18-19 déc. 2020 à 11:15

Heure de réveil : 5h12 (je me suis couchée tard)
#guidemilitant

Ce billet est publié avec un peu de délai, j’ai une vie ce matin. Mais ça va, c’est une vie genre aller chez la kiné, t’en fais pas, c’est pas une vie genre aller m’éclater en boîte à 8h du mat.

En plus, je rame. A la limite on dit on garde ce billet pour plus tard ? Nan je peux plus reculer.

Allez lets pwn (les deux billets ont été fusionnés pour plus de lisibilité)

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GUIDE DE SURVIE EN MILIEU E-MILITANT

Règle n°1 : Les gentes ne sont jamais qui tu crois.

C’est la règle la plus importante. Ne fais confiance à personne et ne préjuge de rien, et c’est valable que tu sois féministe ou pas. Si tes amies IRL peuvent te trahir et balancer des horreurs sur toi, imagine le champ des possibles lorsqu’on est protégée par un vernis d’anonymat. Choisis bien les personnes qui t’entourent. C’est vraiment important parce que quand (et pas «si») ça tournera mal, tu auras besoin d’une épaule sur laquelle pleurer.

Comme avec les mecs, le meilleur indicateur de toxicité ce sont les ex. La personne est méprisante avec les autres ? Elle risque de l’être avec toi. Le vent tourne vite ici bas.
Méfie toi des personnes trop sympa (comme moi). On a toustes un masque de sanité, d’autant plus confortable quand on est en ligne. A titre perso, j’ai tendance à me confier surtout à des personnes que je connais relativement bien dans la vie. Déjà, je sais où elles habitent (une adresse postale peut être une arme oui), on a pu échanger pour de vrai, dans l’ensemble on trahit un peu moins les personnes de qui on se sent proche.

Si la personne est loin, tu as complètement la possibilité de faire confiance aussi, certaines fantômes des internets connaissent tout de ma vie et je sais que mes secrets les plus honteux seront bien gardés. Dans l’exaltation on a vite tendance à trop se livrer, donc prudence.

Les red flags

Ton interlocuteurice :

🍀 Te pose beaucoup de questions sans se livrer pour autant. C’est parfois très bien amené et diffus dans le temps, on ne s’en rend pas tout de suite compte. Mais si ta pote te pose mille questions et esquive les tiennes d’une manière ou d’une autre, ce n’est pas forcément parce qu’elle veut te laisser la place de t’exprimer.

🍀 Te tend des perches. Genre question casse-gueule. «Allez, entre nous, machine, tu en penses quoi ?» sans te livrer sa réponse en retour, bien sûr, ou en abondant dans ton sens sans se mouiller.

🍀 N’est pas cohérente dans son propos ou se contredit sur des trucs mineurs. Si quand tu pointes du doigt une incohérence et que la personne se lance dans une grande tirade : bingo.

🍀 Est trop complaisante. Dit oui à tout. Boit tes paroles sans discuter ou n’utilise que des phrases d’encouragement à continuer sans se mouiller pour autant.

Si j’ai UN conseil à donner : privilégier les amitiés IRL ou les amitiés virtuelles longues. Les échanges d’information sont autant de preuves de confiance : si la conversation est unilatérale, attention. On est souvent trop contente de rencontrer quelqu’un’e qui est passionnée par notre existence dans ce cyber-monde-de-merde pour être vigilante.

Je te dis ça, j’ai passé des années sous emprise virtuelle d’un mec qui m’avait menti depuis le début sur tout. Ça arrive même aux meilleures alors à moi…

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Règle n°2 : Tu ne sais pas à qui tu parles non plus.

Les mecs cis blancs opprimés sont en général assez faciles à identifier. Ça beugle, ça prend toute la place dans la violence, ça pose sa merde et ça s’en va, drapé dans sa dignité ou escorté par la modération.
Ils ont des photos d’eux, en photo de profil, en général. Car personne ne va les emmerder à cause de leur visage ou faire des réflexions sur leur physique de rêve.
En général en moins de 3 posts tu sais à qui tu parles (au pire, tu demandes).
Là c’est le cas facile.
Après, il y a TOUT LE RESTE.
Parfois, tu vois un mec te répondre. Mais en réalité c’est peut-être une personne assignée femme qui a transitionné. Et ils n’ont pas forcément envie (ni l’obligation) de dire « Oui mais je suis pas un mec cis en fait ».

