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Heure de réveil : 4h36 (miaou)

J’ai dessiné une bonne partie de la journée d’hier, c’était chouette 💜

Hier, j’ai terminé « L’amour (fou) pour un criminel » d’Isabelle Horlans (fameuse journaliste fait-diversière) mais je ne sais pas où je l’ai rangé donc je te ferai ma fiche de lecture quand je serai opé, il est 4h56 et j’ai pas envie de retourner le salon. J’étais mitigée aux 2/3 mais la fin m’a agréablement surprise (elle explique qu’il ne s’agit pas de folie déjà) avec le plot twist que j’attendais. Et qui n’en était pas un du coup.

Donc on va parler d’un autre truc qui n’a ABSOLUMENT RIEN A VOIR mais qui était aussi sur ma liste : le féminin sacré est-il compatible avec le féminisme ?

La question a été posée sur le groupe de parentes que je modote, j’ai trouvé les réponses intéressantes. Je ne vais pas te faire une dissertation dessus, mais je vais te donner mes 2 cents.

🪐🪐🪐

Bon, déjà, le féminin sacré c’est quoi ?
J’ai tendance à coller ça dans la catégorie New Age, d’emblée, mais c’est plus complexe.

En résumé, le féminin sacré c’est accorder une valeur spécifique au féminin et aux femmes. C’est dire qu’on a une puissance insoupçonnée en nous et c’est nous aider à nous reconnecter avec cette force fondamentale.

Tout ça va de la reconnexion à la nature à la spiritualité mais pas que, en touchant des domaines comme les règles, la parentalité, l’accouchement, la sexualité, le rapport au corps, etc. Selon les mouvements, ça peut aller vers la lithothérapie, la divination, les rituels magiques et tout ça.

Y’a pléthore bouquins dessus. Et pléthore appropriation culturelle, également, au fait.

On va poser ça ici : holy shit arrêtez de piller les cultures qui ne sont pas les vôtres pour vendre des livres. Merci.

Le féminin sacré c’est un peu tout ça. J’ai trouvé des influences d’un peu partout, différentes pratiques, différentes spiritualités, mais le fond est le même :
« Retrouvez votre force intérieure »

Ok.

Je pense que t’as compris dès la deuxième phrase de ce paragraphe : c’est pas ma came. Alors on fait quoi ? On dit que c’est de la merde ou on lève encore un peu le voile sur l’autrice de ce monologue matinal ?

Un peu que je vais parler de moi, attends, si c’est pas le lieu j’ai pu rien, moi.

🐻🐻🐻

Ça laisse souvent les copines incrédules mais j’ai été versée là dedans une bonne partie de ma vie. Le virus du rationalisme est venu défoncer mon beau jardin zen il y a 10 ans et j’ai pas mal de bonnes raisons d’être devenue sceptique.

J’ai commencé à douter quand, sous l’influence de ma belle-maman, j’ai arrêté toute médication (je rappelle que je suis spondylarthropathe et bipolaire, juste « dépressive » à l’époque) et j’ai commencé à suivre un régime alimentaire sans gluten, sans lactose, sans produits transformés, avec homéopathie, gouttes de teinture mère de je ne sais quoi et autres cristaux positivationnants. J’ai tenu 6 mois, j’ai fini par beaucoup beaucoup trop penser à en finir, j’ai amorcé une belle descente mais j’ai tenu bon, j’ai repris mes esprits et mes médicaments.

Ma belle-maman a un pacemaker, a subi plusieurs interventions au niveau cardiaque, mais pense toujours que les médicaments c’est de la merde. Ça désespère mon amoureux parce que ben…elle met sa vie en jeu. On a grillé plusieurs fois qu’elle ne prenait pas ses médicaments, je doute qu’elle les prenne en ce moment, pour être honnête.

Il y a une dizaine d’années, mon père déclarait la maladie de Parkison. Il est également diabétique et dépressif as fuck, genre à côté de ses états d’âmes je suis Candy, tsé.
Tout se passait pas trop mal, et puis il a rencontré virtuellement une personne qui est devenue mon ennemi intime : le Dr Henri Joyeux.
Alors, mon père a arrêté ses médicaments.
Il est tombé à nouveau, il a été hospitalité à nouveau mais rien à faire : il refusait de les prendre. Il est aujourd’hui en EHPAD, j’espère qu’on le soigne. Ou pas. J’ai tendance à dire qu’il est grand, hein.

Entre mon mental breakdown lié à l’arrêt des médicaments, l’histoire de ma belle-mère et celle de mon père, ma spiritualité en a pris un sacré coup, je dois dire. C’est quand j’ai découvert avec le reste du monde que mon père ne prenait pas ses médocs que le truc m’a percuté : c’est pas si anodin, le retour à la nature.

