Heure de réveil : 3h35 (chats)

Si tu veux bien on ne parlera pas de l’actualité, je suis bien assez déprimée comme ça, merci bien.
Et tu sais quoi ? Il est tard, tôt, chépu, mais je vais aller me le faire, ce café avec ma cafetière bruyante, et c’est tout ce qui va se passer ! Oui je suis de mauvaise humeur. Si t’as suivi les billets jusqu’ici tu sais pourquoi. Mais, hey, au moins, fin du SPM et de son spleen permanent, place à la colère brute !
(T’en fais pas je vais pas faire un article tous les mois pour dire que j’ai mes règles, c’est évidemment un prétexte)
Précision utile : Il faut garder à l’esprit que les femmes ne sont pas les seules à être menstruées. Des personnes possédant un utérus fonctionnel, comme certains mecs trans, ou personnes non-binaires, peuvent avoir leurs règles (avec toute la dysphorie de genre que cela peut entraîner).

Sans déconner je me demande comment des mecs cis parviennent à braver la honte en te disant «Moi aussi des fois j’ai mal au ventre». Pure inconscience ? Pulsion suicidaire ? Je ne sais pas. Durant mon accouchement j’ai connu des «douleurs gastriques» (euphémisme du siècle) et franchement, je sais à quel point ça peut faire mal, t’en fais pas. Sauf que j’étais en pré-travail avec des contractions qui déconnent pas toutes les 10mn. Rep à sa, John Bob !
Je pige pas les concepts religieux sur l’impureté du corps menstrué et, parallèlement, la sacralisation totale de la grossesse. Je sais que c’est dans le but de nous réifier, de nous transformer en machine à bébés, d’appuyer le mythe de la Madone et de la Putain, mais ça n’a aucune foutue logique en réalité.

Dans la grande majorité du cas banal de pathologie également appelée «Bienvenue dans la lose de la parentalité» pourtant, il faut en général avoir eu ses règles au moins une fois avant. (Normalement, parce que là aussi, t’as plein de contre-exemples.), donc on est déjà impures. Sauf quand t’es vierge mais là, je laisse les cathos intégristes, voire même radicalisés (!!!!) avec leur trip sur le sujet. Oui parce que c’est un peu tellement WTF ce truc. Une mère vierge qui fait son enfant avec un autre que son mari et promeut la GPA, franchement, ça fait pas sérieux pour des gens qui sortent hurler pour empêcher les autres de faire des bébés.

Oh.
Wait.
Je crois que je tiens un truc.
Je veux bien, c’est une jolie histoire, tout ça, mais c’est comme les représentations de Jésus en mec blanc aux yeux et cheveux clairs 🤔 Sauf que concrètement, les jolies histoires sur les femmes, dans la plupart des religions, ça se termine pas super bien pour nous, quoi.

The problem with white Jesus
Illustration: The Big issue
Background Photo: Hulton Archive/Getty Images

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N’empêche, les règles c’est considéré comme crade (Et c’est pas du liquide bleu, au fait, rassure-toi) (Rigole pas, je me demande combien de filles se demandent si leurs règles sont bleues comme dans la pub Nana) mais la grossesse, ça va alors que heu…niveau détails un peu gore ça se pose là, quoi.
La grossesse elle est «productive» : tu contribues à l’effort de destr…conquête de la planète en fournissant de la main d’oeuvre. Soit. Mais pas mal de personnes en capacité de procréer ne veulent pas d’enfant, on en fait quoi ? Moi je les aime bien et je les comprends, en plus iels participent au game et ont un moins grand impact écologique. Et iels dorment des fois la nuit. Les préjugés sur les femmes childfree sont souvent violents, même si «vieille à chats» pour moi c’est un objectif de vie.