Donc méfie-toi de tes certitudes. Tu peux énormément blesser une personne en présumant de son genre. Dans le doute, va lurker le profil de la personne avec qui tu parles. Sachant que les mecs cis het sont repérables comme un gros drapeau rouge sur la banquise, si tu as un doute, franchement, abstiens-toi. J’ai trop eu de potes sérieusement endommagés par ce type de préjugés, d’autant plus douloureux lorsqu’ils viennent de «notre camp». Par ailleurs c’est un peu une faiblesse argumentative que de présumer du genre. De la même manière, tu ne peux pas voir la maladie, le handicap, la couleur de peau (whitepassing bonjour), le statut amoureux et que sais-je encore.

Si tu regardes ma vie sur papier t’as la totale féministe blanche bourgeoise cis hétéro mariée avec enfant. Sauf que je suis survivante de viols et de violences, que je suis malade sous traitement lourd et que j’ai encore 1000 autres trucs invisibles sur le dos. C’est juste pas marqué sur ma gueule.

Ça arrive souvent qu’on présume de mon statut, et honnêtement ça me reloute, ça me gave, ça m’enquiquine comme dirait ma mamie, de redéballer la litanie des oppressions dont je suis victime pour dire que si, si, j’ai le droit de m’exprimer. Je le fais de bon coeur parce que je comprends les raisons qui m’obligent à préciser ma situation, notamment car la parole revient en premier lieu aux concernées. Mais j’aimerais qu’on cherche une solution plus safe pour les militantes.

Autant un remballage envers un mec qui est décidément totalement dans le camp de l’oppresseur me met en joie, autant la mise au pilori de militant-es qui sont obligé-es de s’outer pour se défendre me donne envie de tenter la mort par abus de thé blanc. Aromatisé au cyanure.

🦑🦑🦑

Règle n°3 : Chacune a ses cuillères

(La théorie des cuillères : https://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_des_cuillères)

Des fois on s’enferme dans un débat au détriment de tout bon sens. C’est normal de vouloir avoir raison, je comprends bien le truc, mais un petit pas de côté de temps en temps pour te demander si tout cela en vaut bien la peine ne fait pas de mal.

Maintenant ce que je fais c’est que dis «écoute, on est pas d’accord, je pose mon truc et je me casse, bisou». Pourquoi ? Parce que je sais que je suis lue par des personnes qui ne commentent pas, que je veux mettre un terme à une situation qui s’enlise sans pour autant abandonner. Et je désactive les notifs.

C’est le gros avantage des messages écrits : ils sont là, le message est porté.

On ne se rend pas toujours compte de la quantité astronomique d’énergie nécessaire au suivi de certaines conv sans fin. C’est totalement ok de stopper. On s’en fout de l’honneur, de la fierté, du fait que t’aies raison. Moi, ce qui me préoccupe c’est ta santé mentale. Il vaut parfois mieux couper court et s’en sortir sans trop de dommages. On s’en fout, qu’une personne random ne soit pas d’accord avec nous. C’est qui, en plus ? Qu’est-ce qu’on s’en cogne ? Personne ne mérite que tu t’épuises, surtout pas un connard.

Il y a très très peu de chances que tu réussisses à convaincre un mascu (ou n’importe quel cis dude cela dit) qui arrive en bulldozer sur une conv. Autant le tourner en ridicule et se casser avant de tomber dans leur vortex de merde, vraiment. On s’en fout. Moi je tiens à toi et je sais que tu as raison.

