Heures de réveil : 2h30, 3h30 (enfant, chat)

Si c’est l’univers qui m’envoie un message pour me dire « Haha tu voulais te reposer, hein ? Va bien te faire foutre ! » bah c’est raté, je ne crois pas que l’univers me délivre à moi des messages particuliers, ce serait un peu prétentieux.

Du coup l’univers m’envoie bouler. Non, l’univers s’en fout, on a dit.

On va donc profiter de tout ce temps devant nous pour parler de l’auto-dérision. Ouais, sans transition.

🥨🥨🥨

Je ne sais pas si tu connais le show « Nanette » de Hannah Gadsby. C’est sur Netflix et on doit pouvoir le trouver facilement par ailleurs. Oui, c’est en anglais, mais les sous titres français ne sont pas trop crades. Regarde-le : https://www.netflix.com/fr/title/80233611

J’ai vu ce spectacle 3 fois, peut-être 4, mon moment de la chiale préféré c’est quand elle dit :

🐦 « L’erreur de Picasso était son arrogance. Il a supposé qu’il pouvait représenter toutes les perspectives. Et notre erreur a été d’invalider la perspective d’une jeune fille de 17 ans parce que nous pensions que son potentiel ne serait jamais égal au sien.
La prise de distance est un cadeau. Arrêtez de me faire perdre mon temps.
Une fille de 17 ans n’est jamais, jamais, jamais dans la fleur de l’âge ! Jamais. Je suis dans la fleur de l’âge. Tu veux tester ta force sur moi ?
Il n’y a aucune chance que quelqu’un ose tester sa force sur moi parce que vous savez tous qu’il n’y a rien de plus fort qu’une femme brisée qui s’est reconstruite. » (Au sujet des très jeunes filles qui entouraient Picasso)

🔼 J’aime énormément ce passage car, effectivement, le moi presque quarantenaire, tu peux pas test. Le moi de 17 balais était moins performant sur la remballe et beaucoup moins sûr de lui.
Je me dis que c’est à nous (les « périmées ») d’aider les plus jeunes. Lorsque j’avais 17 ans, on m’a aidée et je ne l’oublierai jamais. La sororité devrait aussi prendre ce sens-là : pourquoi on ne protège pas les jeunes personnes non-homme-cis-het ? Mébon c’est un autre sujet, je venais juste dire que cette citation m’a bouleversée.

On parle ce matin de ceci :

🐦 « J’ai construit une carrière sur l’humour autodépréciatif et je ne veux plus faire ça ». Comprenez-vous ce que signifie l’autodépréciation quand elle vient de quelqu’un qui existe déjà en marge ? Ce n’est pas de l’humilité, c’est de l’humiliation. Je me rabaisse pour parler, pour demander la permission de parler, et je ne le ferai plus, ni à moi ni à quiconque s’identifie à moi. Si cela signifie que ma carrière de comédienne est terminée, alors, qu’il en soit ainsi. »


🥀🥀🥀

Ok. L’humour autodépréciatif c’est par exemple être une femme et te moquer des femmes (Coucou, Florence Foresti !).

Déjà, ça te place artificiellement au dessus du problème : tu n’es pas comme les autres, tu sais faire preuve d’autodérision. Tu sais quels sont tes défauts, réels ou présumés, et tu appuies là où ça fait mal.
C’est bien parce que tu es « différente des autres femmes ». Foresti se vend en femme misogyne, par exemple. Elle est différente mais c’est une femme, elle peut donc ironiser sur les autres femmes.

Attention, j’étais bonne cliente, avant le Cringe de la Red Pill. Ouais parce que regarder un de ses spectacles est désormais physiquement douloureux : chaque fibre de mon âme hurle que la sororité est morte et qu’on est mal barrée si c’est des gens comme ça qui nous défendent. Heureusement, elle ne nous défend pas.

