Heure de réveil : 5h17 (la faim est plus forte que l’amour de leur nourrisseuse, bande de petites saletés)
J’ai dû dormir un truc genre 4h à vue de nez, car, figure-toi qu’en plus d’être une grosse reloue killjoy avec masse problèmes que tu te demandes si elle les imagine pas (j’aurais préféré, j’aurais vraiment préféré) j’ai aussi les jambes lourdes et ça, comme la migraine, l’accouchement, se péter un genou ou faire une crise psychotique, je ne recommande à personne, sauf si tu es enceint-e car, désolée, l’enfant doit bien sortir à un moment où à un autre.
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Nul !
Ça se voit que la perfection faite gueule dans le cul que je suis actuellement n’a que du brouillard dans la tête encore quelques minutes et que je cherche à meubler le temps de trouver quoi dire ? Oui ? Merde, je joue si mal la comédie et EN PLUS, aujourd’hui, j’ai la connerie.
Oh, je sais !
Je vais te parler d’une idée qui m’est venue en soirée parce qu’avec alcool, la fête…non, chut, chut, tais toi et écris. Ce texte est dédié à Flavie, à Nicolas et à la bière.
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Cela faisait un moment que les collègues de Monique essayaient de lui faire passer un message subtilement. Faute de subtilité, l’une d’elle claironna à 17h59 « J’ai hâte de rentrer à la maison pour prendre une bonne douche, haha » et tout l’effet subterfugesque fut instantanément détruit. Monique le savait bien, pour son problème de douche, mais n’osait pas en parler. Les lingettes pour bébé ne suffiraient bientôt plus à masquer l’épouvantable vérité.
Humiliée, triste et avec une grosse envie de baffes pour ses boulets de collègues, Monique se décida donc à « faire quelque chose », ce qui est, avouons, mieux que « que dalle », même si la deuxième option semblait intéressante aussi. Une petite baffe intérieure plus tard, elle se dit, allez, on tente.
Et elle tenta.
Nue dans sa salle de bains glaciale, elle prit une grande inspiration et ouvrit le rideau de douche.
💧💧💧
…sauf que, bien sûr, elle n’en sortit pas fraîche comme la rosée du printemps car elle n’en sortit pas du tout. Non, Monique, retenter une connerie sans avoir changé aucun paramètre ne t’aidera pas, mais tu m’écoutes jamais. Comme attendu, DONC, elle se retrouva dans une grande plaine aussi sèche que la vallée de larmes d’un mec qui répond de ses actes devant la Justice.
Et, comme pour chaque autre essai depuis des mois, elle se dit « Sans déconner, je sais pas qui a écrit le scénario de ce truc mais c’est carrément pas drôle, où est la douche, où est mon shampoing à l’huile de karité nourrissant pour une chevelure de sirène ? J’ai rien demandé, reprends ton histoire, autrice, ça m’intéresse pas. »
Limite elle aurait préféré que son absence d’hygiène corporelle soit liée à quelque chose de tangible, comme une petite « déprime » ou un « coup de mou passager », au lieu de ce truc tout droit sorti d’une mauvaise vanne en soirée. Ce ne pouvait être que folie pure.
En effet, Monique avait la chance (ou pas) d’avoir un rideau de douche multidimensionnel.
Oui. Je sais. Mais mate le scénario de n’importe quel gros blockbuster, franchement, le rideau de douche a au moins l’avantage de l’incongruité. On est sans cesse sur des histoires dont le scénario tient sur la tranche d’une feuille à rouler avec masse effets spéciaux partout, mais je ne suis pas Michael Bay, je suis juste très fatiguée.
Reprenons.
🐾🐾🐾
Monique avait un problème de rideau de douche multidimensionnel. Dès qu’elle mettait un pied dans sa douche et refermait le rideau, elle se retrouvait ailleurs. Heureusement pour elle, pas de voyage sur Pluton pour des raisons de budget et parce que ça ne se fait pas de tuer son seul personnage comme ça sans raison. Comme par hasard, elle ne tombait jamais dans des lieux dangereux comme un parc plein de dinosaures ou le vide intersidéral. M’enfin, ça l’arrangeait bien quand même.
Elle pouvait rentrer à la maison via le même rideau, et parfois se laver dans le lieu dans lequel elle apparaissait aléatoirement. Cela dit, on ne s’en doute pas, comme ça, mais une personne qui apparaît à poil sortie de nulle part et qui se retrouve dans un camp de Gobelins, c’est un peu risqué. Gros coup de bol qu’iels aient été des hôtes-ses charmant-es, ce jour-là elle avait même réussit à prendre quelques photos pour son compte Instagram avant de décarrer rapidement.
