Heures de réveil : 3h05, 4h17 (chats)

Je vais tricher : j’ai commencé un billet hier, donc c’est seulement en partie un monologue matinal.

J’ai croisé un article sur les vieux en EHPAD et il s’avère que je suis une fille indigne d’un père indigne. Alors je vais râler.

Comment je peux râler sur des vieux en EHPAD ? Tu vas comprendre (à la fin, parce que)

Edit : certain-es des protagonistes sont décédé-es entre la publication initiale et la reprise du billet sur le site.

Ma Mamie : 19 avril 2022
Anne-Marie : août 2022
Mon père : 7 avril 2023

🐟🐟🐟

Moi, ça me fait du mal quand on parle EHPAD et abandon des senior.

Je suis une fille indigne.

Tu penses que chaque personne en EHPAD a été super sympa toute sa vie et que ses gosses sont des ingrats ? Que dit-on de moi, qui abandonne mon pauvre père malade à son sort ? Que je suis indigne, que j’ai qu’à prendre sur moi et le sortir de là. Les mots sont durs, très durs, envers les gens comme moi.

Comment faire autrement ? On s’en fout : donner ses parents à un institut spécialisé, c’est MONSTRUEUX how dare we ? C’est si simple de prendre ses parents à la maison, comme dans le temps. Pis c’est un devoir, c’est la loi, iels t’ont donné la vie, tu les assumes jusqu’au bout.

L’indignation sur l’indignité 🤬

Faut vraiment être un monstre pour oser tenter de coller nos seniors en EHPAD, ces mouroirs sinistres, machines à fric, machines à laisser crever.

Moi, je ne vais pas voir mon père en EHPAD. Cela fera 10 ans en novembre que je ne l’ai pas revu. Lorsque Parkinson s’est annoncé, j’ai pardonné et j’ai proposé “Si tu veux, tu peux t’installer près de chez nous et on s’occupera de toi”. Il a refusé, tout comme il a refusé la même proposition de ma demi-sœur aînée.

Il a attendu, sans prendre ses médicaments, de tomber chez lui et de se faire hospitaliser.

🐢🐢🐢

J’ai été dégagée de l’obligation alimentaire pour sévices psychologiques graves (c’est la juge qui l’a dit).
Mon père n’est pas un type bien. Je suis triste qu’il finisse seul, ou presque. La seule fille qu’il lui reste est celle qu’il manipule depuis des années pour nuire aux autres enfants et à leurs mères (2 épouses, 2 filles du premier mariage, 1 fille et 1 garçon du second).

Lors de la dernière manipulation de sa fille-jouet, il a contribué à faire monter en pression les idées de persécution et l’a encouragée (comme toujours) à arrêter son traitement. Ça tue la créativité. Pour preuve : je suis bipolaire, sous traitement, et ma créativité est toute foirée.

Ma sœur est schizophrène et ne prenait plus ses médicaments, grâce à l’aide et au “soutien” de mon père qui est tombé dans les délires pseudo-scientifiques des anti-tout mais tout-naturel, avec combotage rouge-brun.
Elle a agressé très violemment sa mère, sa fille et le flic venu voir ce qui se passait et a fini internée d’office.

Elle focalise sa haine sur les mêmes cibles que son père, utilise des stratégies qui lui ressemblent, mais tout va bien, elle n’est pas instrumentalisée. Elle cycle, de cette manière, les deux sont assez synchronisés pour provoquer un maximum de dégâts sur le reste de la fratrie et nos mères, ces “putains de salopes imbéciles”, bonnes à rien d’autre qu’à faire des gosses et demander des pensions alimentaires ensuite.

Ma sœur a pris une avocate pour l’obligation alimentaire. J’ai fait plus de 6h de train pour avoir cette mauvaise surprise au tribunal. Le courrier était arrivé le matin même. Audience reportée.
Lors de l’audience suivante, elle a exigé qu’on paye (elle est insolvable) parce qu’on avait fait beaucoup trop de mal à notre pauvre père. Elle a pris une avocate avec l’aide juridictionnelle uniquement pour nous faire payer. Une idée qui venait probablement d’elle, n’est-ce pas ?

