Heure de réveil : 0h25, 2h10, 4h11

Un jour, je serais la meilleure dresseuse et ma crève sera partie.

On commence la journée avec « Bad boys » de Inner Circle.

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Je dois parler d’un truc. Certain-es se sentiront visé-es, sans doute, mais je m’en fous un peu. Donc non, Jean Bichon, je ne parle pas de TOI spécifiquement.

Je vais parler de :

« Moi, de toutes façons je suis un connard, j’ai pas de scrupules »

Est-ce que tu as déjà entendu un mec dire ça ? Non, pardon.
Combien de fois environ as-tu entendu un mec dire ça ?

Le premier truc qui me vient c’est pourquoi ce dénigrement ? Est-ce que moi je dis « Je suis méchante, je suis très très méchante, et en plus je suis d’une bêtise confondante ! » ? Non, je ne dis pas ça, et pourtant, l’estime que j’ai de moi-même est tout à fait limitée. Je vais dire au mieux que je suis folle, et c’est assez radical.

« Je suis bipolaire.
– *cherche intensément un repli* Ah heu ohlàlà dis donc j’ai une casserole sur le feu qui sonne à la porte je reviens ! »

Pourquoi dire qu’on est un connard ?

Depuis quel jour un « bad boy » assumé c’est sexy ?

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En fait, tout ça relève de la manipulation.

Si, par exemple, je te dis « Attention je vais casser cette assiette » et que je la casse, je répondrai à n’importe quelle question par « Attends, j’avais prévenu ! » au lieu de ramasser les morceaux. Si j’avais pété l’assiette sans préambule, ce serait la surprise. Là, on savait à quoi s’attendre.

Et c’est exactement ça.

On est d’accord que c’est claqué au sol, un peu, non ? L’assiette est pétée, osef de mes intentions ou que je l’annonce avant. L’assiette est pétée.

Dire qu’on est un connard, ça dédouane des actions futures. Une gifle ? « Tu savais que j’étais un connard ». Par magie, la responsabilité incombe à l’autre : t’avais qu’à pas être là et je t’aurais pas cassée. Au lieu de chercher à s’améliorer, parce qu’être un connard c’est pas  une super qualité, ces gens trouvent la parade pour surtout ne pas changer.

Cette technique est surtout utilisée par des connards mais elle n’est pas limitée à l’univers cisdude, j’ai déjà vu passer des « Méfie-toi je suis folle et imprévisible » ou « Je suis méchant-e de toutes façons ».

Sauf qu’annoncer la couleur, ça veut dire qu’on connaît nos comportements oppressifs et qu’on n’a pas spécialement envie de changer ça. La méchanceté, c’est BON. C’est la transgression, le pouvoir sur les autres en dépit des répercussions. Et ces répercussions, lorsqu’on va briser une personne par exemple, elles ne sont en aucun cas assumées. Parce qu’on est comme ça, c’est tout.

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Je peux comprendre l’aspect plaisant de la méchanceté, mais ma méchanceté consciente relève des blagues sur le Petit Grégory et je ressens de la honte à rire à ces blagues abominables. Je suis méchante aussi quand je ghoste les gens, c’est un comportement de merde que j’essaye de modifier. Ah, et des fois je juge silencieusement les autres daronnes à la sortie de l’école et je me moque de certain-es influençeur-ses sur YouTube. Et je peux être passive-agressive ou ne pas oser dire des trucs en face. Voilà, en gros, je suis méchante.

Dire « Je suis mauvais-e » annonce qu’on ne soutiendra pas l’autre, par exemple. Tu as un comportement de merde, tu n’y changes rien et tu ne comptes pas du tout y changer quelque chose.

Et moi, je suis souvent à la place de la personne sur laquelle ça retombe, car je suis un Bisounours des enfers. Une meuf qui va utiliser mon SAV émotionnel (mes MP) et se plaindre que les autres ne comprennent pas ses problèmes pour ensuite en avoir rien, mais alors RIEN à carrer de  mon propre bien-être, tout en se pensant dédouanée car elle a signalé avant être « pas sympa », c’est moche et ça m’est souvent arrivé. Ça m’arrivera encore, je suis la cible par excellence pour le vampirisme émotionnel : je ne juge pas, je garde les secrets, je cherche des solutions et j’apporte du réconfort.

Je raconte ça car, systématiquement, ces personnes ne sont plus là quand j’ai moi-même des crises existentielles et me reprochent parfois par la suite de ne pas avoir été dispo entre le 18 et le 23 octobre. Et elles m’avaient prévenues : « Je suis égoïste ».

