Heure de réveil : je triche, il est 13h51 🤐
TW : macabrités sans description
Hier je me suis fait tatouer la plus belle pièce du monde par Yago, au Gamin à Dix Doigts (Paris 11). No regerts.
Bon, ça, c’est fait. Comme hier j’ai pipeletté comme une pie ça m’a donné envie d’écrire, mais j’étais trop KO ce matin.
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On va parler de l’horreur collective. Je sais, c’est dans le titre.
C’est quoi donc l’horreur collective ? C’est une tendance qui n’est à priori possible qu’avec les nouvelles technologies, j’y vois donc l’émergence d’une nouvelle forme d’art collectif autour de thématiques horrifiques chères à nos cœurs. Tu sais que j’aime les creepypastas et les trucs macabres (il y a toute une section dédiée sur le site), l’horreur a une teinte toute personnelle pour moi et je vais d’abord en parler pour mieux faire comprendre mon point de vue.
J’ai grandi plusieurs années d’agonie avec un ex-beau-père venu tout droit des enfers pour me terroriser (et éventuellement abuser de la gosse que j’étais). Il me racontait souvent des histoires d’horreur, me faisait peur, et comme il faisait du théâtre, c’était plutôt convainquant. Il a créé en moi beaucoup de peurs et de phobies, il agissait de jour comme de nuit et j’ai eu des terreurs nocturnes très longtemps, même après qu’il soit parti. Je faisais des cauchemars abominables qui ont duré plusieurs dizaines d’années pour se calmer avec la résilience.
Il cachait des objets, frappait contre les murs et me faisait croire que ma chambre était hantée. Étant donné mon état de survigilance constante, j’ai fait beaucoup de paralysie du sommeil, petite, et j’en fais encore aujourd’hui (sauf que je sais le gérer), j’ai ainsi vu des créatures indicibles me regarder au pied de mon lit. Est-ce que c’était lui ou un monstre ? Quelle différence.
Dès que j’ai pu, je me suis gavée de films d’horreur. A posteriori je pense que ça m’a aidée, et ça m’aide à surmonter mes peurs, à me sentir en confiance dans mon fauteuil tandis que des ados se font trucider dans les bois à l’écran. J’ai maté Cannibal Holocaust vers mes 12/13 ans, ainsi que les « Faces of Death », des productions de ce qu’on pouvait trouver de pire à l’époque de la VHS. Et si tu me connais, tu sais que j’ai un savoir assez conséquent sur les crimes et déviances du monde réel. Psychologiquement, ça m’a permis de m’endurcir, de me désensibiliser à l’horreur sous toutes ses formes. Je suis aujourd’hui capable d’entendre un récit bien réel et bien affreux sans que ça ne me touche profondément. Les témoignages me touchent mais je suis plus sensible à l’horreur de la dynamique de la violence qu’à la violence elle-même, car j’ai compris qu’elle n’était que l’accomplissement d’un désir de mort de la part de la personne qui commet ces gestes.
Bref. Je suis sensible à ça et je voulais aussi dire que c’est ok, que ça peut être réparateur même si ça semble contre-intuitif.
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Il y a fort longtemps, j’ai découvert la Fondation SCP. Fondée en 2006, il s’agit d’une sorte d’annuaire participatif de créatures, lieux et événements étranges. En total RP (roleplaying, c’est à dire dans un univers virtuel avec ses règles, ses protagonistes, son histoire), iels sont des dizaines à avoir participé à cette base de données de l’horreur, sous forme de fiches informatives froides et impersonnelles, comme le sont les documents officiels.
Wikipedia raconte mieux que moi :
🐦 »La fondation SCP est une organisation secrète à laquelle les gouvernements du monde ont confié la tâche de confiner et d’étudier tout individu, entité, lieu, objet ou phénomène contraire aux lois naturelles (appelé « objet SCP », ou plus communément « SCP »). Sans mesure de confinement, ces objets, lieux ou créatures pourraient causer des dommages à une échelle variable et mettraient en péril la notion de normalité nécessaire au bon fonctionnement de la société.
