Heure de réveil : 5h15 (chats)

CW : chansons sexistes mais drôles (argh), dialecte étranger

Bof. La journée d’hier était nulle, j’ai passé mon temps à manger, fumer et dormir. Envie de rien et grosse tristesse. Je ne peux pas en parler parce que je suis lue, mais mon petit cœur a été abimé.

Mais ça, t’y peux rien et je suis juste triste, comme une amoureuse dépitée. Donc je vais continuer à bouder encore un peu, et ensuite, bah, chies d’dans, comme on dit en Lorraine. Les expressions imagées de mon origine certifiée me reviennent toujours quand ça va pas.

Tiens, on va faire ça. On va parler Lorrain.

⚠⚠⚠ Injures oppressives ⚠⚠⚠ (pas non plus des masses, ce billet n’existerait pas, sinon)

🪕🪕🪕

Bon alors déjà, Les Amis d’ta Femme. Si tu connais déjà, tu SAIS. Si tu connais pas, c’était un groupe de « rock alternatif français » originaire de Nancy :

Wikipedia :
🐦 « Les Amis d’ta femme, ou ADTF, est un groupe de rock alternatif français, originaire de Nancy. Formé en 1996 par David « Le DâV » Vincent, François « Frankoua Frankoué » Colson, et Guillaume Oesterlé, le groupe voit par la suite l’arrivée de Cyril « Vatlavé Kraspek » Battaini, qui les rejoindra plus tard au cours d’une tournée à Mulhouse.

[…] David « Le DâV » Vincent à la guitare et au chant, François « Frankoua Frankoué » Colson aussi à la guitare, et Guillaume à la contrebassine (instrument fabriqué avec une bassine, une corde et un manche à balai) et au chant. Dès 1997, Guillaume est remplacé par Kraspek.

[…]Le style musical du groupe est différemment catégorisé selon les médias. les webzine W-Fenec le considère comme du « rock-musette-punk-non amplifié-à tendance éthyliquement anarchiste » »

🎥 Si tu veux te faire une idée je ne peux que te recommander « le Hoche-Cul » et « Laisse tomber, gros ».

☢ Les albums contiennent plusieurs chansons misogynes dont certaines vraiment crades, les deux chansons plus haut sont /relativement/ safes (et le Hoche-Cul te restera en tête durant mille ans)(d’ailleurs je l’ai, là, dans la tête, évidemment), donc à manier avec précautions.

Il y en a quelques unes que je ne peux plus du tout écouter mais là on est en plan d’urgence pour mon moral alors merde, hein. Ouais les mecs sont misogynes et l’humour noir cache souvent bien des horreurs. Je le sais, tu le sais, je sais que tu le sais et tu sais que je le sais.

La formation est dead (la contrebassine), les musiciens sont passés à autre chose, mais certaines chansons sont restées dans mes annales. Haha. Hahaha. Hum.

C’est une vraie madeleine de prout.
Je suis hilarante ce matin dis donc 😭


🍺🍺🍺

Je vais te faire profiter de cette inoubliable reprise de « Laisse beton » de Renaud. Renaud qui les a attaqués pour droits d’auteur, l’album a été retirée de la vente, j’en avais UN COLLECTOR mais on (je sais qui)(Il m’a amicalement brisé le cœur lui aussi, tiens) me l’a tiré en douce en soirée.
Mais c’est pas grave, je connais l’album par cœur 🤷‍♀️

 

Attention c’est sexiste et BAS DU FRONT, je le sais, je le sais, j’ai prévenu, mais j’en ai besoin, de cette madeleine, alors prout 🌬

