Heure de réveil : 3h18 (moi)
[TW : dépression, anxiété, phrases et pensées toxiques]

Hey, pour une fois ce ne sont pas les chats, juste l’anxiĂ©tĂ© 🎊
Ils Ă©taient tout Ă©tonnĂ©s d’ailleurs, limite j’ai envie de dire «AH AH ! C’est moi qui vous ai rĂ©veillĂ©s, instruments du DĂ©mon !». Tu vas te dire que je suis complĂštement tarĂ©e (Ă  raison) mais des fois, j’approche Miki discrĂštement quand elle fait la sieste et je dis MIAOU pour la rĂ©veiller. 🙀

[Avant propos : si tu te sens en danger et que tu n’as personne, tu peux me contacter si tu le souhaites, on trouvera des solutions]

C’est «compliqué» moralement en ce moment mais ne t’en fais pas trop. J’ai reçu des petits mots pour ma note d’hier, j’ai enfin trouvĂ© une nouvelle psy aprĂšs le dĂ©part Ă  la retraite de celle qui m’a diagnostiquĂ©e, je pense que mon traitement est peut-ĂȘtre moins efficace, je ne sais pas si on peut faire un Ă©chappement thĂ©rapeutique aux anti-dĂ©presseurs, j’ai l’habitude d’en faire avec les anti-inflammatoires (en gros, l’échappement c’est ton corps qui s’habitue au mĂ©dicament, qui est moins efficace. Par exemple, le seul anti-inflammatoire qui me reste aprĂšs le Brexin c’est le Celebrex, et impossible que je prenne ce truc donc en gros quand le Brexin ne fera plus effet ça va ĂȘtre chiant).

Je sais aussi que t’es dĂ©muni-e face Ă  ce type de dĂ©tresse.

ET C’EST NORMAL et on va en parler.

💗💗💗

Autant quand tu te coupes un doigt, oups, tu sais quoi faire (mettre le doigt dans de la glace et courir aux urgences) ou ne pas faire (faire un selfie macabre pour Halloween 2021, attendre que ça passe, prendre du Amputarium 20CH en brĂ»lant de la sauge), autant quand une de tes proches souffre d’un malaise existentiel, les solutions sont moins Ă©videntes. On peut pas greffer de la sĂ©rotonine chez les gens ni amputer les traumas.
C’est difficile en tant que proche aidante de voir plonger la personne qu’on aime. J’ai pu ĂȘtre dans les deux positions et c’est toujours trĂšs dĂ©licat de gĂ©rer une personne en situation de mal-ĂȘtre. Et quand l’issue est fatale c’est atroce.

Tu as sans doute cette amie toujours morose, jamais contente, qui se fout dans la merde en refusant d’admettre la situation, qui te tanne mille ans avec cette surboum de 1996 qui a ruinĂ© sa vie car Xavier (ou Romain, qu’est-ce que j’en sais, ils se ressemblent tous) n’a pas voulu sortir avec iel, celle qui se noie dans un verre d’eau, qui «refuse» d’aller mieux ou qui s’arrange (inconsciemment) pour reproduire les mĂȘmes schĂ©mas nocifs avec ses partenaires ou amies.

Cette personne, c’est moi, bien devinĂ© mon petit chat ♄

C’est ptet toi aussi, remarque…

Alors maintenant…imagine ĂȘtre dans cette situation sans rĂ©ussir Ă  s’en sortir ? Parfois sans traitement pour mille raisons. Une souffrance totalement invisible sauf dans ta tronche. Oui, c’est dans la tĂȘte, GeneviĂšve, merci de ton intervention aussi utile qu’éclairĂ©e. Impossible de prendre RDV pour se faire aider (tĂ©lĂ©phone + se dĂ©placer)(d’ailleurs merci les consultations en visio, ça sauve ma vie) et/ou tu ne peux pas rĂ©gler la consultation. D’ailleurs j’adore les injonction Ă  se «faire soigner», cad Ă  donner 50€ ou plus chaque semaine, non remboursĂ© si non psychiatre. Ou «Oui mais il y a toujours le CMP». Certes. As-tu dĂ©jĂ  appelĂ© le CMP en urgence ? Ben les urgences au CMP vers chez moi c’est 6 mois de dĂ©lai, et encore, faut bien bien ĂȘtre atteinte pour qu’on te donne une place.

Tout le monde ne peut pas se soigner. En France, seuls les mĂ©decins (psychiatres, dans notre cas) sont remboursĂ©s. J’adore les psychiatres (j’en ai deux dans la famille, forcĂ©ment, quand tu les vois complĂštement raides en fin de repas ça dĂ©dramatise un peu la profession), mais pour tout ce qui est analyse, l’autre pendant du protocole de soins (la thĂ©rapie par la parole), tu raques sĂ©vĂšre.
Si tu trouves une praticienne correcte, Ă©videmment.

