Si on demande à n’importe qui ce qui existait avant l’économie de marché, le n’importe qui va sans doute te répondre : le troc.

Alors que non. Encore une fois, Adam Smith (le parrain du capitalisme durant les Lumières) nous a trahi-es.

On va expliquer tout ça, t’en fais pas. L’intro est un peu sèche mais il est 5h33 et j’ai encore les marques de la couette sur la joue.

Avant tout : je suis tout sauf anthropologue ou économiste. Tous les commentaires et ajouts sont les bienvenus.

Extrait d’un cours de SES qui explique le troc

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Comment faisaient les gens avant la monnaie ? Hein ?

Ils échangeaient des ânes contre des bananes contre des tabourets en bois contre une statuette et mettaient vraiment un long moment avant d’atteindre le type qui brassait de l’alcool dans sa cahute.

Parce qu’évidemment, se contorsionner pour faire coller la théorie à une histoire qu’on ne connaît pas encore (les Lumières c’est 1715-1789) ça rend des trucs absolument logiques comme ça. Et si tu te bases sur le monde dans lequel on vit, tu ne peux pas vraiment conceptualiser autre chose que les rapports marchands. Toi, tu vas acheter ta bière direct à Auchan avec ta CB et ça te fait bien marrer d’imaginer ce type avec ses bananes et ses tabourets en bois. Qu’est-ce qu’on était nul-les, avant !

Le seul gros souci, c’est la double coïncidence des besoins : j’ai besoin de picoler, mais j’ai que des bananes. Il faut que je trouve une personne ayant de l’alcool et aimant les bananes.

Sauf que les gens d’avant n’étaient pas plus cons que nous. Penses-tu vraiment qu’il y ait eu des tables de conversion pour estimer que 15 bananes valaient une pinte de bière ? Dans des civilisations parfois sans écriture ou sans système de comptabilité ? Des civilisations sans capitalisme mais avec des monuments tout de même vachement classe, à moins que les pyramides aient été construites par Maître Gims, je sais plus.

Les gens n’étaient pas plus bêtes que nous.
C’est pas parce que tu as un smartphone que tu es smart, désolée.
62 x 486 ?
Voilà, sans ton téléphone, tu sais pas.

Scandinavian and Russian traders bartering their wares. Olaus Magnus, 1555

🍌🍌🍌

On préfère imaginer des situations à postériori, parce que la projection est plus facile, car on vit dans un système avant tout financier. Nos rapports sont marchands…sauf dans le contexte familial ou privé. En général, on ne facture pas les gens qu’on invite à dîner le soir. En général, on ne fait pas la comptabilité des amitiés.

Ici, j’ai un pas-fun fact. Savais-tu que Xavier Dupont de Ligonnès tenait une comptabilité sur sa famille ? Il tenait des carnets avec le total dépensé par membre de la famille. Pour les enfants, depuis la naissance.

« Quelque 100 600 euros de frais pour Arthur, 80 800 euros pour Thomas, 63 000 euros pour Anne et 38 300 euros pour Benoît. »

Tu trouves ça super glauque ? Tu ne fais pas le calcul de ce que tu dépenses pour ta famille, toi ? Vous faites comment, alors ? Du troc ? 🤷‍♀️
Et tes gosses ? Comment ça, à 18 mois il bosse pas encore ? Va falloir s’y mettre sérieusement, hein, les couches, ça chiffre.

Et quand tu payes des coups à tes potes ? Tu comptes ?
Je ne te juge pas si tu comptes, hein, chacun-e son truc. Mais c’est toujours gênant, entre ami-es, non ? On a toujours cette petite danse de l’addition en fin de soirée, où chacun-e avance ses pions, paye pour unetelle ou va juste faire semblant d’aller cloper et paye en réalité pour tout le monde. (C’est un petit jeu de domination en réalité : j’ai suffisamment de bananes pour nous abreuver, je suis généreuse et je paye.)

Ce que j’essaie d’expliquer à base de métaphores alcoolisées, c’est que plus tu es proche, moins c’est simple de réclamer des comptes. Sauf si tu prévoir de disparaître après avoir supprimé ta famille.