« Le mal retourne toujours à celui qui le fait »
Alors comment dire…non ? Rarement ? Regarde qui est ministre de l’Intérieur stp

 

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Alors je vais dire un truc que j’ai envie de dire depuis un moment : annoncer la couleur ne t’exempte pas de gérer les dommages collatéraux. Dire qu’on est méchant-e, c’est pas un passe-droit pour faire du mal aux autres. T’es méchant-e, ok, si tu veux, mais gère tes problèmes, ne nous en crée pas des supplémentaires.

Par ailleurs, c’est absolument une posture néolibérale. « Ça va pas vous plaire, mais j’avais prévenu : en 2022, plus de retraites, c’est comme ça »
Et c’est absolument logique, car le néolibéralisme porte aux nues l’agressivité, la violence, la surdité sélective aux cris de douleur.

Tu crois que le patron de Total est un mec sympa ? Un mec sympa qui augmente son salaire tout en licenciant ? Non. C’est un connard, mais son attitude face à la vie est pile dans le moule de la violence néolibérale, donc ça passe. C’est pas que c’est un plus d’être méchant pour gouverner, non, c’est un prérequis. Faudra pas avoir de cœur quand on mettra des gens à la porte.

En quoi la violence, l’agressivité et l’égoïsme sont des qualités positives ? Elles le sont car elles permettent d’appliquer cette violence sans ciller lorsqu’il le faut. Un patron qui aime ses employé-es aura des scrupules à sanctionner et c’est sensé faire de lui un mauvais patron (mais une « bonne » personne).

C’est un red flag depuis très longtemps, en ce qui me concerne. J’ai connu trop de mecs franchement dégueulasses dans leur comportement dire « Ouais je suis un connard ». Ouais je suis un connard…et…? Et tu fais quoi de cette information ? Rien ? Rien.

Attention, j’avoue tout, j’aime bien ses critiques de films…

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Le truc rigolo c’est que ça permet aux personnes concernées de pécho. C’est surtout masculin, donc je vais parler au masculin, mais on garde en tête que tout le monde peut être concerné-e, d’accord ?

« Les femmes aiment les bad boys donc je suis un connard qui s’est adapté au marché de la drague »

Pourquoi les femmes aiment les bad boys ? Parce qu’on les dresse comme ça, en valorisant les qualités dites « masculines » relevant de la violence et en leur faisant croire que c’est une bonne chose. Un homme méchant sera un homme fort qui saura te défendre en cas de besoin, toi, pauvre femme fragile qui se blottis dans ses bras. La société nous élève dans l’impuissance. Une femme n’est pas violente. Une femme ça fait des tartes aux pommes le dimanche, ça tatane pas des gens dans la rue. Une femme c’est faible, fragile, ça a obligatoirement besoin d’une paire de bras musclés dans lesquels se réfugier.

Cela permet aussi de vivre la violence par procuration (en plus de la vivre au quotidien) : IL fait des conneries, JE n’ai pas à subir les conséquences et j’ai eu le grand frisson lorsque les transgressions sont commises. On en parle dans le billet « Fandom Criminal » donc on va pas refaire le match.

Et ça, en fait, c’est un comportement qu’on nous inculque dès le départ : c’est Mamie qui te prévient que « les hommes… », c’est la littérature qui vend ce modèle pour te faire rêver et croire que TOI, tu réussiras à apprivoiser la Bête.

Tu as lu « Orgueil et préjugés » de Jane Austen ? Qui est l’idéal de l’héroïne ? Mr Darcy, l’archétype du connard.

Par Hugh Thomson (1860-1920) — File:Thomson-PP14.jpg (recadrage), Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15980052

Tu as regardé n’importe quelle comédie romantique ou drama coréen ou japonais ? C’est le connard qui pécho, par le mec sympa. J’ai lu deux trois Harlequins pour voir, il y a mille ans, et on est totalement sur ce modèle. D’ailleurs, on y est encore avec les fanfiction et les romans auto-édités sur Amazon…

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Ce sont des Best Sellers, oui. Avec des hommes sans tête. Curieux.

Ces médias renforcent le stéréotype du « bad guy » séduisant qu’une femme réussira à apprivoiser pour en faire le plus gentil des loups ou un truc du genre.