C’est vraiment le point que je trouve le plus dangereux dans la trend New Age : les gens refusent de se soigner, et ça les tue. Le refus de soin est vraiment pas si rare, les morts qui y sont liées non plus. Steve Jobs, le cancer, tout ça…
Après y’a les dérives sectaires, c’est choupinet aussi. La secte Aum recrutait via des cours de yoga, par exemple. L’idée était tellement bonne que ça a été repris sans vergogne par les autres mouvements sectaires.

Voilà, j’ai posé un peu de contexte : j’ai une bonne connaissance d’un grand nombre de facettes de la grande famille du retour à la nature. Je ne juge pas sans savoir, c’est même exactement le contraire.

Dans tout ça, seule la naturopathie m’a aidée à mieux vivre la spondylarthrite qui n’était pas encore diagnostiquée à ce moment-là. Mieux. Pas « super bien ». Mieux et sur le court terme. Je me considère également toujours « spirituelle », je suis wiccane, plus précisément je vis selon la philosophie de la Chaos Magik, et je le vis bien.

Donc oui, je connais bien ce domaine. C’est pour ça que je me permets d’être aussi féroce : pratiqué par des personnes dangereuses, le truc devient mortel.

Voilà, c’était l’avertissement.

Partons à la redécouverte de notre féminin sacré, girls and girls !

🦑🦑🦑

 

Bon alors en premier lieu, en tant que féministe woke SJW fragile, je me dis « et les personnes trans, elles y ont pas droit ? »

Non, elles y ont pas droit vu la littérature sur le sujet. Femme mais porteuse d’utérus only.

J’aurais bien fini ce billet juste là mais ça fait un peu léger.

Déjà, pour moi, ça coince à l’énoncé. On est même pas encore au « sacré » et ça va pas. On touche à un truc assez litigieux, oui. Lorsqu’on parle de féminin sacré, on insiste souvent beaucoup sur les organes génitaux, et « être une femme » semble être la condition sine qua non de l’entrée dans le game.

C’est excluant. C’est moche.
Parce qu’en plus, les pratiques liées au féminin sacré sont des pratiques accessibles à toustes (excepté les exercices et focus sur l’utérus sacré, of course), j’aurais aimé qu’on utilise un terme plus inclusif ou juste que la littérature sur le sujet prenne en compte les personnes trans.

Je suis d’accord que se reconnecter à son corps c’est important quand on est une femme cis, mais c’est vachement vital aussi pour les personnes trans ou enby. Et encore une fois c’est idiot, parce que beaucoup d’exercices peuvent être réalisés par tout le monde. Je peux comprendre ce besoin de se retrouver, c’est même une bonne idée. Sans être excluantes ça aurait été mieux.

Ah, j’ai pas encore dit « essentialisme ».
Je le dis. « Essentialisme ».
« On est femme par essence, par nature ».

L’essentialisme c’est parfois sympa quand on veut un sentiment d’appartenance à plus grand que soi mais c’est aussi la porte ouverte aux clichés sur la femme-par-nature qui serait encline à faire des bébés et à en prendre soin, si tu vois ce que je veux dire.
Le coup des femmes qui viennent de Vénus et les hommes de Pluton, c’est totalement essentialisant, par exemple. J’ai lu ce livre, btw.

L’essentialisme c’est assez pervers. J’y retrouve souvent une pseudo-glorification (« Vous êtes si fortes ! Si persévérantes ! L’accouchement ! Merveille de la nature ! Vous êtes prévenantes, faites pour prendre soin de vos familles… ») vouée à nous conditionner à plus de soumission. J’y vois pas grand chose de super-positif à propager les mêmes clichés mortifères, même avec le sourire de la béatitude.

« C’est comme ça, c’est la vie, c’est la nature, deal with it ! »

Non-conseil de lecture 2021. On y a le cliché des cheveux colorés, l’anneau dans le nez, les pierres de guérison, le triangle utérin sacré, n’en jetez plus, j’ai pigé.

🐓🐓🐓

Ensuite, le sacré. Là, je suis plus tolérante on va dire. Le sacré, on le trouve où on veut. Mes convictions personnelles me font trouver du sacré dans les petits cailloux bizarres de la cour en bas de l’immeuble, par exemple. Je dis ça de manière totalement sérieuse. Ces cailloux ont des millions d’années, ils ont roulé sur le fond d’une rivière d’eau douce durant des siècles pour devenir ces petits machins. Il y a aussi des petites coquilles d’escargots aquatiques dans mon gravier, des coquilles toutes blanchies par le temps. Elles ont vécu leur vie au fond de la rivière et elles sont maintenant dans ma cour. Oui j’en ai une collection.

Les bourgeons des arbres provoquent le même esbaudissement chez moi, par exemple. Et je ne suis pas là genre « Ah, cool », je suis littéralement extatique devant cette prouesse, ce temps qui passe, ma vie si insignifiante par rapport à celle de ce caillou et tout et tout.