🎼J’étais tranquille, j’étais peinard,
(bon, ça je pense qu’on a toustes)
🎼Ch’picolais une bibine.
(Bibine c’est universel)
🎼Le câtche est entré dans le bar,
(Le mec)
🎼Vlà pô qui chpeunait ma copine.
(Vla pas qu’il matait ma copine)
🎼Pis y s’est approché de moi
🎼Et y m’a regardé comme ça
🎼 »Ta gonzesse, ouarkla, c’est d’la gerce !
(« ouarkla » ou « workla » c’est une interjection comme « putain »)
🎼Ch’parie xé une reuleuleu,
(Je parie que c’est une « imbécile », le terme reuleuleu est psychophobe, oui)
🎼Elle a une vraie tête de beubeu.
(Tête de « reuleuleu » donc)
🎼Quoixi elle avait pô d’loucaves,
(Quoi que si elle avait pas de lunettes)
🎼J’la bouillav’rais bien dans la cave.
(J’me la taperait bien dans la cave 🤢)
🎼Chteu la tchour’, pet’-tô la tchave ! »
(J’te la vole, casse toi)
🎼Ma j’ié dit « Laisse tomber, gros ! »

🎼M’a filé une torgnole,
🎼J’ié mis un coup d’chnopse.
(Je dirais un coup de poing mais pas sûre à 100%)
🎼L’a sorti son laguiole,
🎼J’ié filé ma mosse.
(J’lui ai filé ma meuf 🤢)

👉 J’avais prévenu, mais la suite vaut le coup, je ne me voyais pas amputer hypocritement le premier tiers de la chanson genre j’ai rien vu. Si, j’ai vu. J’ai tout vu.

🥁J’étais tranquille, j’étais peinard,
🥁Je réparais mon bas-moteur.
🥁Le câtche est entré comme une fots,
(Le mec est entré comme un fourbe/synonyme de fâtche)
🥁Pété par le diable, j’ai eu peur.
🥁Pis y s’est approché de moi
🥁Et y m’a regardé comme ça
🥁 »T’as un carbu, Lulu, y pue pô du cul !
(Oui il réparait son scouteur)
🥁Ch’parie xé un Dellorto,
(C’est une marque de carbu)
🥁Un carbu comme ça, c’est michto.
(Je pense que tout le monde connaît « michto » ?)
🥁Une pipe de quinze, après tu châbles,
(Je cause pas le scouteur mais tu châbles c’est tu vas vite)
🥁Mais bon si tu t’crounch, c’est la lâtche.
(Mais bon si tu te vautres c’est la honte)
🥁Ôt’tô deu d’là, fais pô la fâtche ! »
(Barre-toi d’ici, fais pas l’enfoiré)
🥁Ma j’ié dit « Laisse tomber, gros ! »

🥁Y m’a traité d’tapette,
🥁J’ié dit « Alors là, mon cul ! »
🥁L’a sorti sa serpette,
🥁J’ié filé mon carbu.

👉 Les â circonflexes sont prononcés « au », la fâtche = la fôtche

🛵J’étais tranquille, j’étais peinard,
🛵J’m’amusais à planter mon chlâsse.
(Shlass = couteau)
🛵La fots est entrée dans le bar
🛵Avec son survêt’ super clâsse.
(la chance)
🛵Pis y m’a tapé dans la panse
🛵Et y m’a r’gardé d’un air dense :
🛵 »Comment xé, gros, ça guet’s môl ?
(« Comment ça va, gros, ça envoie du steak dans ta vie en ce moment ? »)
🛵Chuis marâve par les chtars,
(Les flics m’ont chopé)
🛵Si tu m’as boucave, t’es tricard.
(Si tu m’as dénoncé t’es foutu)
🛵On va se chtôsse dehors, lenri,
(On va se taper dehors l’Henry – doute sur lenri, manque de réf. mais c’est sans doute comme « Lulu » ou « Roger » ou « Jean Nuisible »)
🛵A grand coups de kit malossi.
(C’est un truc de scouteur)
🛵On s’retrouv’ra à Charles-Trois ! »
(C’est la prison de Nancy)
🛵Ma j’ié dit « Laisse tomber, gros ! »

🛵M’a dit « Enculé d’ta mère ! »
🛵J’ié dit « Tu traites pô ma mère ! »
🛵M’a dit « Kessk’y a, t’as les pounches ? »
🛵J’ié dit « Nan, j’ai pô les pounches ! »
(T’as peur ? Nan j’ai pas peur !)

