Ceci est un billet à l’arrache, j’essaye d’organiser mes milliards de notes et je suis tombée sur ça.

Récemment, une amie s’est fait opérer. Elle m’explique être restée dans le vide par rapport à tout ce qui entourait l’intervention, un peu expédiée, et beaucoup de dépassement d’honoraires, bien sûr. En résumé : pour tout l’aspect facturation, on a su bien lui expliquer, mais l’intervention était très incertaine. Les termes étaient flous, et, comme très souvent, les chirurgiens te pensent d’une imbécilité aboutie et ne se donnent même pas la peine de décrire un minimum quels gestes invasifs seront pratiqués sur nos personnes.

Alors, oui, le reportage sur la lipectomie abdominale vue sur « Allo Docteur » sur France 5 m’a traumatisée, même en noir et blanc, et j’ai ensuite subi cette opération et je savais très précisément ce qui allait se passer et c’était assez malaisant. Mais c’est quand même sympa de savoir, au moins, où on va ouvrir et combien de temps. Avant de subir ma sleeve, j’ai vu des vidéos de l’intervention (et c’était fascinant). Je suis une flippette des sutures, mais c’était important, un peu.

Je pense que les gens qui pratiquent la chirurgie ont l’habitude de cette boîte noire et donnent juste les infos basiques pour que leurs patient-es ne tournent pas de l’oeil AVANT l’opération.

Si je peux comprendre le move en chirurgie, je le comprends nettement moins sur le reste des disciplines médicales.

C’est sans doute car j’ai eu un rhumatologue assez pervers là-dessus. Pile je perdais, face il gagnait, et ça s’est fini par 2 ans sans traitement car il a gagné.

« Vous avez cherché votre maladie sur Google, hein ? me dit-il en 2019.
– J’ai été diagnostiquée en 2008, évidemment que je me suis renseignée sur la spondylarthrite, les forums de malades m’ont sauvé la vie et m’ont expliqué tout ce qu’on ne m’expliquait p…
– JE VOIS
– …c’est normal, de vouloir comprendre et gérer notre maladie, non ? J’ai mis 11 ans à être diagnostiquée, évidemment que j’ai cherché quand on me disait juste que j’étais trop grosse.
– C’est bien ce que je pensais. »

Plus tard :

« Vous avez la forme enthésique de la maladie.
– Ma rhumatologue m’en avait parlé,  oui, j’ai eu plusieurs atteintes à ce niveau.
– Vous savez ce qu’est une enthèse ?
– Bah oui.
– Pfff »

Donc, là, j’ai compris qu’il fallait faire semblant d’être complètement con. J’ai du mal à faire ça, soit je suis con naturellement, soit je suis dans le sarcasme ostensible. Je n’ai donc plus fait de remarques, jusqu’à ce qu’on me mette sous anti-TNF.

Les anti-TNF c’est une classe de médicaments immuno-régulateurs ou immuno-suppresseurs, les deux termes sont pas SI différents à l’usage, en vrai, tu chopes absolument toutes les saloperies qui passent car on dit à ton système immunitaire qu’il est puni pour avoir tenté de détruire ton propre corps. Mal. Méchant. Pas bien. Va dormir.

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J’ai donc eu ce traitement, à la notice en A3 pliée en mille dans la boîte de 4 stylos à injection. J’ai tendance à ne pas lire les effets secondaires avant. Si ça déconne, je vais voir si ça colle avec un de mes trucs, puis j’avise. Mais je ne lis pas avant, car je sais que ça peut biaiser. C’est mon truc, tu fais comme tu le sens, je sais que mon psychisme est influençable, peut être que tu gères mieux, je te le souhaite (parce que mon psychisme est une espèce de mosaïque de traumas et d’éclairs de lucidité cauchemardesques). Je sais à peu près à quoi m’attendre et à quel moment c’est alarmant, pas plus.

Le truc, c’est qu’on m’a donné ça, on m’a dit « Si vous faites trop de réactions, il faut revenir ».
LES GENS.
Ma VIE est une litanie de réactions. En plus du traitement rhumato, j’ai un traitement psy, et je prenais du Lithium. Comment tu veux que je sache si le fait de m’endormir en 4 secondes est un effet indésirable ? J’ai fini par le comprendre, hein, je suis pas si idiote que ça. Mais, au départ, c’était juste « normal ». J’ai aussi commencé à perdre mes cheveux, mais là aussi, c’était pas la première fois, je fais une cure de vitamines B et c’est marre.

C’est après deux ans que j’ai dit « heu non, ça va pas le faire ». Parce que les injections me faisaient pleurer de douleur, que j’avais des bleus-œuf-de-pigeon sur le point d’injection, que je recommençais à faire des poussées inflammatoires et que les effets secondaires m’ont juste totalement empêchée de bosser durant plusieurs mois.