Je suis athée, au fait.
Je suis athée mais sensible au sacré, à ma manière. Je trouve l’infinité du ciel incroyable.

Le parallèle a été fait entre la religion et le féminin sacré, ce parallèle est très cohérent, OBVIOUSLY. Je connais des féministes catholiques, des féministes musulmanes, des féministes wiccanes, si j’ai appris un truc c’est que t’en fais pas, les meufs sont pas si bêtes, elles ont bien saisi les enjeux du féminisme en religion

Pour autant, les religions, surtout monothéistes, sont le nid du sexisme le plus pur. Parce que de base t’es une femme ou une personnes hors cadre cis et binaire, donc tu te tais et tu obéis.
Heureusement, comme je disais plus haut, les femmes en religion ne sont pas des imbéciles. Elles savent adapter leur pratique tout comme les cathos ont renoncé à certaines règles de la Bible depuis un moment :

« Que tes vêtements soient toujours blancs. » (Qohéleth 9, 8)
« Ne porte pas de vêtements en étoffe hybride, tissée de deux fibres différentes. » (Lévitique 19, 19)
« Ne taillez pas en rond le bord de votre chevelure, et ne supprime pas ta barbe sur les côtés. » (Lévitique 19, 27)
« Quand une femme est atteinte d’un écoulement, que du sang s’écoule de ses organes, elle est pour sept jours dans son indisposition, et quiconque la touche est impur jusqu’au soir. » (Lévitique 15, 19)
« Ne vous faites pas dessiner de tatouage. » (Lévitique 19, 28)
« Une femme ne portera pas des vêtements d’homme; un homme ne s’habillera pas avec un manteau de femme, car quiconque agit ainsi est une abomination pour le Seigneur ton Dieu. » (Deutéronome 22, 5)
« Lorsqu’un homme et son frère s’empoignent, et que la femme de l’un d’eux s’approche pour délivrer son mari de la main de son adversaire, si elle avance la main et saisit les parties honteuses de celui-ci, tu couperas la main à cette femme. Tu ne t’attendriras pas. » (Deutéronome 25, 11-12)
(http://www.interbible.org/interBible/decouverte/insolite/2013/insolite_130315.html)

J’ai beau être plutôt anticléricale, les réflexions à base de « les croyants sont des imbéciles » me hérissent le poil. « Vous avez un ami invisible hin hin hin » 🤦‍♀️

Les gentes sont pas si connes, ça va, merci.

🌵🌵🌵

 

L’idée de « sacré » est intéressante, en soi.

Quand je vois la manière dont le corps fonctionne, je suis encore pire que devant les cailloux dans ma cour. Quelle belle ouvrage. Qui déconne grave chez moi, mais quand même, rien que les pouces opposables et la bipédie, sérieux, c’est classe as funk !!!

Moi, ça m’intéresse, de me reconnecter à mon corps, en fait. Mon corps souffrant, mon corps-douleur, mais quand même. Prendre le temps d’en prendre soin, prendre conscience de ce qui s’y joue, pour moi ça rentre totalement dans le sacré du concept : je dois faire au mieux pour prendre soin de mon corps et le respecter, j’aimerais me réconcilier avec lui, grave que ça me parle !

Et pour ça, pas vraiment besoin de religion ni de notion de femme. Méditation, rotation mentale, relaxation, souffle, yoga, étirements, tout ça y contribue et je peux le faire en étant 100% athée.

Je me limite volontairement à ce qui est du domaine du sceptique, oui. Je sais que la méditation fait du bien, c’est sourcé, de même que le yoga ou la relaxation. Ça ne soigne pas, ça fait du bien (mais ça ne soigne pas, ok ?) et c’est gratos. Aller en forêt ça fait du bien aussi, c’est cool de se retrouver en pleine nature et de se laisser envahir par cette fausse immobilité qu’ont les arbres.

Le fait de donner à son corps un aspect sacré peut faire beaucoup de bien, car on va forcément se respecter un peu mieux, apprendre ses limites, découvrir des compétences, etc.
Pour moi, dans ces limites-là, c’est quelque chose de vraiment très positif.

Rien que le travail sur le souffle m’a permis d’accoucher dans de très bonnes conditions. Je respirais avec mes contractions, de manière relativement naturelle, je sais que l’enfant sentait aussi le calme de mon souffle face à la tempête qu’il vivait (il s’est endormi deux fois 🙄). Durant ma grossesse, j’ai fait beaucoup pour pouvoir communiquer avec lui via le souffle et une fausse haptonomie que j’ai mise en place à l’arrache faute de praticienne dans mon secteur. Notre lien m’a permis de le réveiller en douceur et de le faire descendre vers le jour, c’était très très beau comme moment.