Nos rapports intimes ne sont, normalement, pas régis par les lois du marché. On donne, on prête, on échange, on rend, on vole, on arnaque. Mais on ne se tend pas de facture avec un lecteur de carte bancaire avant que les invité-es aient pu reprendre leurs manteaux.

Kiersten Essenpreis for Money

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Qu’est-ce qui est le plus simple ? Se dépanner ou aller chercher sur la tablette de référence combien de pintes de bières te doit Thierry pour te rembourser pour ton rôti du dimanche ?

Par ailleurs, on oublie souvent l’aspect communautaire de ces populations pré-capitalistes. Parce qu’on vit dans un monde de merde. On ne peut pas s’imaginer un village tout entier vivant sans argent. Sauf à se demander « MAIS ON FAIT COMMENT POUR LES MANTEAUX MAINTENANT ? ». Ici, on plaque notre modèle social sur des civilisations anciennes, lointaines, souvent disparues (à cause de nous).

Pourquoi une relation serait-elle basée sur l’indexation du prix de la bière ? En réalité, ça complique plus qu’autre chose. Repense à ton dernier resto entre potes et ose me dire que personne n’a tenté de payer l’addition en douce sous un prétexte fallacieux. Pense à Jean-Nuisible qui invite une meuf au resto dans l’espoir secret que sa carte Gold Platinum Emerald of Doom la fasse frémir de joie lorsqu’il lui dit « Laisse, je vais payer ». Est-ce que Jean-Nuisible le fait parce qu’il est super proche de cette personne ou bien espère-t-il devenir, lui, beaucoup plus proche de cette femme dans les heures qui suivront son geste généreux et totalement désintéressé ?

« J’ai payé un plein d’essence pour ÇA »
(Un connard en 2005 parce qu’il était venu me voir et que j’étais très malade)

Le fait d’investir financièrement rend les Nice Guys beaucoup plus repérables. Je te paye le resto, on passe la nuit ensemble. Et si tu refuses, je te rappellerai que j’ai dépensé 12,38€ de burger-frites au 5 étoiles du coin en trépignant.

On est d’accord que ça se fait pas ? J’espère que oui. Sinon la suite va pas te plaire.

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Dans le document « Barter and Economic Disintegration » (Troc et désintégration économique), Caroline Humphrey explique un truc intéressant que je vais lire en entier maintenant que j’ai trouvé le papier. Elle étudie l’économie chez les Lhomi, un peuple népalais qui possède une économie de troc dans un monde contemporain.

« Le point de vue des économistes traditionnels selon lequel le troc devrait être considéré comme un phénomène « naturel » de la nature humaine et comme l’origine de la monnaie est contestable. Le troc se produit dans des conditions socio-économiques spécifiques qui peuvent également exister dans les économies qui connaissent la monnaie. Lorsque l’offre de monnaie est très faible, la monnaie peut cesser de fonctionner comme un indice de valeur pour tous les biens et devenir elle-même un objet de troc. Cette situation est susceptible de se produire lorsque de petits groupes sociaux distincts souhaitent conserver leur autonomie. Contrairement au paiement monétaire, qui nécessite une nouvelle transaction avant que la valeur ne soit réalisée, le troc satisfait immédiatement la demande et est, par nature, discontinu. Comme pour les échanges de voitures dans notre économie, le troc se produit lorsque les gens ne peuvent pas se permettre de conserver de l’argent, et il devient un système lorsque la société est atomisée au point que les gens n’exploitent pas les variations dans les rapports d’échange entre les différentes communautés. »

Avant d’enchaîner :

« Il n’existe aucun exemple d’économie de troc pure et simple qui ait jamais été décrit. »

C’est nul, parce qu’on pourrait s’arrêter là.

Mais elle explique ensuite que les échanges faisant objet de marchandage étaient réservés aux transactions à l’extérieur du groupe.

Un type nommé Sahlins a dit un jour que le marchandage était : « la réciprocité négative, l’extrême désociabilisation ». Si on marchande, si on tient des comptes, ce n’est pas avec nos plus proches mais avec ceux qu’on peut considérer comme rivaux ou simplement extérieurs au groupe. Ici, pas d’affect, rien à battre, on échange au plus juste. A moins qu’on ne fasse des « cadeaux » pour affirmer notre générosité et notre prestige, et ainsi, une domination sur l’autre groupe. Les offrandes sont souvent ritualisées : à un moment précis, on se rencontre et on joue à qui a le plus gros cadeau, regarde, ça en jette.