🎹Arkott’ la morale y en a pô.
(De ce coup là la morale y’en a pas)
🎹Viens là Sandra, on s’fout la tchâve.
(Viens là Sandra on se casse)
🎹Monte derrière ma, j’ai un bicul.
(Monte derrière moi, mon scouteur a deux places)
🎹Chteu mettrai ptét’ un doigt dans l’nez.
🎹En résumé, arkseuss’ ma mère !
(arkseuss c’est une interjection, j’ai pas d’exactitude)
🎹Où c’est qu’t’en es ? File mô une chmère .
(Comment ça va ? File moi une clope)
🎹Ici c’est rempli d’têtes de cons,
🎹Va y avoir d’la chtôss dans l’caillon !
(Va y avoir de la bagarre dans le foutoir)

🛵🛵🛵

En Lorraine, comme dans chaque coin à patois, on a des trucs extraordinaires, compris par tout le monde. La « fâtche » tout le monde sait que c’est le type biaiseux, pas courageux, qui fait les trucs en douce. En tout cas, toi t’es pas comme ça, toi tu schaffes (travailles) comme une vraie, tu bassotes (procrastine) pas en beugnant des ptits cubes 🧊 à Candy Crush !

Si un câtche est un gars, une chaille une fille, un Jeanjean est un plouc. Quand on a la chouffe, on a la honte. Quand on se retrouve pour le déjeuner, on se retrouve « entre midi ». Juste « entre midi ». On économise 2 syllabes !

En Lorraine, ton père est ton dabich ou ton daps, daps étant utilisé pour définir les deux parents. Une mâmiche est une mamie, on peut l’appeler « ma » (pour papi c’est « pa » bravo !). Je cherche pour « maman » mais à part daronne, je ne trouve pas.

👀 »Guette voâr !!! » veut dire « Regarde par ici ! ».
👀 »Guette sur mon père, le JeanJean il a keutz » « Regarde, j’y crois pas, Machin a vomi ! »

🤫 « Pécho à croum » par exemple c’est acheter de la drogue à crédit. Ainsi, un dealer va te dire « Nan j’fais pas à croum ». Si tu préfères piav (boire) une schlouc (une gorgée) 🍾mais que tu es nareuse (tu n’aime pas boire dans le même verre qu’une autre), c’est ton choix ! Attention toutefois ne ne pas laisser ta canette schpritzer et j’espère que tu as mis tes basket au cazou il faille trisser vite fait.

Et dans tous les cas, essaye de pas tomber sur du matos pougnâve (pourri) tandis que tu râoute (flânes) dans les rues autour de la gare de Nancy. Attention à ne pas trop cheuler de mirabelle ou ton foie se vengera ! (Fun fact : je n’aime ni la quiche, ni les mirabelles mais l’odeur et le goût de la bergamote font partie de mes madeleines de la flatulence)

Les myrtilles s’appellent des brimbelles, chez nous. Bah c’est super mignon, quand j’ai su que les gens avaient choisi « myrtilles » j’étais deg. Les relavottes ce sont les lingettes ou les serpillères. Oui, on dit « relaver » et « ragrandir », parce qu’on oublie trop souvent le R dans nos mots, alors faut se rerattraper !

⚙ En Lorraine, un cornet c’est un sac, une tétine une totosse, un patin c’est une pantoufle, un flot c’est un noeud, une cruche c’est ce que les autres appellent « une carafe », une clenche c’est une poignée de porte (j’ai découvert que ça s’appelait pas comme ça en 2019…). Pour dire qu’un endroit est fermé, on peut dire que c’est froum.

👉 On peut aussi reconnaître les lorrain-es facilement en leur demandant de dire « 20 ».
Si la personne répond « vaingt » en prononçant le T, possible qu’iel soit du coin. Cela fonctionne souvent avec le « ouit » pour le 8. Bonus : si la personne te répond « ui » au lieu de « oui » en plus d’aimer les Amis d’t’a Femme, ton interlocuteurice est lorrain-e.

⚠ Attention ! D’autres patois peuvent ajouter plus de fun à ta vie, genre le patois Vosgien (Pour constater en live, tape « Claude Vanony » dans ton moteur de recherche de vidéos préféré).

