Heures de réveil : 0h12, 2h15, 3h47, 4h12 (tous les voisins se tiennent par la main et font le tour du monde jusqu’à se noyer dans l’Océan, n’importe lequel)
J’ai froid mais ça va pas durer il semblerait. Pour fêter ça on va faire une fiche de lecture, parce que ça peut être intéressant. Ce matin, point de Dictionnaire du Monde Actuel (édition 1967), point de in bed with Alain Juppé, on retourne aux éditions Seuil Libelle avec Ludivine Brantigny qui nous parle d’ensauvagement du capital.
Je pense qu’on a besoin de ce genre de truc en ce moment. Oh et puis la page a 2 ans, aujourd’hui ! 🥳
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🐦 « Ludivine Bantigny, née en 1975 à Lille, est une historienne et universitaire française. Elle est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Rouen-Normandie.Carrière académique
Ancienne élève de l’École normale supérieure, elle fait des études d’histoire et de lettres à l’université Panthéon-Sorbonne, obtient l’agrégation d’histoire et réalise une thèse de doctorat intitulée « Le plus bel âge ? Jeunes, institutions et pouvoirs en France des années 1950 au début des années 1960 », dirigée par Jean-François Sirinelli, à l’Institut d’études politiques de Paris, en 2003.
Elle est nommée maîtresse de conférences à l’université de Rouen, puis obtient une habilitation universitaire en 2017, en présentant un mémoire intitulé « 1968, de grands soirs en petits matins ». Elle est membre du Groupe de recherche d’histoire (GRHis — EA 3831). »
(Wikipedia)
En revanche ses parents sont postiers et elle dit des trucs genre :
🐦 « Il y a tout un débat sur la neutralité dans les sciences sociales, mais je n’y crois pas, et je n’ai pas envie d’y croire, affirme-t-elle. J’ai envie de faire des liens entre ma recherche et l’actualité, et j’ai le sentiment que la situation nécessite des engagements. »
(Le Monde)
Je pense que ça va le faire.
🐁🐁🐁
Sur la couverture :
🐦 « Je lis le mot d’« ensauvagement » à longueur de journée, de colonnes, de slogans. Alors je reviens à Césaire qui décrivait l’Europe coloniale suçant comme un vampire le sang, les terres, les biens et la dignité même, ravalant l’humanité au rang amer des bêtes de somme. Ensauvagement : ce mot n’est pas réservé au passé. Il peut désigner la prédation qui enrégimente le vivant dans la sombre loi du marché.
Le capitalisme a toujours été ensauvagé : ses origines sont tachées de sang. »
(L’ensauvagement du capital – Ludivine Bantigny)
J’ai les deux oreilles dressées.
(Ici on a un petit gap de plusieurs longues minutes pour que je tente de me procurer le PDF légalement chez Decitre, sauf que leur système est évidemment ultra sécurisé par un DRM – un cadenas numérique – propriété privée ftw – et donc je ne peux pas ouvrir ce foutu fichier et en vrai j’ai laissé tomber assez rapidement parce que le mot DRM me donne des envies de morsure à la jugulaire et que je n’ai pas de victime sous la main)(Du coup je vais tout copier à la main et t’auras pas beaucoup de citations parce que j’aurai la flemme, voilà.)
On va commencer au propre avec un nouveau paragraphe.
🦖 DRM DE MERDE🦖
Nan, en fait je vais me faire un café, faux départ.
On commence par une description des déchetterie à ciel ouvert, si le tableau se déroule au Ghana, on peut aisément l’imaginer un peu partout, des Philippines au Kenya, ou au beau milieu du Pacifique, notre fierté de 6ème continent. Je connais la décharge d’Agbogbloshie pour avoir vu des docus dessus, mais je suis plus familière avec la décharge de Guiyu (Chine). Il s’agit d’un cimetière de déchets informatiques. Ici, des femmes, des enfants, marchent en glanent des bouts de câbles, des pièces réutilisables, sur fond de déchets brûlés d’où émane une délicieuse odeur de petits sablés (non).
On attaque fort, car cette description suit quelque chose qui va te parler :
🐦 « Parlez-leur donc d’égalité, de justice sociale, de démocratie vraie; parlez-leur de communs, cet autre mot du communisme, au fond : ils ironiseront, hurleront et agiteront des mots : Staline, Mao et même Pol Pot, tant qu’ils y sont. Ils nous ficheront leur grand couteau entre les dents, en guise de tout argument. »
(p.7)
Je peux épouser cette femme tu crois ? On est qu’en page 2 et je suis déjà là « Allez, Ludivine, mords-y l’œil !!! » 🤩
Elle parle ensuite d’une structure nommée « Bolloré Africa Logistics », je cynise à fond avant d’aller voir le taux de bullshit qui va sortir de ce langage corporate que je connais si bien pour l’avoir tant manié.
