Heure de réveil : 4h57 (grasse mat)

J’ai l’impression d’avoir fait le tour du cadran, c’est magique, la vie me semble pleine de possibilités inavouées, les fleurs gazouillent, les oiseaux ont la gueule de bois et je suis seule au monde pour quelques heures. 🌺
Non, c’est faux, ils ont fermé les lieux de culte. Attends, c’est pas ça. Culturels. Les cathos peuvent toujours aller prier et auront leur fête commerciale païenne comme prévu. On a sauvé Noël.

En 2018, le secteur de la culture a rapporté (net, c’est à dire si on retire les subventions) 47 milliards d’euros.

J’ai recherché suite à un post plein de tristesse du Cabaret de Poussière. Je sais que je te tanne avec ça mais l’annulation me fait vraiment mal au cul. Iels ont tenté, adapté, suivi, scrupuleusement, les directives consignes ordres d’un gouvernement qui est comme un chat qui miaule devant une porte ouverte.

Et ça m’afflige.

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47 milliards d’euros non essentiels. Zéro cluster suite à des spectacles et visites à ce jour (j’ai été voir des squelettes de dino cet été et sans la foule ça change tout). La culture rapporte plus que l’industrie auto en France. Et pourtant on continue d’étouffer nos intermittent-es1

Je me demande vraiment quel est le but de la manœuvre.
Est-ce une stratégie pour cliver encore plus les gentes ? A chaque décision ou contre décision ou tire-une-carte décision t’as le débat qui s’ouvre : faut-il fermer le Puy du Fou ?

A titre tout à fait personnel, je n’ai pas de problème de conscience à l’idée d’une fermeture du Puy du Fou. Moins on enseigne la monarchie aux enfants, moins iels trouveront ça cool.
Et je sais qu’en écrivant ça je vais me ramasser les «Ouais mais ça fait vivre des gens». La prison, ça fait vivre des gens, le télémarketing aussi, c’est pas pour ça que c’est une bonne chose.

Du coup, ça fonctionne en terme de détournement d’attention. Pendant qu’on s’emplafonne comme des cons sur la laïcité de Noël, l’ouverture des musées et l’avenir incertain du fief de De Villiers, on nage dans la confusion et BIM, encore de la thune pour les flics.

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Pourtant, à mon sens, la culture présente un excellent moyen de contrôle des foules. Et ça fait moins mal qu’une matraque pleine poire. Les projets d’abolition de la police et de la prison comportent évidemment un gros volet culturel. La culture c’est la catharsis, pourquoi ne pourrait-elle pas contribuer à notre liberté ?

«Du pain, des jeux» blabla (le vieux poncif, j’ai honte)
J’ai honte de sortir cette maxime éculée, mais quand je sors d’un spectacle ou d’un musée je me sens bien. Je me sens remplie d’impressions, d’émotions, de connaissances, j’ai vu un petit bout d’un monde qui n’est pas le mien, un monde fantasmagorique destiné à m’ébahir et à me faire rêver un peu d’autre chose.

J’ai été plongée dans l’esprit d’une autre entité vivante, dans son entière et sublime altérité, c’est un moment de partage incroyable je trouve, celui où tu plonges dans les yeux d’un’e autre. Comme quand tu lis une meuf random dans les internettes et que tu te dis que ses textes te parlent.
Je me sens mille, un million de fois plus paisible quand j’écoute de la musique que quand je croise des GI Joe armés dans les rues. Toi aussi ?

Mes moments d’écriture ou de création (La crèche en Patafix est en bonne voie) font partie des plus paisibles de ma vie. Même quand je sens les larmes qui coulent en écrivant, quand j’aborde des choses trop difficiles, je me sens pleine. Et quand tu me lis, que tu réagis, que tu me réponds, je me dis que ce que j’ai balancé méritait d’exister.