Sacraliser la grossesse à mon sens c’est une erreur. On romantise une situation qui n’a rien de transcendant. Tu as eu une grossesse de rêve ? Parfait, tu seras la quatrième personne que je connais dans ce cas. Te réjouis pas trop vite, je modère un groupe de parent-e-s de 1500 membres, on a beaucoup récits de grossesse.
Toute cette connerie du féminin sacré, de la beauté de la grossesse, de l’état de grâce (qui prend fin à l’instant même de la «délivrance». On te délivre de ton enfant mais aussi de ta vie d’avant et de ton privilège temporaire de femme enceinte), participe à la dichotomie pur/impur.

Alors oui, la grossesse, le lien avec la vie qui se crée, d’accord, c’est chouette. Mais niveau emmerdement ça se pose là quand même. Pendant et surtout APRES la grossesse.
Pourtant, quand tu as tes règles, tu es comme déclarée «apte à recevoir un-e occupant-e» avec certificat et tampon (haha). Alors bon, pour ce coup-ci, c’est râpé, sauf si tu voulais pas d’enfant, auquel cas : félicitations tu n’es pas enceinte !

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En gros chaque mois c’est comme si on était punies. T’as déjà demandé une serviette ou un tampon à tes collègues ? Si tu n’avais pas goûté au frisson de la transgression en passant deux barres de Toblerone en douce à la caisse du Duty Free, essaye. Tu ouvres ton sac à main devant quelqu’un-e, n’importe quel type de protection périodique tombe de ton sac, tu t’excuses. Tu t’excuses dans la mortification. Pardon, des fois j’ai mes règles. Oups.
Et même devant une femme, tu te sens gênée. Alors qu’il y a de grandes chances qu’elle aussi soit en PLS avec un thé chaud et une bouillotte de temps en temps.

Prise record pour les douanes avec 16 tonnes de produits d’hygiène féminine saisis !

Je peux comprendre le côté impressionnant, sanglant, perçu comme sale. L’odeur des règles est aussi bien particulière et reconnaissable. Et des fois ta salle de bains ressemble à une scène de crime. Woot.
Mais, hey, en parlant d’odeurs, de crade, tout ça…t’as déjà eu un mec qui te pourrissait tellement les chiottes que tu devais jeter une grenade de javel avant de barricader la porte le temps de savoir si tu passais la pièce par le feu ou pas ?
Tu as déjà eu un mec qui s’amusait à faire les plus gros pets du monde et qui en rigolait ?
Tu as déjà eu un mec qui pissait partout dehors ?
(Oui il n’y a pas que les mecs qui font ça, no shit, Sherlock, c’est pas mon propos)
C’est pas «crade», ça ?
En plus, les excrétions intestines ne sont pas, en soi, signe d’autre chose que du fait que tu aies mangé et que tes intestins fonctionnent. Ça n’a rien de particulièrement éblouissant. Mais pour beaucoup de mecs, toi-même tu sais, un gros caca est une victoire, que ce soit dans les toilettes ou sur Facebook.

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Et là tu vois la différence entre ce qui fait que les femmes sont faibles et les hommes forts. On humilie les premières dès que leur sang coule, donc dès qu’elles sont en capacité théorique de porter un enfant, on valorise les seconds pour, littéralement, de la merde.

Je ne pense pas que TOUT vienne de là, je pense pourtant que cette idée que les femmes sont faibles parce qu’elles perdent du sang est le truc dont tout est parti. Durant les règles et la grossesse, les personnes menstruées sont en situation de faiblesse. A cause de la douleur et des écoulements, pour le premier cas, à cause des risques liés à la grossesse pour le deuz.

Mais si t’es pas trop trop idiot, tu réalises aussi que ce sont ces mêmes personnes qui te donnent des enfants. Je pense que le patriarcat est né sur cette «faiblesse» théorique, enfin, je le sais mais là, tout de suite, je vais pas enchaîner avec la naissance de l’agriculture, de l’élevage, de la propriété et tout le tralala, il est même pas 6h du mat, la violence.

