Heure de réveil : 5h16

TW : santé mentale, récits, suicide, le texte est assez dur en fait mais ça fait du bien de poser ça là.

Hier, j’ai reçu le mail assassin de ma réponse assassine sur le validisme. Il semblerait qu’il reste pas mal de lacunes mais c’est normal avec les gens pas fous. Donc on va reprendre pour tout le monde.

Par exemple, parler de délires de persécution à une personne mentalement instable n’est pas une bonne idée. Pire, c’est l’idée de ce que se font les valides à propos des gens déviants dans leur tête et il faut que j’en parle.

Mais le sujet est intéressant, même si je suis manifestement une sombre merde.

Moi, essayant de comprendre une information.

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Tu vois, par exemple, je suis en capacité de gérer une personne en meltdown, une personne en crise psychotique, une personne qui menace de se retirer la vie, une personne qui a juste des idées noires. Tu peux venir me voir et me demander un reality check car tu déréalises, je ferai de mon mieux pour t’aider. Tu peux venir me dire qu’un ours brun a mangé tous tes steak congelés pendant que tu allais poster un colis piégé au DRH de ton entreprise en plein centre ville de Quimper, je ne vais pas ciller et te demander des détails d’où tu as obtenu les explosifs, parce que ça m’a toujours posé question.

Les personnes qui n’ont jamais connu les circonvolutions des pathologies mentales ne peuvent définitivement pas comprendre. Ce qui explique la relative inefficacité de la plupart des psy et ce gros GROS décalage avec le reste du monde. Il y a énormément d’idées reçues à notre sujet, notamment sur la dangerosité…d’une des populations qui se fait le plus agresser.

J’ai côtoyé beaucoup de personnes atteintes de beaucoup de troubles, des enfants autistes non verbaux aux anciens condamnés à des peines de prison et en réinsertion. Des gens qui ont commis des trucs très moches et qui ont ruiné leur vie. Je me souviens d’un adulte en camp de vacances pour adultes en situation de handicap, qui avait été abandonné dans un train avec son petit frère en situation de handicap lui aussi car la mère ne pouvait plus s’en occuper. Il avait 10 ans, il a protégé son frère jusqu’à aller « trop loin » pour le protéger d’un autre orphelin qui lui cassait les dents. On a passé une soirée à parler en jouant à ce jeu de snowboard sur la Nintendo 64 tandis que j’avais oublié le papi sur le perron de la maison, papi qui attendait sagement que les autres reviennent du bal du village depuis 4h. Lui ne pouvait pas aller au bal car « Je suis toujours puceau » à 70 ans et n’ayant pas entendu la consigne de rentrer. Toute une vie en institution, rentré à 10 ans, 60 ans d’internement.

J’ai côtoyé des parents en dépression ou psychose post-partum. J’ai fait une psychose post-partum, je vois bien le délire (haha subtil jeu de mots).

Dès le départ, j’ai su qu’un truc n’allait pas chez moi. Le fait de considérer la fin de ma vie comme une option valable à partir de l’âge de 8 ans signifie bien quelque chose. J’ai été tricarde de la cour de récré très tôt et j’ai pris le pli.

A 10 ans, j’avais déjà été victime de 3 agresseurs sexuels, dont un au long cours. Mon cerveau a compensé très très tôt et intégré les méthodes de survies qui allaient avec. Et puis j’ai grandi avec un petit frère autiste non diagnostiqué, une demi-soeur schizophrène, on va dire que j’étais dedans. L’avantage étant que lorsque les premiers symptômes de mon propre mal sont apparus, j’ai cherché, sans trouver à l’époque, mais j’ai cherché et trouvé des outils en milieu hostile. Le monde extérieur est un milieu hostile.

Mon cerveau a trop d’onglets ouverts

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Si il y a un truc que les gens qui se considèrent comme normaux et sains ne comprendront sans doute jamais, c’est que nous ne sommes pas notre maladie mais nous sommes influencé-es par elle.

