Heure de réveil : 5h01 (miaou)

Les Red Hot Chili Peppers m’ont un peu sortie du trou, hier. « Under the Bridge » comme par hasard

It’s hard to believe that there’s nobody out there
It’s hard to believe that I’m all alone
At least I have her love, the city, she loves me
Lonely as I am, together we cry
I don’t ever wanna feel
Like I did that day
Take me to the place I love
Take me all the way

Du coup, on va parler de « détox dopamine » parce que c’est sensé être la solution à tous mes problèmes mais qu’un shot de dopamine musical m’a quand même aidée. Va comprendre.

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La dopamine, c’est comme l’ocytocine : c’est pas ce que tu crois. La première est un neurotransmetteur qu’on appelle la « molécule du plaisir », l’autre est la « molécule de l’amour » dans Psychologies Magazine.

Tu sais comment on fait progresser un accouchement avec un bébé qui dort et un col qui ne se dilate pas ? Avec de l’ocytocine. Et t’inquiètes que pendant un accouchement, tu as besoin de cette molécule. Pas QUE pour t’attacher à ta progéniture, mais aussi pour générer une réponse corporelle liée à l’expulsion du locataire qui commence à prendre beaucoup de place et qui en plus te pique ton WiFi. L’ocytocine permet aussi la montée de lait post-partum.

🐦 »Elle est impliquée dans la reproduction sexuée, particulièrement pendant et après la naissance. Elle est libérée en grande quantité (6x plus les 3 premiers mois de grossesse et jusqu’à 86x plus à la naissance) après la distension du col de l’utérus et de l’utérus pendant le travail, ce qui facilite la naissance, et après stimulation des mamelons ou l’allaitement. À la fois la naissance et l’éjection de lait proviennent d’un mécanisme de rétroaction maternelle positive.
[…]La composition chimique de l’ocytocine est la même chez tous les mammifères »
(Wikipédia)

Tu aimes quand même ton gosse ? C’est normal, tu l’as porté. Mais si tu as fait cet enfant avec une autre personne, elle l’aime aussi (j’espère), sans l’avoir porté, sans avoir accouché. Parce que l’attachement, c’est pas si simple que ça.

L’Enfant vient de se réveiller en hurlant car il a mal à l’épaule et que, comme tout, c’est un drame mortel pour l’hypersensible qu’il est. Je suis fatiguée, je sais qu’il n’a pas d’autre moyen, mais ça me reloute, les hurlements. Pourtant, je l’aime de tout mon cœur. Rien à voir avec l’ocytocine, j’ai que des molécules de la blase, on est plutôt dans un syndrome de Stockholm à ce niveau.

L’attachement n’est pas que biologique, et heureusement. On ne pourrait pas adopter d’enfant, on ne pourrait aimer que ce qui nous est relié, on pourrait aussi déclencher de l’amour avec des shots d’ocytocine.

C’est là tout le souci de la vulgarisation : faire des raccourcis si simples et si incomplets !

Nope.

🐟🐟🐟

…sauf qu’en fait on a pas encore fini d’étudier le sujet. Les neurotransmetteurs c’est super complexe. Et ignorer l’aspect social des choses est d’une connerie sans nom. Ceci était, en effet, un petit tacle aux tenant-es de la Sainte Science Qui Explique Tout.

Moi ? Je ne suis pas biologiste, c’est pour ça que je ne pars pas dans des explications velues sur quoi comment tout ça. Non, moi je vais parler de la vulgarisation et de ce que ça donne quand on pense avoir tout compris.

Ce que ça donne, c’est entres autres la « détox » dopamine, pour « ressentir du plaisir à nouveau ». Toujours le nez sur nos écrans, dans le pipeline YouTube qui nous gratifie de ce qu’on aime grâce à un algorithme futé, les sens hyperstimulés nous perdraient dans des abysses de procrastination infinie. Les drogues aussi font des trucs et des machins avec la dopamine.

Pour autant, est-on accro à la dopamine ?

Non. On est accro à ce qui nous fait du bien, toxique ou pas.