Il est loin, alors c’est ma sœur qui vient insulter et agresser ma mère par procuration #ambiance

Moi, j’habite en banlieue parisienne, elle a peur de venir et elle a peur de moi, aussi, je crois. C’est toujours ma mère qui a pris pour mon frère et moi.

🦠🦠🦠

Il a tenté de me faire arrêter mes traitements, également. Mais on m’avait déjà fait le coup, ça n’a pas fonctionné deux fois. Il a tenté pas mal de trucs avec moi, mais je me suis sortie, je ne sais pas trop comment, du piège qui rend folle.

Il a oublié son fils, son dernier. Quand mon frère est né, il a changé de zone de repos car l’enfant criait trop. C’est mon frère qui a le plus subi dans tout ça.
Mon père a “trois filles”. C’est tout. Il se présente comme ça, depuis toujours et surtout depuis qu’il sait que son fils, celui qui devait “transmettre le nom”, est gay et que non, c’est pas une passade.

Peu importe que moi, malgré tout, j’aie transmis mon nom à mon fils (enfin pas selon la CAF, la CPAM et la banque), c’est pas “son sang”. Son sang d’enfant né d’un autre homme que son père officiel. Son sang, il ne sait déjà pas d’où il vient, ça l’a fait souffrir toute ta vie, pourquoi imposer ce même standard à ses enfants ? Parce que la psychologie, tak tak.

La violence, elle a commencé à la naissance, pour chacun-e de nous.
On a un père qui a survécu la la seconde guerre mondiale, qui a eu un parcours de vie à chialer, mais qui n’a jamais compris que l’abandon qu’il a subi, il nous le faisait payer par son désintérêt total.

Pourtant, je l’aime, ce con. On peut pas désaimer son père, enfin moi, je sais pas faire. Alors je l’aime, tu vois ? Il a causé des souffrances assez gigantesques dans ma vie, ma sœur a complété, c’est encore un sujet extrêmement sensible, mais je les aime tous les deux. Ça me fait chier mais c’est comme ça.

🦈🦈🦈

Quand je vois des gens qui font des “cousinades” ça m’éclate. Nous, on est 5 petits enfants. J’ai une mamie, une tante, une maman. 1 frère, 3 cousins. Avec ma famille à moi, on est 10 à table au maximum. 13 avec la belle-famille au complet.

Quand les gens sont aidés par leurs parents, je me dis merde, c’est vrai, ça se passe comme ça chez les autres. Je ne suis théoriquement pas seule dans ma parentalité, c’est pourtant un des mots que j’emploierais à ce sujet.

La solitude.

Cette solitude, je la ressentais quand il n’était pas là, quand les autres enfants avaient un papa et moi non. Quand iels partaient en vacances en famille et que moi j’avais 1 mois de solitude planifié par le tribunal. Mon mois d’anniversaire. Il m’a appris à me servir d’un ordinateur quand j’avais 8 ans et avait un atelier qui fait la superficie de 2 salles de classe de primaire, c’était relativement facile de m’occuper pendant des heures.
Il nous a appris à lui faire à manger et à l’appeler pendant des heures pour finir par manger froid, sans lui.

“Je travaille, j’ai presque fini !”

🐢🐢🐢

La solitude, il la connaît. Il me l’a chantée sur tous les tons, pour m’apitoyer. Il m’a raconté ce qu’on lui faisait subir, il m’a dit être plus seul qu’une pierre, et moi, à 700 bornes de là, totalement impuissante, je pleurais de culpabilité.

J’ai récemment appris qu’en réalité, il faisait le coup à toutes les personnes qui s’occupaient de lui. Cloisonnant soigneusement, jusqu’au jour où il est tombé dans son jardin et qu’il a commencé le parcours hospitalier pour son Parkinson soigné avec de la salade, dixit Pr Joyeux.

Nous avons commencé à communiquer entre nous, et là c’était la fin des mensonges.

