On a parlé politique à un moment, ici (ce qui n’arrive évidemment JAMAIS), et j’ai perdu une amie macroniste qui s’est retrouvée à hurler virtuellement que tel élu de son coin était un connard (parce qu’il fait pas ce qu’elle veut parce qu’il est écolo et qu’il fait chier les automobilistes, je crois), alors que LFI et EELV pouvaient bien aller se faire foutre, elle votera Macron.

Bon. Oui, forcément, ça allait mal tourner.
Moi, là, je pense aux personne au RSA, et je me demande qu’est-ce qui gagne entre ta volonté de conduire dans des zones devenues piétonnes et la vie des gens ?

Réponds pas. Pas la peine.

Je connais cette personne IRL. Alors je lui ai dit que c’était facile de dire ça en étant privilégiée, ou un truc du genre.

😮 Mein gott.
😱 Qu’avais-je fait !
Rappelé à une personne sa position privilégiée !!!

« JE NE SUIS PAS PRIVILÉGIÉE !!! 🤬 »

Alors on va reprendre les bases.


📜📜📜

J’ai demandé à Robert puis au Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) la définition du terme, je n’ai pas tout inclus (trop long).

📜 Première définition 📜

📓 Droit, avantage particulier accordé à un individu ou à une collectivité, en dehors de la loi commune.

📓 Droits, avantages matériels ou honorifiques, concédés à certaines personnes en raison de leur naissance, de leurs fonctions, de leur appartenance à certains corps (magistrature, clergé, corporations), ainsi qu’à certaines institutions, certaines villes ou provinces.

📓 Privilège d’émission de la Banque de France. Droit exclusif d’émettre les billets, conféré à cette banque depuis 1848.

📓 Privilège des bouilleurs de cru. ,,Franchise de droits accordée à certains bouilleurs de cru jusqu’à concurrence de 10 l. d’alcool pur par an«  (Sallé 1982).

📓 Privilège paulin ou paulinien. ,,Possibilité de dissolution du mariage entre deux conjoints non-chrétiens lorsque l’un d’eux se convertit au christianisme et que l’autre ne veut plus cohabiter pacifiquement avec son conjoint« 

📜Seconde définition 📜

📕 Avantage, faveur dont bénéficie une personne ou un groupe par suite d’un choix arbitraire, d’une situation ou de circonstances particulières

📕 Avantage naturel, don particulier de quelqu’un, propriété de quelque chose.

📕 Valeur, importance particulière qu’a une chose ou qu’on lui accorde.


📜📜📜

J’ai super bien cherché, tu penses bien, et je ne trouve à aucun moment la notion d’insulte. Un privilège, ce n’est pas une insulte. C’est un privilège.

En ce moment, je ne me sens pas particulièrement privilégiée. Je suis malade, j’ai mal partout, ça guérira pas, en plus je suis folle alors laisse tomber. Je suis handicapée, c’est un désavantage naturel qui me place fatalement plus bas sur l’échelle du pouvoir.

En revanche, je suis blanche, cisgenre, mariée avec enfant, propriétaire de mon logement, je suis indemnisée pour mon invalidité que j’ai pu faire reconnaître, j’ai un traitement lourd; très coûteux mais relativement efficace, que je ne paye pas car je bénéficie de la sécurité sociale et de la prévoyance.

Je suis privilégiée. Je ne suis pas milliardaire, je suis malade, mais je suis privilégiée sur certains aspects de ma vie.

La plupart du temps, les gens confondent le privilège et les ressources financières. Mais c’est réducteur, même si l’argent et l’héritage font partie des privilèges.

Pas besoin d’être riche pour être privilégié-e. Rien que la blanchité, on s’en rend pas compte en étant blanc-hes, mais c’est un truc gigantesque. C’est ce que calculent les gens en une fraction de seconde lorsque tu les rencontres pour la première fois. La couleur de ta peau. Cela ne veut pas dire qu’on fait obligatoirement de la merde avec cette info, on peut voir les couleurs des gens et leur foutre la paix aussi. Mais on voit la couleur de la peau, l’expression du visage, la tenue vestimentaire, et on se fait une idée préconçue. (Je me permet de le rappeler pour les gens qui « ne voient pas les couleurs » : si, tu vois les couleurs, ton cerveau l’enregistre et le traite. Deal with it.)

Ce qui est normal parce que ça nous sert à différencier un ours d’un très gros chat et de nous barrer si nécessaire. On remarque les micro-signes du visage, inconsciemment, et souvent, cette première impression guide la poursuite de la relation. Par exemple si un mec sourit du bas du visage mais me mate l’air menaçant, je suis bien contente de l’avoir remarqué avant.