 

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Règle n°4 : apprends le vocabulaire et les notions de base.12(( https://lesguerilleres.wordpress.com/2020/08/10/lexique/))

Si tu ne comprends pas un terme, dis-le. On a toustes commencé quelque part. Si tu n’oses pas demander, recherche ou demande à une amie militante de t’expliquer en privé. On est toujours ravies de faire de la pédagogie utile. Not sarcasm, on aime bien en général, ça change des échanges stériles mentionnés ci-dessus ou des mecs qui viennent en réclamant qu’on les éduque.
D’ailleurs si tu es en dèche sur quelque chose, tu peux m’écrire, je te répondrai avec joie.

Mais c’est un point vraiment essentiel : documente-toi. Il existe pas mal de textes de vulgarisation, j’en ai même écrit plusieurs moi-même (je sais, ta surprise est totale)3.
Et attention aux pièges : dans le vocable militants, certaines expressions ne signifient pas ce qu’elles signifient. On utilise beaucoup le sarcasme, par exemple. Ben faut le savoir. Quand tu débutes c’est pas évident de savoir si on se fout de toi ou si on te parle pour de vrai, c’est inconfortable et c’est pas des pratiques sympa, en fait.
On est pas non plus toustes titulaires d’un doctorat en gender. J’ai jamais été à la fac, déjà, là dessus tu peux être rassurée. Certains pavés sont complètement imbuvables, peu importe ton expérience dans le domaine. Les phrases de 30 lignes pour expliquer une notion simple c’est sûrement génial en dissertation ou dans un mémoire ou que sais-je de ce qu’on demande à des étudiantes, c’est nettement moins pertinent dans un groupe mainstream.
Ce type de pavés ne s’adresse pas forcément à nous, c’est ce que je me dis. Iels ont leur langage, leurs coutumes, iels aiment bien se répondre des trucs trop compliqués pour nous et sont même parfaitement autonomes car leurs messages ne nécessitent la plupart du temps pas d’autre réponse qu’un like. Moi j’aime bien les lire, parce que ça m’instruit, mais qu’est-ce que tu veux ajouter ?

Je ne dis pas que c’est «nul», juste que je ne suis pas le cœur de cible, je suis une meuf qui parle comme une sagouine, par choix, j’ai mis du temps à commencer les essais féministes fondateurs et j’en ai encore masse en réserve, je ne suis pas universitaire et après plusieurs années d’impuissance et de sentiment d’imposture couplé à une conviction de ne pas être à la hauteur, j’ai lâché l’affaire. C’est pas «moi». C’est une forme de militantisme totalement respectable, qui n’est juste pas la mienne.

Moi j’explique simplement des concepts compliqués. Mais le matin en râlant.

🐒🐒🐒

Règle n°5 : les vieux dossiers

Réfléchis bien. Tu AS des vieux dossiers. Un texte antiféministe nul de 2011 (oui, j’ai écrit de la merde des fois), des tweets de 2012 dans lesquels tu avoues ta passion pour Burger King, des like douteux, des appartenances à des groupes de merde dont tu as oublié l’existence… D’abord, va voir ces likes et les groupes en question. On oublie, moi la première, qu’on a un jour été sur un groupe pourri, et t’inquiète que ça te sera renvoyé à la gueule.

Attention, si tu quittes un groupe en lequel tu n’as plus confiance, supprime les posts où tu te livres (AVANT de leave par contre, parce qu’après tu vas revenir vers une modo pour lui demander de le faire à ta place et ça va la gaver de chercher sur 6 ans de groupe chacun des posts.). Ça m’est rarement arrivé d’effacer des choses mais sur certains groupes de parole que j’ai dû quitter, un peu que j’ai supprimé mes témoignages…sur des sujets super intimes, ça peut se considérer.

Je te dis ça en tant que modo d’espaces «les plus safe possibles»((Tu oublies pas, hein ? Tu effaces AVANT de quitter !)) : si tu n’est pas connue, tu seras examinée lors de ta demande d’admission dans un groupe. Photos, posts, like, groupe, pages. Et on est mille fois pire avec les cis dudes, si ça peut te rassurer. Eux sont également mille fois pire avec nous, alors…
Fais aussi attention aux informations visibles en public sur ton profil !