« Vous auriez pu venir avant »

Va manger du gravier et fais le passer avec du butane, stp.

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C’est donc après toute cette exposition que j’en viens enfin à ce concept : le double effet Google.

Google, c’est à la fois l’ami et l’ennemi des médecien-nes, et à un moment, va falloir vous mettre d’accord, les enfants, parce que votre patientèle en a plein le cul que ça serve de prétexte à tout.

Si tu Googles ta pathologie, on te soupçonne de t’être inventé des symptômes qui collaient à un tableau clinique. On se dit que tu as vu la fiche Doctissimo sur la spondylarthrite, et que tu t’es dit que ça collait pas mal, emballé c’est pesé, autodiagnostic.

Alors, oui, ça arrive. Évidemment. Mais, en général, on cherche des réponses sur Google quand nos médecien-nes ne nous disent rien. 11 ans d’errance, chaton, évidemment que j’ai cherché sur Google. Quand mon test HLAB27 (le gène) est revenu positif, évidemment que j’ai cherché. Le rhumato qui a demandé l’examen l’a lu, m’a regardé, et ne m’a RIEN DIT. C’est mon généraliste qui a posé le diagnostic, car le rhumato me trouvait juste trop grosse malgré les 58 signes sur 40 que j’avais bel et bien une spondy.

ÉVIDEMMENT que j’ai cherché à en savoir plus. Et je me suis rapprochée de groupes de malades, j’ai appris énormément de choses. Pas du savoir dangereux, non. Mais des conseils de base, des recommandations, des astuces de vie pour les pertes de mobilité. J’ai côtoyé des personnes atteintes depuis 30 ans, qui avaient testé tous les anti-TNF possibles, des personnes en fin de vie qui en chiaient des ronds de chapeaux entre cancer et rhumato, des rémissions totales sur plusieurs mois, des endroits où les partenaires de vie pouvaient aussi échanger sur l’aidance…

On appelle ça la pair-aidance. Quand les malades parlent aux malades, partagent leurs vécus et expériences. Tout comme lorsque j’ai rencontré plein de personnes obèses lors du parcours en chirurgie bariatrique et que j’ai pleuré d’émotion de nous voir, toustes, là, réuni-es sans complexe autour d’un but commun. Tout comme échanger avec des personnes neuroA ou en situation de handicaps m’a permis d’affiner ma compréhension de mon mal.

C’est pas « chercher sur Google Doctissimo lol ». Parce que si tu avais vraiment cherché sur Doctissimo, tu serais peut-être tombé-e sur un post de moi à 24 ans racontant les abus subis durant mon enfance sous couvert d’anonymat. Je n’en avais jamais vraiment parlé, jamais vraiment écrit, décrit, toute cette merde-là. Ma parole a été accueillie, ça m’a fait du bien, j’ai repris confiance et décidé de continuer à en parler. C’était réellement la première fois que je posais toute l’histoire par écrit.

Alors « Doctissimo lol » nique-toi, stp. Il y a des forums réellement utiles et des infos réellement utiles.

PARCE QUE LA MÉDECINE NOUS LAISSE DANS LE FLOU.

Au lieu de dire « on sait pas encore », les médecien-nes nous laissent la joie du suspense.

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En fin d’année dernière, j’ai été faire de l’imagerie du pied. Je savais le truc inutile car j’ai un syndrome du canal tarsien et que mes douleurs sont nerveuses, donc une radio, comment dire…

Et mon podologue, tout fier de lui « Oh, vous n’avez rien à l’imagerie, c’est donc bien nerveux ». Autant te dire que ça m’a laissée de marbre. J’ai failli répondre « No shit, Sherlock » mais je l’ai laissé être fier de lui parce que je l’aime bien. Il m’a un peu fait penser à ce chat de maison qui miaule fièrement en chassant sa souris en peluche. Grand Chasseur !

Quand tu as mal, tu cherches. Quand la médecine te laisse dans le vent, tu cherches. C’est un réflexe humain et normal.

Mais ça nous « biaise », car « Doctissimo ». Et là, merde. C’est trop facile, de nous laisser comme ça, sans réponses, tout en nous demandant de ne surtout pas en chercher.

Puis…ok, ça biaise…mais mon test génétique est positif. Je coche les 3/4 des cases du tableau clinique. Mes bilans sanguins montrent un facteur inflammatoire très très très élevé, je suis en anémie inflammatoire (encore un truc que j’ai dû trouver en insistant auprès de mon généraliste) je me doute bien que j’ai un truc. Je sais que « c’est psychosomatique », mais je n’ai pas laissé ce gène s’exprimer spontanément, pas plus que je n’ai fait exprès d’avoir une vitesse de sédimentation hallucinante, et ça ne m’arrange pas particulièrement de faire 6 à 10 poussées par an, non, c’est même un truc plutôt pas cool dont je n’ai pas vraiment envie, parce que ça douille sa race. J’aimerais bien avoir une vie, en fait.

