Heure de réveil : 5h03 (grattent grattent petites papattes)

J’ai pas envie de faire d’intro mais je ne suis pas au bord du gouffre, ne t’en fais pas, j’ai une délicieuse boisson chaude matinale devant moi, de la musique de dégénérée en fond et un chat blanc et roux qui me fixe depuis le fauteuil à côté du mien. Si je tourne la tête vers elle, elle va miauler. Je le sais.

Cette semaine on a vu certaines problématiques du monde militant™

Le ™ c’est pour dire que c’est une organisation reconnue à laquelle on adhère (asso, parti politique). J’ai vu qu’on était d’accord sur le fond : l’organisation de ces instances est conçue pour faire en sorte de péter la gueule à l’horizontalité tout en se réclamant ouvert-es et compréhensifves.

Même en collectif non-mixte t’as toujours un tocard qui vient frapper au carreau pour demander s’il peut venir, et si on dit non on est des misandres assoiffées de sang qui nous réunissons pour incanter des sorts de désolation sur le monde et, surtout, sur ces pauvres hommes exclus de certains espaces.

En plus, on est bien souvent très éloignées géographiquement et il est parfois difficile de rencontrer les féministes de ton secteur. Je ferais bien (ah elle a miaulé) une vanne à base de Tinder et de célibataires dans ton coin, mais non.
J’aimerais bien rencontrer par exemple les féministes de ma ville.

Tsé quoi ?
Je vais poster une annonce sur les groupes relatifs à ma ville.
Je te dirai demain ce que ça a donné.

Voilà. Je sais que je vais me prendre un vent mais, hey, j’ai l’habitude 🤷‍♀️

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Ne suis-je pas déjà militante ?

Pourquoi avoir besoin d’un-e chef-fe à tout prix ? Pourquoi avoir besoin de cette structure trop rigide qui t’empêche de proposer des choses nouvelles ?

Est-ce individualiste que de refuser l’autorité ?

Je ne me sens pas individualiste, au contraire. Mais je refuse qu’une personne me contraigne ou me force alors que je suis dans une activité-plaisir. Le militantisme fait partie des activités plaisir, pour moi. Parce que ça me fait plaisir de participer. Même faire un truc hyper chiant (genre des copiés collés à l’infini) me fait du bien. Je me sens utile.

Peut-être parce que je suis individualiste et que je refuse sans doute les contraintes de vie en groupe ? Ou parce que mon engagement est intense et imprègne toute ma vie ?

🧱 J’ai souvent été confrontée à la verticalité absolue, sous forme de mur dans la tronche. J’aime pas ça et je déteste être cheffe aussi. Je l’ai été sur des projets, et c’est trop chiant. Quand tu prends une décision, parfois, la minorité qui n’a pas gagné le vote reporte sa frustration sur toi. Et quand tu est trop « force de proposition » tout le monde pense que tu exiges alors que tu proposes, et tu finis avec des meufs qui t’appellent « la dictatrice » ou « la patronne » parce que t’as pris LA décision nécessaire mais controversée. Exclure une personne toxique, par exemple, c’est super compliqué et bien souvent c’est toi qui te prend le retour de flamme des personnes qui ne comprennent pas que l’exclusion était sérieusement motivée.

(edit : encore vrai en 2023, je m’impressionne !)

Mais je m’égare.

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Je suis dans la contradiction de la personne impliquée en virtuel mais finalement assez isolée dans la vraie vie.

C’est pas très grave parce que j’adore la solitude. C’est d’ailleurs un des trucs qui fait que je vis mal en colocation. J’ai besoin de pouvoir me poser sans parler. J’ai des variations d’humeur parfois assez subites. Et subies. Rapport à la bipolarité, tout ça.

Le truc utile avec les réseaux sociaux c’est que tu peux parler ou ne pas parler. Parce que tu as droit à la vie réelle.

J’aimerais bien un contexte qui puisse prendre en compte mes spécificités. Par exemple, ma mobilité limitée. Le fait que je ne vais PAS me déplacer pour aller en réunion et que je déteste les réunions. Et énormément de mal avec les visio. Pour moi, c’est l’écrit. Je pense mieux à l’écrit, je peux choisir mes mots soigneusement, genre celui-ci : twist. Très joli mot qui évoque la danse et des sursauts narratifs.

Un endroit, un cadre où on est libre.
Dans chaque groupe, on chasse les « inactives » pour leur demander si elles veulent toujours faire partie du truc. Je comprends la démarche, mais on a pas toustes les mêmes agendas, les mêmes responsabilités, le même nombre d’enfants, les mêmes horaires…bien souvent, on les considère comme inutiles ou tire-au-flanc, alors qu’on fait c’qu’on peut.