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Je ne suis pas intermittente, pour moi la création est un bonus. J’aurais pu l’être, vu mon cursus en arts plastiques, mais la matérialiste en moi a vite pigé que ça payait pas. Alors à l’époque j’avais changé «dessinatrice» par «prof» sur ma fiche d’orientation. Matérialiste, oui, mais pas tant que ça, finalement 😄
Pouvoir partager ce que j’ai en tête est un privilège, j’en suis persuadée. Si ces amas d’images, de formes, de sons, peuvent être exprimés, c’est une chance. Le canal n’est pas toujours ouvert de la même manière.
T’en as qui expriment leur créativité au lance-roquettes. Et c’est eux qui ramassent l’oseille.
A la fin, c’est toujours la peur qui gagne.
D’accord, j’exagère. Je tergiverse trop.
La culture c’est apprendre l’altérité, la défense c’est lui éclater la tronche au napalm.
Évidemment, que c’est grossièrement exprimé, mais c’est pas si déconnant. Regarde les budgets respectifs de la Culture et de la Défense (3,82 milliards d’€ contre 39,2 milliards d’€)

Ça se tient, même.
Même si c’est pas cool d’exterminer l’altérité ça se vend bien avec de l’insécurité en bundle. Vaut mieux être au chaud dans le confort de ta maison, enrobée de polaire, plutôt que d’aller courir les salles de spectacle et les cafés.

C’est triste, hein ?
Ouais.
C’est triste.

Parce qu’on nous oppose ça vraiment comme un choix et un moyen de pression.
«Soyez sages, sinon vous allez en prison»

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Bhé ouais, y’a plus que les flics qui peuvent circuler librement dans notre pays

Je serais une dictatrice je ferais ça. C’est dans le guide «Devenez Pol Pot en 10 étapes», chapitre 1, paragraphe 1 : file de la thune aux forces répressives.

Les mecs déjà d’habitude c’est littéralement des GI Joe (dans leur tête), tu leur files un peu de pouvoir c’est la teuf. Là ils doivent plus se sentir. Imagine, tout un territoire à ta merci. Tu peux verbaliser qui tu veux quand tu veux, même si la personne est en règle elle aura toujours fait une connerie qui justifiera une amende.

Et quand tu leur colle sous le nez les contrôles au faciès, ils font une «manif» en anti-contrôlant toutes les personnes racisées qu’ils croisent. Je sais pas si tu as vu passer ça mais moi ça m’a fait hurler de rire.

Donc les flics aiment pas trop quand on leur dit qu’ils sont racistes et procèdent à des contrôles au faciès.
Alors ils se disent, tiens, on va leur prouver qu’on est pas racistes, on va non-verbaliser les gens.

Sauf que les bonnes habitudes ont la vie dure, alors ils distribuent leurs bons de non-contravention aux personnes qu’ils contrôlent habituellement2. Plusieurs de ces personnes ont même tendu spontanément leurs papiers, tout pétés de stress qu’iels étaient.
Oui, prouver en faisant du contrôle au faciès qu’on ne fait pas de contrôle au faciès c’est éligible au prix du plus gros facepalm du millénaire, sans déconner. Je sais pas si je m’en remettrai un jour, de ce truc.
Pis à aucun moment t’en a un qui s’est dit «Attends, je crois qu’on dessert la Cause».
Tu sais pourquoi ne s’est dit ça ?

Parce qu’ils en ont RIEN A BRANLER.

Ils SONT la Cause et nous on a trop peur pour réagir. Quelqu’un qui EST la Cause n’a rien à servir ou à desservir, il fait sa vie et chouine quand on ne le laisse pas nous écraser le visage au sol.

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C’est tout à fait logique de priver les gentes de loisirs. Iels restent à la maison, gavées au JT de 20h. Les exposer à la subversivité artistique en ce moment n’est vraiment pas une bonne idée, en effet. Ça pourrait leur donner des idées… On a le temps et l’espace pour réfléchir. Beaucoup se sont redécouvertes lors du confinement. D’ailleurs ça a été tout à fait inédit. Plein d’initiatives ont été portées, des gens ont réalisé des trucs, se sont montrés solidaires, ont commencé à échanger et réfléchir un peu plus qu’avant. Moins de loisirs formatés, plus d’espace de pensée.

Et surtout la «grogne» (quel mot de merde pour définir tout un pays en dèche de vie) monte, monte, monte.
Alors soit tu accordes plus de libertés à tes habitantes, soit tu files la thune aux flics.
Le message est claire. Limpide.