Sans déconner. Arrêtez avec ça.
C’est pas « la maladie qui parle ». Il est inutile de dissocier les deux, c’est nous qu’on dissocie le mieux de toutes façons (qu’est-ce qu’on se marre ici dis donc).

Sur les affections au long cours, quel que soit l’incapacité, c’est tout un pan de notre personnalité qui s’est construit malgré et autour de la divergence, mais nous ne sommes pas l’incarnation d’une voix malveillante et fantomatique. On est des gens, en fait. Cette voix, ces comportements problématiques, ce sont les nôtres. Je réclame mon droit à être une peste malveillante et perfide.

Tout comme les traumas forgent notre comportement et notre mode de pensée, les altérations de la pensée et du ressenti affectent notre manière de faire face au monde.

Tu ne vas pas dire à une personne en fauteuil roulant qu’elle devrait se bouger le cul. J’espère, en tout cas. On pardonne plus volontiers ma spondylarthite que ma bipolarité, et je peux comprendre. L’une est bruyante en permanence et donc invisible car on s’habitue à la douleur, l’autre intervient par bribes dans des débats interminables entre nous et nous.

La majeure partie de mon cercle amical restant est une population qui comprend ce que ça fait que de réellement délirer et c’est tout sauf anodin. Les personnes les plus accomplies au niveau de la conscience d’euxlles restent les fol-les de mon entourage. Sorry not sorry. Vous avez déjà l’esprit clair, laissez nous les stratagèmes de pro.

Trad difficile mais en gros « la seule chose que je nique, c’est ma tête contre les murs »

On nous renvoie sans cesse notre inadéquation, on nous trouve des défauts et on fait tout pour nous « réintégrer » dans la norme. C’est ça, l’aidance des valides, nous aider à rentrer dans la norme, certainement pas vivre avec nous. Quand on répète à un gosse autiste qu’il est « débile » toute son enfance, il va l’intégrer, tout comme lorsqu’on dit à un gosse TDAH qu’il est trop intense et finalement insupportable. L’enfant « débile » va se renfermer sur lui, le « sale gosse » va entrer en conflit permanent avec lui-même tout en essayant de rattraper les wagons, les deux vont faire des meltdown épiques et passer pour des gens ingérables tout en souffrant pourtant bien réellement.

Alors que non, on ne veut pas forcément s’intégrer avec des personnes validistes. En fait. Et si tu ne t’intéresses pas à ce qui m’anime, en effet, on a rien à faire ensemble.

Mais on essaye et on se vautre car on reste fondamentalement bizarres car les messages sont en permanence déformés par notre pitoyable estime de nous. Notre personnalité se construit avec des contraintes auxquelles on s’adapte plus ou moins bien.

Donc on s’en prend plein la gueule. Souvent. Alors des fois, on réfléchit sur nous. On se demande quelle forme de connasse on est pour toujours faire les mêmes erreurs. On se demande pourquoi les gens nous lâchent ou nous trahissent et comment ne surtout pas les contrarier. Parce qu’on nous dit que le problème vient de nous, les drama queens, les usurpateurs, les mythos, les toujours-pas-bien-même-là. Et effectivement, dans un monde qui considère toute forme de déviance comme un handicap (Le handicap est situé, d’où l’expression « en situation de handicap ». C’est le monde qui nous met en échec sans qu’on ne puisse rien y faire.), on n’est pas les bienvenu-es. C’est à nous de nous adapter, forcément.

Ce qui est chose aisée, tu penses bien. On a juste à utiliser ces mécanisme de coping (coping = « palier à un défaut en ayant recours à des astuces de pro » en gros).

Quelqu’un-e : « J’adore ta personnalité »
Moi : « Hey, merci, c’est un trouble/désordre en fait »

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Qu’est-ce qui est le pire ? Subir en silence en sachant qu’on fait chier avec nos traumas ou exploser de temps en temps avant de mourir de honte et de désespoir car on l’a encore fait ?