Donc fallait pas chercher.

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Mais fallait chercher quand même.

Par exemple, le Celebrex. C’est un anti-inflammatoire non stéroïdien qui est utilisé pour les pathologies rhumato. Je sais, depuis mes groupes de malades (2009/2010), que personne ne supporte ce truc. Que les effets secondaires sont fréquent, invalidants ou carrément dangereux. J’ai refusé ce médicament lors de ma consultation à l’hôpital. -1000 points pour moi.

Sauf que le Celebrex fait partie, depuis 2023, des médicaments à écarter selon la revue Prescrire, qui sort chaque année une liste de médicaments plus nocifs qu’efficaces.

« Les coxibs : le célécoxib (Celebrex° ou autre), l’étoricoxib (Arcoxia° ou autre) et le parécoxib (Dynastat°) exposent à un surcroît d’accidents cardiovasculaires (dont thromboses et infarctus du myocarde) et d’effets indésirables cutanés par rapport à d’autres AINS aussi efficaces. »

En gros, on sait depuis des siècles que ce truc est dangereux, efficace, parfois, mais surtout un enfer d’effets secondaires. Y’a pas moyen que je prenne ça. Je suis influencée par mes pairs ? Absolument. Mais la revue Prescrire me donne raison, 2 ans après le fronçage de sourcils de mon ex-rhumatologue. Mon AINS actuel est aussi passé sur cette liste, pour des troubles digestifs. Là aussi, je n’ai pas été surprise de le retrouver dans la liste, mais c’est le dernier auquel je n’ai pas échappé, je le garde encore un peu dans ma boîte de secours.

Puis, fallait aussi chercher et trouver que le traitement anti-TNF peut provoquer des caries. Fallait savoir, que les cheveux qui tombent, c’était normal. Fallait savoir que j’allais avoir une seule longue nausée qui durerait 2 ans.

Ici, je pense aussi à une amie (coucou !) à qui on a prescrit un somnifère qui peut provoquer des endormissements spontanés durant la journée. Elle conduit. Heureusement qu’elle a cherché, hein ? Sinon, elle l’aurait pris un mardi soir et se serait ptet platanée le mercredi en allant au taff.

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On est dans cette espèce de danse macabre à chaque instant. D’un côté, si on en sait trop, on provoque la méfiance, car c’est tellement cool de s’inventer une patho invalidante, sans déconner, vous faites comme la justice avec les 2% de « fausses accusations de viol », vous pénalisez tout le monde en faisant le gatekeeping de la Pathologie. De l’autre, il faut qu’on cherche, qu’on se documente, car vous nous filez les infos au compte-goutte !

Et, tout comme avec les « fausses accusations », on perd dans tous les cas. On ne nous croit pas (car, encore une fois, tellement à la mode d’être en situation de handicap, much bénéfices secondaires, changez rien) et on nous accuse de « chercher sur Google » ou d’avoir un « syndrome Doctissimo » (ajoute un peu d’insulte à l’injure, stp, on en avait pas suffisamment). Mais si on ne cherche pas à se rapprocher de nos pairs, on a un VIDE énorme, car on nous laisse là, comme ça, avec nos traitements, on pique ici, et bonne chance !

Alors que certains effets indésirables sont les marqueurs de trucs beaucoup plus graves. Alors que c’est bien de savoir que si on a tel ou tel effet, il faut stopper immédiatement.

Je sais que la Médecine n’aime pas trop perdre sa posture de Sachance Absolue, mais merde. Remettez-vous-en, vos patient-es ne sont pas complètement imbéciles ou incultes. Le fait d’avoir accès à de l’information nous aide plus que cela nous dessert. Pour 1 personne qui simule totalement une pathologie, combien sont impactées et remises en doute systématiquement ? Je sais, que c’est vexant de se faire avoir. On le sait. On (se) paye des soignant-es maltraitant-es depuis des siècles, des personnes sans âme qui vont juste diminuer l’épaisseur de notre chéquier.

Nous aussi, on a nos « 1% », hein ? Pour un soignant maltraitant, on brise des années de confiance. Un soignant maltraitant peut, comme ça a été mon cas, provoquer une telle réaction que plusieurs mois sont nécessaires à la reprise de confiance nécessaire à la reprise du suivi. Une consultation en psychiatrie a failli m’amener aux urgences psy, bon sang. Maîtrisez-vous, un peu, on sait que vous ne nous aimez pas forcément, est-ce la peine de nous traiter en ennemi-es ?

Vos patient-es ont Google.

DEAL WITH IT.