🙍‍♀️ « 20 ans, t’es fraîche comme la rosée du matin. A 35, comme la bouteille de rosé ! »
🙍‍♀️ « Les moustiques ça sert à rien . Ca pourrit les vacances des riches et ca tue les pauvres ! »
🙍‍♀️ « Les filles elles vont craquer pour un mec, pour un petit truc qu’elles vont détester 6 mois plus tard. »
🙍‍♀️ « Tu demandes à un garçon qu’est qui faut sur la planète c’est facile : une porsche, une vache, une patate ! »
🙍‍♀️  » L’été à la mer, les garçons ça veut toujours nager jusqu’à la bouée ! Et nous sur la plage pendant ce temps on doit leur faire coucou pour leur faire croire qu’on est contente ! »
🙍‍♀️ « Les filles ca lit des gros livres de psychologie, pour faire croire que c’est intelligente « Oh c’est très intéressant tout ca, ah oui ca je savais ! Oh, ah oui, hum, c’est pour ca, tout s’explique ! Il faut vite que je téléphone à mes copines pour leur dire ! Non, je vais aller chez elles, c’est mieux, comme ca on boira de l’eau chaude avec des plantes dedans ! »
🙍‍♀️ « Ca sert à rien les garçons ça sert à rien, ça fait rien de la journée, ça fait que jouer à la play station toute la journée. N’importe quel age 8 ans, 15 ans, 50 ans, Play Station toute la journée. »
🙍‍♀️ « 45 ans et jamais harcelée. C’est un poil vexant. J’ai été produite pendant dix ans par Gilbert Rozon, rien. (…) Pour moi, c’est plutôt #notme »


🦖🦖🦖

Est-ce que c’est drôle ?
Le moi d’il y a 10 ans aurait trouvé ça hilarant.
Le moi du futur du présent de tout de suite est en PFS (Position Facepalmesque de Sécurité).

Alors oui, « les filles » « les garçons » qui viennent de Vénus et de Pluton (Mars est trop proche de nous, je ne me sens pas en sécurité). Toujours très très drôle, une bonne base de blague, ça, si tu entres dans la binarité hétérosexuelle monoamoureuse.

C’est un peu moins marrant de voir dédouaner le « un garçon a de la fièvre il croit qu’il va mourir ». Toi, t’as de la fièvre, et ça fait quelques jours que j’en ai, tu t’occupes de toi toute seule comme une grande, parce que c’est normal, parce que tu es dressée à toujours prendre soin des autres au détriment de ta personne. Oui, mais ça te pose dans une situation où tu as l’impression de sauver la mise alors qu’en vrai tu files juste du Doliprane à un type qui ne sait pas trouver la boîte sous ses yeux. Chaque situation de conjoint malade va te renforcer dans ce rôle que tu penses gratifiant : l’infirmière même pas payée pour ça.

C’est normal, c’est ton boulot. Et comme on sait qu’en vrai, hey….c’est pas trop trop normal, on nous vend un costume d’infirmière pour nous flatter.
« Je ne sais pas ce que je ferais sans toi »
Mon cul.
Tu saurais bien te démerder sans moi en fait. En vrai. Car non, ce n’était pas la peste bubonique, c’était une sinusite.

On entretient l’arnaque lorsqu’on nous dit « Je ne sais pas ce que je ferais sans toi ». Comme quand ton patron te félicite très fort et se barre sans t’avoir refilé d’augmentation.

Dire « Les mecs à 38,1°C ils sont foutus » c’est propager cette fausse idée qu’un homme livré à lui-même ne saura pas s’occuper de lui. Cette fausse idée a une corolaire : si un homme ne sait pas se débrouiller seul, alors il nécessite une femme. C’est ton job, à toi, le care (prendre soin des autres).

Lui, il veut une grosse voiture, du steak et des patates. Much ambition.


🐬🐬🐬

Les filles, elles, enfin, les VRAIES filles, par comme toi et moi et Florence Foresti, ces filles-là sont teeeeellement bêtes et insipides. Heureusement qu’on est pas des vraies filles, nous !

Dois-je rappeler à ton mauvais souvenir les BD de blagues sur les blondes ?
« Hin hin hin je suis pas blonde, moi »

On est pile poil dans la rémora (les poissons qui nettoient les requins) : on rabaisse les autres pour se valoriser. Il y a une limite entre « nous » et « les autres ». « Nous » est souvent un garçon manqué, comme on dit, ce « nous » se moque des filles, alors il a toute sa place chez les mecs, croit-on à tort.

Déprécier les femmes « autres » c’est déprécier toutes les femmes, en réalité, « nous » compris. T’auras jamais ta place chez les dominants, Florence, c’est un leurre.

Non seulement ça ne sert à rien mais ça perpétue les clichés sur les femmes. Hin hin hin les blondes hin hin hin cerveau multitâches hin hin hin les enfants hin hin hin mon mec fout rien à la maison (mais c’est normal, c’est un mec).

Marie-Jésus-José Pérec.
Comment j’ai pu être aussi bête aussi longtemps ? 🤦‍♀️

Jouer contre son camp n’est JAMAIS une bonne idée. Je sais pas qui nous a vendu cette merde, là, mais ça pue la mort.