Après, il y a les mots que je ne pense pas limités à la Lorraine…
Avant de l’entendre en Ile de France, je pensais que bedâve c’était que Lorrain. Après, techniquement, la prononciation est assez différente. Beudôôôve ☘ 🐄

Mais…
Allez grailler ?
Jarter ?
Le dawa ?
Schlinguer ?
Le derch ?
Clamser ?
Chouille ?
Torgnole ?
Beugner ?
Ça meule ?
Rapiat ?
Schnek, les autres sens que « vulve » ?
Shlague ?

Ces mots là, je suis surprise de les avoir retrouvés quand j’ai quitté la région.

🐓🐓🐓

Quand je reviens, je les retrouve, et je retrouve aussi l’accent. Comme j’ai été élevée à l’école française publique de la république publique dans les années 80/90, toute trace de patois ou d’accent était sanctionnée, soit directement, soit par les rires des autres. Je ne sais pas si c’est toujours le cas aujourd’hui, mais c’est extrêmement improbable qu’on ait laissé le patois lorrain vivre sa vie alors qu’on cherche à massacrer toutes les divergences.

Bah c’est dommage.
Tout le monde parle la même chose, maintenant. L’accent du sud continue à être moqué, celui du nord aussi, faut juste être neutre dans sa tonalité, comme les parisiens qui n’ont strictement AUCUN accent, nooon…🙄

😑 On doit toustes devenir des normies de parisien-nes 😑 et ça me fait chier parce que j’y arrive très bien. Et c’est incroyable les réflexions qu’on peut se payer quand on sort un mot ou une expression que l’autre ne connaît pas. « Oh c’est régional, quelle curiosité à vite mettre sous cloche ! »

Au-delà de l’aspect que c’est une chanson en lorrain et que c’est laule, mon côté dépressif et solitaire va revenir à la charge pour me rappeler que, culturellement, notre societat a purement laminé des dictionnaires entiers, juste parce qu’il faut causer comme on dit qu’il faut causer ☠️

J’ai réalisé ça, bizarrement, en arrivant à la Réunion. Tout le monde ou presque parlait Créole, et pas mal d’expressions sont purement géniales. J’ai passé une après midi entière à bavasser sur les expressions réunionnaises/lorraines et quelques mois avant de comprendre les conversations rapides sans galérer ma race.

👉 Je ne vais certainement pas, ici, comparer le créole et le lorrain, ça n’aurait aucun sens, les deux dialectes ne présentent absolument pas les mêmes enjeux culturels et politiques. Ce que je remarque en revanche c’est que ça fait beaucoup rire les gens « sans accent ». Certaines expressions sont hilarantes…sorties de leur contexte. Ce sont surtout les mots différents qui provoquent le rire. Un rire qui dit « Tu te plantes depuis le début, ta vie est un mensonge, on dit pas ça, on dit ça, hahahaha quelle imbécile ! ».

📼 Si ça t’intéresse, je te recommande la vidéo sur « l’accent québécois » de la chaîne L’Histoire Nous le Dira. Parce que laule l’accent québécois, tu sais.

Et nous on se dit jamais qu’ailleurs, les gens peuvent trouver l’accent parisien plat et sans intérêt ? On parle avec notre nez pincé, là, couplé à ce petit air supérieur face aux non-parisianophones, est-ce majestueux ? Est-ce la quintessence de la beauté langagière ? Sans déconner ? Pour moi, la beauté d’une langue est son parler, ses néologismes, le jeu avec les mots, les sonorités, la poésie de tout ça. On tue la poésie avec nos attaques au dictionnaire et au « bon français académique » 😡

✍️ Allez, et si on se disait que la francophonie n’est pas juste le parisianisme tout vide ? Le français est parlé partout dans le monde, ce sont les locuteurices qui inventent et ajoutent du sens. C’est ça qui fait qu’on a une langue riche. Si les autres ont un accent, alors on a aussi un accent. Tu vois, on retombe sur la problématique de l’altérité.

Et tant pis si ça les fait kimper.

L’Autre n’est pas nous, il s’exprime différemment. Mais nous, nous parlons « normalement » et pas « différemment » en nous persuadant que ce n’est pas un leurre mais une homogénéisation du parler que d’exiger l’abandon des patois, dialectes et accents.

Merde, si c’est ça, je me pète la tchâve 🛵