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Tu sais que j’ai hésité à faire un billet sur les règles en parlant des miennes ? Je suis pourtant pas franchement coincée sur le sujet, mais j’ai encore cette honte bien chevillée au corps.
C’est là, que le féminisme intervient. On doit dire aux jeunes filles ce qui va se passer dans leur corps, on doit leur dire que c’est sain, beau, normal. On doit leur expliquer que ce n’est pas une honte, que c’est au contraire magnifique car leur corps fonctionne. En retrouvant ce pouvoir, en normalisant les règles, on ira un peu plus loin sur le chemin de la Libertay.

Je vire lyrique, c’est mauvais signe, c’est signe de manque de café. ☕

Pis j’aimerais aussi qu’on écoute les patientes quand elles se plaignent de maux de ventre insoutenables. J’aimerais qu’on prenne au sérieux l’endométriose et l’adenomyose, qu’on adresse vraiment le problème avec sérieux, tout comme pour le SPM. C’est juste complètement totalement hallucinant qu’on en soit encore à tester un peu au hasard les moyens de contraception possibles parce que les résultats varient trop (sans doute parce qu’on ne sait pas, visiblement, distinguer une femme d’une autre ?).

Je dis ça car la deuxième pilule que le Planning m’avait donnée me provoquait des règles totalement incapacitantes (plusieurs jours pliée en deux en chialant et en vomissant quand je réussissais à manger). Le médecin du Planning, qui m’aimait pas trop je crois, m’a dit «Ça n’a aucun rapport, vous avez juste les règles douloureuses». Spoiler : ça avait un rapport. J’ai changé de pilule, je n’ai plus jamais connnu de tels épisodes.
PS : j’ai eu des moments assez moches dans ce Planning Familial mais ce sont des endroits safe dans 99% des cas, ne prenez pas mon témoignage pour plus que ce qu’il est : un témoignage ponctuel.

J’aimerais qu’on parle de nos règles, qu’on soit libre d’échanger entre nous à ce sujet, sans se cacher. J’aimerais que les mecs sachent aussi, mieux, comment fonctionne notre corps. Le tabou des règles c’est aussi le tabou du sexe féminin (encore trop d’entre eux pensent que l’urine sort par le vagin…🙄). On les exclut volontairement de cet enjeu-là. On garde notre honte pour nous, on achète nos serviettes et tampons en douce.
J’ai lu une fois un témoignage d’une nana qui expliquait que son mec ne supportait pas la présence de protections périodiques (non-utilisées) dans les WC qu’iels partageaient. Le mec disait que c’était «dégueulasse» (alors que le PQ, ça va).

Bah mon lapin, le sexe aussi alors c’est «dégueulasse» si on va par là, surtout le sexe ne visant pas à se reproduire, enfant du Malin.

Tu entends ? Le bruit du vent !

L’avis des hommes sur la précarité menstruelle – allégorie

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Cherche pas, quoi qu’il arrive, on perd. Quand on fait des enfants, quand on en fait pas, quand on en fait trop, quand on en fait des pas parfaits, qu’on soit jeune, vieille, trop belle, trop moche, trop grosse, trop maigre, trop timide, trop volubile, trop grande, trop affirmée, trop féminine, trop masculine, trop androgyne, trop normale, trop folle, trop heureuse.

Et c’est pour ça que le féminisme et la sororité existent.
Ça me fait toujours bien rire quand on nous décrit comme des hystériques violentes. Parce que cette sororité-là, elle poutre tout. J’ai rarement vu autant de douceur suite à un témoignage que dans des groupes féministes. Je ne dis pas que les groupes féministes sont des endroits magiques, le nombre de shitstorms que j’ai pu y lire me ferait mentir, mais je n’ai jamais lu d’échanges aussi riches sur le sujet des règles et de la contraception que sur des groupes féministes. J’y ai appris beaucoup de choses sur mon propre corps. Merci les meufs, vous êtes précieuses ♥

C’est normal, car c’est un sujet central, avec la grossesse, quand on est féminisme. Tout part de là. Tout. Nos entrailles nous appartiennent, c’est le moment de se réapproprier le sujet.

Le mot «règles» n’y est pas un gros mot.