🐹🐹🐹

Et c’est super dangereux.
Bah vi, en fin de compte, c’est une validation de la pensée mainstream : une femme dit ça sur d’autres femmes, c’est donc que c’est vrai.

« J’ai lu les Hommes viennent de Pluton et j’ai trouvé ça très juste »

Oui, parce que c’est une boule de neige de stéréotypes qui se renforcent à chaque itération.

🐡 On te vend une différence essentialiste : femmes et hommes sont binaires, (donc si t’es « autre » tu peux aller crever). Le tout avec un faux goût d’empowerment pour faire passer la pilule. Les femmes ont la Force de la Vie en elles woot woot !!!

🐡 Donc ça renforce les stéréotypes : c’est bien vu de savoir se moquer des femmes lorsqu’on est une femme. Celle qui fait chier, c’est celle qui fait « Hey, bande de gros sexistes ». Celle qui valide par son silence ou sa participation aura le privilège de croire quelques minutes qu’elle rit AVEC les dominants.
Alors qu’elle rit des dominées, et d’elle-même, et c’est triste.

🐡 Les hommes continuent à dominer, personne n’a remis en cause leur supériorité, même si on se moque gentiment. Hin hin hin la fièvre chez un homme c’est comme les douleurs de l’accouchement, hin hin hin.
On égratigne leur image, mais on ne va pas dire, comme Hannah Gadsby à sa salle « Mais si, j’adore les hommes » avec un sourire carnassier.
Surtout, ça participe à leur infantilisation.

🐡 Les stéréotypes jouent même en leur faveur : c’est de notoriété publique que les hommes sont fragiles sous la couche de brutasse. Oh, les pauvres, de la fièvre, jamais ils ne sauront gérer !!! « Un appartement de célibataire » va donner lieu à de la moquerie mais surtout renforcer l’idée qu’une femme, elle, sait faire le ménage.
On nous vend des hommes impuissants, écrasés par le matriarcat, qui doivent montrer les crocs pour exister mais qui en souffrent car au fond d’eux bat un petit cœur de chamallow.

Gagnants sur toute la ligne, même lorsqu’ils sont l’objet des blagues. Pour 2 mn d’inconfort tu pourras faire croire que tu es un mec pas comme les autres, les sexistes, toi tu sais rire de toi-même. Tu sais pas aller te chercher ta couverture polaire mais tu sais rire de toi-même. Great.

On nage dans ces stéréotypes toute notre vie. L’autodérision permet de faire passer le message par un autre biais, c’est tout.


🐈🐈🐈

Lorsqu’une Florence Foresti (oui désolée j’ai 10 ans de retard sur l’humour francophone, je ne sais même plus si Dominique Farrugia est toujours de ce monde) se moque des « autres filles » elle renforce ces clichés mortifères en se plaçant, finalement, en position de pseudo dominante. « Presque un mec » ça veut aussi dire « Pas aussi nulle qu’une fille ». Les autres, mais pas moi. Toi, tu es différente, tu ne te fais pas avoir, tu es plus intelligente, plus drôle que les filles normales, parce que les filles normales elles sont connes et ternes.

Tu sais, des fois, tu dis un truc super affreux, tu te reprends et tu dis « haha je rigole ». On sait toi et moi que tu rigolais pas du tout. Je sais que ça t’est arrivé. Et on se dit que l’humour dédouane de tout ça. L’humour est libre, sans contraintes politiquement correctes, c’est un terrain sans règle où tout est permis. Donc on peut dire des trucs atroces, c’est pas grave, on rigole, haha.

🖐️RIS
🖐️MAINTENANT !

Je te colle les articles de Denis Colombi sur l’humour, ça t’évitera de les mettre en commentaires :
http://uneheuredepeine.blogspot.com/2012/08/lhumour-est-une-chose-trop-serieuse.html
http://uneheuredepeine.blogspot.com/2012/08/pour-etre-laissee-des-rigolos.html

Genre ça, c’est de l’humour à chier. En TOUTES circonstances.

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Bah, pourquoi tu rigoles pas ? C’est drôle, pourtant, non ?

Tu te souviens du livre de blagues qu’une lectrice m’a apporté (je prends les cadeaux, oui) ? J’avais été vraiment mal à l’aise. Le livre date de 1981, et on peut y lire Popeck faire des blagues juives ou Ibrahim Seck faire de ‘l’humour cannibale » en utilisant [le mot-en-n que je n’écrirai pas ici].