📤 J’aime beaucoup travailler en asynchrone pour tout ça. Tu écris un message et tu reprends ta vie au lieu d’attendre mille ans une réponse qui arrive sur ton écran…ou pas. Se réunir au même endroit au même moment, c’est utile mais…pas toujours. Sur des sujets graves c’est parfois mieux d’opter pour l’écrit. Le choix des mots est important, le live ne me permet pas autant de finesse.

Et je ne sais pas ce qu’on a avec les réunions. Le SEUL intérêt que je trouve aux réunions c’est de voir les autres et de leur demander comment ça va. En gros j’y vais pour le social et je suis la bavarde/dessinatrice en scred du groupe. Tu me veux pas en réunion.

⚙⚙⚙

Je cherche des manières différentes de militer. Je suis relativement efficace en solo parce que je suis très dure avec moi-même, mais moins efficace en groupe car je suis beaucoup trop laxiste et que je suis dépourvue de toute autorité. Je rejette l’autorité, je ne peux pas faire preuve d’autorité. Je m’oblige à l’être avec mon enfant, pour qu’il ne se pense pas tout permis, mais c’est clairement pas moi.

Ce qui me ferait rêver, c’est un collectif fluide, sans cheffe, où les décisions se prennent collectivement, où les rôles peuvent changer, où on sait qu’on a une vie en dehors. Pas de rapports de force, pas de discipline rigide, tu viens ou pas, tu prends, tu offres, tu reçois.

⚙ JE SAIS QUE JE RÉINVENTE LA ROUE

T’en fais pas, je ne suis pas à la masse à ce point.

Mais je ne trouve pas ça. Même dans les assos qui se proclament de ce mode de pensée, tu as toujours une ou deux personnes qui veulent prendre la tête du groupe, et y’a du drama et tout le monde finit par coucher ensemble.

Dans les collectifs que j’ai pu connaître, on a toujours un gros souci de suraccumulation administrative. Des canaux de communication trop nombreux, des procédures qui se forment, des chartes (nécessaires) qui font 150 pages car on a pris en compte tous les cas particuliers…
Des décisions et des actions qui peuvent prendre des mois, des années, parce qu’on attend machin qui a pas donné son feu vert ou qu’on a juste peur.

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J’ai l’impression de courir dans tous les sens en cherchant ce qui est sous mon nez. J’ai cherché, des assos féministes. Mais à chaque fois, elles deviennent problématiques (Nous Toutes, Féminicides par compagnons ou ex et le bail de pas vouloir compter les femmes trans assassinées) et quand je creuse, je retrouve les mêmes personnes.

Finalement, depuis mon coin de bureau envahi par les emballages de compotes vides, je milite. Je me sens bien dans ce que je « réalise » parce que je suis responsable de mon propre contenu. Je le publie quand je veux, ou presque, je corrige quand on me signale des fautes, et ce sans passer par 12 relectures du comité. Je parle directement aux personnes qui répondent aux billets et j’aime beaucoup cette proximité que je n’aurais pas avec une énorme audience.

Du coup, je vais continuer comme ça. Écrire dans mon coin. Faire changer les choses, ou pas, apporter ma contribution. Répondre de mes propres conneries, les assumer, rectifier le tir, apprendre, apprendre, apprendre.

Je te dirai si je me suis fait des amies dans ma ville (je pense que je vais me faire éclater en vrai) et si on a décidé de créer un club de lecture 🚬🫖☕🍻

👻👻👻

Ce que je veux dire, surtout, c’est qu’on a besoin de changer notre rapport au militantisme. Je suis une féministe acharnée, mais j’en peux plus des personnes dogmatiques qui se pensent plus intelligentes que moi parce qu’elles savent lire.

🧱 Le dogme est là pour qu’on le déconstruise en permanence, c’est notre travail.

C’est quand je pense avoir trouvé une solution parfaite que le danger arrive. Lorsqu’on a une solution parfaite on glisse dans le biais de confirmation et le cherry picking. Plus ça nous semble logique et bon, plus ça nous semble logique et bon.
Passé l’investissement initial dans la croyance (« ça m’a coûté d’arriver à me déconstruire ») on ne veut pas réaliser les failles, les problèmes, les anomalies.

On nous vend la déconstruction comme un processus qui a un but, alors que c’est exactement le contraire. La moisissure progresse et grandit tant qu’il reste une brique. La vie quotidienne nécessite certaines de ces briques. Le mur ne sera jamais totalement abattu et c’est NORMAL.

🧱 Le jour où tu te dis que tu as tout compris, c’est que tu n’as pas compris l’essentiel : il n’y a pas de but, il y a des objectifs, variables, qui peuvent changer de forme, et tu dois rester vigilante en permanence.

Comprendre ça a paradoxalement été bénéfique pour moi. Je me sens moins bête, parce que je progresse dans la connaissance, à mon rythme. Je me sens moins inutile parce que j’échange ici et ailleurs, parce que parfois je parviens à aider en filmant une vidéo de moi au kazoo pour un ami qui va pas très bien.

