces êtres mystérieux et incompréhensibles qu’on doit soumettre pour enfin rentabiliser toute cette carrière de sportif de la frappe de haut niveau.

La peur du monde, aussi. Ils n’en comprennent pas les règles, ou ne veulent pas les appliquer parce que eux, c’est différent (gros trait antisocial, par ailleurs). Le monde est un endroit tout pété, alors on va gueuler et menacer, parce que ça fonctionne. Un mec qui a l’air sûr de lui et qui hurle ce que tous ces petits mecs veulent entendre : le monde est injuste alors on a le droit de se comporter comme une merde vu qu’il n’y a pas de règles vu qu’elles sont ineptes et qu’on est plus intelligent que ça.

Après, on pourrait parler des fausses promesses du capitalisme envers les hommes, promesses de méritocratie et de ruissellement dans un monde ultra compétitif. Une fois qu’ils découvrent que non, en vrai, la vie c’est pas obtenir tout ce qu’on veut en permanence et qu’il faut faire des compromis, vient la colère. La rage contre le système. Pas le capitalisme ou le néolibéraliste toujours érigés en quasi religion, mais le « truc » qui fait qu’on a pas toujours tout ce qu’on veut : les autres, et surtout les femmes. On en reparlera, je commence à cerner le truc.

Alors, Andrew Tate, méchant ? Oui, évidemment. Méchant mais avec des failles narcissiques de la taille du gouffre Veryovkina en Georgie (j’ai cherché « gouffre le plus profond du monde » et c’était intéressant mais je n’ai pas trouvé « l’égo d’Andrew Tate » en page 1 donc j’ai laissé tomber)(2212 mètres, sinon)

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C’est pour ça qu’il n’y a pas de méchanceté « gratuite ». La méchanceté, même si c’est juste ta voisine qui te pique ton courrier pour t’emmerder, ça rapporte toujours quelque chose. Un apaisement temporaire. Une petite satisfaction vicieuse. Une récompense risquée. Cela dit, au vu de la gueule de 99% des dirigeants de grosses boîtes, ça peut réellement rapporter. Un directeur qui n’a foutrement aucune idée de ce que tu fais dans la vie alors qu’il te paye pour ça peut très bien se la péter en réunion et faire le beau pour se rémunérer lui-même un peu plus. Enfin, merde, mate le gouvernement de branquignolles qu’on se coltine, faut le constater, la méchanceté paye dans ce contexte.

Je sais pas, moi, quand j’ai envie de me faire plaiz je vais me poser avec un café chaud sur le balcon et je regarde les arbres, je fais des bisoux à mon enfant, je me lave les cheveux, j’écoute de la musique, je ne m’arrange pas pour nuire aux autres volontairement.

Paraît que les personnes méchantes sont des personnes tristes. C’est sans doute le cas, mais j’en ai rien à carrer, rien de rien. Je peux gérer les personnes reloues (je suis une personne reloue moi-même), mais les personnes méchantes, honnêtement, rien à branler. T’es rattrapé par ta méchanceté ? Mon empathie s’arrêtait au seuil de ta porte, tu peux toujours geindre sur ce monde si injuste, ça en touche un sans faire bouger l’autre.

Se revendiquer méchant, c’est surtout dire sa faiblesse mais en refusant toute aide qui ne serait arrachée sans consentement. C’est triste, oui, mais c’est surtout toxique. A la limite, tu fais comme moi, tu déprimes dans ton coin en buvant ton café et tu deviens féministe, tu fais pas chier le monde parce que t’es le pire du pire. Tu t’attendais à une récompense ? T’en fais pas, y’a plein de gens qui auront envie de voir si tu as un cœur d’or sous ta carapace de boulet et qui trouveront des excuses à tes comportements déviants.

Et moi, je reste dans le monde magique des Bisounours du sarcasme car le fait d’avoir de l’empathie et d’aimer les gens fait de moi une personne profondément plus inadaptée au monde que n’importe quel connard arrogant.

Allez toustes vous faire foutre. Sauf toi ❤️