Premier foutage de gueule qui enterre définitivement le truc : d’où tu as une telle diversité dans ta société, coco ? 12 portraits sur ton image, 3 mecs blancs, 3 mecs racisés, 4 femmes blanches, 2 femmes racisées. Personne n’y croit. En tout cas, moi, j’y crois pas une seule seconde.
Paye tes tokens…je ne vais te citer qu’une partie de cette page bien bien vide
🐦 « Dans le cadre de sa stratégie de Responsabilité Sociale d’Entreprise 2017-2022, le Groupe Bolloré a défini 4 axes prioritaires, parmi lesquels « Rassembler le Groupe autour de standards éthiques et d’une culture d’entreprise partagée ».
Le Groupe est signataire du Pacte Mondial des Nations Unies depuis 2003, initiative volontaire incitant les sociétés à aligner leurs stratégies et opérations avec dix Principes en matière de droits de l’Homme, normes internationales du travail, environnement and anti-corruption. »
(Site de Bolloré)
Ce cynisme. A partir de « dans le cadre de sa stratégie… » le bullshit était confirmé. Bande de boloss.
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Ludivine Bantigny continue en décrivant des conditions de travail inhumaines, de Shangaï aux entrepôts d’Amazon dans notre beau pays, avant de parler fraude et amendes collées aux entreprises. Où en sont les Panama Papers ? Pourquoi on fait chier les précaires ? J’ai une suggestion : parce que c’est plus facile et qu’iels ont moins de thunes. On va voir si j’ai bon.
(🧚♀ Edit : j’avais bon !)
Un passage sur ces « sales grévistes » et le nivellement par le bas souhaité par les gouvernements successifs. Pourquoi vouloir retirer des privilèges aux agent-es de la SNCF au lieu de donner les mêmes avantage aux autres corps de métier ? Je propose la même réponse.
🐦 « En février 2018, le ministre de l’Économie Bruno Lemaire a lancé : « Vous faites partie de ces gens qui mènent le pays à la ruine » à un syndicaliste de l’automobile. Le tout en détruisant les droits sociaux à coup de boutoir, méthoodiquement »
(p.17)
🐟🐟🐟
La violence de ces premières pages est saisissante. Le ton est presque médical, on énonce des faits. Maintenant, on parle communisme et de « Mao, Staline et les autres ».
C’est vrai que c’est l’argument de droitard paresseux : « Et les morts du communisme, hein ? »
Fun fact : les régimes dits « communistes » mis en place jusqu’à présent n’étaient que des autocraties déguisées. No shit, Sherlock. Dans l’essence même de ces régimes, le communisme présentait un encéphalogramme plat. L’élan communiste a été récupéré par des types abominables mais je ne suis pas suffisamment familière de son histoire pour te faire une répartie bien sentie. Je vais juste dire : normalement, lorsqu’on vit en commun, on ne tue et on n’exploite pas les gens. C’est un peu l’antithèse du truc en fait. Pis ta gueule, voilà, ferme ta gueule et retourne spéculer sur la mort de personne dont tu te fous.
On met ensuite en parallèle les morts du colonialisme, les génocides commis par les blancs et le vampirisme blanc qui a permis de s’enrichir presque gratuitement en exploitant la main d’œuvre locale.
Et puis, on parle ensauvagement.
🐦 « L’ensauvagement est un terme polysémique, utilisé notamment en sciences sociales et politiques, et depuis les années 2010 en France, de manière controversée, d’abord par l’extrême droite, puis par une partie de la droite, pour dénoncer une montée de la violence et de la délinquance, phénomène en réalité complexe à mesurer comme à interpréter statistiquement sur une échelle de quelques années, et dont la tendance est plutôt stable, voire à la baisse pour certains indicateurs, sur une échelle de plusieurs décennies. L’été 2020 a vu le terme diffusé dans les médias au sujet de plusieurs agressions mortelles, jusqu’à être utilisé à différentes reprises par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, critiqué y compris au sein de la majorité, tout en recueillant un écho de l’opinion publique. »
(Wikipedia)
Les sauvages, c’est pas nous. Les sauvages c’est eux-lles. Les autres, les gens qui vivent pas comme nous, ceux-lles qui refusent la Civilisation et ses Bienfaits et qui ruinent notre Brave Patrie en…tirant des feux d’artifice sur les flics et heu en venant chez nous sans papiers.