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💰💰💰

Être blanc-he c’est un privilège. Si tu es en situation « compliquée » en ce moment tu ne te sens pas privilégié-e d’être blanc-he, pourtant, tu l’es.

Tu trouveras un logement, un travail plus facilement. Normalement, les flics ne t’arrêteront pas tous les 100 m. Tu sera mieux soigné-e (syndrome méditerranéen), personne ne te demande de quel pays tu viens ou si tu vas « au bled » pour les vacances ou si tu parles africain.

La racisation est le premier critère d’exclusion, car il est visible comme le nez au milieu du visage, littéralement. Peu importe que tu sois l’héritière de ce prince Nigérien qui a besoin de 50 000€ pour débloquer sa fortune suite à un héritage pharamineux ou que tu sois polytechnicienne, ton intelligence, ta sagacité, tes compétences humaines et professionnelles ne seront examinée qu’après avoir passé la douane invisible des cerveaux blancs.

C’est comme ça qu’on se retrouve à jouer l’étonnement quand une personne racisée reçoit un prix Nobel.
Quand Malala Yousafzai a gagné le Nobel on était toustes là « wow génial » et en filigrane on avait « une non blanche qui gagne, étonnement ! »

On parle souvent d’altérité, ici.
Le « normal » est blanc, masculin, cisgenre, vit dans un « pays développé » (j’ai raté mon épreuve de géographie au bac en refusant de comparer la progression des « pays du tiers monde », j’ai répondu que ces pays n’étaient sans doute pas adaptés au capitalisme et que ce n’était pas preuve de sous développement que de refuser un système tel que celui-ci. J’ai eu 7 sur l »épreuve, à l’époque étude de documents et questions sur l’Histoire, j’ai fait un sans faute en Histoire donc j’ai eu zéro, et je ne regrette rien, je l’ai eu l’année suivante, en candidate libre 🖕).

Dès que tu es hors cadre, la machine se grippe. Tu perds des points en normalité en fonction de tes différences par rapport au modèle.

Car tu ne bénéficie pas du privilèges masculin-blanc-cis-enfin-t’as-compris.

Est-ce qu’un mec cis au RSA va se sentir privilégié ? Grave que non. Il le sera pourtant, de par ses attributs sociaux : genre, couleur, orientation sexuelle…tout en étant grave à la dèche.

Est-ce injuste ?


👑👑👑

Oui, évidemment que c’est injuste que quiconque se retrouve démuni-e. Personne n’a jamais dit le contraire. Ici, en tout cas.

Ici, notre spécimen sera grave dans la merde mais toujours en position privilégiée, car le privilège se calcule par rapport aux autres, et à mon avis c’est un des points où ça coince.

« On est tous le privilégié de quelqu’un »

Le privilège dépasse ta propre personne. Le privilège est un état, ce n’est pas une chose sur laquelle on peut influer facilement. Par rapport à autrui, ta position sera privilégiée.

…mais ce n’est pas injuste, dans le sens où le privilège est un fait. Tu ne l’as pas réclamé, en général tu es né-e avec. D’où la réaction de rejet : je ne l’ai pas choisi, je suis né-e avec, alors je ne suis pas privilégiée.
Nulle justice divine ici, juste une certaine tendance à l’intolérance toute humaine. C’est nous qui créons le préjugé et le privilège en attribuant de la valeur aux personnes en fonction de critères arbitraires.

Cela fonctionnerait si on avait une prise sur ces privilèges et surtout si la notion de privilèges n’était pas connotée. Parce qu’effectivement, tu n’as pas de prise sur ta naissance, non. C’est en revanche à toi de faire de ta vie ce que tu en veux. Tu peux utiliser ton privilège pour obtenir un meilleur poste à la COGIP, tu auras une prime et tout. Youpi.

Tu peux aussi l’utiliser autrement pour faire porter ta voix de blanc-he, parfois perçue par les autres blanc-hes comme ayant plus de valeur, pour soutenir les personnes racisées, prendre position sans confisquer la parole pour autant.

Photo de Neil Thomas sur Unsplash

🎲🎲🎲

« Je n’ai pas choisi d’être blanc !!! »
En effet.
Et ?

Si être défini comme « blanc » te semble si péjoratif c’est que tu sais au fond de toi que les blancs se sont comportés comme des connards et que le pseudo-irréel-racisme-anti-blanc n’est que ton interprétation d’une réponse justifiée et légitime de la part des personnes racisées qui souffrent, elles, directement du racisme.