On négocie, puis une fois la transaction effectuée, on rentre chez soi. Le lien social n’existe que dans ces rapports marchands.

Mate ce contorsionnisme en recherche de sens !

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Le troc existe de nos jours, comme économie parallèle, lorsque la monnaie est insuffisante. Par exemple, dans les coins les plus pauvres, si tu n’as pas de compte en banque et que ton voisin non plus, vous vous arrangez entre adultes. Ton voisin élève des poules, tu fais pousser du maïs, tu lui files du maïs pour nourrir ses poules, il te file une poule de temps en temps. Personne ne va compter au grain près ce que tu as donné et tous les deux allez picoler avec le brasseur du coin parce que la vie est courte.

Le paiement n’existe pas sans monnaie. L’idée de dette, de prix, n’est pas « naturel » comme peuvent le penser les adeptes de l’argent-roi. La nécessité d’échanger s’est établie lorsqu’on a rencontré d’autres sociétés, de plus en plus loin de la maison. On ne connaît pas ces gens : il faut négocier sans pitié. Les rapports purement marchands, intra-communutaires, sont souvent générés par le capitalisme, et ne sont pas une évolution de l’économie du troc. Le troc peut se greffer, comme chez les Lhomi, lorsque l’argent n’a pas vraiment de sens, qu’on fait comme on a toujours fait et qu’on a tout à portée de mains pour vivre correctement. Les différents villages sont implantés à différentes altitudes. Une strate va planter des patates, l’autre élever des moutons, un peu plus haut il y a du riz, etc.

Par ailleurs, on ne vend pas ce qu’on est obligé-es de consommer : si on a suffisamment de riz pour tout le monde, sans excédent, on ne commerce pas. On favorise les personnes à l’intérieur du groupe pour assurer leur survie et, ensuite, on pense à l’export.

Je sais pas pour toi, mais ça me semble beaucoup plus rationnel qu’un système de troc généralisé. Ici, pas de banque centrale. Et si nos produits nous nourrissent, pas besoin d’argent. La monnaie même est une conception « tardive » qui a été mise en place lorsque les échanges se sont fait de plus en plus lointains. Tu imagines, filer tes 15 bananes à Brest en échange de laine de yak ? Le temps que tes bananes arrivent, tu n’auras plus rien. Ici, la monnaie comme représentation de la valeur peut avoir du sens, parce que tu ne connais pas cet éleveur de yaks à 3500 bornes de chez toi mais que la laine de yak, c’est la classe.

Pour que le troc soit viable, il faut :

  1. Peu de monnaie en circulation, absence de marché et de travail rémunéré.
  2. Une spécialisation de la production due à un écosystème particulier
  3. Absence de contrôle de l’État (poids, mesures et d’impôt)
  4. Pas de système de « cadeaux »
  5. On marchande ce qu’on a en excès, une fois les besoins des nôtres comblés
  6. Il existe des pattern d’échanges en fonction de la disponibilité des biens (saison des récoltes, élevage, etc.)
  7. Les groupes avec lesquels le troc s’établit sont des personnes qu’on connaît.

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Autre problème : qui décide des poids et mesures ? Comment définir 1 unité de riz ou de sel ? Comment peser et équilibrer entre les différents villages ? On est ici au Népal, chez les Lhomi :

« Prenons l’exemple d’un petit paysan, Kun-top, de Pang-Dok. Sa principale culture était la pomme de terre, qu’il cultivait pour sa propre consommation et pour le troc. Il obtenait en échange du riz, du maïs, du millet et des piments, principalement de personnes extérieures au village. Il savait que 3 kathis de pommes de terre équivalaient à 2 kathis de maïs cette année-là (1979) et que le mil et le maïs avaient le même « prix ». Cependant, il troquait ses pommes de terre dans une unité appelée tobo, une sorte de grand panier. Il pensait qu’un tobo équivalait à environ 30 kathis, mais certains tobo avaient une taille allant jusqu’à 40 kathis. Son propre tobo était petit, environ 20 kathis, pensait-il. Ce dont il était certain, c’est qu’il visait à troquer deux tobos de pommes de terre cette année-là et qu’il aurait alors suffisamment de céréales pour sa consommation. »
(Caroline Humpfrey)

Tout ce que veut Kun-top c’est d’obtenir suffisamment à manger. Pas de plus-value ou de négociations serrées : il sait ce qu’il veut obtenir et avisera le moment venu. Le rendement peut varier d’année en année, mais ça fonctionne car tous les autres s’ajustent aussi.