Non seulement il soutirait de la thune à tout le monde (En plus de 2 héritages détournés à son actif), mais il s’arrangeait pour qu’on s’occupe de ses courses, de son ménage et de ses papiers. Gratos.
Quand j’ai eu les gens qui l’avaient “tellement maltraité” au téléphone, des amis de 40 ans de ma mère et lui, le sol s’est ouvert sous mes pieds.

Chaque semaine, cette “connasse” d’Anne-Marie faisait 37 km pour lui faire des courses et nettoyer sa maison. Pas besoin, la mairie s’occupait déjà du ménage et des repas. Aucun membre de la famille ne savait qu’il était aidé par la mairie. Elle a jeté une paire de chaussons élimés et lui a racheté les mêmes : il l’a exclue de la maison à tout jamais et a remplacé son, prénom par “cette connasse”.

Elle est là, la solitude programmée. Se montrer suffisamment odieux pour que même Anne-Marie ne veuille plus se déplacer.

Bien ouej.

🐳🐳🐳

Mon père ne connaît pas le prénom de mon fils, son cinquième petit fils. Il connaît tous les autres. Il n’a pas répondu au faire part et a dit à ma mère que je faisais chier à toujours parler de mon gamin. Qui avait à peine 3 mois. Mais j’avais pigé que la parentalité c’était pas trop trop son truc, je suis pas tombée de haut. J’étais juste très blessée de ce rejet, j’étais sûre qu’il serait fier de moi, je ne sais pas pourquoi j’en étais si sûre. Me rejeter moi, je sais faire. Rejeter mon fils, c’était tout de suite différent.

J’ai aussi eu droit à des heures, des heures, consécutives, à subir ses monologues (ironique, non ?) sur l’injustice de la vie, l’ésotérisme, ses deux ex-femmes abominables et les autres enfants qu’il jugeait insuffisant par rapport à mon génie (j’ai aucun doute : il a fait le coup aux autres, sauf à mon frère, il parle pas à mon frère).
Il m’a appris à manipuler, j’étais pas mal douée mais un peu trop futée car j’ai repéré sa propre manipulation assez rapidement.

Victime perpétuelle, victime réelle mais victime devenue bourreau. Je comprends ce que c’est que d’être victime (“Ah ah je le savais que c’était un connard” quand je lui ai dit que mon ex-beau-père m’avait agressée sexuellement, pas un mot pour moi, juste le “J’avais raison !” Joyeux, comme le Docteur), je connais les mécanismes de la violence et de la transmission de cette violence. J’ai été victime, mon objectif est de ne pas faire de victimes, pas d’en profiter pour un laisser-passer au royaume où tout est permis.

Il y en a tant à dire.
Et j’aime cet homme, j’ai renoncé à ne plus l’aimer. Je l’aime d’un amour souffrant et je sais que cette souffrance ne s’arrêtera pas avec sa mort. Je porterai ça toute ma vie, et c’est à moi de ne pas reproduire cette violence.

Parfois, je le reconnais en moi, notamment à travers ma froideur affective. Je suis un caillou, trop souvent. Un caillou qui sait réfléchir mais qui ne sait pas aimer autrement qu’en se jetant sur toi de toutes ses forces. Mon père ayant été géologue-chercheur, ça fait sens.

👽👽👽

J’ai compris tout ça au fil du temps, mais l’arrivée de l’Enfant a déclenché la fin. Mon fils a un père qui l’aime. Il le prend dans ses bras, il s’occupe de lui, ils partagent des moments tous les deux, il l’emmène au musée, à l’aquarium, ils jouent aux pirates et à Minecraft. On galère, beaucoup, comme tous les parents, mais on s’aime.
Ça a été très difficile, psychologiquement, de me dire “la parentalité ça peut être ça” en regardant le gouffre devant mes pieds causé par un père aimant.

Mais on rit, on s’amuse, on s’engueule, on vit ensemble. On partage, on a des difficultés qu’on essaie d’affronter ensemble. C’est ça, une famille, et c’est chouette.