C’est injuste ? Totalement.
Les gens changent, j’en suis la preuve, toi aussi, sans doute. Mais crois-moi, vaut mieux être vigilante.
Si tu as du vieux dossier mon meilleur conseil c’est de l’assumer totalement. Ça prend à contre pied tes détracteurices. Oui, j’ai commis un article de merde4. Je ne l’ai pas supprimé, je l’ai amendé et j’ai fait un article explicatif en profitant du truc pour décortiquer toutes les conneries antiféministes qu’on peut véhiculer. Et du coup c’est passé. Le premier geste est souvent d’effacer, mais ça peut avoir l’effet «choses à cacher». Assumer est souvent plus efficace. Oui, j’ai dit et écrit de la merde. J’ai aussi fait des trucs vraiment moches dans ma vie. Ben…c’est fait. La question n’est plus de savoir ce que tu aurais pu faire mais de quelle manière tu vas le gérer aujourd’hui. On se plante, tout le temps, et heureusement car sinon on avance pas.
Là on est surtout sur des histoires d’ego et je sais que c’est pas si simple.

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Règle n°6 : Cramer les idoles

Comme partout, le milieu militant dispose de «figures» plus ou moins charismatiques. Elles sont actives, parlent bien, entraînent les foules et t’as envie de les admirer tellement elles sont badass5.
Sauf que ce sont des personnes humaines. Elles se plantent aussi, parfois. Elles se plantent parfois mais elle disposent d’un avantage de taille : leur cour de fidèles. Tu retrouves comme ça des militantes qui vont défendre de tout leur petit cœur une meuf toxique qui tient des propos hallucinants, parce qu’elle «bosse bien». Elle est utile, trop utile, on peut pas la contredire. Donc on passe outre, on continue.

Mais à un moment, faut vraiment cramer les idoles, toutes, quelles qu’elles soient. Il m’arrive qu’on m’envoie des MP en mode «j’admire ce que tu fais» et ça me met super mal à l’aise parce que c’est tout sauf moi (et c’est pour ça que j’ai une audience très restreinte). Tout comme je ne mets pas de watermark sur mes images, j’ai envie que mes mots portent plus que mon nom. Si on copie un de mes textes sans me créditer, ouais, ça me fait un peu chier, mais ça signifie aussi que ce texte est suffisamment intéressant pour être diffusé. Que ce soit signé par moi ou pas, on s’en fout.
On a un gros problème d’idolâtrie mais c’est un peu pareil dès qu’on touche à l’associatif et au militantisme. On a BESOIN de figures charismatiques, oui, de personnes qui portent notre voix, mais il faut aussi rester attentifves. Quand on est adulée, forcément, c’est agréable, on tombe dedans. Je dis ça alors qu’il y a des figures de proue du féminisme dont je suis une vraie fangirl. Sauf que je sais qu’il est possible que mon idole fasse de la merde. Ça fait mal, mais…c’est normal.

Good boy !

🐢🐢🐢

Règle n°7 : connais tes limites

On est pas là pour performer. On est là pour avancer ensemble. C’est pas grave si tu ne peux pas bouger, si tu as du mal à aller aux événements, si parfois t’es juste pas en état.
L’intérêt à être nombreuxses c’est qu’on peut passer le relais entre nous. Et moi je te préfère reposée qu’épuisée par des nuits de pseudo-débat interminables.

C’est pas être lâche ou faible que de prendre un peu de distance, de stopper un échange, de laisser tomber. C’est même souvent salvateur. Ne t’épuise pas. Nous on veut que tu sois bien, surtout, c’est pas la peine de te forcer si c’est pour finir en burn-out militant. TU NE DOIS RIEN A PERSONNE, y compris aux autres militantes. Tu ne dois pas d’explication, de justification, tu as le droit de dire «ouais, j’en ai marre» et partir te siffler des Mojito à la fraise en terrasse((En quoi ?)).