« Bien entendu, l’argent n’est pas toujours, ni nécessairement, utilisé dans le cadre de ce « troc ». […] dans l’économie Lhomi, l’argent « disparaît » parce qu’il n’est pas accumulé en tant qu’objectif de richesse. Un Lhomi se considère comme riche parce qu’il possède des terres, du bétail et des objets de valeur tels que des bijoux. Un homme ou une femme riche est honoré(e) pour avoir parrainé des rituels spéciaux, nécessitant de la bière, des céréales, du beurre, de la viande, etc. dans les nombreux temples gompa. Mais pratiquement personne ne peut se permettre de le faire aujourd’hui.

Les Lhomi les plus riches, des clans jimi (originaux), sont membres d’associations attachées aux temples pour le paiement des coûts des rituels mensuels réguliers. Ces associations sont égalitaires en ce sens qu’un groupe de familles riches assure à tour de rôle les dépenses et que tous les membres du village participent à la fête, qu’ils aient fait des provisions ou non. L’argent a donc tendance à être rapidement converti en biens. La forte inflation qui a récemment touché les basses terres du Népal n’y est sans doute pas étrangère. Le fait de s’attendre à être plus pauvre, et non plus riche, et à ce que d’autres personnes soient également plus pauvres, ce qui est l’expérience des Lhomis au cours des dernières décennies, incite les gens à préférer l’immédiateté du troc. Les pauvres, en effet, qui souffrent de la faim dans les mauvaises années, n’ont guère le choix. »
(toujours Caroline Humpfrey)

Les métaux précieux, les gemmes, les produits de luxe sont des objets de prestige. On possède un trésor, on le montre. Il est difficile de manger des pièces de monnaie. Les Lhomi en ont rien à battre, ça fait juste joli. Pas de notion de profit ou de domination, le système désiré est ici égalitaire, y compris entre les genres. Et dans tout ça, aucun prix n’est fixé. Ici, la spéculation n’a aucun sens. On privilégie les échanges immédiats aux promesses, les personnes se connaissent et savent à peu près qui va avoir quoi.

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On va quitter cette bande de hippies et se poser la question : pourquoi, alors, a-t-on inventé de toutes pièces, une prétendue économie de troc globalisée ? Les anthropologues ont pourtant publié moults papiers pour contredire cette idée du troc qui est, pourtant, toujours enseignée à l’école.

Je ne suis heureusement pas dans la tête d’Adam Smith, mais on a quelques pistes.

Tout d’abord, Adam Smith est économiste et parrain du capitalisme. Il n’a aucun intérêt à parler de l’économie du don et du cadeau, le truc qui existait réellement avant. Puis, sa pensée va à rebours. Il part du système qu’il souhaite voir appliquer et se demande comment les gens faisaient avant. Sauf que, sans argent, les gens ne se sont pas mis à inventer de l’argent parce que c’était plus pratique que de se faire des cadeaux.

Lorsqu’il a débarqué à Hispaniola, Christophe Colomb a écrit à peu près :

« Ces gens sont des imbéciles, ils nous ont vus débarquer et sont venus nous offrir des cadeaux, aucun sens du commerce, en plus ils ont des trucs précieux, ça va être trop facile de s’approprier leurs terres ! »

Et il avait raison, sauf sur l’imbécilité, parce que heu mate les dégâts de la mondialisation et regarde-toi en face.

Malgré les quantités de travaux en anthropologie, le mythe du troc a été poussé pour une autre raison : décrire les peuples primitifs comme idiots.

Colomb aurait aussi dit, en gros :

« C’est parce qu’ils sont naïfs qu’on va réussir à les enfler »

Et les étudiants vont se marrer en imaginant les gens échanger des bananes contre des paniers contre des statuettes contre une pinte de bière. HEUREUSEMENT que la monnaie a été inventée, hein ? Quelle bande de gens… »sous évolués » ! Allons leur apporter la vérité en plus de la religion en plus de les piller.