FERMEZ VOS GUEULES LES PECORES

Je crois que c’est ça, le plus effrayant. La décomplexion totale. Ça fait un moment que le masque est tombé mais on peut encore être surpris’e’s, la preuve. Moi, je lis ça comme une menace directe. Une menace très très tangible. Quand je vois des rangers dans la rue, le message est clair, oui. Et c’est super effrayant. Et triste. Et consternant. Et pitoyable.

On est totalement à leur merci. Oui, ça fait un moment. Mais là, plus rien n’est fait pour détourner notre attention. Franchement, c’est flippant as fuck. On a quand même un gouvernement qui a fait fermer un moment les rayons culturels des hypermarchés et les librairies. Non-essentiel. Ma santé mentale est non-essentielle. Va chier.

Parce que là on en arrive à la santé mentale des gens.
Tu as remarqué les visages tristes et résignés, parce que tu as toi aussi un visage triste et résigné.
C’est juste effarant. J’ai pas une seule amie qui va bien, ou juste «ok». On est toustes en train de pleurer dans nos coins, vidées de nos substances. On essaie de faire bonne figure mais je sais qu’on est toustes vraiment mal derrière nos activités maison et nos gâteaux.

Depuis le mois de mars, soit 9 mois, notre vie sociale est strictement contrôlée. On doit feinter pour se voir 5 mn. On calcule nos sorties au plus juste, je me sens comme une contrebandière dans les Pyrénées lorsque je vais chercher des clopes sans attestation ni carte d’identité.

L’espace public est totalement balisé, autocollants, flèches, barrières, gel hydro-alcoolique et paiement CB. On se touche pas, ou si on se touche, on se désinfecte après.
Je suis contente que les gosses de maternelle ne soient pas obligées de porter le masque. A 3/5 ans iels sont trop indisciplinées pour le porter correctement, ça les fait chier, et iels ne peuvent déjà plus jouer les unes avec les autres.

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Tu te rends compte que maintenant, pour mon fils, les mesures barrière et tout le merdier c’est normal ? C’est totalement intégré. Il a bien pigé, il ne demande plus à aller à l’aquarium. Il sait qu’il n’a pas le droit de s’approcher des gens, qu’il ne doit pas tout tripoter quand on fait des courses, que les bisoux c’est fini pour un moment.
Il a mis un moment à se résigner, mais maintenant, c’est bon, il est rentré dans le rang. Je vois ses yeux s’égarer quand il se souvient qu’on ne peut pas sortir faire des trucs.

Il ne crie plus.
Il n’insiste plus mille ans, ne demande plus 50 fois la même chose.
Il a compris, il est résigné et ça me donne envie de chialer.
Ça aura pris 7 mois environ pour que mon fils se résigne. Maintenant, c’est intégré. Il sait qu’il n’a pas le choix, qu’il est aussi impuissant que ses parents.

Qu’est-ce que ça dit de nous et de l’amour qu’on porte à nos gosses ?

Le maintien de l’ordre par la peur, ça fonctionne.

Mais je te jure, dès que j’en ai l’occase, je crame tout. Donne moi UNE occasion de me venger, je le ferai. Lâche la bride UNE seconde et je te bouffe le bras. J’ai la rage, ouais. Vrai de vrai. Alors continuez de bien les payez, nos flics, je suis patiente. Très patiente. Vous avez cassé quelque chose chez mon enfant et ça, ça me motive plus que tout au monde à relever la tête et à lutter 🖕
C’est nous qui sauverons le monde en prenant soin de nos enfants. Je serais capable de beaucoup de choses pour me faire pardonner de l’avoir mis au monde dans un espace-temps pareil.

Et tu sais à quel point une daronne qui montre les dents peut être sans pitié.

  1. https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-chiffres-2007-2021/Le-poids-economique-de-la-culture-en-2018-CC-2020-2 [↩]
  2. https://www.francebleu.fr/infos/politique/des-policiers-menent-une-operation-de-non-contravention-a-woippy-1607451515 [↩]