J’ai vraiment pas envie de repartir à la chasse à la blague la plus outrancière, j’ai déjà assez donné de ma personne comme ça et si tu tapes « Popeck » ou « Ibrahim Seck » dans la recherche sur la page tu trouveras le billet en question.

Le coup de l’humour cannibale m’a séchée.
Je ne savais pas qui était derrière ces blagues donc j’ai recherché, et j’ai donc découvert Ibrahim Seck. Les vannes auraient été inacceptables de la part d’un blanc, je pense. Même en 1981.

Pourtant, si c’est de l’autodérision, on peut utiliser le n-word, se moquer des caractéristiques physiques des personnes ou de leur prétendu manque d’intelligence. C’est comme un ticket « Entrée Gratuite », t’es concerné, t’as une cape d’immunité, tu peux pas être raciste.

Oh. Wait.
C’est comme si c’était du racisme intériorisé, dis donc. Tout comme les blagues sur les femmes par des femmes étaient de la misogynie intériorisée.
Tu prends le même propos, tenu par un mec blanc cis hétéro, ça donne quoi ?

🤮 « 20 ans, t’es fraîche comme la rosée du matin. A 35, comme la bouteille de rosé ! »

C’est drôle ? Est-ce que c’est amusant ? Ben moi, je ne trouve pas. Si le féminisme m’a apporté un truc, c’est la sororité : je ne peux plus assister à de l’humiliation sur aucune femme du fait de son genre. J’ai pas perdu mon humour pour autant.

J’en profite pour dire que les blagues sur le physique ou le genre de Marine Le Pen ne sont pas au dessus du lot. Elle a bien assez de défauts pour qu’on puisse trouver autre chose que du sexisme à son encontre.

Ce genre de merde m’a fait haïr les Minions du plus profond de mon être avant même de regarder les films. Ensuite, je les ai trouvés encore plus cons.

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On a parlé de l’effet de simple exposition précédemment, mais pour rappel : « L’effet de simple exposition est un type de biais cognitif qui se caractérise par une augmentation de la probabilité d’avoir un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet. »

Par exemple, je te dis « blonde » ou « je suis blonde »
🔻 Les autres blondes vont me dire que je ne suis pas blonde, j’ai jamais trop su pourquoi mais c’est systématique.
🔻 Tu vas penser au stéréotype de la blonde. Tu connais les blagues sur les blondes. Tu ne les trouves peut-être pas drôles mais tu les connais.
Cela ne va pas ressortir de toi, mais tu as cette image-là. Perso j’ai l’image de ces BD de chiottes avec la blonde en robe rouge moulant et ses talons aiguilles. Chaque fois que tu me dis « blonde » elle arrive.

L’effet de répétition est primordial dans le process. C’est comme ça qu’un jour j’ai failli m’acheter des Converse parce que j’ai cessé de trouver ça moche. J’ai même essayé des jeans slims et des vestes de tailleur. Heureusement pour moi, ils avaient pas ma taille et c’était trop inconfortable.

Est-ce que, comme moi, tu trouvais le design des « Air Pod » (les écouteurs sans fil qui ressemblent à des écouteurs avec des fils) complètement con ? Quelques années après, ça ne me choque plus. J’ai pas acheté d’écouteurs de ce type par pure réactance (non et puis je continue de trouver ça moche en vrai) mais ça aurait pu arriver.

A force, on s’habitue à tout et on intègre ces injonctions, de gré ou de force. L’humour permet de faire passer le truc plus facilement. Il nous habitue à certains réflexes, comme celui de penser qu’une femme est obligatoirement conne et superficielle. Ce type de réflexe contribue au patriarcat, forcément.


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« Oui mais les hommes humoristes aussi… »
Je l’attendais, celle là. Je l’attendais car c’est moi qui écris ce texte donc heureusement que j’ai une longueur d’avance sur moi-même, je serais tellement dans la merde, autrement.

Lorsque Florence Foresti essaye de nous faire rire, elle s’extrait momentanément de sa position de dominée. Le temps d’un spectacle elle devient puissante, une femme au dessus de toutes les autres femmes.

Un homme humoriste aura beaucoup plus de mal à perdre ses attributs de dominant. Il rit sur lui-même, oui, mais il rira des défauts masculins acceptables (cad presque tous, admettons).