Perso, je suis pour « payer pour ses ancêtres » parce que toutes les saloperies qu’on a fait subir aux pays colonisés ou exploités jusqu’à l’os nécessitent réparation. Parce que si toi, français-e, belge, québécois-e, tu vis relativement confortablement par rapport au reste du monde, c’est parce que notre engeance a pillé sans merci le reste du monde.
Donc oui, on a au moins la responsabilité de ne pas se montrer dégueulasses avec les descendant-es des personnes qu’on a massacrées, ça me semble vraiment la moindre des choses…

On te demande pas de rendre l’argent, juste de voir la réalité en face. Parce que ce déni est insupportable.

Tu peux naître blanche, pas riche et handicapée, ça ne te dispense pas de faire preuve d’un peu de réflexion et d’un peu de décence. Oui je me parle à moi.

D’un côté on nous berce avec les success story des types nés pauvres qui réussissent, de l’autre on dit « je ne peux rien faire de cette vie qui soit en faveur des personnes racisées et minoritaire parce que je n’y ai aucun intérêt et que c’est pas ma faute si je suis né là. »
Les deux faces d’une même pièce. Fabuleux. On te demande de dépasser ta classe, de réussir financièrement et ce, peu importe comment tu nais, parce que « tout le monde peut y arriver », puis quand on te demande de faire preuve de respect, soudain, « j’y peux rien je suis né comme ça ».


💸💸💸

Quand on dit « privilège » on dit pas forcément richesse financière. On dit que la loterie t’a attribué des éléments qui rendront ta vie plus facile. Non, tu n’as pas prise sur le packaging de base, mais tu as prise sur ce que tu FAIS de ta vie.

HEUREUSEMENT !!!

Le mot privilège n’est pas non plus une insulte car personne ne nie le manque de prise que nous avons sur notre propre naissance. C’est pas ça, le souci.

Le souci c’est, évidemment, systémique. Sans déconner tu croyais que j’allais finir le billet sans écrire une seule fois « systémique » ?

Il faut vraiment distinguer ce qui relève de l’individu et ce qui relève de l’organisation pétée du monde. Les blanc-hes sont favorisé-es de différentes manières. Ne pas naître au milieu d’une zone de conflit armé, par exemple, c’est plutôt bien. Ne pas subir de discrimination à l’embauche, c’est fondamentalement bien. Naître sans handicap, j’aurais bien aimé.

Et, je le répète, ce n’est pas une insulte !
T’y peux rien, on l’a radoté plus haut.
C’est juste que maintenant que tu as des privilèges, il faut en faire quelque chose.

Parce que rejeter ses privilèges et les utiliser quand même, c’est d’une hypocrisie sans nom et aussi relativement habile car si les privilèges n’existent pas, je suis sortie d’affaire. Vu qu’ils n’existent pas. Allez bien ouej on remballe le billet, à demain !

Photo de Julius Drost sur Unsplash

😑😑😑

Bref.

Le privilège n’est pas un label sur ta gueule, c’est un état et un outil. Un outil qui peut servir à dominer ou à venir en aide aux autres.

Je vais passer pour la meuf qui se la joue bisounours, mais j’ai que cet exemple concret de trucs concrets.

Lorsque je prends les transports, je suis attentive car en général assise sur les places « à mobilité réduite ». J’ai le privilège d’avoir la carte que je peux dégainer si on commence à m’emmerder moi et pas le mec qui est lui aussi assis sur une place réservée.
C’est immanquable, en cas de litige sur les places, tout le monde présume que c’est moi la fraudeuse. Après, je sors la carte et je les regarde se décomposer.
Il m’arrive d’avoir la canne, pas toujours mais souvent. Je prends les places réservées uniquement si le trajet fait plus de 3 arrêts et si je ne peux vraiment pas rester debout.

J’ai l’habitude qu’on me regarde mal quand je suis sur ces places. Ça arrive même à chaque fois, en réalité. Les préjugés, tout ça (on m’a donné 27 ans hier, hey !).

Mais je sais aussi me lever et céder ma place si j’estime qu’une des personnes debout en a plus besoin que moi. Et, en général, je cède ma place à des femmes « âgées » racisées en priorité. Totale discrimination positive, oui. Je sais que pour beaucoup, elles ont un boulot épuisant et une vie épuisante avec parfois des enfants épuisants. Alors un petit geste d’attention, je me dis que ça peut faire du bien. Non, tu n’es pas invisible, oui, je t’ai vu, et oui, tu peux avoir ma place.

