Heure de réveil : 5h00 (moi)
#PartirAuxSeychellesAvecLaCaisse
Quand t’as un gosse c’est facile de devenir communiste : tout ce qui est à toi est à lui.
Hier j’ai passé une partie de la journée avec un gant de compression + orthèse pour immobiliser mon poignet. Ca a super bien fonctionné.
Mais j’ai vu l’étincelle dans ses yeux, oh oui. Et 1/4 de seconde après que je les ait enlevés pour dessiner un peu avant de dire que c’était pas un jouet, il me l’a pris, a joué avec, l’a perdu. Voilà. J’ai un deuxième gant mais j’ai mal à la main droite et c’est un gant gauche.
Faut bien que je l’aime pour pas aller lui secouer les puces maintenant. Au contraire : il dort, ne réveillons pas le Kraken. Il va quand même m’entendre, je lui ai dit hier de faire attention parce que j’en avais besoin, et pouf pouf plus de gant.
Évidemment que je sais qu’il ne s’en rend pas compte, alors je garde mon agacement pour moi, mais la blase est intégrale, là alors je vais écrire tant que je peux, haha, parce que j’ai déjà de nouveau mal. Fait chier.
WARNING : chouine de maman en situation de handicaps (pour ceuxlles qui nous rejoignent aujourd’hui, bonjour et bienvenue, je suis atteinte de spondylarthrite, fibromyalgie et je suis bipolaire à tendance « souvent déprime »)
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D’t’façons, quand t’es une daronne, t’es tout en bas sur la chaîne alimentaire de la maisonnée. En tout cas, chez moi, les chats passent avant ma pomme. J’ai rien demandé, ils se sont imposés touts seuls…comme des chats.
🦖 Dans mes priorités d’achat on a :
– La bouffe des humain-es
– La bouffe des chats
– Les vêtements et fournitures du petit
– Les produits de soin et d’hygiène
– L’enjoiement de tout le monde : abonnement Disney+, Netflix, OCS, achat de jeux vidéos, livres, jeux de société, matériel d’arts plastiques…
– Des gants de compression, rhaaa
– Mes rdv médicaux non remboursés.
– Ma consommation d’origan
– Mon fond de solidarité pour les copaines dans la dèche. Désolée vous passez après l’origan, j’aurais bien fait style toussa mais ç’aurait été hypocrite.
🦖 Ma priorité dans les pensées :
– Mon enfant
– Mon enfant
– Mon enfant
– Mon dulciné
– Ma maman, mon frère, ma mamie et ma tante.
– Les copines
– Les chats (désolée, les loulous, heureusement que vous savez pas lire).
– Ma santé mentale mais quand je pète un câble.
– Mes questions existentielles
– Ma santé tout court parce que des fois j’ai mal (« des fois » j’ai le sens de l’euphémisme )
🦖 Mes priorités globales :
– Mon fils
– Mon amoureux
– Le bien-être des chats
– Le bien être des copaines
– La santé de ma maman
– Mes productions (dessin, écriture, idées à la con)
– Ma gueule.
Je dis pas ça en chouinant particulièrement : c’est totalement raccord avec mon absence d’estime de moi et ça relève aussi un peu de la victimisation (Je me permets d’utiliser le mot car je m’adresse à moi). Parce que forcément, à force de me montrer comme allant bien ou presque, à force de renier mes symptômes, plus personne, à part les professionnel-les de santé qui me suivent, et encore, ne sait ce qui se passe exactement dedans moi.
Donc je suis, par exemple (pas là, tout de suite, je te rassure) au fond du gouffre, mais quand je suis dans les abysses je fais silence. J’appelle ça le « mode mute » (« mute » en anglais ici : couper le son). C’est quand je cause pas qu’il faut s’inquiéter. Quand je cause pas, c’est que j’ai laissé tomber le combat temporairement parce que j’ai plus la force. Mais ça c’est pas indiqué sur ma notice car j’ai pas de notice. En plus pragmatique il y a mes sessions de ménage qui sont un bon indicateur.