J’ai de la chance, d’avoir une famille comme ça. J’ai de la chance mais j’ai énormément de tristesse en moi, parce que je constate chaque jour à quel point j’ai été abandonnée et victime de violences. Je n’ai pas réalisé tout de suite la solitude, le rejet, l’exclusion, ça s’est rappelé à moi dans ma vie d’adulte incapable de savoir quoi faire face à l’amour.

Quand tu m’approches de trop près, je fuis, je sais pas faire. Je pense que chaque compliment est une manipulation déguisée, je pense également ne pas en être digne alors ça règle le problème.

🦋🦋🦋

Je dis pas ça pour autre chose que : les vieux en EHPAD, c’est pas toujours ce que tu crois. Les appels larmoyants aux famille, je comprends. Mais la culpabilisation outrancière des enfants indignes, j’en veux pas.

J’en veux plus.

Ma revanche c’est de le laisser seul alors qu’il m’a laissée seule. C’est idiot, c’est inutile, je ferais mieux de faire le dos rond pour qu’il revienne dans nos vies, me dit-on. M’injonctionne-t-on, plutôt. Le laisser revenir dans ma vie et m’en occuper c’est tout plaquer pour déménager dans le sud, vu qu’il ne veut pas bouger.

“C’est quand même ton père” m’a-t-on dit. Oui, effectivement, c’est mon père.
Mais moi, je suis son enfant.

Est-ce qu’il a eu l’ombre d’une pensée fugace qui lui dirait “C’est quand même ton enfant” ? Est-ce qu’on demande aux parents violents de faire amende honorable pour voir leurs petits enfants ? Nope, et en bonus ils peuvent t’emmener de faire foutre au tribunal pour un droit de garde. Du fric, de la toxicité, ceux de la phrase précédente, je les souhaite seul-es aussi. C’est à toi d’aimer tes vieux sans rien demander en retour.

En tant qu’enfant, en fait, on a que dalle.
On est sous la tutelle de nos parents. On vit. Nos parents dépendent de nous et gardent les petits enfants. Le cycle de la vie, Hakuna Matata et tout le merdier.

Mais si un parent néglige ses enfants ? S’il n’a agi ni dans l’éducation, ni financièrement, ni moralement, on fait quoi ?
On devient des enfants indignes. Parce qu’ils nous ont donné la vie (en réalité c’est ma mère qui m’a donné la vie mébon), on leur en doit une partie ? 10% ? 25 % ? Combien de vie leur offrir, à ceuxlles qui nous ont laissé-es crever ?

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C’est dur à tenir, comme position.
Je sais que le verdict de la Juge aux Affaires Familiales concernant l’obligation alimentaire m’a donné une légitimité, je sais qu’elle a aussi fait frémir ma belle-mère. Tu m’étonnes.

Alors moi, les gens qui disent “on peut pas laisser un vieux crever en EHPAD” je leur répond “Pour mon 21ème anniversaire, mon père m’a dit qu’il ne m’avait jamais aimée et j’ai reçu des ramen en promo et un tube de Lexomil. Les nouilles c’est parce qu’un invité de la maison m’avait tiré la totalité de mon budget bouffe pour un mois.

A ma mère, il avait fait livrer 2 colis alimentaires correspondant au montant de la pension alimentaires. Ce fut son seul geste. 2 cartons de pâtes et de boîtes de conserves, des rires gras devant sa bonne blague. “Et ta mère, elle a fait quelle tête ? Raconte encore ! Raconte mieux !”

Et là, je pense aux copaines et leurs ex toxiques qui adorent faire ce genre de “blague” avec la pension. Les petites combines, la manipulation des enfants et cette épouvantable lâcheté qui couronne le tout. C’est pas nous qui avons demandé à naître, mais finalement, lui, il a plus envie, tu l’as dans l’os, doublement.