🐇🐇🐇

Pourquoi un but ?
C’est quoi, le but des « wokistes » ? D’améliorer les conditions de vie des femmes et minorités de genre, des personnes racisées, des personnes non-hétéro, des personnes en situation de handicap ou neuroatypiques.
Le but semble ici absolument beaucoup trop lointain, si tu le considères comme un achèvement. « Améliorer » c’est infini par définition.

🧱 Si je te dis « (dé)construis une maison », là, tout de suite, tu vas me dire que c’est tendu. Si je te propose d’abattre une seule cloison à l’intérieur, c’est plus simple et tu t’es rendue utile. Par contre t’as pas déconstruit la maison. Donc tu n’as pas atteint le but, mais tu as atteint un objectif, tu vois ?

Je vais pas me lever, demain matin, m’habiller de pied en cap et aller frapper à l’Élysée en demandant à voir le patron pour lui coller deux gifles. Par contre, je peux dire du mal de son gouvernement un peu chaque jour, voilà, comme ça.

☠️ Bande de boloss ☠️

Est-ce que ça compte ?
Faire pipi sous la douche ne freinera sans doute pas le réchauffement climatique, alors pourquoi militer dans son coin fonctionnerait mieux ?

AH

On en revient à l’individualisme.

🎃🎃🎃

Tu sais que j’ai découvert les emballages à la cire d’abeille via un ami qui m’a ramené un Tzatzíki dans un contenant recouvert de ce truc ?
Bah du coup je vais en prendre, parce que ça m’économisera du film étirable ou de l’alu. De mon côté, j’ai montré mes cotons démaquillants lavables et j’ai donné des sacs de conservation en tissu à une amie.

JE ne vais pas changer le monde. Et si on se met toustes ensemble main dans la main ça ferait une belle ribambelle d’ahuries 😅

Je ne vais pas arrêter d’écrire parce que ça sert à rien. Je vais continuer parce que je sais que ça sert. A une échelle ridiculement faible mais je m’en fous. Oui, j’aimerais que le reste du monde tout entier me lise et dise « wow c’est super » mais ça n’arrivera pas.

Mais ça me pinaille en dedans, tu vois ?

Est-ce si important de compter ? De faire la différence ? Quelle différence ?
Est-ce si individualiste que de se dire qu’on ne s’engage pas dans la lutte armée pour plein de raisons ?

Hier on parlait du privé politique, on est encore dedans.
On est à l’échelle micro, de micro-gestes, de micro-actions. Donc à la limite, si ça sert à rien, autant ne rien faire, non ? Si c’est individualiste de vivre son engagement militant de cette manière, doit-on arrêter de militer ? 🤔

Mais certain-es ici élèvent des enfants ou des ados. S’il y a un truc dont on nous rebat les ovaires c’est bien le « les enfants sont notre futur » donc c’est bien, de leur apprendre ces notions, non ? En tant que mère et féministe, je pense militer, et je pense que toustes les parent-es féministes militent aussi en apprenant à leurs enfants la complexité du monde qui les entoure.

Je milite en échangeant avec mes amies militantes. Je me cultive, je me remets en question. Que JE sois féministe ne change rien. Je pourrais disparaître de la surface de la Terre, ce ne serait pas un évènement signifiant à l’échelle du monde.

⭐ Je ne suis qu’une poussière d’étoile mortelle et insignifiante.

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Alors soit je ne fais rien car je ne compte pas, soit je passe outre l’immensité de l’univers et je me dis que je peux aider, même si c’est insignifiant. C’est à moi de juger de ma vie, si j’ai envie de me débattre au lieu de me laisser crever, je le fais.

Je sais que je ne serais pas forcément plus utile en association. Bon, d’accord, j’ai un véritable traumatisme par rapport à ça. On rigole pas, mes expériences ont été très éprouvantes.

Mon engagement, c’est ça. Ces mots insignifiants tapés avec force sur un clavier insignifiant (mais luminou en couleurs), qui partiront sur un réseau fragile et insignifiant pour arriver sur une plateforme de réseau social insignifiant sur ma page insignifiante.

Quand tu parles à ta voisine ou que tu fais preuve de sororité, quand tu écoutes une amie pleurer son mec, quand tu apprends à ton enfant qu’il y a plein de modèles de familles différents, tu agis.

Si c’est pas assez, je m’en fous. Je peux pas faire mieux. J’aimerais dire que ça ne me fait rien, mais pour être honnête j’ai toujours des doutes quand à ma pertinence. En gros, je fais jamais assez bien mais mon instinct de survie m’évite les assos.

Bonus : je déteste ce billet, je le hais du plus profond de mon âme, mais je vais le poster quand même. Mais si ça t’a pas plu, rassure-toi, ça m’a pas plu non plus.