L’existence des SCP est donc cachée au reste de l’humanité, principalement par le biais d’une censure quasi-mondiale et la neutralisation des témoins. Les agents de la fondation sont chargés de la récupération et du transport des objets SCP jusqu’à des installations sécurisées où ils sont étudiés par des chercheurs afin de trouver un moyen de les neutraliser ou d’utiliser leurs effets à bon escient. La fondation utilise des membres du personnel sacrifiables (appelés « Classe-D », généralement des prisonniers condamnés à perpétuité et autres indésirables de la société) pour réaliser les opérations de routine et les expériences au contact de SCP potentiellement dangereux.
Chaque SCP donne lieu à un rapport où sont compilées ou annexées toutes les informations disponibles à son sujet ainsi que la meilleure méthode connue pour le confiner. »
D’abord, une chose : le site est toujours actif, les fiches extrêmement nombreuses et je trouve ce travail collectif gargantuesque absolument formidable. Tout n’est pas de la même qualité, mais l’idée, le jeu, l’écriture, la créativité, tout ça a donné une sorte de nouvelle branche de l’horreur qu’on ne peut pas essence retrouver que dans les internettes du futur de l’au delà.
Le truc n’aurait pas été possible, pas avec cette ampleur, sans internet. Je pense que le style viral a été « inventé » via les creepypastas (ou plutôt que les creepypastas ont été rendues possibles par internet), mais la Fondation a réussi la prouesse de rassembler énormément de contributeur-ices et de lecteur-ices. L’horreur était à NOUS, personne n’était vraiment plus obligé-e d’attendre la prochaine sortie filmique décevante pour se faire peur.
Il existe moults romans d’horreur (je suis fan hardcore de Stephen King) mais l’effet est totalement différent lorsqu’on sait que la personne qui écrit n’en fait pas son métier et se contente de rapporter des « faits ». Il peut s’agir de témoins d’un événement, de survivant-es, de scientifiques rédigeant leurs rapports. Le plaisir est dans l’imperfection, à mes yeux. Un auteur comme King te plie en 8 en 800 pages, il le fait bien, c’est son job. Mais venant de personnes qui restent dans l’anonymat, ça devient un truc vachement plus immense.
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C’est pire que le quatrième mur. Ici, le quatrième mur (celui qui te sépare des acteurs sur ton écran) est totalement altéré dans un flou entre l’horreur et la réalité.
Et à propos de murs…j’aimerais aussi présenter les backrooms. Non, pas les backrooms au sens premier, bande de petits perver-s 😁 mais de ces espaces hors du temps et du monde qui ont pris de l’ampleur ces dernières années.
Voici ce qu’on appelle un « liminal space », un espace entre le vide et la vie. Pourquoi ce silence, cette solitude ? Pourquoi les néons sont-ils éclairés si personne n’est présent ?
Si tu as du mal à capter l’effet, et c’est compréhensible, voici quelques exemples d’espaces liminaux.
Des lieux vides où la vie est sensée exister, une intemporalité, un temps en suspens entre deux états, entre ce qui est et ce qui va être, tout le monde n’est pas sensible à cette esthétique mais moi oui.
De la trend autour des liminal spaces sont nées les backrooms. Le principe est simple : tu glitch hors de la map de la réalité (référence aux glitch des jeux vidéos, des bugs où tu peux notamment traverser le décor) et pouf pouf tu te retrouves dans le bureau jaune aux néons de la toute première image.
Comme pour la Fondation SCP, beaucoup ont participé et participent encore au projet, peaufinant la lore, ajoutant des étages et des règles spécifiques à ces étages, car il y a UN truc à savoir : tu n’es pas seul-e même si tu en as l’impression. Beaucoup de dangers t’attendent en ces lieux, le premier étant la forme labyrinthique de cet univers parallèle, les autres étant des créatures souvent bien bien crades qui te mangent tout-e cru-e à la moindre occasion.
Comme pour les SCP, il y a une somme de documents extrêmement conséquentes sur les divers Wiki (https://backrooms.fandom.com/fr/wiki/Wiki_backrooms ou http://fr-backrooms-wiki.wikidot.com/ en français), assurant une navigation infinie dans ces espaces inquiétants.
Il existe plusieurs jeux, mais je n’ai vu le let’s play que d’Anemoiapolis que j’ai trouvé assez long mais très fidèle à l’idée que je m’en faisais.
On peut également mentionner Kane Pixels qui a réalisé plusieurs (16 à ce jour) excellentes vidéos immersives « dans » les backrooms.
