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Heure de réveil : 4h07 (grr)

MEH.

Voilà.

Spotify me propose en premier une chanson issue de l’OST de Just Shapes and Beats (un jeu vidéo, maman) que j’ai mis du temps à apprécier parce que j’aime pas quand ça chante dans les chansons, les paroles m’ont dit « ouais » ce matin. J’ai trouvé ça adapté même si c’est pas la 5ème de Beethoven (après tout, je n’écris pas non plus à la plume, ma culture est celle que je fabrique et je suis tombée dans le plus respectable Fatboy Slim il y a 5 minutes, l’honneur est sauf)

When the colors fade
And it turns to gray
We’ll calmly walk away
Walk away from the fray
When structure falls
And all else fails
We will build it once again

We can climb high
Higher than before
We can stand by
While it burns to the floor
Though we cannot fly
We will build and the wounds will mend
As we build it once again

***

Quand les couleurs s’estompent
Et que tout devient gris
Nous partirons tranquillement
Nous quitterons la bataille
Quand les édifices s’écroulent
Et que tout le reste échoue
Nous bâtirons encore une une fois

Nous pouvons monter haut
Plus haut qu’avant
Nous pouvons nous tenir prêts
Pendant que le sol brûle
Bien que nous ne puissions pas voler
Nous allons reconstruire, nos blessures vont guérir
Et nous bâtirons encore une une fois

👾👾👾

Je pense que c’est ce dont j’avais besoin ce matin, tiens.

L’étreinte du désespoir a trouvé une autre proie ce matin, j’espère bien que c’est pas toi. Je suis pas sautillante et joyeuse mais, je sais pas, y’a un truc.

Pourtant j’ai reçu une convocation de la CPAM pour me rendre à la médecine du travail, hier, et si ça m’a collée en panique sur l’instant, en fait, ça va. Je peux faire quoi de plus ?
Je demanderai aux copines qui savent quelles sont mes options, et ça va le faire. Quoi qu’il en ressorte. Ma situation pro est des plus inconfortables, même si de loin je ne fais qu’être malade et me la couler douce.

Mon dossier médical ressemble à un annuaire. Et à deux parpaings si j’ajoute les IRM, radios et scanners. Juste mon ordonnance a collé l’angoisse à ma dernière psychiatre.

« MAIS VOUS PRENEZ DU TRAMADOL !
– Oui, ça fait quelques années maintenant.
– MAIS POURQUOI ? VOUS SAVEZ QUE C’EST UNE DROGUE ?
– Parce que j’ai des douleurs chroniques et que je sais arrêter (grossesse…) ou réduire (moins de douleurs) comme une adulte. C’est moi qui demande à diminuer à mes médecins, d’ailleurs. Je sais que c’est une drogue.
– MAIS C’EST UNE DROGUE
– Certes. (Si tu savais…🙄) »

🐇🐇🐇

Je pense à ça parce qu’une amie est en plein chemin de croix médical. Et des fois t’as quand même des médecins qui en ont rien à branler.

La dernière spécialiste qu’elle a vue a parlé de dépression liée à la douleur, et je pense que le sujet est important à aborder.

C’est vraiment vague entre somatisation, dépression réactionnelle liée à la douleur, symptômes physiques et tout ce merdier-là.

Parce que, admettons, tu es dépressive. Il t’est arrivé quelque chose, ou la chimie de ton cerveau a pas bien suivi ses cours de bio, mais le monde est triste et moche.

Souvent, tu auras des manifestations physiques diverses, tellement diverses que je ne vais pas m’amuser à tout lister.
Mais, déjà, le stress peut provoquer de la fièvre. Tu le savais, toi ? Moi non plus. La crispation liée à la dépression est un vrai truc. J’ai eu des phases où je me suis abîmée la paume des mains avec mes ongles à force de serrer les poings, j’ai déjà eu des blocages de la mâchoire à force de serrer les dents, des migraines carabinées, des contractures un peu partout. Puis tu dors mal, ou trop, ou pas assez, mais pas bien. Tu ne peux pas récupérer.

La douleur du désespoir est si profonde que, physiquement, tu réagis. En général tu te « contractes », l’image de la meuf roulée en boule sous de la polaire c’est un peu ça. Tu te replies en toi-même pour ne plus subir les assauts du monde. Et en attendant, tes muscles obéissent, et tu finis par te blesser.