C’est tout ça, l’abandon.
C’est pas juste se barrer sans jamais donner de nouvelles. C’est exiger ce dont on a droit, ne pas l’utiliser tout en oubliant ses devoirs.
Je pense sincèrement que s’il avait pu se soustraire à ce mois d’août avec tous ses enfants, il l’aurait fait.

🐓🐓🐓

La solitude elle est des deux côtés. Cette carence affective que je me trimballe m’empêche de nouer des relations saines.
J’ai appris, avec le temps, mais je suis souvent distante, faute de savoir exprimer autre chose qu’un mur de sarcasme ou de mauvaises blagues. Je n’arrive pas à m’ouvrir aux autres en confiance, alors je minimise tout en balayant d’un revers de main ce que je ne sais pas dire.

Je ne sais pas “maintenir” un contact, parce que personne n’est irremplaçable alors une fois que l’ami-e aura compris que je ne suis qu’une fraude vide de sens, je perdrai ma valeur. Donc je n’essaye pas, ou alors ça prend un sacré temps. “Personne n’est irremplaçable” me disait-il en sous entendant que j’étais pas sa seule fille et qu’il avait une vie à lui. Je me prenais pour qui, à vouloir nouer une relation spéciale entre nous ? Je suis devenue une femme de l’ombre.

La solitude elle est en dedans moi, là où j’aurais dû me souvenir de lui. Mais j’ai un vide et du gâchis à la place.

Comment me demander de pardonner, encore, à celui qui m’a toujours dit “On ne peut pardonner que ceux qui veulent être pardonnés” ? J’applique ce que tu m’apprends, papa. Je t’ai remplacé et je ne pardonne plus toutes ces années de mensonges, de contrôle, de manipulation confinant parfois au pur sadisme, de joie au malheur et à la mort des autres, ricanant qu’ils sont bien cons et dispensables, les autres. Toi aussi, tu es dispensable au monde.

Tu as ri quand mon grand-père, celui qui m’a élevée, est mort. Tu as ri, tu t’es réjoui, la pente a été si rude, si rude à remonter pour te pardonner et recevoir une autre claque qui m’a mise à terre. Tu lui as survécu, bravo.

🦖🦖🦖

Alors merde.
Ouais, je me sens mal en voyant des vieux en EHPAD. Les enfants, les pas indignes, iels prennent papa et maman à la maison.

Les contraintes du logement ? Les aménagements ? La médicalisation ? Les enfants pas indignes savent le gérer, EUX.

Tu sais combien ça coûte un daron en EHPAD ? Presque 2000 balles par moi en Lozère (me semble que les prix sont pas les mêmes partout, on a de la chance). La retraite en paye une partie. Si mon père avait été un type bien aux yeux de la juge, j’aurais payé 350€ par mois pour lui.

Les décisions de non-obligation alimentaire sont assez rares.
Tu imagines, 350 balles par mois à envoyer pour une personne qui ne s’est jamais préoccupée de toi ? Ce type n’a pas participé à ta vie, n’a aidé ni financièrement ni moralement ni que dalle, et tu raques 350 balles par mois pour lui.

C’est ça aussi, ce qui se cache derrière les articles misérabilistes. LA THUNE.

Non, pardon, ce qui se cache derrière les récits misérabilistes qui chargent les enfants c’est la privatisation du troisième âge et notre totale incapacité à réfléchir la vieillesse et la mort.

Ce sont les enfants, les coupables, coupables de ne pas chérir tendrement ceuxlles qui les ont détruit-es. Qui est assez monstrueux pour ne pas acheter ou faire construire une maison pour accueillir les aïeuxllles ? Qui est assez malsain-e pour objecter qu’un lit médicalisé au milieu du salon d’un appartement contenant déjà plusieurs occupants, c’est mauvais pour tout le monde ?

🦀🦀🦀

Et quand nos vieux sont en mauvaise santé, on devrait passer un diplôme d’infirmière (oui c’est féminin, tmtc) pour les soigner, en plus de nos boulots et de nos enfants. Comme ça, s’il y a une urgence médicale sans médecin dans la salle, ça sera de ta faute pour pas avoir fait gérontologie au lieu d’admin réseaux.