Les deux. Y’a jamais, jamais de bonne réponse, pour vous comme pour nous.

Par exemple, si tu es dépressive, tu ne dois pas trop le dire, tu dois doser les informations pour surtout ne pas gonfler ces gens que tu gonfles déjà ostensiblement. Honnêtement, je raconterais toutes mes turbinations intérieures que je serais déjà à l’HP. Des fois, le cri est trop strident et c’est bien de pouvoir l’exprimer auprès de personnes compréhensives. Des personnes qui savent que non, ce n’est pas du chantage, que oui, je suis en danger d’auto-truc mais que oui, j’ai suffisamment de lucidité (grâce aux échanges avec les potes, notamment, qui me raccrochent à la réalité) pour ne pas m’enfuir de la vie. Et ça, je le fais aussi pour les autres autant que possible, avec mes ressources. Des fois je suis à côté de la plaque, mais je tente et si on me demande d’arrêter de tenter, je demande pardon et j’arrête de tenter, je ne geins pas que l’autre refuse mon aide si bienveillante. La main tendue refusée n’est pas la même souffrance pour toi que pour moi. Tu as une blessure d’orgueil tandis que j’agonise pour rien dans mon coin sans réussir à immédiatement dire « oui merci » comme tu en aurais envie.

Les gens qui pensent autrement utilisent énormément d’énergie pour ne surtout pas contrarier les dominant-es. L’Histoire nous a bien prouvé comment on traitait les incapables : en les laissant crever, en les tuant ou en les regroupant dans des lieux insalubres. L’eugénisme est encore d’actualité dans beaucoup de lieux où on stérilise sans leur consentement des centaines (milliers ?) de personnes. Le monde est un danger pour nous, inadapté-es, qu’on soit violent-es ou pas. On oublie souvent que les personnes en situation de handicap sont en première en ligne des effets de bord sur les civils lors des conflits armés. Ce ne sont pas les seules, malheureusement, mais elles font partie de la team « pas de bol » elles aussi.

Ce danger nous rend méfiant-es. Jamais en totale confiance, toujours en train de réfléchir à la prochaine crise et comment contrarier le moins possible avec nos explosions. Comme dit plus haut, les fol-les ont souvent un autre regard sur leur personne et ont plus tendance à analyser, sur-analyser, pour rester dans l’illusion de l’adéquation. Ce n’est pas toujours possible, ça dépend de la situation, il arrive que les personnes ne puissent plus faire la distinction entre euxlles et le monde et restent dans leur « délire » (guillemets) à défaut d’autre chose. Il faut bien se raccrocher à quelque chose. Et personne n’a le droit de reprocher un manque de recul à ces personnes enfermées en elles, car c’est la pire des cruautés que de leur rappeler qu’elles ne seront jamais normales. sans déconner, ça se fait pas.

Ce n’est pas forcément à la personne qui pense qu’on a enterré des mines dans son jardin pour l’empêcher d’éventer un complot mondial qui a la possibilité de faire l’effort de se rendre acceptable. Sur le long terme, avec des personnes plus âgées, les « délires » sont parfois si ancrés qu’on sait qu’elles n’en sortiront plus. C’est une de mes craintes, sans doute partagée : partir loin, pour toujours, tout en restant en vie, coincée dans mon angoisse.

Je ne peux pas parler, maintenant, je dois mettre un peu de non sens dans les internets.

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Quand tu es en adéquation avec le monde, tu ne te poses pas ces questions là. Tu ne te demandes pas si tapoter nerveusement sur une surface plane, même silencieusement, va énerver une personne et qu’on va te licencier car tu finis inévitablement par te faire virer de tout car t’es pas net-te. Tu ne te demandes pas si ta collègue te déteste, tu le sais. Et, malheureusement, dans 90% des cas, c’est ce qui se passe, mais c’est nous qu’on est paranos et qu’on laisse pas la chance aux valides de nous aider. Iels nous tendent pourtant la main, rempli-es de bonnes intentions.