Pis c’est bien de se soigner mais :
đŸ· La plupart des neurodivergences/maladies mentales sont incurables. On peut aider, pas guĂ©rir.
đŸ· Certaines ne supportent pas les traitements. Le Lithium entraĂźne des pertes de mĂ©moire chez moi, c’est assez terrifiant de ne plus se sentir soi-mĂȘme dans son intĂ©gritĂ© mentale (bizarrement).
đŸ· Encore faut-il pouvoir faire la dĂ©marche. Toi mĂȘme tu sais que c’est tendu.

Les injonctions au soins, je sais que ça part d’une bonne intention mais ça blesse plus souvent que ça n’aide. C’est lĂ  toute la diffĂ©rence avec une grippe ou un doigt sectionnĂ© (mais qu’est-ce qui t’a pris de vouloir rĂ©parer le ventilateur sans avoir dĂ©branchĂ© avant ??!) : t’es malade, tu as des symptĂŽmes Ă©vidents, on te soigne, voilĂ . Les maladies psy, ça a des symptĂŽmes, parfois physiques, fluctuants, instables dans le temps, trĂšs difficilement mesurable. Soigner une manifestation fantomatique de notre dĂ©tresse c’est un peu plus chaud.

💜💜💜

Y’a un truc Ă  savoir avec les pathos incluant de l’anxio-dĂ©pressif dans le tableau (c’est, je pense, trĂšs frĂ©quent comme comorbiditĂ© des autres pathologies mentales je pense, je n’ai pas trouvĂ© de doc lĂ  dessus en 5 mn, il est 4h49 du mat, bien trop tĂŽt pour ces conneries), c’est qu’il y a un cycle mortifĂšre qui se met en place. DĂ©jĂ , ton cerveau est mou, certes, et ça c’est normal, mais il est fatiguĂ©. L’anxiĂ©tĂ©, ça Ă©puise, la dĂ©pression aussi. C’est physique, c’est NORMAL, c’est mĂȘme absolument habituel, alors stop les «Quand ça ne va pas bien, jette toi dans le flot de la vie !».
Nan. Est-ce que je te demande, moi, de retourner bosser alors que t’as 39°C de fiùvre ? Nan. Je suis pas ministre de l’Éducation Nationale, j’ai un cƓur.

Y’a un truc, quand mĂȘme, non ?

La comparaison avec les pathologies physiques est ici intéressante.
Quand tu as la grippe (je fais pas de blagues sur le covid, dĂ©solĂ©e), tu prends du ParacĂ©tamol, parfois un anti-inflammatoire, tu restes Ă  la maison, tu te reposes et PERSONNE TE FAIT CHIER (parce que tout le monde croit que t’as le covid, du coup).
Personne ne te dit «Bouge ton cul, va chez le mĂ©decin par tes propres moyens avec ta fiĂšvre, puis les mĂ©dicaments c’est pour les faibles, allez, en route vers la Gloire, Rossinante !»

Donc t’es crevĂ©e et incapable d’agir. Que se passe-t-il ? Tu peux pas faire des trucs. Alors, tu culpabilises et tu te dĂ©prĂ©cies. Bienvenue dans la deuxiĂšme phase du cycle !

Je me sens horriblement mal.
Je ne me sens pas capable de me faire suivre correctement.
Je devrais me faire suivre.
Mais je ne peux pas faire la démarche.
Je devrais demander de l’aide.
Mais je suis figée dans la peine.
Alors je me sens horriblement mal parce que je suis dans l’impuissance la plus totale.

Chaque injonction Ă  «voir sa psy» ou «prendre ses petites pilules» porte un coup violent Ă  la rĂ©cipiendaire de ta bonne intention. C’est (pas toujours) gentil mais ça fait mal, quoi. Oui, je sais que je vais mal. Je le sais. J’ai eu le memo.
Non, vraiment, si tu veux aider une personne anxio-dĂ©pressive, aide-lĂ  Ă  trouver ce foutu rendez-vous, appelle pour elle. Elle sait pertinemment qu’elle est malade et elle a peut-ĂȘtre besoin de soutien logistique au lieu de questions sur son traitement. Ou juste de causer, d’autre chose que de sa santĂ© mentale. Ou des cookies, sinon, c’est bon, les cookies.

J’allais Ă©crire «sortir» mais, hey, allons-y mollo, d’accord ?