La course au profit fait de nos grands patrons et de nos politiques des rapaces, et encore c’est pas sympa pour les rapaces. Le sang, il y en a sur leurs mains, pas besoin d’aller extirper Mao de sa tombe pour en trouver, du sang. Même l’espace interstellaire du cyberfutur devient privatisé : tu peux aller forer un astéroïde. Si tu en as les moyens. Il n’y a plus de limite à l’enrichissement (des riches), chaque pan de nos vies est sous contrôle.
🐨🐨🐨
« Le capitalisme est-il moral ? »
Oh je sais ! Je sais ! Je sais ! 🙋♀️
(C’était une question rhétorique, je crois)
Ici, on parle d’André Comte-Sponville et de son agrafage de feuilles avec une couverture semi-rigide destiné à prouver que l’économie n’a pas plus de morale que les mathématiques, et que donc je fais ce que je veux, mademoiselle. En plus, il gagne sa vie en donnant des conférences hors de prix, il se fait ton salaire en 3 minutes de lecture, va bien te faire foutre, bisou.
Cette concurrence acharnée à qui aura le plus de villas et de yachts et des rivières de diamant aussi détruit littéralement la Terre, en surface, sous terre, dans les cieux, dans l’espace, le système s’auto-digère car l’illusion d’un rendu infini, ou du moins l’illusion affichée, car à mon avis ils en ont rien à battre, sape chaque étape de la vie future. Il est assez évident qu’on ne peut pas dire « YOLO » alors qu’on vit une sixième extinction de masse et que le réchauffement climatique va venir nous grignoter les orteils pendant la nuit.
☠️ Et pourtant ☠️
🐦 « Dans les années 1970, la Ford Motor Company s’aperçut d’un grave défaut de conception sur le réservoir de sa Fort Pinto, avec un risque d’explosion. Elle calcula qu’il serait plus rentable d’indemniser les familles des victimes plutôt que de rappeler des voitures. D’après les projections qu’elle connaissait, en moyenne 180 personnes décèderaient chaque année pour cette raison. Comme, selon ses prévisions, l’indemnisation pour chaque victime s’élèverait à 200 000 dollars, soit environ 36 millions, c’était bien loin des 137 millions que lui aurait coûté le rappel : elle pouvait donc toper là.[…] Il y eut des poursuites judiciaires contre Ford pour homicide involontaire, notamment après la mort de trois jeunes filles en 1978, bloquées dans leur voiture tandis qu’elle prenait feu : Ford savait que les victimes mourraient brûlées. Mais le coût de ces procès d’infirma pas son pronostic. En 1978, la firme dépensa un million de dollars pour se défendre avec une armée d’avocats. Bien lui en prit : le géant de l’automobile n’eut à débourser que 7500 dollars pour chaque partie civile. »
(p.29)
Si Ford était la seule entreprise sans l’ombre de la queue d’une règle d’éthique, à la limite, voilà. Mais heu…non, en fait, c’est généralisé, désolée. Nestlé. Mein gott, Nestlé, les 50 000 dossiers contre Nestlé…Puis on parlait Bolloré et là aussi on a de la bonne came en matière de « Ni Dieu Ni Maître Ni de Gauche ».
Ces gens n’ont pas d’âme, pas de regrets, pas de conscience, rien qu’une béance dans le portefeuille, une béance inesthétique qu’il faut combler avec des billets, sauf que la béance est sans fin.
La dissonance est attendue, recherchée. On préfèrera garder un manager toxique et indemniser ses victimes, plutôt que de le licencier. Parce que c’est plus rentable. Ecoute, Ludivine, on peut s’appeler si tu veux, j’ai un exemple remarquable en tête d’une entreprise qui conserve un harceleur depuis pas loin de 15 ans. On lui a fait son petit service à lui tout seul, pour qu’il nuise dans son coin. Et moi, je n’aurai sans doute jamais justice, je suis déjà trop abattue.
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La justice ? Quand ? Comment ?
Est-ce que les protestation infinies des manifestant-es ont été seulement écoutées, à défaut d’être entendues ou mêmes…prises en compte ?
On met en garde à vue des personnes qui disent du mal de notre cher Ministre de l’Intérieur, on arrête pour « outrage » (au capital). On a cru que les Gilets Jaunes feraient « quelque chose » : on leur a prêté des pouvoirs et des intentions, tantôt gauchistes, tantôt complotistes, chacun se moquant de l’autre dans des bisbilles de pureté militantes de mes gonades. Et il ne s’est rien passé, pas plus que durant Nuit Debout, rien ne s’est passé, sauf des mort-es et des blessé-es.