« Monique, arrête de poster des images cryptiques sur internet, lui disait-on, tu ne vis pas dans un ARG, tu as 2 followers et l’un d’entre eux est ton chat, personne ne te croira, en vrai t’as juste demandé à une AI de rendre une image de paysage lunaire avec des gobelins »
(Pour voir ce que donne la commande « paysage lunaire avec des gobelins faisant des cookies » il faut me lire depuis le site ou la newsletter, alors cher public Facebook, fais jouer ton imagination dès à présent)
Voilà, c’était à la fois doux, nostalgique et super malaisant comme un dessin sans âme.
Elle avait eu des cookies, ce jour-là. Pas de poison, pas de piège, juste l’obligation de manger des cookies. Il y a pire. Un soir de déprime, elle s’était retrouvée à une convention du MEDEF, toujours à poil, et n’avait échappé à la meute qu’en toute dernière extrémité (là faut imaginer une course poursuite à poil, un montage un peu sportif et un suspense inexistant car on sait que dans le maintenant du texte, Monique est encore en vie et qu’elle a par conséquent survécu à l’épisode). Qui aurait pu penser que des créatures imaginaires réputées pour leur hostilité soient mille fois plus aimables qu’un parterre de post-quinquagénaires dopés aux dividendes ?
Il y a des choses qu’on ne veut pas vérifier, mais ça se tient.
🍒🍒🍒
Ce coup-ci, elle se retrouva donc dans un grand ensemble de rien. Les cailloux protestèrent, car « hey dis donc on compte pour du beurre ? » mais elle ne les entendait pas. Elle pleura un peu et rentra à la maison. Encore raté. Il faudrait attendre 24h pour que le rideau reset comme une instance de World of Warcraft mais sans la phase de pick-up pénible, ce qui est déjà ça de gagné. Toujours voir le positif.
Pas plus avancée, Monique décida de faire un monologue à voix haute juste pour raconter l’histoire de ce rideau de douche maudit.
« J’en ai marre, là, sérieux, les gars, reprenez votre merde, je m’en fous de voyager entre les dimensions et tout le tralala, je veux juste me laver les cheveux et éventuellement les joues. Des mois que ça dure, cette histoire. En plus je n’ai rien tenté et il ne s’est rien passé. Enfin si, j’ai tenté des trucs mais rien n’y fait, je me retrouve à chaque fois dans un lieu étrange et perturbant et sans mon gel douche au monoï. »
Est-ce le rideau ? C’est peut-être le bac de douche, Monique, tu n’as pas fait de test croisés, je le sais. Est-ce que tu as tenté de l’éteindre et de le redémarrer ? Non ? Ah bah ouais mais tu aides pas, aussi. Bon, on va récapituler, toujours à haute voix.
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Le problème avait commencé après que notre protagoniste ait été obligée d’acheter dans l’urgence un nouveau rideau de douche, l’autre ayant péri après les multiples escarmouches félines (des escarmoustaches qu’on appelle ça) et quelques jets d’urine de marquage nauséabonds.
Si je te demande où acheter un rideau de douche, tu me diras tout sauf « une camionnette suspecte sur le parking de Auchan » parce que ça fait beaucoup trop cliché. L’un des lourds secrets de Monique était qu’elle n’avait pas vu le film « Gremlins » de Joe Dante, sorti en 1994 et produit par la Warner. Je sais, c’est une honte mais grâce à cette autre facilité scénaristique, elle se dit pourquoi faire 100m et passer en caisse alors que cet individu tout sauf suspect me tend un rideau de douche sans que je n’aie rien demandé ? Du temps économisé, sans TVA en plus, et un très joli motif floral d’inspiration japonaise, et pourquoi pas ? Faisons preuve d’audace ! Osons !
Si Monique avait vu le film (sérieux…) elle aurait pris au sérieux les conseils avisés du vendeur : il ne faut pas prendre sa douche après minuit. Hélas, trop contente de sa trouvaille à 5€, elle ne porta pas attention à ce détail et vivait désormais avec un portail vers d’autres mondes, réels ou imaginaires parce qu’on ne va pas me faire croire que des gobelins faisant des cookies est un truc absolument normal et attendu. En vrai, elle ne savait pas du tout si ce qu’elle vivait résultait de son esprit malade ou si elle était victime d’une quelconque malédiction. Dans tous les cas, elle ne pouvait plus se laver et on était déjà fin juin. Le désespoir aurait été insoutenable si cette mésaventure ne lui permettait pas de trouver instantanément une place assise dans le RER A à 8h13.