On a tellement utilisé mes handicaps, physique ou psy, pour m’exclure… C’est pas de la parano, c’est pas du drama, c’est ce qui s’est passé dans ma vie, souvent, trop souvent. J’ai des explosions émotionnelles, j’ai perdu suffisamment de personnes pour le savoir et savoir que c’est pas bien tout en ayant un mal fou à m’en empêcher. J’ai besoin d’être constamment rassurée sur ma légitimité à évoluer dans ce monde qui ne veut pas de moi et ça fait chier certaines personnes, que je comprends, car moi aussi, certaines personnes me font chier et moi-même je me trouve pénible et j’ai honte de mon comportement. Celle qui me hait le plus, c’est moi. Je sais précisément où je merde et je me bats, souvent en vain, pour être plus praticable.

A la limite, tu poses le fait que tu ne captes rien et que tu n’es pas en mesure d’aider, ça sera plus productif que de dire « reprends-toi, Brigitte, tu pars en couilles ».

Quand tu as une bonne estime de toi, tu ne peux pas comprendre que je complexe sur des trucs improbables. J’ai un poil sur mon gros orteil à droite. J’en ai rien à foutre et ça me mortifie en même temps. Mais comme je suis également dépressive, je n’ai pas l’énergie de le retirer. J’ai tout le matériel mais je suis incapable de le faire depuis 2 mois. Est-ce de la paresse ? Suis-je juste paresseuse ? Est-ce que c’est un adjectif qui me convient ? Oui, mais c’est juste parce que je m’autorise de purs moments de flemme entre deux lessives. Si tu ne sais pas que j’ai un problème d’orteil, tu peux trouver que je fonctionne parfaitement bien car ma maison est rangée et que je réussis à suffisamment camoufler la folie qui me consume.

Mais est-ce que je gâche ma vie par pure paresse ? Certainement pas. Je suis fatiguée en permanence, oui, vu la tannée de médocs que je prends tu le serais aussi, mais je sais bosser, je sais fonctionner et ça me prend plus de ressources que cela ne retirerait 15 000 cuillères à une personne valide. Je ne suis pas paresseuse mais c’est l’image que renvoie le moi dépressif. Et lorsque je suis en up, je suis bien trop joyeuse et enthousiaste pour le monde qui me demande de calmer mes ardeurs.

Tu penses que TU veux me faire taire ? Je suis obligé-e de m’écouter moi-même, même quand je ne parle pas !

Ma logorrhée n’est pas ma personnalité, mais j’écris grâce à ce super pouvoir de savoir caser des tas de mots et de connaissances sur un sujet précis (on m’a démasqué récemment en me disant « hey en fait tu es une personne neuroatypique qui fait de l’infodump le matin ! » et c’est tout à fait ça) sans trop d’efforts. On peut transformer ses failles en qualités. Mon esprit délirant me fait imaginer des trucs pas possibles, ça donne des crises mais aussi des dessins et tableaux, textes et créations en patafix. Sans cet esprit malade, je créerais beaucoup moins.

Je suis fondamentalement instable. Parfois, je quitte tout, de rage, de honte de m’être encore laissée aller à m’exprimer un peu trop. Je me censure, je supprime mes messages et mes articles, j’ai juste envie de n’être plus rien ni personne parce que j’ai le seum d’être cette personne si chiante. Je suis instable, je l’ai à peu près toujours été, je le serai sans doute toujours. C’est un effet de la bipolarité auquel j’essaie de m’adapter, ma personnalité a été influencée par la maladie, mais je ne suis pas ma maladie. Ce n’est pas un masque que je peux décider de porter ou non. On me tolère quand je reste dans les limites du raisonnable, et j’y reste pas souvent. C’est tout.