Toujours 100% athée 😁

Les pratiques liées à la grossesse, notamment le travail des doulas, sont pile poil dans ce move de la reconquête du corps et de la sacralisation. Et je pense que c’est une bonne chose si on connaît les limites de la pratique. C’est à dire que quand ça va pas du tout, on va à l’hôpital, on ne boit pas des tisanes le temps que ça passe.


🍃🍃🍃

Donc je suis bien emmerdée en fait. Parce que je sens qu’on est en terrain glissant malgré tout. D’abord, cette histoire de « féminin » m’attriste MAIS je comprends sa nécessité. Mais ça m’attriste.

Mais…

Gommer le mot « féminin » n’est pas anodin du tout. Cela retire la spécificité de la pratique et ça vide d’une partie de son sens le féminin sacré qui s’attelle à permettre aux femmes de se retrouver alors qu’on les considère comme des usines à bébés depuis des milliers d’années. La partie menstruations, grossesse, accouchement est un GROS bout du truc, oui. Et c’est pas possible de gommer ça, c’est des moments hyper importants de la vie des femmes cis ou personnes porteuses d’un utérus fonctionnel même childfree.

D’ailleurs je pense que les mecs trans doivent être un peu mitigés par rapport à cette notion de féminin sacré, non ? Bah ouais ça se complique, évidemment que ça se complique.

Pourtant, on est (femmes cis) très nombreuses à pouvoir tirer profit de la notion de « féminin sacré ». Le travail est positif pour beaucoup, rien qu’à mon niveau ça m’a apaisée et réconciliée avec certaines parties de moi, et y’avait du boulot. J’ai pas non plus envie qu’on gomme les femmes sur un truc qui les concerne en premier lieu…

Du coup, je ne sais pas.
Nan, vraiment.
A la limite on dirait « féminisme sacré » plus de monde s’y retrouverait mais ça n’aurait plus du tout le même sens. On peut dire « Pratiques sacrées sauf pour les mecs cis » mais c’est long et l’acronyme est nul (PSSPLMC)

Eventuellement, ce que je peux proposer c’est de garder le terme tout en se montrant inclusives avec les femmes trans et les personnes non-binaires dans la pratique. Le féminin est dissociable de l’anatomie en tant que genre, donc ça passerait ?
Le souci c’est que la plupart des textes sont cissexistes et totalement essentialistes. Je veux bien faire semblant de croire qu’on peut être inclusives mais si on ne parle que d’utérus dans la littérature sur le sujet on va pas aller loin…

Cela dit c’est pas mon boulot, je suis ni en session brainstorm ni en réunion et c’est tout sauf mon travail, on va laisser les pros faire…non ? Il est 6h30 du matin, j’ai pas meilleure idée que « blob sacré ». Oui, pour moi le genre est un blob arc-en-ciel. Va pour « rainbow blob sacré »


🐁🐁🐁

On cause, on cause, je suis pas plus avancée, moi.

Parce que le sujet est casse-gueule. Au niveau théorique, déjà, avec cette exclusion des minorités de genre qui auraient aussi sans doute envie d’aller courir nues dans les champs.

Puis au niveau des mouvements sectaires qui viennent toujours se greffer sur ces notions-là. Portée à son paroxysme, la notion de féminin sacré peut devenir totalement WTF, comme chaque concept qu’on pousse à l’absurde.

Surtout, l’essentialisme. C’est un tel terreau à emmerdes, l’essentialisme… 🥶

L’essentialisme c’est quand même un tout petit peu ce qui nous condamne dès la naissance à une vie de moindre importance. C’est ce qui nous ramène invariablement à la cuisine et aux enfants, à la Terre-Mère et à tous ces faux compliments qu’on nous fait pour mieux nous amadouer pour mieux nous asservir. On me la fait pas, à moi 🤓

Et je n’ai pas parlé des TERF qui utilisent toutes ces belles théories pour hurler leur haine à celles qu’elles ne considèrent pas comme femmes. Mais j’y ai pensé, oui, j’y ai pensé. Pour elles, le féminin sacré est une arme d’exclusion.
J’ai juste pas envie de parler TERF ce matin, le sujet était déjà assez costaud sans en rajouter, puis on sait de toutes façons ce que ça va donner (DE L’INDIGNATION EN CAPSLOCK).

Mon Enfant Sacré hurle parce que le Chat Sacré ne veut pas se laisser caresser, je pense que je vais devoir int…la porte du congélateur vient de s’ouvrir…bon…je vais faire comme si je n’avais rien entendu le temps de la conclusion.

Donc voilà, conclusion, je vais aller voir ce qui se passe à la cuisine, c’était un peu inquiétant, mais tkt que dans la journée je vais grave me reconnecter à mon féminin sacré en fumant de l’origan sur mon balcon, wesh.

(Photo non contractuelle)