De toutes façons on finit par se «spécialiser» avec le temps. Il y en a qui débattent, qui ont les nerfs pour, la patience, le temps. Il y en a qui arrivent juste pour troller atrocement les imbéciles, c’est ce que je fais (je les fais parler sans les lire et je dis j’ai rien lu et je me casse, par exemple, c’est un outil thérapeutique extraordinaire). Il y en a qui relayent toutes les infos, qui passent des heures en MP avec des victimes pour les accompagner, qui écrivent des billets interminables de bon matin… rien que le fait de te renseigner et de chercher à apprendre est utile, indispensable. C’est pas grave si tu fais pas de collages, parce que tu as les ressources pour faire beaucoup d’autres choses. Même les personnes qui ne font «que» relayer des articles sont hyper utiles. Et ça leur prend du temps, souvent. Aucune action n’a aucun impact.

Tu es utile à la Cause, quoi qu’il arrive.

🌻🌻🌻

Règle n°8 : Dans le doute, réfléchis

Je vois à peu près tous les jours une personne, visiblement débutante, se faire violemment ramasser pour avoir posé une question soit bateau soit super problématique dans sa formulation (Souvent du mégenrage6). Et, franchement, j’ai juste envie de dire un truc : apprends, observe. Ta question a sans doute déjà été posée mille fois

Si ta question est d’ordre théorique, regarde si elle n’a pas déjà été adressée par d’autres (vu la littérature qu’on a, je me demande ce qui n’a pas été adressé). Si tu n’as rien compris au jargon et que malgré tout ça reste confus, précise que tu t’es déjà renseignée sur le sujet pour éviter le «let me Google that for you». Oui, tu as fait l’effort de chercher et c’est apprécié.

Si tu évoques une situation dans ton post, par exemple les relations avec ton compagnon toxique, fais aussi attention à la formulation. Par exemple, si tu dis «Mais pourtant c’est un mec bien» tu peux être sûre que 99% des personnes qui te liront, moi compris, lèveront les yeux au ciel en se disant, chérie, ils sont tous comme ça…mon exemple est futile mais c’est un bon exemple de ce que je vois chaque jour.

Tu vas me dire que c’est de la censure, et c’en est. Tu ne peux pas débarquer sur un groupe et demander « Au fait, t’as quoi dans la culotte ? » à tout le monde. J’ai vu faire ça, et j’ai beau être quelqu’une de sympa,
Ne poste pas deux secondes après avoir intégré un groupe. Lis les règles. Explore un peu les posts, pose des questions en commentaires (C’est mieux vécu que de créer un post tout entier rien que pour toi, tu auras plus de réponses dans les commentaires que si tu exposes maladroitement une situation en frontal).
C’est frustrant mais ça peut te sauver la mise.
Saisis les opportunités de t’éduquer en lisant les autres. On explique plus volontiers à une personne qui a la volonté de comprendre qu’à quelqu’un’e qui arrive sur un groupe en demandant pourquoi on dit « tous les hommes » alors que le cousin de son voisin de palier a été sympa en 2002
C’est frustrant mais ce n’est que le début de la frustration, on va pas se mentir.

Saisis les opportunités de t’éduquer en lisant les autres, en général rien que dans les commentaires tu as l’équivalent de 3 annuaires de références.

On explique plus volontiers à une personne qui a la volonté de comprendre qu’à quelqu’une qui arrive sur un groupe en demandant pourquoi on dit «tous les hommes» alors que le cousin de son voisin de palier a été sympa en 2002.

🐢🐢🐢

Règle n°9 : Joue le jeu

Tu arrives dans un monde avec ses règles et ses contraintes. Un monde bienveillant dans l’ensemble, heureusement, mais un monde avec ses règles et ses contraintes. Je comprends la lassitude des militantes quand il s’agit d’expliquer pour la millième fois des trucs bateau comme le NotAllMen ou la colorblindness alors qu’il y a un million de ressources disponibles en cherchant deux ou trois mots sur ton moteur de recherche préféré, très honnêtement.
Il y a des éléments de langage à avoir, des notions à connaître et tout ça mais le plus dur sera sans doute ce qu’on appelle la ‘déconstruction». On va éclater tes préjugés façon Miley Cyrus du BTP. Et ça sera extrêmement inconfortable. Tu vas en chier et on est toustes passées par là, ouais, même la figure iconique que tu n’as pas cramée dans les pages précédentes.