💚💚💚

Donc «je ne suis pas foutue d’aller me faire soigner»
Et là tu glisses dans la rumination et le pessimisme. De toutes façons, t’es foutue, à quoi bon, à chaque fois c’est pareil, ça sert à rien, puis tu vas te laisser glisser mollement tout au fond du seau.
Tu repenses Ă  cette boum de 96 et tu te demandes si ta vie aurait Ă©tĂ© diffĂ©rente si tu n’avais pas [insĂ©rer truc totalement random et sans rapport qui n’aurait rien changĂ©, tu le sais, je le sais, on le sait toutes les deux]. Plus tu patauges, moins tu t’en sors, plus tu glisses vers la rĂ©signation. C’est pas la peine de dĂ©penser tout ce fric pour moi. Je vaux pas le coup, je ne vais jamais guĂ©rir, etc.

Le pire quand on sort d’un Ă©pisode dĂ©pressif est de croire qu’on est enfin sorti-e de son Ă©pisode dĂ©pressif. Tu vas mieux, deux trois jours, et un matin, BIM DANS TA FACE AVEC LA CHAISE PLIANTE !

Ah.

Ça recommence.

Encore.

DĂ©jĂ .

💛💛💛

Puis tout ça t’épuise, alors tu retournes Ă  la case de dĂ©part et je suis surprise que tu me demandes si tu as touchĂ© les 20 000€ alors que tu sais bien que non.

Alors je vais le dire : ĂȘtre aidante c’est la galĂšre de l’infini du Beyond the Eternal Darkness 🐙
C’est trĂšs trĂšs difficile moralement d’aider une personne qui replonge constamment. L’effet pervers, tu l’auras devinĂ©, c’est qu’à force, on Ă©puise toutes ses amies (et on culpabilise parce que c’est de notre faute et qu’on vaut pas le coup, etc.) quand on est malade. Moi, je m’éloigne et je m’arrange pour ĂȘtre indisponible Ă  quelle qu’aide que ce soit, je m’entoure de solitude et ensuite je vais chouiner que je suis seule.

Quand je sens que tu approches trop prĂšs, je fuis.
Un jour je n’ai pas rĂ©pondu Ă  tes MP ? Paralysie totale de ma part, stratĂ©gie pour couper toute aide, d’oĂč qu’elle provienne.

Et je ne te juge pas, j’ai Ă©tĂ© parfois une aidante totalement dĂ©faillante (et ça nourrit Ă©videmment mon sentiment d’inutilitĂ©). J’ai laissĂ© tomber des amies. J’en Ă©prouve de la honte mais c’est arrivĂ© et j’en suis dĂ©solĂ©e. J’ai aussi perdu des amies avec ce yoyo psychologique (Sport non homologuĂ© par le CIO mais teste pas : ça fait mal aux yeux et ça file la gerbe đŸ€ą). Parce que je SUIS Ă©puisante.

Je peux partir dans de grands grands monologues (d’oĂč cette page, pour dissoudre ma chiantise auprĂšs de plusieurs victimes), ĂȘtre totalement macabre et sinistre sur de longues pĂ©riodes, puis me relancer sur des phases de totale exaltation qui me font peur Ă  moi-mĂȘme donc, oui, c’est flippant, je le conçois.
Comme ça fait un certain nombre d’annĂ©es que je me bats je commence Ă  bien bien reconnaĂźtre les pattern mais bien souvent je retombe dedans. C’est comme se voir tomber au ralenti : tu sais que, tu sais que, tu sais que, argh, trop tard, et moi qui n’ai plus d’Amputarium 20CH.

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J’ai jamais mordu personne, sauf un type qui s’appelait SĂ©bastien, en primaire, et qui a tentĂ© de me taper. Il en a gardĂ© une cicatrice et tout, je l’ai pas loupĂ©. Mais sinon j’ai jamais mordu personne. Ni mangĂ©, non plus. FrappĂ©…bon. Ça m’a dĂ©jĂ  bien sortie d’affaire et y’a prescription.
Je le disais il y a quelques billets de cela : les barges ne sont pas toujours dangereuxses, c’est mĂȘme plutĂŽt les victimes. Ces personnes sont Ă©galement celles qui se connaissent le mieux.

Et ça c’est super compliquĂ© Ă  comprendre. Comment une personne au psychisme dĂ©faillant peut-elle capter quoi que ce soit Ă  la vie ? Si tu as rĂ©pondu «Comme tout le monde, dummy» tu as gagnĂ© une chips molle et un fond de coca zĂ©ro. Oui bah il est 6h38, tu me prends un peu au dĂ©pourvu, lĂ .