🐦 »Qu’est-ce qui se cache derrière un jeûne à la dopamine ?
Avec son jeûne de dopamine, Sepah a voulu proposer une méthode, basée sur la thérapie cognitivo-comportementale, qui nous permette d’être moins dominés par les stimuli malsains – les textos, les notifications, les bips, les sonneries – qui accompagnent la vie dans une société moderne et centrée sur la technologie. Au lieu de répondre automatiquement à ces signaux de récompense, qui nous procurent une charge immédiate mais de courte durée, nous devrions permettre à notre cerveau de faire des pauses et de se réinitialiser face à ce bombardement potentiellement addictif. L’idée est qu’en nous autorisant à nous sentir seuls ou à nous ennuyer, ou à trouver du plaisir dans des activités plus simples et plus naturelles, nous reprendrons le contrôle de notre vie et serons mieux à même de nous attaquer aux comportements compulsifs qui peuvent nuire à notre bonheur.

Les six comportements compulsifs qu’il cite comme pouvant répondre à un jeûne de dopamine sont : l’alimentation émotionnelle, l’utilisation excessive d’Internet et des jeux, les jeux d’argent et le shopping, la pornographie et la masturbation, la recherche de sensations fortes et de nouveautés, et les drogues à usage récréatif. Mais il insiste sur le fait que le jeûne à la dopamine peut être utilisé pour aider à contrôler tous les comportements qui vous causent de la détresse ou qui ont un impact négatif sur votre vie. »
(Harvard Health – trad DeepL)

En résumé du résumé, on peut aussi bien faire de la méditation en pleine conscience et obtenir le même résultat. Notre corps secrète de la dopamine, qu’on le veuille ou non.

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Le côté cognitif de la procédure n’est néanmoins pas à jeter. C’est important de déjouer nos sales habitudes et les thérapies comportementales peuvent contribuer à aider. Mais se priver d’absolument tout pendant 48h ne va sûrement pas nous faire décrocher de la clope ou des écrans. Perso, si on me prive de quelque chose, je me venge dès que je peux. Par principe. Alors que si je détecte les points de bascule dans mes usages toxiques, je suis plus en mesure d’agir dessus. C’est comme le café-clope : une habitude. Alors oui, une clope ça fait du bien quand on fume. Parce que la nicotine + le geste, le moment à soi, c’est addictif.

La dopamine, en soi, n’est pas « addictive ». C’est le messager de l’addiction, si on veut. Un des messagers. Et comme on dit : on ne tire pas sur le messager !

Par ailleurs, l’illusion est entretenue par le pari qu’on se fait. Pendant x heures, jours, on va se priver de choses. On investit donc de l’énergie dans ce pari. On s’y prépare, on le vit, on y survit, on est fier d’avoir accompli quelque chose. C’est un peu placebo, oui.

Après, se décrocher des écrans ou de la drogue, c’est plutôt positif. Je ne dis pas le contraire. Mais si tu réussis à faire ta « détox », ça veut dire que tu sais déjà comment décrocher. Le jeu consiste ici à se poser des limites dans l’espoir qu’après la dèche, la jouissance revienne.

Lorsque j’écoute de la musique ou que je dessine, je me sens bien. Mais rien ne m’oblige à ne faire que ça pendant 3 jours « pour mon bien ».

(Je mets cette image juste pour le texte qui me dit « Attention aux aliments mensongers qui provoquent une explosion en Chine »)

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D’accord, je triche.

J’ai une bonne connaissance des mécanismes de l’addiction pour en avoir été et en être encore victime. J’ai réussi à sortir de l’alcool après des siècles d’errance. Je suis capable de me limiter à 1 bière. Pas toujours, parfois le contexte et le stress me poussent plus loin, mais je ne me tape plus vraiment de murge d’anthologie. Je triche, pour la nicotine, avec la vape et l’origan (wink wink), mais je sais détecter mon point de bascule et je sais choisir si oui ou non j’y vais.

C’est pas simple et je pense que ça tient du privilège que de réussir ça. C’est pas parce que moi j’y arrive que je vais aller te narguer en soirée. J’ai juste de la chance et une bonne connaissance de l’addiction pour l’avoir subie et vue subie par des proches. Je connais cet enfer.

La « détox dopamine » ne va pas t’aider à arrêter l’alcool. De la même manière que de ne pas boire pendant 2 jours ne va pas te guérir de l’alcoolisme. Je sais que je suis toujours à ça de recommencer, que je dois être vigilante pour le reste de ma vie.