🐼🐼🐼

Et la douleur, ça rend ouf. Littéralement.
J’ai déjà cru que je partais totalement en vrille dans ma tête tellement la douleur était importante. Les sanglots font mal au dos, quand tu es pleine de contractures. Et tu continues à vouloir te protéger du monde, en boule sous ta couette. Tu te contractes encore plus quand tu pleures.

J’ai déjà eu des moments où j’ai considéré me foutre en l’air tellement j’avais mal PARTOUT. Au corps, dans la tête, partout.

Quand je dis que la douleur rend ouf, je pense le terme bien choisi. J’ai déjà été tellement désorientée par ces sensations que je pensais faire une crise psy. C’était pas possible, pas surmontable, la réalité s’était fait la malle.

Avoir mal chaque jour, chaque jour, chaque jour, à un moment, ça déprime.

Et comme tu déprimes…
Tu développe d’autres symptômes. Tu somatises. Ton cerveau te pose un gros stop et te demande de ne plus bouger du tout en attendant que ça passe mais tu ne l’écoutes pas. Tu DOIS fonctionner.

Getty Images/Malte Mueller

🐻🐻🐻

Petit à petit, tout ça se mélange. Tu sais plus si tu déprimes à cause de la déprime ou à cause de la douleur, puis qu’importe désormais. Tu sais pas si ta douleur est liée à ton état mental ou si tu as une cause physiologique éventuellement grave, car les symptômes peuvent être super impressionnants, genre à t’emmener aux urgences en panique parce que t’es en train de crever (c’est en tout cas le signal envoyé par ton cerveau)

Un truc qu’ont pas encore compris pas mal de médecins c’est que, oui, c’est « dans la tête ». Tout est dans la tête. Si t’as pas de tête, tu fais quoi ? Tu n’as plus personne pour faire battre ton cœur et tu meurs, patate 🤷‍♀️

« C’est dans la tête » c’est vraiment une des pires phrases à dire à qui que ce soit.
La seule utilisation cohérente de cette phrase serait éventuellement, tu avais un corps étranger dans la tête genre carreau d’arbalète. Ou si on te demande où est le siège social de tes pensées.

Evidemment que la douleur est dans la tête.

🐹🐹🐹

« La définition de la douleur elle-même a été profondément révisée. Pour l’International association for the study of pain, qui regroupe tous les médecins et chercheurs spécialistes de la douleur, la douleur est décrite comme une « expérience sensorielle ET émotionnelle désagréable en lien avec une lésion tissulaire réelle ou potentielle. » L’organisme, via les fibres qui innervent la totalité de la peau et des organes, envoie un signal électrique au cerveau pour le prévenir qu’une lésion (coupure, brûlure, choc) vient d’avoir lieu ou est imminente. C’est un véritable système d’alarme qui préserve notre intégrité corporelle. « Les gens insensibles à la douleur – c’est une véritable pathologie génétique -, ont une vie courte : sans douleur, on se blesse, on se mutile… » rappelle Jean-Philippe Pin, neuropharmacologiste à l’Institut de génomique fonctionnelle2.

La nouveauté, dans cette approche de la douleur, c’est la composante émotionnelle, longtemps sous-estimée par les scientifiques. « Quand on se coupe le doigt, il n’y a pas de douleur au bout du doigt. L’information électrique remonte jusqu’au cerveau, et c’est le cortex qui interprète ce signal comme étant douloureux, explique Michel Barrot, qui précise : si on n’est pas dans une expérience émotionnellement désagréable, on ne parle pas de douleur mais de nociception » »
(CNRS1)

(La nociception est une fonction défensive, d’alarme. C’est l’ensemble des phénomènes permettant l’intégration au niveau du système nerveux central d’un stimulus douloureux via l’activation des nocicepteurs (récepteurs à la douleur) cutanés, musculaires et articulaires.)
(Wikipedia)

🦎🦎🦎

Now you know.
Et maintenant ?

Parce que c’est cool de se dire « ouais c’est dans la tête haha » mais savoir que tu t’es coupé le petit doigt en réparant la moissonneuse-batteuse familiale ne va pas le faire repousser.

C’est dans la tête, cool, on fait quoi ?