Ça m’a pris un moment avant de réaliser que si je n’exprimais pas mon mal-être, personne ne pouvait le voir. Mon mari est habitué, maintenant, il connaît le regard dans le flou, mais ça fait bientôt 14 ans qu’il me pratique, il en a vu, des trucs inquiétants. Je masque super bien mes troubles quand j’en ai envie. Tu parles, ça fait toute ma vie que je pratique, toute ma vie qu’on me considère comme une folle mais que mon masque de sanité est solide, bien solide.
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Je sais que je creuse mon propre trou. Je devrais signaler mes problèmes. Mais j’en ai TOUT LE TEMPS, des problèmes et à un moment ça emmerde les gens et tu perds tes amies. Par exemple : oui, chaque jour j’ai mal à un endroit ou à un autre. Chaque jour je suis épuisée par les traitements, chaque jour j’ai des idéations suicidaires. Je vais pas dire « attention aujourd’hui ça va mal » parce que c’est ma condition de base. Ça fait 25 ans que j’ai mal chaque jour, autant me faire un écriteau suspendu autour de mon cou.
« Toujours malade, oui. »
Ouais, heureusement que j’ai le recul et l’humour nécessaires pour ne pas me laisser sombrer. Et cette curiosité de savoir comment le monde va évoluer.
L’avantage c’est que mon enfant sait déjà ce que sont que les maladies physiques et psychiques. Il a été très tôt autonome parce qu’une maman qui ankylose la nuit est une maman qui ne peut pas se lever d’un bond pour aller consoler l’enfant. Assez rapidement, quand il l’a pu (après la phase cododo du coup) il a commencé à se lever pour venir me dire ce qui n’allait pas.
Il est souvent, souvent, souvent TRES frustré par mes pathologies. Un jour, on doit faire un truc tous les deux, et il me retrouve au fond du lit à geindre. Ça provoque en lui un immense sentiment d’injustice. Il y a des phases où quand je dis « Doucement » il hurle de dépit. J’ai pas de mal à imaginer sa frustration devant sa maman toute cassée. Moi aussi je suis frustrée et en colère d’être malade. « C’est pas juste ». Bah non, chaton, c’est pas juste.
Alors il reporte parfois sa colère sur moi, et c’est compréhensible. Les enfants aiment pas les changements de routine, déjà. Et avec moi, chaque jour est un peu différent en fonction de toute ma configuration mentale et corporelle.
Pis il voit maman malade, parfois très très malade, et il trouve ça injuste. Les autres mamans elles sont pas comme ça, déjà (pas toutes), elles sont pas fatiguées en permanence. C’est effectivement injuste.
Aparté : si, elles sont fatiguée en permanence, les daronnes. Mais le traitement lourd que je m’enfile contribue beaucoup à ma fatigue à moi. En début de protocole anti-TNF j’ai eu des phases limite narcoleptiques. Je me lève, je suis crevée, je bouge un cil je fais une sieste. Pratique pour le boulot. C’est pas la même fatigue que celle de l’épuisement parental, quoi, y’a des subtilités.
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Comme je sais qu’il sera triste pour moi et en colère pour lui, j’essaye de faire genre ça va impec alors que non. ET C’EST IDIOT ! Parce qu’il va me solliciter et que je vais dire « Heu là je ne peux pas » alors que personne ne l’a mis au courant que c’était une journée KO.
C’est compliqué, hein ?
J’ai le choix, je suis transparente avec mes proches et tout le monde s’inquiète pour rien (moi = rien), ou alors je ne dis rien et je fais semblant jusqu’à ce que ça pète encore pire que prévu. Y’a pas de solution, ou si quelqu’une a trouvé une potion d’estime de soi, qu’iel se signale, je suis intéressée.
Des fois j’imagine tout dire. Genre là, tout de suite, j’ai mal à la main droite, obviously, mais aussi entre les omoplates, dans tout le bassin, au genou droit et sous la plante des pieds + talon. Psychiquement je fais un bon 8/20 et c’est franchement pas mal, je considère ça comme bien. J’ai des idées suicidaires tous les jours, donc ça on va dire que c’est normal, non ? 8/20 franchement c’est royal.
Comment tu veux dire ça à un enfant en colère contre ta maladie ?