Au mieux, te priver d’écran va te permettre de faire des trucs dans ta vie, comme dessiner, écrire, penser à ce monde de merde en toute sérénité. Ce qui est bien, en soi. Sauf que la dopamine n’a pas grand chose à voir là dedans, finalement. Le plaisir est délivré entres autres par cette molécule, mais il faut, en amont, avoir appuyé sur le bouton pour avoir sa dose. Si tu n’appuies pas sur le bouton…bah…tu n’appuies pas sur le bouton.

Close up of pink happiness button — Image by © Volker Moehrke/Corbis

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Les choses seraient beaucoup plus simple pour toustes les addicts du monde si il ne s’agissait que d’un sevrage salvateur. Tu coupes tout, tu « reset » et tu repars sur de bonnes bases. Alors que tu pourrais tout autant juste arrêter de binge-watcher Netflix et faire des trucs. Que tu le fasses dans un cadre psycho-cognitif particulier (la diète, le jeune) ou naturellement, ça donne pareil, techniquement. Le cadre posé peut aider certaines personnes, pourquoi pas. Mais au delà de l’effet placebo, on est loin du compte.

Pour décrocher de la drogue, faut décrocher de la drogue. Et si c’était si simple, personne ne serait en train de crever d’une overdose sur un trottoir en ce moment-même. Même après un sevrage réussi, on reste sur un terrain addict et on a des chances de retomber dedans, même si on sait que ça nous détruit.

Mais, évidemment, le dopamine fasting n’est pas pour tout le monde. Il concerne les personnes ayant accès à la technologie de l’addiction (les écrans), avec du temps, de l’argent et les ressources nécessaires au « sevrage » d’une addiction légère.

Ton cerveau ne se réinitialise pas tout seul, comme ça. Tu vas juste passer du temps sans écran. Pour le mieux, j’en sais rien, pourquoi pas ? Mais demain, tu y retourneras tout autant, si tu ne réfléchis pas à ce qui sous-tend ton addiction.

Je suis accro à YouTube, par exemple. Je sais que c’est un bruit de fond qui occupe mes pensées car quand je n’ai que le silence, j’angoisse pour plein de raisons et ce sont ces raisons avec lesquelles on peut travailler. Pas besoin de termes pseudo-scientifiques ni de privation absolue de plaisir pour ça. Je sais d’où vient mon angoisse, je sais ce qu’il faudrait faire pour la surmonter, et je choisis la méthode simple et efficace pour temporiser mon mal-être. Je pourrais aussi, je sais pas, écrire des billets pour éprouver du plaisir et me forcer à me concentrer sur quelque chose de constructif.

Bonbon ou pas bonbon ?

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Rien n’est magique. Pas plus la biologie que la prestidigitation.

Oui, on passe trop de temps devant nos écrans. Mais nous en priver un temps limité ne sert pas plus que d’aller se balader en forêt pour oublier. Ne pas passer sa vie dans les internettes du futur est plutôt une bonne chose. Aller se balader aussi. Quand je regarde mes plantes pousser, quand j’entends les oiseaux piailler, je me sens bien. Est-ce que je devrais aussi arrêter ça ? En tout logique, oui. Se « priver de dopamine » concerne tout ou rien car il s’agit d’un sevrage du plaisir. Et dans tous les cas, les oiseaux seront toujours là demain.

Laissons nos niveaux de dopamine aux professionnels, allons faire autre choses de nos vies, ça nous rendra les mêmes services sans mot ni procédure complexe en 7 étapes pour un sevrage de 7 jours réussi.

Et si tu es accro à quelque chose, la dépendance réclame bien plus qu’une simple privation limitée dans le temps pour disparaître. Car elle ne disparaît tout simplement pas. Jamais. Tu vas lutter toute ta vie, j’y peux rien, toi non plus.

Oh pis merde.

La « détox » dopamine est risible et indécente depuis le banc de touche de la came. Encore une tendance pseudo-rationnelle pour vendre du coaching et des bouquins en se décorrélant des problèmes sous-jacents. Si ta vie change en deux jours sans écrans, c’est, à mon avis, que tu n’avais pas trop de problème en premier lieu. Mais l’addiction, la vraie, ne s’éteint pas comme on mouche une bougie.

Sur ce, je vais mater YouTube pendant 8h pour oublier cette angoisse lancinante. Sans culpabilité, en me laissant le choix d’arrêter pour faire autre chose ou non.

Je ne trouve le salut que dans la liberté de mes choix 🖕