La plupart des médecins que j’ai pu consulter en restaient là. On fait quoi maintenant ? Rien. On sait que c’est dans la tête, c’est tout, on a le diagnostic, on peut rien y faire, travaillez un peu sur vous, mademoiselle, ça fera 65€, rappelez moi si ça va mieux, ou moins bien.

Pis tu ressors de là, lessivée, sans aucune solution et humiliée parce que « c’est dans la tête » pour pas mal de doc ça signifie « patiente hystérique qui s’invente des trucs ».

On a un terme qui s’appelle la « fibromyalgie » (dont je suis atteinte) et qui est un gros fourre-tout pour les maladies psychosomatiques. C’est surement pas la définition même de cette pathologie mais c’est bel et bien l’usage qui en est fait.

On colle un mot sur ta pathologie. Tu changes d’appellation mais ça te fait une belle jambe vu que…tu as toujours mal.

🐭🐭🐭

Alors t’es là, comme une conne.
A pas savoir si la douleur fulgurante qui vient de te traverser est due à ça ou autre chose ou encore autre chose. Mais t’as mal, et t’es seule dans ta douleur. Et parfois, tu paniques pour de bon parce qu’une telle douleur, une telle intensité, c’est vraiment anormal, « ma rate a du exploser ou je ne sais pas quoi d’autre », panique, panique, panique.

C’est normal d’avoir peur face à une douleur aussi violente qu’inattendue. Un truc déconne GRAVE dans ton corps, tu le sais, tu le sens.

Ensuite, ça part en vrille.

Alors j’ai mal là, là, là, ici, là aussi, là, et là. Ah non, là aussi, attends. Pis là.

Tu sais plus où tu es, tu ne ressens que des signaux d’alerte, tout s’emballe. Vu de l’extérieur, tu peux avoir un comportement totalement irrationnel, tu parles vites, tu es confuse et tu ne sais plus décrire tes symptômes avec le calme et le détachement que les urgentistes te demandent d’avoir. Et de toutes façons si tu es calme et détachée, on ne te croit pas, parce que tu n’as pas assez ostensiblement mal.

🐶🐶🐶

Je suis infiniment désolée, mais les soignant-es sont aussi une des causes de mal-être. Quand tu te fais retoquer de chez un rhumato qui te dit de perdre du poids alors que tu ne peux plus marcher, quand tu te fais jeter parce que tu ne pleures pas assez, quand un radiologue vient te demander ce que tu fous là, sous entendu à la place des vrais gens malades, vu que t’as rien à l’IRM. J’ai souvent été totalement guérie en sortant d’IRM, cet appareil est pure magie.

Comme on te croit pas (rares sont ceux-lles qui nous croient), tu te dis qu’effectivement t’es complètement folle. C’est que dans ta tête, alors je sais pas, je sais pas ce qu’on va faire parce que ma tête, elle est loin d’être guérie.

Souvent, t’es seule. Entourée, dans le meilleur des cas, par des proches aussi perdu-es que toi si ce n’est plus. Et encore. C’est pénible d’avoir une proche tout le temps pas bien, je l’imagine bien, je suis tout le temps pas bien et je m’agace prodigieusement. Les autres ne m’agacent pourtant pas, mais qu’est-ce que tu veux, faut bien trouver une raison de se diminuer encore un peu plus en culpabilisant d’être la meuf toujours malade.

🐺🐺🐺

Finalement, tout ça s’amalgame en une espère de blob informe qui passe sa vie à chercher à te nuire. Tu as une activité sympa prévue, une activité qui va te faire un peu de bien ? FULL MODE FIBROMYALGIE et tu peux pu marcher. C’est dommage, hein ?
Tu dois voir tes copines, mais non, le « c’est dans la tête » a décidé de te harceler des jours et des jours jusqu’à ce que tu craques psychologiquement, et tu t’es même plus capable de te lever.

Le truc peut devenir super, hyper vicieux.

J’en suis pas sortie mais j’en connais les mécanismes comme ma poche maintenant. Mon pyjama n’a pas de poche mais tu vois l’idée.

Je sais qu’il y a une zone de danger avant chaque activité sociale. Soit je pète un câble, soit je me fais mal. S’amuser, c’est mal. J’ai pas droit. Je mérite pas. Puis les autres en ont marre de mes jérémiades, de toutes façons, je le sais, alors elles sont bien sympa de me tolérer mais finalement, ce serait sans doute plus facile pour elle que je ne vienne pas.