Quel ordre est défendu ? Quelle justification pour les injonctions au calme et à la passivité ? Comment justifier les violences policières et cette séparation des autorités de son « public » ?
🤬 Il n’y en a pas, mais si tu continues à faire chier avec tes questions tu t’étonneras pas si ça sonne chez toi à 6h demain matin.
Comment justifier le fait qu’on vende des armes à des dictateurs ? On va pas me faire croire que personne ne sait ce qu’on fait d’un fusil mitrailleur, dans ce secteur. C’est une belle source de revenus. Pour qui, j’en ai aucune idée, mais ça rapporte. Alors on glisse sur la question de l’éthique comme une ballerine de traineau : avec élégance, avec cynisme. Tu veux voir ma collection de pièces d’or ? Je t’en donnerai une. Et voilà, oublié le gros chagrin pour les gens morts avec nos armes, tu as vu ? Magiiiiie !
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On parle ici des exilé-es qui meurent à la mer. On parle de Pia Klemp qui risque la prison pour avoir sauvé 219 personnes de la noyade.
Va essayer de me dire que le monde va bien lorsque tu risques la prison et 219 x 15 000€ d’amende. 3 285 000€ pour avoir sauvé des gens.
Va essayer de me dire que les forces de l’ordre sont au service du peuple quand elles déchirent tous les jours des tentes à Calais.
C’est pas un tout petit peu le monde à l’envers, des fois ? On pille des pays entiers pendant des décennies entières, puis on refuse en bloc les personnes qu’on a nous mêmes appauvries ? Sans déconner ? Normalement, on devrait juste s’excuser, bafouiller et se sortir les doigts du cul pour réparer autant que possible ce qu’on a créé, non ? Non. On a inventé la Dette et on s’est dit que ça suffirait largement.
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Et tout ceci est soutenu par une consommation effrénée. Faut que le monde tourne, les version d’iPhones à 2000 boules doivent se succéder, on diminue la durée de vie et la réparabilité du matériel pour forcer des rachats. Au lieu de réfléchir pour de vrai à notre impact sur la planète, on achète « responsable » sous un des mille logos qu’on sait mensongers mais en qui on a quand même confiance, au cas où. On invente des solutions technologiques de ouf au lieu de juste se dire « Si on s’arrête maintenant, on peut encore sauver les meubles ». Adieu sobriété, bonjour projets d’extraction minière sur un astéroïde. Logique. Tout est logique, tant que le mot « logique » sera synonyme de « rentable » dans la tête de ces gros crevards.
Alors, Ludivine Bantigny nous parle d’un « et si ? »
Pourquoi abolir la propriété privée ? De quelle manière ? Et la Démocratie, d’abord ? Est-on vraiment dans un système dirigé par le peuple ? (Ok cette question là est fastoche)
Et si on rétablissait les « communs », comme au Moyen-Âge ? Des terres partagées par toute une communauté qui permettait de récolter des fruits, de trouver du bois, de puiser de l’eau. C’est pas si utopiste, en vrai. Moi, j’aimerais bien rencontrer mes voisin-es, partager autre chose que les charges de la copropriété, faire un truc de notre cour, pour qu’elle soit plus qu’un tas de gravier sur lequel poussent de petites succulentes. Il existe des communautés de vie très éloignée de l’idée de « baba cools » qu’on distribue aujourd’hui. C’est pas un délire de meuf en pattes d’eph, cliché entretenu avec soin par le capital pour les discréditer : ces gens sont de sales hippies utopistes, lol.
Mais à un moment, la thune te protègera plus de la canicule, tu crèveras comme tout le monde, Jean-Nuisible.
Qu’est-ce qui est plus utopiste ?
Penser que la Terre a des ressources infinies et après moi le déluge ?
Penser que la vie peut ne pas être guidée par l’appât du gain et que les gens méritent tous les mêmes droits ?
Passer ses vacances sur un bateau monstrueux en se disant que la vie est belle ?
Passer ses vacances à profiter de nos proches, vivre des moments ensemble ?
Je sais pas, je demande.
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Les derniers mots de cet essai sont « le bonheur ».
C’est précisément ce à quoi on ne pense jamais quand on produit toute sa vie dans le but de produire pour ensuite encore produire, puis jeter, puis acheter, puis produire, puis mourir.
Qu’est-ce qui nous rendrait heureux-ses ?
Une piscine pleine de pièces d’or qui te pète les bras quand tu te jettes dedans ?
Un manoir de 116 pièces dont du occupes seulement 10% mais qui est super classe ?
Un super bateau que tu utilises 3 jours par an car tu n’as pas de congés ?
Je sais pas, je demande 😬