Elle avait tenté d’appeler l’église de Notre Dame de La Grande Mansuétude pour demander à un exorciste de venir, mais on lui avait ri au nez et personne ne s’était déplacé. Elle avait aussi tenté de prendre des sels de bains pour chasser le Malin, mais son rideau de douche y était insensible. A force de repousser le problème, elle s’était résignée aux lingettes pour bébé et tentait le coup de temps en temps.
En réalité, elle avait aussi tenté de prendre une douche ailleurs, médisante support technique que je suis, mais le résultat avait été le même. Elle allait sous la douche, elle se retrouvait dans un champ de baobabs adultes en train de chanter la carioca à l’unisson ou dans un terrier de lapins tueurs. Très mauvaise expérience, on dirait pas, comme ça, mais les lapins adultes peuvent se montrer d’une férocité extrême, c’est un danger qu’on a tendance à sous-estimer.
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Alors voilà où en se trouvait Monique. Il lui faudrait bientôt une résolution sympa car cette aventure avait déjà duré plus de 1500 mots et cela faisait deux cafés que l’autrice se demandait dans quel merdier elle s’était foutue avec cette histoire de rideau de douche.
On va donc dire qu’un soir, en allant acheter des lingettes pour bébé et du shampoing sec, elle retombe sur la même camionnette, et cette fois ci ce n’était pas la camionnette à pizzas, non, c’était LA camionnette au rideau de douche. Celle-là même.
Endossant son plus beau costume de Karen, Monique marcha d’un pas décidé vers l’engin pour demander à parler au manager. Elle voulait rencontrer le SAV des rideaux de douche hantés, elle avait deux trois trucs à lui dire et elle commença à s’énerver en . Non mais ho, c’est quoi, ces conneries, vous allez me rendre ma vie et mes 5€ !
« Ah non, ma p’tite dame, je peux pas vous le reprendre, moi. C’est quoi qui va pas ?
– Ce qui ne va pas c’est que ce rideau me…m’envoie n’importe où.
– Ah. Est-ce que vous avez tenté de le redémarrer, pour voir ?
– Non, je m’en fous, reprenez-le, je ne demande même pas que vous me le remboursiez, non, je veux pouvoir me doucher tranquillement.
– Vous doucher ?
– Oui, me doucher. Vous n’avez jamais entendu parler de douche ? Qui est votre responsable ?
– C’est moi, le responsable alors on va tout de suite baisser d’un ton sinon je pars après avoir envoyé un fumigène ninja et là, macache.
– D’accord, d’accord. Cordialons donc. C’est quoi cette merde ?
– Je ne sais pas, vous avez acheté quoi, vous disiez ?
– Un rideau de douche.
– Un rideau de douche ?
– Absolument. Un rideau de douche.
– Mais je ne vends pas de rideaux de douche !
– Alors oui d’accord je veux bien mais que fout ce rideau de douche chez moi ?
– Attendez. Un pan de tissu avec des trous sur un côté ?
– Avec un très joli motif floral, genre rose et blanc, sublime.
– …
– Il a été difficile à poser, en plus !
– Madame…
– Et je pue la mort, maintenant !
– Bon…
– Alors ?
– Alors je pense que j’ai compris votre problème. C’est la durite qui déconne à l’allumage. Classique.
– La…la quoi ?
– La durite, l’espèce de tuyau un peu courbé qui était vendu avec le rideau. Classique.
– Quoi, la tringle ?
– Non, la durite, j’ai dit. Faut changer ça, ma p’tite dame, ça va coûter bonbon.
– MAIS. Ça va, faites moi un devis, venez récupérer le truc et c’est marre. J’en ai juste marre de ne pas pouvoir me doucher.
– Ouhlà attendez, c’est quel modèle vous avez dit ? Floral rose ? Avec une branche ou deux ?
– Heu…deux…
– D’accord…deux branches, faut commander la pièce parce que j’ai pas, là, on devrait pouvoir s’en sortir pour 580€ avec la main d’œuvre…allez, je vous le fais à seulement 500€ parce que je vous aime bien.
– PARDON ?