Si je te dis «Je ne peux pas faire telle activité» c’est que ça fait 4 jours que j’anticipe, que j’apprĂ©hende, que je rĂ©flĂ©chis en permanence entre le fait de ne pas mĂ©riter de m’amuser et le fait de «sortir ça te fera du bien». C’est vrai, ça fait du bien. C’est con que j’aie juste pas assez de volontĂ© pour sortir de chez moi. Je suis vraiment naze. D’ailleurs mes amies me dĂ©testent, je le sais, et puis cette annĂ©e, 1996, annĂ©e de la Joie, annĂ©e cruciale, j’ai tout foirĂ©.

La dépression en deux étapes :
1 –
2 – DĂ©primer

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Est-ce que tu as dĂ©jĂ  dit Ă  une personne grosse «c’est une question de volonté» ? Si oui, tu peux quitter cette page, merci. ArrĂȘter de fumer aussi c’est une question de volontĂ©, c’est pour ça qu’en France on a supprimĂ© l’interdiction de fumer, tout le monde avait arrĂȘtĂ©, c’était plus rentable de cesser d’imprimer les panneaux et affichettes. 🚭

Oh et puis si la personne te signale que tu as eu un comportement ou une phrase problĂ©matique, ne le prends pas personnellement et rĂ©flĂ©chis deux minutes. Si je te dis que tu m’as blessĂ©e, c’est moi qui suis blessĂ©e, et la double peine c’est quand tu te sens blessĂ©e par ma propre blessure et que tu m’en veux.
Et, pareil, je l’ai dĂ©jĂ  fait, c’est certainement pas une leçon de morale. J’ai Ă©tĂ© vexĂ©e parce que je m’étais mal comportĂ©e et qu’on me l’a signalĂ©. J’ai survĂ©cu.

😕

Je sais que c’est Ă©puisant, fatiguant, parfois consternant. Tu as l’impression de parler dans le vide (ce n’est pas le cas) ou de t’acharner pour rien (ce n’est pas le cas non plus mais parfois le changement s’effectue Ă  l’échelle des temps gĂ©ologiques). Les personnes anxio-dĂ©pressives sont chiantes. Je dis ça parce que je me compte dedans. La morositĂ© permanente, l’auto-dĂ©valorisation niveau ceinture noire, les Ă©vĂ©nements ressassĂ©s encore et encore, l’énergie inexistante, les annulations de derniĂšre minutes, les moments de mieux qui font place Ă  du nĂ©ant…

 

đŸ˜œđŸ˜œđŸ˜œ

C’est chiant à accompagner mais c’est pire à vivre, n’oublie pas ça.
Si tu ne te sens pas d’aider un-e proche anxio-dĂ©pressifve, ne te lance pas lĂ  dedans. Vraiment.
Et c’est totalement ok.
Ça pompe ton Ă©nergie vitale.
Ça remet en question tes propres enjeux.
Et si tu défailles tu as une personne désormais dépendante de toi qui va rien comprendre.
Je prĂ©fĂšre mille fois une personne non-aidante qu’une personne mal-aidante.
C’est rude de dire ça, j’en ai bien conscience, mais on peut pas sauver tout le monde.

💕💕💕

C’est humain de vouloir aider les personnes qu’on aime. Quoi de plus normal ? Toutefois…
🐩 Une personne ne peut se laisser aider que si elle le souhaite.
🐩 Une personne qui se laisse aider n’a pas d’obligation à suivre tes indications.
🐩 Chaque pathologie suit un cycle, donc tu vas te retrouver trĂšs trĂšs trĂšs trĂšs trĂšs souvent au point de dĂ©part et c’est ultimement frustrant.

Frustration, vexation, impatience, agacement, consternation, tout ça, tu vas bien connaĂźtre. Et la fatigue, celle de voir ton amie refaire la mĂȘme connerie en boucle, celle de rĂ©pondre Ă  ses appels de dĂ©tresse, de rassurer et calmer. Et c’est totalement ok si tu ne te sens pas de le faire. Je prĂ©fĂšre une bonne amie avec qui on parle de tout sauf de ça qu’une amitiĂ© «soignante» altĂ©rĂ©e par la maladie. J’ai perdu trop de gentes.
On est dĂ©jĂ  assez isolĂ©es comme ça, souvent, juste un bonjour ou «j’ai pensĂ© Ă  toi» ça fait une journĂ©e.
C’est tout. Juste ça, ta prĂ©sence pacifique, c’est cool.

💟💟💟

Ne culpabilise pas, je te préfÚre à mes cÎtés que de te savoir épuisée par ma maladie.

Et puis, des fois, on s’en sort, mĂȘme momentanĂ©ment, c’est l’occasion de se jeter dans le flot de la vie, de profiter un peu avant la vague suivante.

Bref.

Prends soin de toi !