Tu prends un concept, tu le laisse libre à réutiliser, et la magie se produit. C’est pour cette raison que je conchie les claim copyright et toutes ces conneries. La créativité doit être libre et c’est précisément ce qui se passe ici. Chacun-e réutilise à sa convenance l’univers semi-existant en laissant libre cours à son imagination.
Je vois mal un redditeur dire « ouais c’est pas comme ça » car…déjà il en sait rien, vu que c’est fictif. Et que personne n’a la totalité des clés du mystère en main, laissant ainsi l’imagination combler les vides. Ici, tout le monde peut participer au jeu à sa manière
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C’est précisément cet esprit que j’aime dans ces projets collaboratifs, ainsi que dans certains ARG (Alternate Reality Game) « participatifs » comme « The Sun Vanished » où le protagoniste demande des conseils sur Twitter et fait des sondages pour prendre ses décisions alors que le soleil a disparu. Ici, le réseau social fait le pont entre l’univers d’horreur dans lequel évolue notre personnage et la réalité. Chez toi, le soleil n’a pas disparu, chez lui, si, et vous communiquez via internet.
J’avoue être absolument RAVIE EN CAPSLOCK de ce type d’aventure entre fiction et réalité.
J’adore les ARG, et j’adore l’analog horror. L’analog horror c’est utiliser, ou faire croire qu’on utilise, du matériel disponible quand j’étais ado : la VHS. C’est un point commun entre les backrooms, les ARG et, dans une moindre mesure, les SCP portés en vidéo ou en images.
Pour moi, l’arrivée du numérique a été un choc. Déjà car j’aime beaucoup la photo argentique et que heu…le numérique a bien plombé la filière. Les films n’étaient plus du tout les mêmes, aussi. J’ai eu bien du mal à me faire à ces images glacées sans grain. Cela me semblait aseptisé, froid, presque clinique, malgré les avancées que le numérique a permis en terme de réalisation et d’effets spéciaux. Je ne suis pas du tout fan de l’esthétique d’Avatar, par exemple, car je sais les fonds verts et la performance capture. Je suis désabusée dès les premières secondes et je ne me laisse pas emporter.
C’est techniquement incroyable mais c’est précisément au moment de l’arrivée massive du numérique que j’ai décroché du cinéma. Tout me semble factice, et tout EST factice. Je ne sais pas me plonger dans un univers fantastique (j’ai moins de mal avec les documentaires) en sachant que tout a nécessité des mois de post-prod. Dommage pour moi, on va dire.
Alors, l’analog horror (comme le chiptune) m’apporte une forme de nostalgie réconfortante, l’esthétique me réconforte, me rappelle des choses que je n’ai pourtant jamais vécues. Ce sentiment est excessivement fort chez moi, c’est sans doute lié à mon dépit du cinéma mainstream.
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Et c’est ici que je vais parler des « found footage ». Un found footage, c’est une vidéo retrouvée par une personne extérieure à l’histoire, qui met la cassette dans la boîte et qui découvre ce qui s’y déroule en même temps que nous. L’infâme Cannibal Holocaust (1980)est un des premiers found footage, Le Projet Blair Witch est aussi un found footage, de même que Paranormal Activity.
On est ici dans quelque chose de légèrement différent : l’aspect vidéo amateur est présent, mais l’histoire est entièrement encapsulée dans le récit qui n’en est pas un. En fait, le found footage n’est un récit que via notre propre perception. En elle-même, la bande ne fait que rapporter des événements capturés par la caméra dans une situation particulière et n’a pas forcément pour objectif de sortir du contexte de la prise de vue, encore moins sur grand écran. Nos questions resteront ainsi toujours sans réponses. Une ou plusieurs personnes ont une caméra, l’utilisent pour filmer et c’est tout. Blair Witch est particulier dans le sens où ce sont des documentaristes (comme dans Cannibal Holocaust), mais je doute qu’iels l’aient monté de cette manière-là s’iels étaient encore en vie. Je doute que l’équipe de Cannibal Holocaust ait eu pour projet de présenter au monde les exactions commises sur les humain-es et animaux ayant le malheur de les croiser. Je doute que la documentariste de Blair Witch ait eu pour projet de montrer son visage ravagé par les larmes et la peur dans son rendu.