Et, c’est normal, tu vas souffrir de «réactance». On te dit un truc qui contredit tes certitudes, tu résistes, ça rentre pas. Tu as l’impression qu’on tente de faire entrer un rond dans un carré. Bien souvent, en fait, y’avait ni rond ni carré mais un blob du gender flottant dans l’espace.

C’est souvent le cas quand on parle spectre du genre, oui. C’est contre-intuitif que de considérer le genre comme un spectre et beaucoup plus rassurant de se cantonner à la binarité H/F.
Le «not all» pose aussi souvent problème ; la distinction entre ce qui est personnel et ce qui est systémique est parfois tendue à comprendre.

Pose-toi la question : ma réaction est-elle due à une opposition sincère au concept ou suis-je vexée ? Si ta réaction fait appel à tes tripes, que tu es soudain hyper fâchée par ce qui est dit, attention, tu es sûrement dans la réactance. Le propos te heurte, toi, mais ne t’es pas forcément destiné personnellement.
Attends quelques minutes, respire, relis.
Les réponses sous le coup de l’émotion sont celles qu’on regrette le plus par la suite.

Confession : un concept qui m’a donné du fil à retordre a été la non-binarité. J’ai mis un certain temps à comprendre les enjeux et l’importance de cette lutte-là. Mais je savais que c’était moi qui avais un souci avec le concept et que c’était pas le concept qui était déconnant mais bel et bien ma vision binaire des choses. Je ne saisis pas encore tout, et c’est normal. Step by step.
Et du coup, je ferme bien ma gueule sur ce sujet que je ne maîtrise pas. Je le vis bien, ça va.

🐙🐙🐙

Règle n°10 : Entoure-toi bien

Je l’ai déjà mentionné dans le premier point, je le redis dans le dernier. Le milieu militant est parfois très dur, se retrouver seule face à des personnes qui te gueulent dessus parce que [insert random bullshit] est traumatisant pour peu que tu aies un cœur. Je lis parfois des échanges entre «bébé-militantes» et militantes aguerries, ça dépend du lieu mais s’aventurer touste seule dans le grand monde est très casse gueule (S’il y a un tome 3, tu verras que ça m’arrive encore).

Du coup, les potes vont être d’un précieux soutien.
Si tu ne connais personne, regarde qui intervient sur le groupe et comment. Il y aura toujours au moins une personne-ressource bienveillante qui voudra bien te guider. Elles sont facile à repérer : elles gardent leur calme tout le temps et répondent inlassablement. En général, d’expérience, toussa, elles sont aussi adorables en privé qu’en public.

Elles ne deviendront pas tes BFF mais elles pourront t’aiguiller, te conseiller des pages, des groupes.
Leur mission divine est extraordinairement chronophage (la pédagogie bénévole ça use, regarde les profs) donc évite de les épuiser toi aussi. Bon, ça t’arrivera quand même au moins une fois de te taper la mortification intersidérale. On a toustes posé des questions idiotes au lieu d’aller demander à Google.

Alors, entoure-toi bien et avec précautions. Et tu vas sans doute créer des amitiés extrêmement fortes que t’hallucines à quel point les gentes peuvent être solidaires entre euxlles.

Sisterhood/The Blooming Apples
For a fundraising event in support of survivors of domestic abuse and sexual assaults
https://www.roshirouzbehani.com/

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Règle bonus : Ne poste rien qui puisse te porter préjudice

C’est moche mais on est dans un monde de screenshots. C’est utile, les dossiers, quand on fait face à des personnes toxiques qui vont reproduire les mêmes situations partout où elles passent. C’est utile avec les personnes qui ont un double discours. Et comme avec tout outil, c’est bien joli mais c’est pas fun. Tu as des personnes dont l’activité principale est de détourner tes propos. Je sais pas, ça doit être marrant.