On nous conditionne à la violence, on la romantise et on la rend souhaitable pour les femmes. Dans ce cadre, le « Je suis un connard » est logique. On espère en appeler aux instincts primaires des femmes alors qu’on est dans une boucle auto-entretenue :

Ce mec est un connard > Je le drague > Je réussis à conquérir son petit cœur de loubard > Il me rassure même s’il passe 6h par jour à la salle de sport > Il est également violent avec moi > Mais il me rassure quand même par cette capacité à la violence > C’est lui qui me fait peur et me protège à la  fois. Il crée et résout le problème en même temps.

Et là on est dans le 50 shades of shit : il domine, il est malfaisant, on vit pour le moment où il le sera moins, chaque signe positif étant beaucoup plus lourd et mémorable que la violence. On ne se souvient que des bons moments pour ne pas sombrer dans le désespoir.
La routine de l’asservissement des femmes, quoi.

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Les femmes n’aiment pas les connards, en vrai. Elles ont été dressées comme ça, dans cette impuissance acquise. Il est impensable qu’une femme soit violente, car on l’éduque à la soumission. Pourtant, les femmes tuent aussi, mais ce sont des anomalies statistiques. (Y’a pas mal de sarcasme je pense que tu sauras le retrouver).

La violence féminine s’exercera donc par procuration : lorsque son homme se montre agressif, ça catharsise.

Autoriser les femmes à être violentes coupe ce besoin de défoulement par un tiers et donc la nécessité d’un homme fort et viril. Ce n’est donc absolument pas souhaitable pour le patriarcat que les femmes s’approprient la violence à leur tour, car cela signifierait la fin de ce besoin malsain de réassurance masochiste (dis moi si le terme masochiste est malvenu ou déplacé, je trouverai autre chose). Et si les femmes savent se défendre, elles ont moins peur et ont moins besoin d’un protecteur.

Pas souhaitable du tout pour le capitalisme patriarcal.

Sois un lion : mange une gazelle

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Comme tu le sais, ou pas, j’ai recueilli et lu énormément de témoignages de femmes en situation de violence conjugale.

Et je peux te le dire : on aime pas les bad boys, passé un certain stade, parce que ça tourne toujours mal. Et ils ne s’y trompent pas, en choisissant des proies plus jeunes. Tu me remets à 40 balais sur le marché de la drague, je veux tout sauf ça, et c’est le cas de beaucoup d’amies. Avec l’expérience, on apprend les red flags. Mais à 20 ans, tu sors de chez papamaman et tu sais pas grand chose, rien ne t’a préparée à ça, surtout pas les films, les romans à l’eau de rose, les paroles de tes chansons préférées ou l’ensemble de la culture de la coercition.

Moi, c’est le féminisme qui m’a appris ça, et tout ce monde ne m’a été accessible que bien trop tard. On avait pas Andrea Dworkin ou Judith Butler au CDI du collège, tu vois ? Alors pour moi, l’amour ça faisait forcément mal et mon existence se conjuguerait obligatoirement à deux.

« Les femmes aiment les bad boys » c’est une prophétie auto-réalisatrice : on nous berce avec ça, et on y croit.

Un mec qui te dit qu’il est méchant, agrougrou, te prévient qu’il sera à la fois ton protecteur et ton fléau. Et, toujours, on essaye de les changer alors qu’ils n’ont AUCUN intérêt à renoncer à leur parade amoureuse : dire qu’on est un connard ça dédouane des conséquences de ses actions, tu te souviens ?

« Le Protecteur »

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Si je te dis « Ce mec est magnifique, viril, puissant, et dans quelques mois c’est avec toi qu’il sera agressif » tu vas y réfléchir à deux fois, si tu n’es pas déjà tombée dans le piège de la relation toxique.

Si on disait la vérité aux femmes (la violence n’est jamais légitime, tu peux être indépendante, rester toi-même sans te soumettre, je te jure, ça arrive), ça n’arrangerait pas les petites affaires des dominants. Il faut perpétuer le mensonge.

As-tu remarqué qui disait « Les femmes aiment les bad boys » ? Les hommes ou les rémoras. En toute honnêteté, j’ai dû croiser environ 5 femmes (estimation haute) qui tenaient ce discours, depuis que j’ai internet (c’était en 2002). Edit : c’est bien bien relayé par la presse féminine, j’ai rien dit. Good girls.

Si tu cherches « Les femmes aiment les bad boys » sur Google tu obtiens 455 000 résultats.

 

Je vais aller voir chez Doctissimo, c’est toujours une source de référence dans le domaine des a-prioris médicaux.