Est-ce qu’on me dirait « fais des efforts » lorsque je marche péniblement avec ma canne ? « Fais du sport » alors que tout sport m’est interdit, excepté la marche et la nage. « Va voir un-e ostéopathe » alors que les deux dernières consultations ont donné « Je ne peux pas vous aider, j’ai peur de vous péter un truc » (je sais, maintenant, pour l’ostéopathie, calmez vous les sceptiques). « Y’a pas un médicament, pour ça ? » Oui, et je le saurai en 2024, à moins que ma pote réussisse à me faire coopter pour un programme dans un autre hôpital.

Tu vois, moi aussi j’ai des relations et j’en profite. J’ai pas des pass en backstage pour aller à des concerts, non, j’ai des contacts à l’Hôpital Public.

Faire ce que j’ai besoin de faire.
Faire ce que je veux.
Moi, réussissant à ne faire aucun des deux.

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J’aimerais bien qu’on m’aime en entier. Pas qu’on aime juste la personne normale que je suis 0,001% du temps. Parfois, je suis super sympa, ouverte, amusante, et là ça va (sauf si je parle trop, j’ai bien compris), mais si je suis morose, je déprime tout le monde. Pourtant, je suis la même personne. Mon corps est le même. Mes cellules sont presque les mêmes (ça se renouvelle vite, ces trucs-là). Je suis la même en haut et en bas de la courbe de mes humeurs. Et tu sais quoi ?

Je suis ma première victime. Je vis dans un semblant de contrôle permanent, sur-analysant chacun de mes gestes pour vérifier si je fais toujours bonne figure. Au moindre message que je perçois comme négatif, je tremble en me disant, ça y est, ça recommence. Et  ça recommence, inévitablement. Je suis chaque putain de jour persuadée que mon mari va en avoir marre et se barrer avec l’Enfant à cause de ma toxicité. Je sais que ça n’arrivera pas, car je verbalise mes peurs et que je n’ai pas encore trouvé de remplaçante convenable. Mais chaque putain de jour, j’y pense. Je me demande à quel moment lui aussi va arrêter les frais, vu le boulet qu’il se traîne. En réalité, je lui souhaite une meilleure vie qu’avec moi. Est-ce qu’on peut faire plus cruel ? Sans doute. Mais c’est déjà épuisant, juste ce micron dans mon océan de sujets d’angoisse.

Des fois, j’aimerais ne pas être consciente de moi. Juste me comporter comme une merde, comme ça, sans réfléchir à ce que je dis ou à ce que je fais. Sans tout analyser, passer au tamis de l’acceptable et du normal, être juste une sale conne parce que je suis une sale conne. Sans me poser de question mais en me posant en victime des autres, des gens anormaux. Sans envisager les problématiques, les complexes et les spécificités de chacun-e, sans me préoccuper de la manière dont va être reçu mon message. Qu’est-ce que ça serait reposant…

Ce qui peut sembler simple, comme sortir boire un café, peut se transformer en épreuve. Bah moi, j’aimerais juste pouvoir, normalement, aller boire un café sans surplanifier à la minute près pour ne pas faire voir mon visage de folle. Alors je dis merci à la caissière et je remballe ma blague surréaliste parce qu’elle ne comprendra pas et que ça lui fera perdre du temps. Je dis bonjour, merci, bonne journée, cordialement, bisou, à plus dans le bus (…et merde, j’ai recommencé). Tout ça présente une perte d’énergie colossale. Faire semblant d’être normale pour ne pas gêner les personnes vraiment normales, pour ne pas faire peur et continuer à être aimée malgré notre insupportabilité.

Je déconcerte les gens. J’ai une personnalité joyeuse et une âme triste. Je suis audacieuse mais timide. J’aime beaucoup, mais parfois je n’ai pas de cœur. J’aime être entouré de gens, mais je préférerais être seule. Je guéris et je souffre en même temps. Je me consacre à mon développement, mais je connais trop bien l’autosabotage. J’essaie toujours de trouver la paix et l’équilibre après une vie de chaos.