Et ça va loin hein, ça peut être des «attaques» coordonnées par MP sur une conversation, pour te pousser à la faute tout en jouant l’oie blanche quand tu gueules. Y’a vraiment des gentes qui s’emmerdent, dans la vie, ouais.

C’est pour ça que poster sous le coup de la colère est un gros gros piège. Respire.
Si on te pose une question demandant de préciser ton propos, méfie-toi : vaut mieux ne rien répondre que de s’enfoncer encore dans un argumentaire pourri. Parce que tu vas répondre et tu vas te faire happer par un débat sans fin avec des personnes qui, elles, ont tous les codes.

N’hésite pas à reprendre la question de la personne dans ta réponse : ça recontextualise ton message et ça rend plus difficile la récupération ultérieure. La stratégie la plus efficace à mes yeux est d’admettre son ignorance. On est toutes passées par là.

Ok, tu as dit une connerie. Ça arrivera encore (souvent) et c’est pas la mort.

♻♻♻

Ce guide de survie destiné au milieu féministe sans gluten ni lactose et produit équitablement peut s’appliquer, je pense, à un peu tous les groupes de militantes gauchistes et d’une manière plus globale aux usages d’internet. Comme partout, fais attention aux informations que tu donnes.

Je sais très bien que ce guide explique que le monde militant est toxique. Il l’est.
Mais il est aussi fabuleux, ce monde. J’y ai rencontré des personnes extraordinaires, j’ai déjà chialé devant la solidarité inaliénable qui nous lie malgré tout.

On a aucun devoir d’exemplarité. C’est encore demander la validation des dominants que de se plier à leurs demandes. Trop bruyantes, pas assez sympa, folles, on sera toujours toujours toujours critiquées. Foutu pour foutu…
Le milieu militant est à la fois génial, salvateur et toxique. Planquer le sujet de la violence militante sous le tapis ne nous aide pas à avancer. Je m’en fous qu’un mec cis random me lise et dise « Han c’est la jungle dans leur monde à ces hystériques ». Il aurait sans doute dit ça sur autre chose. Convaincre ceux qui ne veulent pas l’être, ça sert à que dalle. En plus quand tu vois la violence sur les groupes mainstream/apolitiques/de droite, tu te dis qu’on est pas si violentes, finalement.
Ces gens vont être offensés par un point médian et t’insulter mais c’est toi la fragile, tsé (oui on en a déjà parlé). A mon avis, c’est cette injonction à l’exemplarité vis à vis des dominants qui nous dessert plus que de dénoncer nos propres problèmes.

PERSONNE NE DESSERT LA CAUSE

On est ensemble, parfois pas sur la même ligne, mais ensemble. Le milieu militant est dur mais je ne regrette pas un seul instant d’y avoir fait mon nid. J’y ai rencontré des amies qui font désormais partie de mon quotidien, j’ai eu l’occasion de lire plein de trucs intelligents, critiques, enrichissants.

Personne ne dessert la cause (mais va quand même sur Google avant de poser des questions s’il te plaît)

Ce billet a donné lieu à un album insta, la Jeanne du Futur s’occupera d’aller chercher le lien, j’ai la flemme. J’ai toujours la flemme mais j’ai le lien, on est dans le futur :
https://www.instagram.com/p/CNg6NtxIGTg/

  1. https://urbania.fr/article/le-petit-lexique-du-feminisme-2 []
  2. https://gazettedesfemmes.ca/13419/labc-du-feminisme/ []
  3. dont celui-ci : https://aucreuxdemoname.fr/blog/feminism-101-4/ []
  4. On parle aussi d’effet Streisand… btw mon article pourri c’est par là : https://aucreuxdemoname.fr/blog/feminisme-pourquoi-jai-change-davis/ []
  5. Si un jour je deviens comme ça vous avez la permission de m’abattre. Ok c’est radical, mais terriblement dissuasif pour moi ! []
  6. Attribuer un pronom erroné à une personne : « elle » au lieu de « il » par exemple, ou inversément. []