L’idée de troc rend plus acceptable la domination monétaire. Parce que si tu dis « avant on se faisait des cadeaux, maintenant on crève de faim » tu vas te dire que, finalement, ce système capitaliste de merde est un système inégalitaire, ensuite tu vas tout remettre en question et voilà, t’as tout cassé le joli idéal d’Adam Smith, j’espère que tu es fièr-e.

La charge de la preuve reposant sur les épaules des personnes tenant des propos extraordinaires, on va les laisser nous apporter des preuves concrètes, hein ?

Economie du don

 ⭐⭐⭐

On va terminer rapidement sur l’économie du don. En anglais, on parle de « gift economy » (économie du cadeau), si jamais tu veux chercher des sources.

C’est super simple. Le maïs, les poulets. Tout ce qui est produit est collectivisé, chacun donne selon ses possibilités et prélève selon ses besoins (je ne sais plus si cette presque citation vient d’Engels ou pas, help). Le surplus peut être échangé avec l’extérieur contre d’autres biens, mais les choses ne sont ni mesurées, ni pesées, ni chiffrées. Le don en interne est un acte communautaire, le don en externe une preuve de richesse. On peut le faire car primitivement, on n’avait ni avions ni autoroutes. On devait gérer avec l’écosystème dans lequel on vivait, en fonction de ce qui était cultivable, élevable.

Exemple, le Potlatch.

« Le potlatch (chinook : nourrir) est un comportement culturel, souvent sous forme de cérémonie plus ou moins formelle, basé sur le don. Plus précisément, c’est un système de dons / contre-dons dans le cadre de partages symboliques. Une personne offre à une autre un objet en fonction de l’importance qu’elle accorde à cet objet (importance évaluée personnellement) ; l’autre personne, offrira en retour un autre objet lui appartenant dont l’importance sera estimée comme équivalente à celle du premier objet offert : « guerre de richesses » plutôt que « guerres de sang ». »
(Wikipédia)

Les choses ne sont pas aussi bisounoursesques que ce qu’on pourrait penser. Le don et le contre-don peuvent être des jeux de pouvoir, surtout à l’extérieur du groupe. Un don n’est jamais désintéressé lorsqu’on parle aux étrangers. On montre qu’on en a, on se la donne en disco-club et on repart chez soi, sûr-es d’avoir super bien performé. On peut même détruire des biens pour montrer que, ouais, on peut se le permettre. Et on pouvait aussi aller péter la gueule aux autres en cas de besoin. L’animosité, la rivalité, l’escroquerie et l’envie n’ont pas été inventés par Adam Smith et peuvent tout aussi bien prospérer dans une économie du don.

Partir du besoin (d’un modèle économique et financier globalisé) pour parler d’un passé qu’on n’a pas exploré, c’est un peu léger. Et si les gens n’avaient ni besoin d’argent, ni besoin d’assurer une double coïncidence des besoins pour troquer des biens de manière compliquée ?

Si tu veux, on parlera des tablettes comptables précédant l’utilisation de la monnaie, le moment où on gravait qui devait quoi à qui et où les reconnaissances de dettes pouvaient s’échanger.

Lui, c’est Marcel Mauss, l’anthropologue qui a théorisé l’économie du don

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Voilà, maintenant, quand on te dira que les peuples primitifs étaient arriérés ou naïf, tu pourras dégainer ton meilleur « Donne moi une preuve d’économie de marché précapitaliste, stp » (souuuuuuuurces !!!).

Et donc j’avais raison au Bac d’Histoire-Géo quand je concluais par un « les pays décrits comme sous-développés ne sont peut-être simplement pas adaptés à une économie de marché » et qui m’a valu 2/12 points. Merde, j’ai eu raison un jour sur un problème relatif à l’économie, j’en suis toute retournée. Le moi rebelle de 17 ans n’est pas mort !

Pour finir, une référence de livre que tout le monde cite alors pourquoi pas moi : David Graeber, « Dette : 5000 ans d’histoire ». Je ne l’ai pas lu, mais je vais le récupérer, tu penses bien 🥸