Je laisse passer en caisse avant moi et mes courses au besoin. Je fais attention à ces femmes qu’on

 

oublie de voir dans la rue.

Il m’arrive de laisser ma place ou de faire passer des blanches (note le féminin), évidemment, mais dans mon triage interne, les personnes racisées ont plus besoin de ma solidarité que les personnes blanches.

🍪 Je suis désolée, ça fait vraiment « donnez moi des cookies » je trouve, c’est vraiment pas le but, j’essaye d’expliquer comment je délaisse mon privilège blanc sans en mourir subitement, tout en étant moi-même désavantagée par le handicap. L’exemple de la place assise réservée est le meilleur exemple perso que j’ai pu trouver car il se trouve à l’intersection de plusieurs oppressions.

Ouais on est à ça de découvrir l’intersectionnalité, tavu ?

 

🎩🎩🎩

T’en fais pas c’est bientôt fini. L’intersectionnalité c’est un gros morceau, on y reviendra.

Le privilège c’est quelque chose que tu ne maîtrises pas forcément et qui te permet de bénéficier du plan premium de la life. Tu peux avoir la version gratuite mais on t’envoie dans le monde avec que dalle, il faut payer pour avoir le widget et la possibilité de changer la couleur des icônes. Heureusement, tes parents ont pu payer l’application pour toi avant ta naissance, tu as donc un avantage : tu peux agrandir ou rapetisser le texte de ton application. Toutes mes félicitations.

La question, c’est surtout ce que tu fais de ton privilège, comment tu en profites, ta conscience de la chose. Et c’est là où ne veulent pas aller beaucoup de privilégié-es : la responsabilisation. Parce que oui t’as pas choisi de naître privilégié-e mais tu l’es, on fait quoi, maintenant ?

Refuser la notion de privilège c’est ne pas reconnaître cet avantage dans le but de ne pas avoir à le gérer. Si JE ne me sens pas privilégiée, pourquoi me prendre la tête ? On est dans la pure réactance, ici. C’est comme quand un mec dit « Si je fais tout mal à tes yeux alors je ferai plus rien du tout, na ! » quand tu lui as dit qu’il s’était planté pour la lessive et que tout est ressorti bleu ciel. Genre je vois pas que tu fais l’indigné coupable et incompétent parce que tu veux que je le fasse à ta place. Bien tenté !

En réalité, on ne souhaite pas abandonner nos privilèges parce que c’est cool, les privilèges. Clairement, c’est cool. Même avec mon look, je pourrais transporter 3kg de cocaïne dans mon sac pendant 2 mois que personne ne me demanderait autre chose que « Bonjour madame ». (Non j’ai pas de drogue dans mon sac)

J’ai 39 ans et on m’a demandé une fois mes papiers, à la douane, en 1999.
C’est ça, le privilège. J’inspire confiance car j’ai de bons traits franco-allemands, je suis blanche comme un cul et je sais sourire pour esquiver les problèmes.
Est-ce que je m’en suis déjà servi pour transpor…nooooooooooooooooooooooooon ho ho ho loin de moi cette idée, enfin ! Hahaha !😅

REGARDE LE MOUTON !!!

🤖🤖🤖

Tu es ptet née privilégié-e, d’une manière ou d’une autre. Le fait d’être valide est un privilège, par exemple. Tu as le privilège de pouvoir rester debout dans le bus. Ton privilège est un non-handicap. Tu es « normal-e » et moi je suis handicapée. Tu es donc favorisé-e par rapport à moi.

Être valide, franchement, c’est une bonne chose, non ? C’est sans doute cool de ne pas avoir mal partout tout le temps. Tu n’as rien à faire, BIM, un privilège. Est-ce grave ? Non ! Tu es en bonne santé ! Reste en bonne santé !!!

Par contre, tu peux choisir de laisser ta place dans le bus si une personne semble nécessiter une place assise. Tu peux te lever et proposer ta place, même si tu es sur une place non réservée.

Et tu ne le fais pas. Je ne le fais pas systématiquement non plus. Mais toi, tu es assis-e et une personne non valide est debout. Les 4 places réservées sont prises. Tu fais quoi ? Tu cèdes ta place ou tu baisse les yeux en faisant semblant de ne rien voir ?
C’est ok de pas avoir envie, rien ne t’y oblige, tu as le droit de rester assis-e. Mais prends conscience que tu aurais pu.
Zéro obligation, mais possibilité, tu vois ?

Le privilège c’est comme une place assise dans le 114 en fin de compte.
C’est toi qui décide de ce que tu veux en faire.