Je sais que ça le fâche mais aussi que ça le rend triste alors je dis quand j’ai pas le choix. Il m’a déjà vue en total shutdown (je me permets d’utiliser ce mot normalement associé aux troubles du spectre autistique, car la description est effroyablement similaire) après m’avoir fait vivre l’enfer toute la journée, je pense qu’il s’en souviendra longtemps. En général, c’est à ce moment qu’il sait qu’il a été trop loin et qu’il a « cassé » maman. Quand il me voit le regard dans le vide, il sait.
Ouais on s’en sort jamais. Entre inquiéter les proches « pour rien » et devoir quand même signaler de temps en temps qu’on est limitée, j’ai jamais trop trouvé le juste milieu.
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Mais c’est injuste d’avoir une maman toute pétée, je te le concède. Je ne lui ai pas expliqué mes pathologies dans le détail mais il sait que je suis fragilisée.
Trop de souvenirs de mon père qui m’appelait « mon poussin » en sanglotant parce que le monde entier était ligué contre lui. Alors il me disait qu’il allait se laisser mourir, et qu’on allait le retrouver tout sec sous sa table parce que personne ne l’appelait jamais (j’ai appris ensuite que c’était on ne peut plus faux, il a fait croire à chaque aidant-e qu’iel était lae seul-e à se préoccuper de lui…) et qu’il habitait trop loin.
L’effet sur moi a été énorme. Il m’a fait le coup quand nos vies étaient encore un peu proches l’une de l’autre. Je n’ai jamais pu lui parler de mes propres pathologies. J’ai tenté, mais il avait pire, toujours pire. Alors je l’écoutais raconter comment il allait en finir et qu’on serait toutes punies.
Je veux pas être ce parent, tu vois ?
Je pense qu’il ne faut pas dire ça a son enfant. Faut pas dire « j’ai envie de me suicider car je suis seul car tu n’es pas là » à son enfant. Faut vraiment pas faire ça. Enfin, ça me semble logique mais ça ne l’est pas pour certains parents.
Je préfère dire que je suis triste, anxieuse, que j’ai peur. Je ramène à des émotions simples pour qu’il puisse comprendre et jamais je ne lui dis « je veux me foutre en l’air », jamais je ne le dirai ça, c’est atroce de dire ça à son gosse !
Je lui mens ? J’euphémise, oui. Parfois quand je suis en douleur maximale, il pleure pour moi parce que j’ai mal. Alors je veux pas qu’il pleure, moi, mais je peux pas faire semblant de pouvoir marcher quand je ne peux pas.
Il a mis du temps à comprendre que, même si elle est super classe, ma canne avec des flammes n’est pas un jouet. Il lui est déjà arrivé de me la prendre et de faire l’imbécile avec tandis que je galérais ma race à tenir debout. Mais bon, les flammes, j’avoue. Et quand je lui signale que je suis loin derrière et que j’ai besoin de la canne, il s’assombrit ou tape une crise. Maman est malade et c’est PAS JUSTE (ouais chuis d’accord). Mes limitations provoquent parfois une colère sans nom. Ça suffit. « T’es guérie, maman ? » Non. Je suis pas guérie, et moi aussi je suis en colère contre la maladie, chaton.
Il veut que je l’appelle « Mon poussin » mais ça me rend triste.
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…et c’est hyper dur à vivre. Il est pas content pour sa maman, mais il se défoule sur maman aussi. Parfois, il me fait mal à dessein, et là je vois rouge. Je fais rien, hein, je me casse et je lui demande d’attendre d’être calmé avant de venir vers moi, et je lui demande de s’excuser.
C’est assez peu efficace, j’ai autant d’autorité qu’un Corgi sous ecstasy.
Alors tout ça forme un agglomérat de merde. Le non-dit, le trop-dit, l’euphémisation, la dépendance, la figure d’attachement, l’injustice, l’empathie, l’amour. Tout est mélangé et ressort un peu comme ça veut.
Je sais pas toujours comment faire alors j’improvise 🤷♀️
Cela dit…je poste tard car j’avais rdv ce matin et que je n’avais pas le temps de relire le billet correctement et…je crois que je sais où est le fameux gant 🤓