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Je ne suis pas ma maladie, je suis moi. Parfois, je me demande ce qu’aurait donné ma vie sans handicap, sans trauma, et je me dis que je serais sans doute une toute autre personne. C’est le handicap qui m’a apporté cette capacité d’écoute (que je possède malgré tout, je suis pas aussi auto-centrée que ça), cette remise en question perpétuelle du monde, ces questions sur mon inadéquation, cette facilité à comprendre l’incompréhensible et à ne plus être étonnée de grand chose. Ce que tu me reproches, ce sont mes symptômes qui transparaissent trop souvent à ton goût, mais ces symptômes ont modelé ma vie toute entière.

Et, pire encore, si tu me proposais de recommencer ma vie sans handicap, je refuserais. Je suis le moi qui s’est construit, certes sur des bases assez pétées, mais des bases qui font de moi qui je suis aujourd’hui. Je trouve que je m’en sors pas si mal. J’ai atteint l’âge vénérable de 40 ans, incrédule.

Je ne suis pas la bipolarité, la bipolarité ne parle pas à travers moi, je suis une personne qui vit avec la bipolarité, c’est assez différent.

Surtout, la première personne impactée par ces conneries, c’est moi. C’est pas toi que je veux réduire au silence, c’est moi qui ne veux plus exister. C’est pas toi qui te prend la violence des mots de mon bourreau intérieur, c’est moi qui entend sa voix me demander de cesser de respirer.

Je perds des ami-es, parce que j’ai un caractère de merde, mais aussi parce que mes ami-es ne réalisent pas que si je supporte leurs défauts, iels peuvent aussi supporter les miens. Parce que les valides sont tout sauf parfait-es.

Vous vous prenez pour des gens parfaits ?

Vous êtes jugeant-es, vous manquez d’empathie et de considération envers les autres, vous pensez savoir mieux que nous comment nous « guérir », comment nous dresser à être acceptables, comment ne plus être cinglé-e. Vous dites souvent des trucs qui nous collent en PLS en nous traitant de fragiles. Vous pensez que nos crises sont de simples caprices, nos états dépressifs de la bouderie, puis, finalement, qu’on en profite bien, de ce « statut spécial » pour gratter des privilèges. Vos défauts à vous sont bien plus acceptables que nos personnalités toutes entières. Mieux, la plupart d’entre vous n’a pas idée de ses propres défauts. L’introspection, c’est pour les « raté-es », finalement, car c’est l’échec ou le rejet qui nous font réfléchir.

On accepte vos défauts, votre à-côté-de-la-plaquisme, vos incompréhensions et votre manque d’intérêt pour ce qui nous anime. On a même tendance à avoir des limites beaucoup plus larges, complexé-es que nous sommes face à notre personnalité débordante et insupportable. On tolère beaucoup plus de votre violence, de vos abus, de vos bons sentiments à la con qui se transforment en cauchemars éveillés, car on pense qu’on est pas mieux ou qu’on le mérite. C’est le prix à payer pour sociabiliser. Mais vous, les personnes normales, vous êtes juste normales. Vos défauts ? Un peu de possessivité, d’emprise, de jalousie, de colère, de violence, que nous encaissons pour ne pas passer à la trappe. On se plie à vos exigences pour ne pas encore être virées tout en supportant ce que vous ne supportez pas chez nous.

C’est nous qui vous supportons, en réalité.

Je ne fais pas les choses à moitié

Je ruine tout tout le temps.

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Pour le moment j’ai acquis le privilège de ne plus avoir de vie sociale à l’extérieur de mon domicile. Succès ! J’ai suffisamment saboté ma vie sociale pour enfin pouvoir rester à me confiner dans ma « dépression » !

Enfin, les gens ont compris qu’il ne fallait plus me parler ! Fêtons-ça en ne nous voyons pas !