Soyons sérieuses deux minutes : on maintient à domicile ma mamie de 95 ans. Elle a dû acheter les machins qui montent les escaliers (9000€), elle ne peut plus trop sortir donc elle a 2 aides ménagères, 1 coiffeuse à domicile, 2 filles dont une qui habite à 80 bornes, qui font ses courses, qui vont la voir souvent.
Ma mamie a des sous, elle a pu payer les aménagements dans sa maison, elle est entourée, aimée, on prend soin d’elle. Mais ça a demandé des moyens considérables, une disponibilité de ses filles et beaucoup, beaucoup de patience, pour ma maman et ma tante, parce que ma mamie est pas facile.

Tout le monde n’a pas ça.

Aucune solution n’est parfaite. On garde mamie à la maison parce que c’est “traditionnel” de vouloir mourir dans son lit (elle a aussi changé de lit, oui). On a toujours fait comme ça. On garde les grands parents à la maison jusqu’à la fin, c’est ce qu’elle a fait avec ses parents, ma mamie.

Parfois, ça donne des situations de violence envers la personne dépendante, mais personne n’en parle. Personne ne fait d’autopsie pour un vieux étouffé avec son oreiller. On laisse des personnes ultra fragiles et dépendantes à leurs enfants, qui ne sont ptet pas non plus les meilleur-es soignant-es du monde.

En fin de vie, les rancœurs reviennent souvent, en voyant le parent s’affaiblir et s’éteindre. Les rapports de domination changent complètement. On se souvient comment maman ou papa nous traitaient et on trouve injuste de devoir s’en occuper. Mais la tradition, c’est ça. Les enfants s’occupent de leurs parents, peu importe le contexte.

Peu importe si ces vieux sont maltraités : ils coûtent moins cher.

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Alors, au lieu d’ouvrir des postes, des lits, d’améliorer les conditions de vie, on pleure aux enfants ingrat-es. Après tout, ce sont LEURS vieux !

L’individualisme forcené, la recherche du profit, ça donne ça.

Soit tu mets papa en EHPAD parce que tu sais pas gérer ses pathologies (parce que c’est pas ton boulot), mais tu connais les conditions de vie et tu culpabilises à mort, soit tu le gardes et tu vas galérer 10 ans à tirer sur la corde en chialant sous la douche parce que papa est devenu insupportable et impossible à gérer.

Des fois, ça se passe bien.
J’ai lu des témoignages très émouvant de maisons transgénérationnelles où mamie part en traîneau dans les bois pour y rendre son dernier souffle et tout le monde chante Kumbaya autour d’un grand feu de joie ou que sais-je encore.

Mais j’ai pas de traineau, j’ai pas de neige, j’ai pas de forêt.

J’ai un EHPAD loin du monde.

🐁🐁🐁

Au lieu de huer les enfants ingrat-es, on pourrait, je sais pas, rendre les établissement plus humains ? Comprendre les ruptures familiales en arrêtant les “C’est quand même ton père…” qui ne servent à rien. Se dire que oui, des fois c’est irréparable, les relations, et que des fois vaut mieux que ce soit un tiers qui prenne le relais plutôt que de fabriquer des situations de souffrance dramatiques qui finissent mal ?

Les conditions de vie sont épouvantables en EHPAD, je le sais, je le sais bien. Mais moi, j’aimerais qu’on fasse un vrai effort là dessus, pour tout le monde, au lieu de soutirer parfois plus de 3500 balles par mois pour laisser mourir papi ou de dire la honte de ceuxlles qui n’ont pas le choix au JT de 20h.

Parfois, le maintien à domicile est difficile logistiquement, entraîne des frais insurmontables et, au bout du compte, tout le monde meurt mécontent.

Y’a PAS de solution, en l’état.
Il risque pas d’y avoir de si tôt et on a une population vieillissante.

Alors, bonne chance. Pour nos gamins qui vont devoir gérer leurs parents malades sans aucune aide. Bonne chance.