Dans le cas de Cannibal Holocaust, le réalisateur a demandé aux acteur-ices de ne pas se montrer durant un an pour renforcer l’idée que tout le monde était mort et donc que le film était un véritable documentaire. Il a même été attaqué en justice pour homicide avant que les protagonistes du docu se présentent en personne, bel et bien vivant-es. On était en 1980, point d’internet généralisé et une crédulité certaine face aux images abominables.
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L’analog horror revient dans ces temps bénis de la crédulité envers l’écran, présentant des événements fictifs…ou pas ? Si sur certaines séries (Channel 58 par exemple) on se rend compte immédiatement du truc, ça peut être plus subtil lorsqu’il s’agit d’ARG ou de found footage à l’ancienne.
On brouille encore plus les pistes avec des cas comme celui de Selene Delgado sur Canal 5.
Canal 5 est une chaîne télévisée mexicaine sur laquelle sont régulièrement diffusés des appels à témoins, notamment lors de disparition. Ici, le visage un peu surréel d’une jeune femme, Selene Delgado, dont personne n’a jamais entendu parler.
Cette petite histoire a juste enflammé le web du monde des détectives virtuels, et il a fallu plusieurs années pour la débunker.
Nexpo a fait une très bonne vidéo sur ce cas (en anglais)
…et ce n’est que le début de la face visible de l’iceberg. Des DIZAINES de créations de ce type, nécessitant de l’enquête, du travail d’équipe et tout le merdier, sont actuellement disponibles, notamment sur YouTube. Et j’adore ça.
Le serpent se mord la queue : le réel et le virtuel se confondent, on ne sait plus vraiment qui a commencé ce jeu sans réponse. Car il n’y a pas souvent de véritable conclusion à ces histoires.
Donc oui, évidemment, je vais conseiller Feldup, un jeune youtubeur français qui a analysé pas mal de ces cas sur sa chaîne. Il est à la fois safe et bienveillant, prévenant des trigger warnings, de l’intensité du thème abordé, expliquant l’impact que cela avait sur son mental, prévenant les personnes plus jeunes de la dangerosité de certains contenus. Il est brillant, et si c’est ton truc de te faire peur, vas-y. Différents thèmes sont abordés mais à peu près tout est relié à la culture internet. Par contre, vraiment, âmes sensibles s’abstenir tout ça tout ça.
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Ah, ce que j’ai oublié : l’analog horror basé sur des jeux vidéo. J’ai eu en ma possession une Nintendo 64 avec Mario 64, et ce jeu m’a mis vraiment mal à l’aise. Je n’arrivais pas à dire pourquoi sur le moment, je sais maintenant que c’est du au vide des premiers jeux en 3D. Mario 64 a fait l’objet d’une somme considérable de légendes et faux-streamings des enfers où l’univers part en vrille. Le let’s play d’horreur joue sur ce sentiment d’absence mais aussi sur notre propre nostalgie. Outre le fabuleuxissime Petscop (une perle), on peut trouver des creepypastas entièrement situés dans un jeu, comme Ben Drowned.
Pour ne pas finir (car il y en a aussi via Minecraft et même Roblox…), sonic.exe, qui est une creepypasta portée en jeu jouable.
Dévoyer les loisirs paisibles de notre enfance pour les rendre terrifiants ? J’achète !!!
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Je suis fière de ce qui se fait en ce moment sur les circuits moins mainstream d’internet, oui. J’ai conscience d’avoir vécu cette période des années 80/90 alors que beaucoup sont né-es plus tard, mais ça fonctionne grave pour moi. Et quand je réalise l’inventivité de beaucoup, je suis ébahie au possible. Il y a eu, à mon avis, une immense transformation digitale…à l’envers…de l’univers de l’horreur, et ça fait plaiz.
De plus, si c’est collaboratif, que ça passe par les réseaux sociaux, que ça entraîne des recherches et des débats, ça me rend sincèrement heureuse. Internet est libre, même sur ces réseaux fermés, notre imagination est la clé de cette liberté, c’est à nous de la prendre et d’en faire ce que nous voulons, comme Marble Hornets a récupéré l’histoire de Slenderman…
Y’a beaucoup d’ARG, si tu as envie que j’en aborde un en particulier, n’hésite pas, je l’ai sans doute déjà vu et je l’adore probablement.