Citations de Gad Elmaleh :
🤔 « Lеs еnfants du blond ils font du CO-LO-RI-AGE еt ils dépassеnt PAS ! Alors quе toi tеs gossеs, ils colorient tout autour du dessin et ils tе disеnt  » t’as vu papa j’suis pas rеntré ! « .
🤔 « J’ai l’impression que le jour de la Saint-Valentin, si on assure pas, on va perdre tous les Miles qu’on a accumulé depuis le début de l’année. »

Le blond, la blonde, Ken et Barbie.
Quelque part, ce sont des figures qu’on nous vend comme souhaitables : être belle, en bonne santé, mince, blonde, avec un eye-liner qui ne coule jamais. C’est souhaitable mais trop outrancier, le hiatus est trop important.
L’humour permet de faire semblant de se défaire de cet idéal. On se met en position de supériorité lorsqu’on critique la pseudo-perfection, tout en continuant à croire en ces modèles.

On transgresse rien du tout.
Le blond n’existe pas, pas plus que « la fille » de Foresti. C’est une figure désirable mais inaccessible qu’on nous présente comme ridicule…tout en la perpétuant. Dire « cette figure est parfaite mais moi je suis une rebelle » ça dit « cette figure est parfaite » en premier lieu.

C’est super pervers.

Merde, celle là est VRAIMENT crade, sans déconner…

🎱🎱🎱

L’autodérision, c’est se moquer de soi. C’est une bonne chose à certains moments mais ça devient vite une arme qui se retournera contre son utilisatrice.

Je suis sûre que tu as une amie comme ça qui se déprécie en permanence, allant jusqu’à faire des blagues sur sa situation de merde. Je suis parfois cette amie.

C’est au handicap que je dois mon total manque d’humour.
Oui je n’ai pas d’humour, sache-le. Aucun. Aucun humour.
Mais quand je me suis vue sortir un truc validiste as fuck, j’ai compris que ça ne faisait du bien à personne. C’est pas amusant, la maladie.

Je fais des vannes d’handicapée, oui, mais pas forcément de manière dépréciative. Je dis que ma canne du Dr House est classe et que ça me permet de taper les mamies dans le bus. Je dis que la canne me permet d’éloigner comme par magie tous ces connards habituels qui me reluquent. Je raconte mes anecdotes d’inaccessibilité, je raille les effets secondaires de mes médicaments. Et si je sens que je suis pas dans le bon, j’arrête.

En tant que femme féministe, je ne peux plus rire lorsqu’on se moque de mes pairs ou de personnes en situation de soumission. Je perçois de manière beaucoup plus fine les rapports de pouvoir et de domination. Je ne peux pas cautionner ça et je ne peux pas cautionner l’humour auto dépréciatif lorsqu’il porte sur le genre, la racisation, l’orientation sexuel ou le handicap.


🚒🚒🚒

Je suis étourdie. Je fais gaffe à plein de choses, mais j’en oublie plein d’autres. Je suis fragile et sensible et je ne ferai pas de blague là dessus. Je vais plutôt rire de mes moments dans l’espace et de mes associations d’idées pittoresques. Mes lapsus visuels sont aussi source d’amusement.

A la maison, je pose des trucs à des endroits pour ne pas oublier d’autres trucs. Plus l’objet dénote dans le quotidien ou les habitudes, mieux ça fonctionne. Je vais clipper une pince à cheveux rose sur une poignée de porte pour me souvenir qu’il faut que je fasse un bain d’huile, par exemple.
Mais comme je suis aussi étourdie, je pose parfois des objets random dans des endroits random, pour ensuite observer soigneusement l’objet en me demandant quel était mon message à moi-même. Je ne trouve pas, évidemment.

Y’a plein de moyens de rire sans se moquer. Lorsque je pense à mes objets partout, ça me fait rire car j’ai vraiment eu parfois des moments d’observation très longs. Avant de laisser l’objet là, parce que je ne sais pas ce qu’a foutu mon moi du passé. On sait jamais. Des fois que ça me revienne.


💐💐💐

On a pas besoin de blagues sur les femmes en tant qu’objets désirables, idiots, volatiles, irrationnels et même totalement fous. On en prend déjà suffisamment dans les dents comme ça. Le champ de l’humour est assez vaste pour qu’on ait pas à s’humilier pour plaire aux dominants.

Parce qu’au final, c’est de cela dont il s’agit. S’attirer les bonnes grâces des dominants en espérant une place au chaud qui ne sera que très temporaire.

« Tu vois, moi je me moque aussi des filles »

Et c’est sensé être bien ?