– Ah bah oui, hein, une durite c’est tout de suite compliqué, et il y a aussi des chances que vos plaquettes soient nazes, faut prendre soin de votre rideau de douche, c’est classique ! Les gens sont là, comme ça, et jamais on se dit que ça serait une bonne idée de faire réviser son rideau de douche. Et là, BIM, l’accident bête. Vous avez de la chance de ne pas être tombée dans le Neither, madame, on pourrait presque dire que vous êtes une rescapée, et franchement, 500 balles pour ça, je pense que c’est tout à fait honnête.
– Mais c’est vous qui me l’avez vendu comme ça, j’y peux rien, moi !
– Votre rideau de douche vous a été vendu avec une notice, il me semble…
– Heu oui. Je crois. Je ne sais plus. Si vous le dites.
– Et je suis sûr que vous l’avez posé directement sur la barre sans réfléchir, sans vous emballer dans du jambon en mangeant de la mayonnaise une nuit de pleine lune. Vexée d’être mise de côté, la durite a pété. Classique…
– Comment ça, du jambon ?
– Ah oui, hein, avec les rideaux de douche multidimensionnels ça pardonne pas. Il y a toute une procédure à suivre, on vous a même collé un QR code sur la notice pour la vidéo YouTube, je sais pas en quoi ce serait de ma faute.
– Mais.
– Bon, d’accord. 400€, mais c’est mon dernier mot.
– Et vous aller m’expliquer ce que vous m’avez vendu ?
– 2m² de tissu multidimensionnel pour les voyages dans le temps pour petits et grands. C’est marqué sur la boîte. Et si mes souvenirs sont exacts, il est bien indiqué de ne jamais prendre sa douche après minuit.
– Mais il est TOUJOURS après minuit, en fait, c’est quoi ces règles à la con ?
– Oh ça va, hein, on se calme, vous voulez que je vous le répare ou pas ? On dit 380 ? En dessous j’y suis de ma poche et les temps sont durs.
– Donc si je vous paye, il va se passer quoi ?
– Alors pour commencer, je vous donne un kit de démontage car pour 380€ je ne rentre pas dans mes frais si j’interviens chez vous. C’est assez simple à réaliser. Quand on lit la notice. Ensuite, vous vous enroulez dans du jambon et tout ça, et vous redémarrez le bouzin. Garanti ça marche.
– Mais vous êtes complètement givré, c’est pas possible !
– Vous la voulez, votre douche, ou pas ? J’ai d’autres clients, moi, madame.
– Est-ce que le jambon est compris dans le kit ?
– Non.
– Bon. Vous prenez la CB sans contact ?
– Non.
– La CB tout court ?
– Nope.
– Uniquement du liquide ?
– De refroidissement, si possible, enfin ça m’arrangerait mais si vous pouvez pas je pourrai m’arranger.
– …
– On va pas y passer toute la nuit, on dit 350€ et c’est vraiment généreux de ma part.
– D’accord…bon ben je reviens… »
💸💸💸
En réalité, Monique avait été victime d’un ransomware au rideau de douche, « classique », comme dirait ce vendeur absolument légitime. L’arnaque est assez simple : faire une petite vente à 5€ et la transformer en 350€ juste avec du tissu floral imprégné de chloroforme. 15 ans que Gilles faisait ce métier et il était déjà à la tête d’un empire de la cryptomonnaie avec ses « gillcoins » et ses NFT à 12 000€. Il ne lui manquait que 3 ou 4 ventes pour agrandir la piscine de sa résidence secondaire à l’Île d’Oléron.
HAAAAAAAAAAAAAA
se dit Monique en se réveillant en sursaut.
Tout ceci n’était qu’un rêve, évidemment, comme dans tous les mauvais films, hahaha, lol, jamais ça arrive dans la vraie vie, ce genre de trucs, se dit Monique en s’enroulant dans sa couette sommeil léger qui la mena tout droit vers un champ de coquelicots empaillés.
Non, Monique. Ce n’était pas un rêve mais une publi-information pour une marque de détecteurs de monoxyde de carbone, parce que rajouter un twist sur un twist à la fin d’une histoire aussi con c’est toujours gage de grande qualité d’écriture.
📓📓📓
En attendant, mon gage à moi (écrire plein de mots sur un rideau de douche multidimensionnel) a été accompli, je demande libération immédiate de cette note dans mon carnet de notes rempli de trucs de ce genre. J’ai un travail, moi, un travail sérieux, alors arrêtez de me refiler des idées aussi stupides que celle-ci lorsque je suis sous l’emprise de l’alcool, vous savez bien que je procrastine tout sauf la connerie.
Quand à toi, n’approche pas des vans suspects sur des parkings vides, et ne nourris jamais ton rideau de douche après minuit.
Now you know.