Et OH SURPRISE SURPRISE de l’evopsy ! Merveilleux. « Les chercheurs » publient dans une revue nommée Evolution and Human Behavior.

🐦 Les chercheurs rapportent que la majorité des femmes de la cohorte ont préféré les portraits d’hommes aux traits marqués. Ce choix s’expliquerait par des mécanismes liés à la survie de l’espèce. En clair, les femmes sont attirées par ce type d’homme car elles sont guidées par leur désir d’enfant qui les pousse à se tourner vers des hommes dont le physique indique qu’ils sont en apparence forts (physiquement et mentalement) et susceptibles d’être de bons géniteurs et de bons pères. Les femmes recherchent également des “bons gènes“ à transmettre à leur progéniture.
“Ces résultats montrent que dans les sociétés modernes, les préférences des femmes pour les hommes au physique ‘sombre’ sont étroitement liées à leur désir d’enfant“. On appelle ça la théorie de la sélection naturelle.
(Doctissimo)

Marie Claire (la revue) prend la même étude :

🐦 La science peut également nous aider à comprendre ce qu’on aime tant chez les « bad boys ». En effet, une étude de l’Université du Texas a réussi à prouver une corrélation entre ces attirances et les hormones des femmes. Kristina Durante, qui a mené cette recherche, explique que lorsque « les femmes sont en pleine période d’ovulation, elles se sentent plus attirées par les beaux parleurs ». Pourquoi ? Car « les hormones associées à la fertilité les conduiraient à se faire des illusions sur ce type d’hommes et à penser que ces derniers pourraient être des partenaires dévoués et de meilleurs pères ». Sans compter une étude récente menée par des experts de l’Université de Liverpool, ainsi que les institutions en Pologne et en Finlande, qui vient de montrer que « les femmes sont attirées par les hommes avec les regards sombres qui suggèrent qu’ils sont fous, mauvais ou dangereux ».
(Marie Claire)

J’ai fait un peu le tour, et c’est la même étude qui est mentionnée quasi-systématiquement. Ce n’est pas dit explicitement sur leur site qui s’appelle « Human Behavior & Evolution Society », mais je ne suis pas un lapereau de 6 semaines non plus. Je te laisse regarder, parce que si je continue on va avoir encore 3000 mots dans la vue.

Tu peux aller voir côté de ce site pour plus de sources me contredisant sans aucun doute : http://neuromonaco.com/lettres/lettre48.htm

Magie du logo…

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On cherche donc à nous faire croire que « c’est naturel » via un cherry picking de qualitay. C’est les hormones, c’est le câblage, t’as pas le choix, c’est comme ça et donner ce type d’explication permet habilement de légitimer les comportements de connard.

C’est pas eux, c’est NOUS qui les choisissons, eux ne font que s’adapter à la demande. Evidemment 🙄

Donc, ils préviennent.

« Je suis pas un mec bien, tu sais… »
Est-ce une phrase sensée être rassurante ? Oui et non (cf. plus haut) mais c’est un lieu commun, si commun que je serais un mec, je n’utiliserais plus ça car c’est trop éculé.

C’est comme si je disais « Je suis une fille simple, tu sais ». Mensonge !

Si je disais « Oui, j’ai déjà tabassé des mecs dans la rue » (ça ne m’est arrivé que deux fois 🥺) tu ferais quoi ? Tu te dirais wow une meuf qui en a (des gonades), dis donc !
Non. J’ai tenté, les seuls qui ont répondu positivement cherchaient, de leur propre aveu, à me soumettre pour montrer qu’ils sont plus forts que moi. C’était un gros gros enjeu pour mon ex violent physiquement. J’étais pas sage, je disais non, il s’est employé à me réduire au silence. C’est en laissant totalement tomber tout désir vindicatif que je l’ai fait fuir, parce que d’un coup, le fun était parti.

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Après, tu peux être un connard ou une connasse, personnellement, je m’en fous. En revanche, si tu m’endommages ou si tu fais du mal à d’autres et que je le sais, je me casse et viens pas pleurer après. Je mérite le respect, je mérite d’être traitée correctement, je mérite des relations qui vont dans les deux sens, si c’est pour souffrir inutilement, ça va, j’ai déjà donné.

C’est trop facile de dire ça, en fait. Zéro conséquences, t’avais prévenu. Zéro souci des autres, t’avais prévenu. Zéro remise en question, t’avais prévenu.

Et quand tu me casses, je me casse, et tu chiales ta race 🤘