Du coup, je déprime.

C’est vraiment la merde ce truc.

https://www.asei.asso.fr/

🐱🐱🐱

Quand une psychiatre m’a prescrit du Lithium, les symptômes de la fibromyalgie se sont presque aussitôt envolés. Il n’y a pas eu que ça, il y a eu l’origan-wink-wink aussi, pour être tout à fait honnête. Les deux ensemble m’ont sauvée, vraiment.

Le psy allait mieux, alors j’ai creusé. J’ai été diag il y a bientôt 2 ans, je suis mon humeur chaque jour.

Aparté-non-sponsorisé : je suis ça avec Daylio, j’adore cette appli pour le tracking des symptômes, ça peut te sortir des stats et tout.
Ça a été hyper utile quand j’ai été à Cochin en hospi de jour. J’ai pu donner le nombre total de jours en poussée inflammatoire, leur intensité moyenne et plein d’autres trucs associés.
Si tu as une patho chronique et que tu sais pas, comme moi, dire tous les combien de temps tu douilles, cette appli va te sauver. Enfin ça va pas te guérir, mais tu auras de la vraie grosse data à poser sur le bureau de ton médecin.

Avec le tracking de l’humeur en plus, je sais identifier les phases maniaques, les phases dépressives, les entre-deux.

C’est un aparté-non-sponsorisé assez long mais ça fait partie du kit de conseils de fin d’article : apprends à te connaître.

🐧🐧🐧

Tout comme je sais que j’aurai ma canne dans le sac quand il pleut parce que je sais que mon genou droit a tendance à épancher comme un petit fou dès que la pression descend ou remonte trop brutalement, je sais aussi, maintenant, que j’ai tendance à me blesser en phase dépressive. Donc que je dois faire attention à me ménager des temps de décompression régulièrement, même si je ne le mérite pas, selon moi. Le deal c’est « Tu veux avoir encore plus mal ? Non ? Ben fais toi plaisir, espèce de nulle ! »

Alors on disait…

🔹 Tracke ta pathologie : les symptômes, quand, comment, quelle intensité. Pour toi, mais aussi pour lae médecin qui te suit.
🔹 Change de médecin, sans pitié. #notallmedecins
🔹 Crie au secours. Une discussion banale peut te changer les idées 2 minutes. Tu te perçois sans doute comme pénible (c’est comme ça que je me perçois en tout cas) mais si tu n’appelles pas à l’aide, tu vas aller encore moins bien psychologiquement et ça fera boule de neige.
🔹 Apprends à te connaître, à chercher des corrélations entre crises et événements dans ta vie. Il y a souvent un ou plusieurs patterns récurrents, grâce au tracking des symptômes ou juste en prenant des notes sur ce que tu ressens, tu peux te rendre compte qu’un événement provoque toujours la même réponse chez toi, même à retardement.
🔹 Sois indulgent-e avec toi-même. Ouais, c’est pénible, tu as l’impression d’aller toujours mal, de faire chier le monde, de servir à rien, mais c’est faux. Tu as de la valeur, tu as des qualités, des compétences, des aptitudes, tu vaux le coup, je te jure ♥

🐸🐸🐸

Je t’écris ça comme si je m’écrivais à moi, je m’en rends compte à la relecture. J’aurais bien aimé savoir tout ça avant en fait, j’espère vraiment que ce billet sera utile ♥

J’ai passé 22 ans entre les premiers symptômes de la spondylarthrite et ma « stabilisation » avec les anti-TNF. 11 ans entre le diagnostic et le bon traitement. Et je ne parle pas bipolarité, j’ai été diag seulement en 2019.

C’est long. C’est super long.

En attendant, faisons de notre mieux pour nous soutenir et on finira bien par traverser tout ça, d’une manière ou d’une autre. L’entourage est primordial pour la suite, j’espère alors que tu n’es pas seul-e.
(Et si tu es seul-e, que tu as besoin de parler, tu peux m’écrire)

Keur sur toi, qui que tu sois ♥

  1. https://lejournal.cnrs.fr/articles/ce-que-lon-sait-de-la-douleur []